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COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 18 DECEMBRE 2015
N°2015/ 629
Rôle N° 13/22716
[GP] [RY]
Association BALLETS D’EUROPE
C/
M° [JD], Commissaire à l’exécution du plan de l’Association BALLET D’EUROPE
AGS – CGEA DE MARSEILLE – UNEDIC AGS – DELEGATION REGIONALE SUD-EST
Grosse délivrée le :
à :
-Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Justine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Camille GENEVOIS, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me [VR] FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section EN – en date du 17 Octobre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/3494.
APPELANTES ET INTIMEES
Madame [GP] [RY], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE
Association BALLETS D’EUROPE, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Justine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
M° [JD], Commissaire à l’exécution du plan de l’Association BALLET D’EUROPE, demeurant [Adresse 1]
non comparant, ayant constitué Me Camille GENEVOIS, avocat au barreau de MARSEILLE -Absent-
AGS – CGEA DE MARSEILLE – UNEDIC AGS – DELEGATION REGIONALE SUD-EST, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me [VR] FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Hélène FILLIOL, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Madame Virginie PARENT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015
ARRÊT
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015
Signé par Madame Catherine VINDREAU, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [GP] [RY] a été engagée à compter du 1er juillet 2003 par le Ballet des jeunes d’Europe devenu l’association Ballet d’Europe, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 juin 2003, en qualité de répétitrice de ballet rattachée à la direction artistique ‘chargée des répétitions de la compagnie et du planning hebdomadaire d’activité’.
Suivant avenant en date du 1er septembre 2007, elle était promue au fonction d’assistante du directeur, statut cadre, niveau 4.
Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des entreprises artistiques et culturelles.
Madame [GP] [RY] a été absente de l’entreprise pour cause de maladie à compter du 17 octobre 2011.
Par courrier recommandé du 25 octobre 2011, adressé à Madame TASCA, présidente du Ballet d’Europe, Madame [GP] [RY] faisait état de faits de harcèlement de la part de son directeur, Monsieur [ZK] [FG] depuis le mois de septembre 2011 en ces termes exactement reproduits :
‘ Madame,
Comme vous le savez, je suis depuis plusieurs jours maintenant en arrêt de travail et ce courrier est destiné à vous en expliquer les raisons car je ne pourrai en supporter davantage.
Je suis entrée aux Ballets d’Europe en 2003 en qualité de répétitrice aux côtés de [ZK] [FG].
Très vite, mes responsabilités ont dépassé le simple statut d’une répétitrice, ce qui m’a d’ailleurs valu d’être qualifiée, en guise de régularisation, quelques années plus tard, d’assistante du directeur dans un avenant à mon contrat de travail, sans que, pour autant, ma rémunération ne soit revue à la hausse.
Mais tel n’est finalement pas réellement l’objet de mon courrier.
Je me suis dévouée corps et âme pour les ballets ne comptant ni mes heures ni mon investissement, y compris pendant la difficile période d’hospitalisation de ma fille, il y a 3 ans. Tout le monde n’a eu, je le pense, qu’à se louer de ma présence pendant ces 8 années, tout un chacun se demandant d’ailleurs comment j’avais pu résister si longtemps à la personnalité de [ZK] [FG] dont il n’est un secret pour personne
qu’il est particulièrement colérique et difficile.
J’ai ainsi tout supporté, les récriminations injustifiées, les humiliations en public, le rabaissement en public comme en privé, les dénigrements, les appels intempestifs du soir, du week-end, les médisances permanentes sur les uns ou les autres….Je n’ai rien dit, en particulier pour préserver les danseurs et l’ensemble de l’équipe même si cela a été de plus en plus lourd à porter. J’ai cru qu’il était possible d’aimer ce que je faisais au point de passer outre et de mettre en péril ma santé morale.
Mais au cours des derniers mois la situation s’est considérablement dégradée.
Depuis le mois de septembre 2011, progressivement, on m’a écartée du studio dans lequel je suis, jusqu’ici toujours intervenue.
J’ai cru dans un premier temps que cela pourrait peut-être m’éviter les insupportables confrontations avec [ZK] [FG] et serait salutaire pour ma santé physique comme morale mais il n’en n’a rien été…
Les remarques, propos méprisants, attaques d’ordre personnel sur mon apparence, mon caractère, se sont multipliés à l’envi.
J’ai perdu pied au fil des jours même si j’ai tout fait pour ne rien laisser paraître, ni aux danseurs, qui n’ont pourtant sûrement pas été dupes, ni aux tiers ou en public lors des représentations en particulier. Pourtant, chaque fois, venir travailler dans ces conditions me devenait plus pesant.
J’ai tenu bon jusqu’au 14 octobre dernier où un ultime incident m’a empêchée de reprendre mon travail et incitée à suivre les préconisations de mon médecin qui, depuis quelques temps déjà, me conseillait de m’arrêter, ce que je refusais catégoriquement.
Ce jour-là, au théâtre de [Localité 1], [ZK] [FG] était particulièrement énervé et, comme il en a trop souvent pris l’habitude, a fait de moi son souffre-douleur. Alors que j’étais en compagnie des danseurs afin de finaliser les derniers préparatifs du spectacle du soir, je lui ai retransmis, lorsqu’il s’est approché de nous, une question d’une
danseuse. C’est alors que, devant tous, avec un mépris incroyable il m’a répondu : «ta question est complètement idiote ” « Ma pauvre fille ”….J’ai ensuite été convoquée dans sa loge pour recevoir une déferlante de reproches et analyses aussi diverses que variées de ma personnalité et ai été traitée « d’aigrie, égoïste, mettant tout le. monde mal à l’aise, responsable de la destruction de 2 salariés des ballets, jalouse, ne lui faisant pas confiance et préférant les autres à lui, incompétente….. ”. J’ai dû mettre fin à cet entretien car je ne pouvais en entendre plus et ai assuré mon travail comme si de rien n’était malgré ce que cela me coûtait et l’envie qui était la mienne de partir en courant tant j’étais à bout de force et de nerfs.
ll ne m’est plus possible d’accepter de travailler dans le climat délétère que fait régner [ZK] [FG] à raison duquel d’autres ont craqué avant moi. Je ne pourrai plus non plus travailler dans de telles conditions et subir ce harcèlement quotidien.
C’est la raison pour laquelle je me rapproche de vous afin que vous puissiez trouver une solution pour mettre fin à de tels agissements qui sont depuis trop longtemps inacceptables. Je n’aurai ni la force physique ni la force mentale de résister à ces assauts plus longtemps.
Comptant sur votre aide, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes salutations distinguées. ‘
Cette lettre était transmise à Monsieur [FG] par l’employeur.
Monsieur [FG] répondait à Madame [GP] [RY], par courrier manuscrit en date du 8 novembre 2011, en ces termes :
‘ [GP],
Ainsi que tu pouvais le penser, j’ai eu copie de la lettre à Catherine TASCA dont tu n’avais pas pris le soin de m’adresser.
Que nous soyons tous dans nos métiers soumis à des crises d’identification de stress pour les créations, pour les représentations, pour les travaux de la compagnie, c’est certain et tu sais très bien que toi même tu as ces moments de doute, d’autorité et de peur qui nous font marcher.
Tu as suffisamment travaillé avec d’autres chorégraphes pour connaître ces moments dans une vie d’artiste.
Je ne ‘m’attache’ pas aux critiques que tu m’adresses maintenant que je considère comme infondées et dont certaines pourraient te concerner si j’en crois celles et ceux qui participent à notre vie commune.
Mais reconnais que si depuis 2003, tu étais ainsi traitée, il y a longtemps que tu aurais dit adieu.
Je crois que ta carrière au ballet démontre que j’ai toujours joué le jeu dont ta dernière promotion dans le cadre de nos accords avec le SAN.
Beaucoup on senti que tu souhaitais partir depuis quelques temps, c’est ton droit. Mais je pensais que cela pourrait se faire plus normalement..’.
Par courrier recommandé du 18 novembre 2011, adressé à la directrice de l’association, Madame [RY] sollicitait une réponse du Ballet d’Europe à son courrier du 25 octobre 2011.
Par courrier recommandé du 23 novembre 2011, Monsieur [CU] [FK], vice président de l’association, lui proposait une rencontre en ces termes :
‘A la suite de votre premier courrier et en accord avec Mme TASCA, j’ai pris contact avec vous pour justement fixer un rendez vous et discuter de ces problèmes que vous rencontrez au sein du ballet.
Vous m’avez alors répondu que vous n’étiez pas prête à en discuter, et vous m’avez demandé un délai avant de pouvoir en discuter plus sereinement.
Nous sommes donc surpris du contenu de votre lettre du 18 novembre, faisant ressortir le fait qu’à ce jour, votre situation n’a toujours pas été prise en considération.
Je vous renouvelle donc ma proposition de vous rencontrer..’.
Par courrier recommandé du 27 décembre 2011, Madame [GP] [RY] sollicitait à nouveau auprès de son employeur, par l’intermédiaire de son avocat, une réponse à sa correspondance du 25 octobre 2011.
C’est dans ces circonstances, qu’elle saisissait le 24 janvier 2012 le conseil de prud’hommes de Marseille de demandes tendant à voir constater la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et à obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse et les indemnités de rupture.
A l’issue de deux visites de reprise organisées le 2 mars et le 19 mars 2012, elle était déclarée par le médecin du travail ‘ inapte à son poste. Pourrait occuper un poste de travail dans un autre environnement professionnel (contexte organisationnel et relationnel différent)’.
Par lettre recommandée datée du 8 juin 2012, l’association Ballet d’Europe proposait à Madame [GP] [RY] un reclassement au poste de ‘responsable relations publiques et partenariat’, tout en attirant son attention sur le fait que cette fonction exigeait une parfaite connaissance parlée et écrite de la langue anglaise.
Par courrier recommandé du 12 juin 2012, Madame [GP] [RY] refusait cette proposition expliquant qu’à divers titre, il lui était impossible d’y donner suite :
‘ En premier lieu, je m’étonne de cette proposition, alors que deux autres salariées ..occupent déjà actuellement des postes qui couvrent les attributions que vous listez.
En second lieu, vous savez parfaitement que le contexte organisationnel et relationnel n’est en rien modifié dans le cadre de cette proposition d’emploi. Monsieur [ZK] [FG], dont le comportement est à l’origine de mon inaptitude, sera toujours amené à me donner des instructions …
En troisième lieu, vous indiquez qu’une parfaite connaissance de l’anglais est nécessaire pour occuper ce poste, alors que vous savez parfaitement que tel n’est pas mon cas…’.
Elle était convoquée à un entretien préalable fixé au 31 juillet 2012 puis licenciée par lettre recommandée du 3 août 2012 pour inaptitude d’origine non professionnelle ainsi rédigée :
‘Madame,
Suite à la fin de votre arrêt de travail pour cause de maladie, vous avez passé la visite médicale de reprise le 2 mars 20l2.
Le médecin du travail, Docteur [XA], vous a alors déclaré inapte à votre poste de travail.
Cette inaptitude sera confirmée lors de la seconde visite en date du l9 mars 2012.
Le médecin du travail préconisait alors un reclassement dans un autre environnement professionnel à savoir un contexte organisationnel et relationnel différent.
Dans un premier temps, il apparaissait que le poste d’ ‘ administrateur du Ballet ” était disponible, sous réserve de la compatibilité de ce poste avec vos compétences et formations.
Interrogé sur la compatibilité de ce poste avec ses préconisations, le médecin du travail considérait le 9 mai 2012 que ce poste était incompatible avec votre état de santé en ce qu’il ne modifiait pas votre environnement relationnel et organisationnel. Il ajoutait que seul un emploi dans une autre entreprise pourrait convenir.
Or, le Ballet d’Europe est une petite structure qui ne comporte qu`un seul établissement ce qui ne nous permet pas de vous proposer un emploi dans une autre entreprise.
Nous avons recrute un Administrateur du Ballet, Monsieur [LR], afin de répondre à notre besoin organisationnel. Restant attentif aux préconisations du médecin du travail et afin de vous proposer une offre de reclassement sérieuse, en totale adéquation avec ces recommandations. nous vous avons proposé, par courrier du 8 juin 2012, le poste de ‘Responsable Relations publiques et partenariat ”qui venait de se libérer et qui se trouve être sous l’autorité de Mr [LR].
Vous auriez pu travailler ainsi dans un contexte organisationnel et relationnel différent puisque l`Administrateur de Ballet aurait été votre unique référent.
/ous avez refusé ce poste considérant que vous n’aviez pas le niveau d’anglais requis ce qui ne semble pas pour autant une fatalité et ne constitue pas une difficulté insurmontable en soi.
Vous ajoutiez que vous seriez toujours amenée à être en contact avec le Directeur de l’association Ballet d`Europe, ce que vous ne voulez pas exprimant ainsi clairement votre souhait de quitter l`entreprise et de ne pas être reclassée.
Nous vous avions pourtant bien précisé que vous ne seriez que sous les directives de Monsieur [LR] nouvellement recruté, et que le poste que nous vous proposons ne dépendait que de lui.
En effet. les services restants au sein de l`association sont ceux de la Gestion et de la Comptabilité qui ne présentent pas de postes disponibles, et en outre exigent une certaine qualification et des compétences précises qui ne correspondent pas à votre profil.
L’association Ballets d`Europe ne comptant qu`un seul établissement, aucune mutation n`est non plus envisageable.
En l`absence de tout autre poste de reclassement disponible et compatible avec vote état de santé, nous sommes donc contraints d’envisager votre licenciement.
Nous vous avons ainsi convoqué à un entretien préalable afin de recueillir vos observations le 31 juillet 2012, mais cela n`a pas permis de trouver une solution.
Vu l’impossibilité de vous reclasser, nous sommes donc contraints de vous licencier pour inaptitude d’origine non professionnelle…’
L’entreprise occupait à titre habituel plus de 11 salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
l’association Ballet d’Europe faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 14 août 2013.
Par jugement rendu 17 octobre 2013, le conseil de prud’hommes de Marseille a notamment :
– débouté Madame [GP] [RY] de sa demande de résiliation judiciaire,
– dit que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement,
– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– condamné l’association Ballet d’Europe à payer à Madame [GP] [RY] la somme de 20 000€ sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
– ordonné le remboursement aux organismes intéressés qui seront destinataires d’une copie certifiée conforme du jugement, des indemnités chômage versées à l’intéressée dans la limite de 2 mois,
– condamné l’association Ballet d’Europe à payer à Madame [GP] [RY] la somme de 1000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’association Ballet d’Europe aux éventuels dépens.
Madame [GP] [RY] et l’association Ballet d’Europe ont régulièrement relevé appel de cette décision le 19 et le 22 novembre 2013.
Par jugement du 16 décembre 2014, le tribunal de commerce homologuait le plan de redressement de l’association Ballet d’Europe et désignait Maître [JD], commissaire à l’exécution du plan.
A l’audience du 10 novembre 2015, à laquelle l’affaire a été appelée après un renvoi pour mise en état de la procédure, Madame [GP] [RY] demande à la cour :
= A titre principal, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de condamnation à dommages-intérêts pour harcèlement moral et résiliation judiciaire du contrat de travail, et statuant à nouveau
– d’ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul,
– de condamner l’association BALLET D’EUROPE à lui verser les sommes de :
– de débouter le ballet d’Europe de sa demande reconventionnelle.
=A titre subsidiaire, de dire le licenciement nul et de nul effet et entrer en voie de condamnation dans des quantums identiques.
= A titre infiniment subsidiaire, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et entrer en voie de condamnation à hauteur de :
Elle réclame en outre la somme de 2000€ sur le fondement des dispositions de l’artic1e 700 du code de procédure civile et demande à la cour de dire le jugement à intervenir opposable au CGEA et de le condamner à garantir, en tant que de besoin l’ensemble de ces condamnations ;
L’association Ballet d’Europe demande à la cour :
– de dire que les faits de l’espèce ne constituent pas un harcèlement moral,
– de dire que le licenciement pour inaptitude est bien fondé et régulier,
– d’ordonner la suppression des écrits diffamatoires,
– de condamner Madame [GP] [RY] à lui payer la somme symbolique de 1€ à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de résiliation judiciaire et de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– de l’infirmer en ce qu’il a considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement à l’obligation de reclassement,
– de condamner Madame [GP] [RY] à lui payer la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA de Marseille demande à la cour, vu sa mise en cause en application de l’article L.625-1 du code de commerce,
– de dire que sa garantie sera susceptible d’intervenir en fonction des règles édictées par l’article L 3253-8 du travail, et en vertu du principe de subsidiarité,
– sur le fond, de lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte à l’argumentation de l’employeur et débouter Madame [RY] de l’ensemble de ses demandes.
– de dire que les demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile, astreintes et frais de justice lui sont inopposables,
– de dire que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du code de commerce.
– en tout état de fixer en deniers ou quittances les créances de à allouer selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du code du travail.
– de dire qu’il ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du code du travail.
Maître [JD], commissaire à l’exécution du plan, bien que régulièrement convoqué à l’audience du 10 novembre 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 juin 2015, n’a pas comparu, ni ne s’est fait représenté. Le présent arrêt sera réputé contradictoire.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud’hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de résiliation judiciaire
Attendu que c’est à bon droit que Madame [GP] [RY] fait valoir que lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée ; que c’est seulement dans le cas contraire, qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur ;
Attendu en l’espèce que la salariée invoque à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire des faits de harcèlement moral ;
Attendu qu’aux termes de l’article L-1152-1 du code du travail ‘ aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ‘ ;
Que l’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu en l’espèce que Madame [GP] [RY] reproche à son employeur :
– d’avoir subi, comme d’autres salariés de l’association, les ‘scènes’ de Monsieur [FG] de plus en plus fréquentes sur les dernières années de la collaboration, qui se manifestaient par des accès de colère, ou ‘des critiques éminemment personnelles, parfois aussi physiques que psychologiques’, ‘la plupart des temps suivies d’excuses ce qui n’empêchaient pas qu’elles se reproduisent’,
– les altercations verbales avec Monsieur [FG] qui se sont multipliées à partir du moment où elle a exigé de ne plus être dérangée le soir et durant ses repos,
– sa mise au placard à compter du mois de septembre 2011 qui a consisté à la ‘sortir’ des studios de répétitions où elle exerçait toujours les fonctions de répétitrices nonobstant l’évolution de ses attributions et à la cantonner à des fonctions administratives;
– le comportement violent et humiliant de Monsieur [FG] à son égard le 14 octobre 2011 tel que décrit dans sa lettre du 25 octobre 2011 ;
Attendu qu’elle fait également grief à son employeur de n’avoir diligenté aucune enquête, ni pris attache avec la médecine du travail pour évaluer son état de souffrance et d’avoir au contraire pris le parti de Monsieur [FG] en lui transmettant directement son courrier du 25 octobre 2011 et ce faisant en validant la réponse qu’il lui ferait ;
Attendu qu’elle conclut qu’harcelée et sous pression, elle a fait l’objet d’un arrêt de travail pour cause de dépression à compter du 17 octobre 2011 et n’a jamais pu reprendre le travail au sein du Ballet d’Europe ;
Attendu que pour étayer ses allégations, la salariée produit :
– ses lettres du 25 octobre, du18 novembre, et du 27 décembre 2011 dont le contenu est retranscrit dans l’exposé du litige,
– la lettre manuscrite du 8 novembre 2011 de Monsieur [FG] précitée,
– sa lettre non datée adressée à Monsieur [FG], en réponse au courrier du 8 novembre 2011, ainsi rédigée:
‘[ZK],
Je me doutais évidemment que la teneur de mon courrier te serait retransmise mais je n’avais aucune raison de t’en rendre destinataire puisque, je te le rappelle, seul le ballet est mon employeur et seule sa Présidente le dirige effectivement.
Je crois, de toute façon, que tu n’ignorais rien de sa teneur qui ne reflète que la réalité des relations difficiles, le mot est faible, que tu as pu entretenir avec moi.
Notre métier est difficile…comme tous les autres….soumis au stress, aux
doutes…comme tous les autres….à des crises d’identification, pas en ce qui me concerne et mon équilibre sur le plan personnel est absolument complet, heureusement, car je n’ose imaginer à quel stade moral je pourrais sinon en être.
Mais ce que tu me fais endurer depuis trop longtemps déjà va bien au-delà de cela et je ne l’ai jamais connu avec d’autres qu’avec toi, en dépit de la notoriété et du talent sans bornes qui étaient les leurs.
Il n’est pas question de «jouer le jeu d’une carrière» mais d’humiliations, de récriminations, de rabaissements qu’il ne m’est plus possible de supporter pour ma santé physique comme mentale.
Je n’ose même pas croire que tu puisses m’accuser, à mots à peine couverts, d’être l’auteur de tels agissements. Je te rappelle que je ne suis pas [ZK] [FG] et que personne n’aurait jamais accepté de moi ce qui a été accepté de toi !
Je vois que la solution pour toi est simple: je dois partir et « régler la question ” avec [CU] [FK]. Tu prétends que c’est ce que je veux depuis quelques temps…c’est faux…Je serais partie, sinon, comme d’autres avant moi. J’espérais autre chose, une solution qui n’arrive malheureusement pas!
As-tu au moins conscience de la situation dans laquelle tu me mets en demandant mon départ après ce que tu m’as fait endurer ‘ T’es-tu au moins posé la question ‘
Cela n’était pas le sens de mon courrier dans lequel je demandais de l’aide, une solution…
Elle semble être toute trouvée puisque je suppose que tu ne m’écris pas ce courrier sans concertation avec les décisionnaires officiels des ballets.
Tu me permettras cependant de les relancer pour obtenir d’eux une réponse officielle afin de vérifier qu’ils n’entendent donner aucune suite digne et normale à la dénonciation qui est la mienne ..’.
Attendu qu’elle produit également plusieurs attestations et notamment :
– une attestation de Mme [YF] [BK], témoin des faits du 14 octobre 2011 qui fait notamment état d’une ‘..altercation d’une rare violence verbale où des paroles agressives et injustifiées ( malade, hystérique d'[GP] mettait les danseurs mal à l’aise) ‘, des cris de Monsieur [FG] (‘ des danseurs sont venus demander ce qu’il se passait car les cris portaient..(J.C [FG]’) et ajoute avoir retrouvé Madame [GP] [RY] en larmes et tremblante ; que le témoin ajoute : ‘ce n’est pas la première fois que [ZK] [FG] met une pression tant à la fois verbale que par ces actes dans le travail’ ;
– deux attestations de danseurs de l’association, Monsieur [MW] [LN] et Monsieur [PG] [WW], qui indiquent avoir été témoin à’ plusieurs reprises’ et à ‘tellement d’occasions’ du comportement ‘déshonorant’ et ‘irrespectueux’ de Monsieur [FG] à l’égard de Madame [GP] [RY], ; que Monsieur [LN] écrit notamment : ‘ je ne pourrais raconter toutes les occasions où [ZK] [FG] l’a déshonorée devant nous. ..quand on est dans un lieu où ton directeur crie, selon le jour et dit des choses de mauvaises manières, fait pleurer les gens ..Mais après 5 minutes fait semblant que rien ne s’est passé ‘; que Monsieur [WW] témoigne, quant à lui en ces termes : ‘j’ai été témoin du comportement irrespectueux de [ZK] [FG] à tellement d’occasions pas seulement vis à vis d'[GP] mais aussi vis à vis des danseurs, donc je ne ferai qu’un exemple… ;
que ces deux témoins évoquent les faits du 14 octobre 2011 en ces termes : ‘..C’était à [Localité 1] avec [GP] on parlait des saluts de la fin du spectacle. [GP] lui a demandé comment il voulait saluer (avec [IZ] sa partenaire de la soirée ou seul) il lui a répondu d’une mauvaise manière devant nous..en la déshonorant devant nous'( cf : extrait de l’attestation de Monsieur [LN]) ‘…il a simplement commencer à lui parler d’une manière très brutale et sans respect du tout. Et tout cela devant tous les danseurs'( cf : extrait de l’attestation de Monsieur [WW]) ;
– une attestation de Madame [HY], réalisatrice de costume au sein du Ballet d’Europe qui témoigne du comportement de Monsieur [FG] à l’égard des costumières : ‘….il était souvent d’une violence verbale injustifiable, et il essayait de monter les unes contre les autres. Il nous déstabilisait et nous faisait douter de nos compétences’.
Attendu qu’elle produit en outre plusieurs extraits de conversation sur Facebook de Madame [RY] avec d’anciens danseurs sollicités par celle-ci pour témoigner sur son travail et le comportement de Monsieur [FG] et notamment :
– un échange de courrier avec Mme Anne [UM] qui témoigne des difficultés qu’elle a rencontrées avec Monsieur [FG] : ‘ j’étais beaucoup trop sensible pour pouvoir tenir dans une ambiance pareille..maintenant je sais je suis tombée en dépression…[ZK] n’a jamais été horrible avec moi..c’était beaucoup plus subtil la façon comment il m’a utilisée mais tu sais je dois pas le raconter’ ; que Mme [UM] invite Madame [GP] [RY] à contacter d’autres personnes ayant quitté le ballet ‘à cause de [ZK]’ et établit une liste des dites personnes ;
– un échange de courrier avec [QP] [CS] laquelle écrit à Madame [GP] [RY] avoir changé d’avis concernant un éventuel témoignage : ‘..j’en ai parlé à ma famille et bon il me conseille de ne pas m’en mêler…et franchement ça m’embête j’aurai arrêté la danse j’aurai pu t’aider je suis désolée’ et qualifie Monsieur [FG] de ‘ tellement manipulateur que ça fait peur’.
Attendu qu’elle produit un courrier de Mme [YB] [TD], salariée de l’association rédigé sur facebook le 7 novembre 2013 en ces termes :
‘Salut [GP], Je sens le besoin de t’écrire parce que maintenant avec un peu de recul vis-à-vis du ballet je me rends compte que je me suis retrouvée au milieu du conflit entre [ZK] et toi et nous n’avons jamais parlé de ce que cela a signifié pour toi et pour moi. J’imagine que tu es très en colère envers moi et tous ceux qui ont témoigné pour [ZK]. En ce qui me concerne je veux que tu
saches que lorsque mon employer m’a demandé de témoigner pour lui, dans un moment extrêmement fragile pour la compagnie, j’ai senti qu’il était de mon devoir de le faire, pour la compagnie, mais en
aucun cas contre toi. Maintenant en y repensant, je me dis que, peut être, ce n’était pas vraiment le cas.
Dans ma déclaration je ne parle pas de toi mais de mon expérience avec lui, je ne sais pas quel poids ça peut avoir. Mais j’avais besoin de te dire que je suis très mal à l`aise de me retrouver au milieu d’un
conflit entre vous deux. Je n’ai absolument rien contre toi et c’est sincère. J ‘espère qu’un jour tu pourras comprendre, mais moi j’avais besoin de te le dire. Après toutes ces années de travail avec toi je te respecte et j’ai été touchée de te savoir en dépression. Je te souhaite le meilleur dans ta vie privée et professionnelle ‘ ;
Attendu qu’elle communique également une attestation de Mme [ZG] [RU], salariée de la compagnie Grenade Josette Baiz, qui témoigne, qu’en 2008, à l’issue d’une répétition, Monsieur [FG] lui a proposé d’occuper le poste d’assistance chorégraphique en remplacement de Madame [GP] [RY] et lui a indiqué ‘ que dans un futur proche [GP] serait de moins en moins dans les studios et qu’elle se consacrerait de plus en plus à un travail administratif dans les bureaux’ ; que le témoin ajoute notamment ‘ J’ai été très étonnée de cette explication car je connais depuis longtemps [GP] nous échangeons beaucoup, elle ne m’avait jamais parlé de ce projet’ ;
Attendu qu’elle verse aux débats plusieurs témoignages relatifs à ses qualités humaines et professionnelles et son dévouement envers l’association et les danseurs pour lesquels elle ‘ (faisait) souvent le tampon (avec) [ZK] [FG] ..’ (cf : pièces 23/24/27/40) ;
Attendu sur son état de santé qu’elle produit :
– son arrêt de travail initial du 17 octobre 2011 qui mentionne un état dépressif réactionnel et ses arrêts de travail de prolongation qui portent mention d’un état de stress généralisé ‘ à mettre en relation avec des difficultés d’ordre professionnel’,
– une lettre du médecin du travail en date du 24 janvier 2012 aux termes duquel celui-ci écrit à son confrère:
‘ Madame [GP] [RY] est en arrêt maladie depuis le 17 octobre 2011 et rapporte des éléments dépressifs réactionnels à des difficultés dans ses relations professionnelles. Merci de me communiquer des renseignements complémentaires précisant la pathologie présentée ….pensez vous que son état de santé est compatible avec une reprise à son poste de travail ‘ ‘,
– un certificat médical du mois de février 2012 du docteur [VR] [OB], spécialiste des maladies nerveuses, ancien interne des hôpitaux psychiatrique, qui atteste que Madame [GP] [RY] ‘ se fait suivre pour une symptomatologie constituée de manifestations anxieuses généralisées, troubles du sommeil, psychasthénie, qui entre dans le cadre d’un stress post traumatique’ ;
– les deux fiches de visite de reprise de la médecine du travail en date des 2 mars et 19 mars 2012 précitées dont la dernière conclut à l’inaptitude de Madame [GP] [RY] à son poste et porte la mention ‘ pourrait occuper un poste de travail dans un autre environnement professionnel (contexte organisationnel et relationnel différent)’;
Attendu que Madame [GP] [RY] établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre;
Attendu que l’association Ballet d’Europe, qui sollicite la confirmation du jugement de ce chef, réfute les allégations de la salariée et soutient que la preuve du moindre agissement qui caractériserait un harcèlement moral n’est pas rapportée ;
Attendu sur le premier grief tiré de faits répétés de harcèlement moral que l’association Ballet d’Europe produit une attestation de Mme [PK] [KI], avocate bénévole de l’association, dont la valeur probante ne peut être sérieusement contestée par Madame [GP] [RY], qui fait état de l’attention portée par Monsieur [FG] à Mme [RY] qu’il présentait comme sa plus proche collaboratrice et qu’il a aidée à progresser dans sa carrière ; que le témoin indique en outre que Madame [GP] [RY] ne lui a jamais fait part de faits de harcèlement moral, ni n’est apparue en situation de dépendance vis à vis de son directeur et ‘être persuadée de l’absence totale de harcèlement’ de la part de celui-ci à l’égard de son assistante ;
Attendu qu’elle produit en outre plusieurs attestations relatives à la personnalité de Monsieur [FG], décrit par les témoins, comme un homme passionné et impliqué dans son travail, très exigent et autoritaire, soucieux du bon fonctionnement de l’association (cf : pièces n° 15, 16, 17) ; que ces attestations, contrairement à ce que soutient la salariée, présentent des garanties suffisantes pour être retenues comme élément de preuve ;
Attendu notamment que Mme [HU] [OF], salariée de l’association, témoigne en ces termes: ‘ …Les rares fois où j’ai pu assister à des différends entre le directeur et ses assistantes ou les différends que j’ai pu avoir avec lui se produisaient toujours quand il s’apercevait que son travail était en danger. Les propos qu’il a pu tenir ont toujours été sous tendus par une recherche perpétuelle de l’excellence dans tous les domaines..’ ;
Attendu que Mme [TD], ancienne salariée de l’association, déclare notamment au sujet de Monsieur [FG] : ‘ …la conviction qu’il a dans son art et la passion qui l’anime lui fait parfois lever le ton ce que est très fréquent dans les activités artistiques et sportives . En tout qu’à cette levée de ton n’a jamais mis un salarié dans une situation invivable…’ ;
Attendu que Monsieur [UI], artiste chorégraphe de l’association, atteste du caractère exigent et autoritaire de Monsieur [FG] ce qui est selon le témoin’essentiel pour une compagnie de danse’ ;
Attendu que c’est à bon droit que la salariée fait valoir qu’aucune de ces attestations n’excluent des faits répétés de harcèlement moral de Monsieur [FG] à son encontre mais viennent au contraire conforter ses allégations selon lesquelles Monsieur [FG] se comportaient de la même manière avec tous les salariés de l’association sans que personne ne s’offusque du fait qu’un supérieur hiérarchique puisse ‘lever le ton’ ou provoquer des ‘différends’ avec les personnes placées sous son autorité ‘quand il s’apercevait que son travail était en danger’ ;
Attendu que c’est vainement que l’employeur conteste la valeur probante des attestations produites aux débats par la salariée au motif qu’elles ne font état d’aucun fait précis et qu’elles ne ‘font qu’exprimer un jugement de valeur’ alors que les témoins évoquent en des termes concordants, ci-dessus rappelés, avoir constater à plusieurs reprises avant les faits du 14 octobre 2011 des ‘pressions verbales’ et à un comportement ‘irrespectueux’ et ‘déshonorant’ de Monsieur [FG] à l’égard de Madame [GP] [RY] ;
Attendu que c’est encore vainement que l’association Ballet d’Europe demande à la cour de ne pas tenir compte des extraits de conversations sur Face Book entre Madame [GP] [RY] et d’anciens danseurs de l’association alors qu’aucun élément de la cause ne permet de douter de leur authenticité ;
Attendu s’agissant du grief tiré de l’incident au Théâtre de [Localité 1] le 14 octobre 2011, que l’employeur ne conteste pas sérieusement les faits mais fait valoir qu’il s’agissait ‘d’un simple agacement dû à la pression qui pesait sur Monsieur [FG] en sa qualité de Directeur, chorégraphe et au surplus interprète ce soir là’ et que Madame [GP] [RY] par la question inopportune qu’elle lui a posée, est à l’origine de l’incident;
Attendu toutefois que c’est à bon droit que la salariée fait valoir que les exigences de Monsieur [FG] à l’égard de lui même et de son équipe et la pression qu’il subissait ce soir là, ne justifiaient pas qu’il ait pu ‘crier’ sur elle et l’agresser verbalement en présence des danseurs en des termes humiliants et vexatoires ;
Attendu en outre que la question posée par Madame [GP] [RY], relative à la façon dont les danseurs allaient effectuer le salut final, ne pouvait justifier de tels excès de comportement de la part d’un supérieur hiérarchique vis à vis d’une personne placée sous son autorité ;
Attendu sur le grief tiré du cantonnement de Madame [GP] [RY] à des fonctions administratives à compter du mois de septembre 2011, que l’employeur sans contester la réalité de ce grief fait valoir que Madame [GP] [RY] avait souhaité cette évolution de fonctions ;
Attendu toutefois que le contenu des attestations qu’il verse aux débats sur ce point notamment l’attestation de Mme [DX], chargée des relations publiques de l’association, est contredit par les attestations produites par la salariée en particulier celle de Mme [RU] précitée ;
Attendu que c’est vainement que l’employeur soutient , sans produire aucun élément probant, reprenant les termes de Monsieur [FG] dans sa lettre manuscrite du 8 novembre 2011 précitée, qu’en réalité Madame [GP] [RY] voulait quitter l’association et ‘voler de ses propres ailes’ ;
Attendu que c’est encore vainement qu’il fait état de l’attitude désobligeante et agressive de Mme [RY] vis à vis d’autres salariés alors que les attestations susvisées produites par la salariée démontrent le contraire et que l’attestation de Mme [KI] précitée, dont il se prévaut, n’a aucune valeur probante sur ce point, le témoin rapportant les propos de danseurs sur Madame [GP] [RY] sans avoir été personnellement témoin des faits ;
Attendu sur l’obligation de sécurité résultat de l’employeur que c’est à juste titre que la salariée fait valoir que l’association Ballet d’Europe n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa santé physique et mentale suite à la réception de son courrier du 25 octobre 2011 précité dénonçant des faits de harcèlement moral :
Attendu en effet, que le Ballet d’Europe ne justifie pas avoir répondu à ladite lettre, ni avoir tenter de trouver une solution aux difficultés que la salariée rencontrait en organisant des auditions ou une confrontation entre Monsieur [FG] et Madame [GP] [RY] ; qu’elle ne justifie pas plus avoir saisi la médecine du travail ou l’inspection du travail;
Attendu que le simple courrier du vice président de l’association, Monsieur [FK] du 23 novembre 2011 précité et l’entretien téléphonique de celui-ci avec Madame [GP] [RY] qui s’en est suivi, ne constitue pas une mesure suffisante de l’employeur au regard de son obligation de sécurité résultat en matière de harcèlement moral résultant de l’article 1152-4 du code du travail ;
Attendu comme le relève justement la salariée, qu’ en transmettant son courrier du 25 octobre 2011 à Monsieur [FG], sans au préalable prendre les mesures qui s’imposaient, l’employeur a, ce faisant, validé implicitement la réponse que Monsieur [FG] apporterait à Madame [GP] [RY] et pris parti par son directeur ;
Attendu enfin, s’agissant de l’état de santé de Madame [GP] [RY], que l’employeur ne peut sérieusement soutenir que la salariée ne produit aucun élément corroborant ses dires alors qu’elle verse aux débats, comme il l’a été ci-dessus rappelé, son arrêt de travail initial et ses arrêts de prolongation qui fournissent des éléments sur sa maladie ainsi que la lettre du médecin du travail en date du 24 janvier 2012, le certificat médical du mois de février 2012 du docteur [VR] [OB] et les fiches de reprise du médecin du travail qui établissent un lien entre son état dépressif et son environnement professionnel ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Madame [GP] [RY] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement de sorte que le harcèlement moral est établi ;
Attendu que l’association Ballet d’Europe a en outre méconnu l’obligation de sécurité de résultat qui s’imposait à elle en matière de prévention du harcèlement moral ;
Attendu que ces faits constituent des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations contractuelles pour justifier la résiliation du contrat aux torts de celui-ci qui produira ses effets au jour de la rupture intervenue le 3 août 2012 ;
Attendu que la rupture des relations contractuelles résultant de la résiliation judiciaire du contrat, doit s’analyser non seulement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais en application de l’article L.1152-3 du code du travail en un licenciement nul ;
Sur les conséquences indemnitaires
Attendu que la salariée, victime d’un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit quelque soit son ancienneté ou la taille de l’entreprise d’une part aux indemnité de rupture et d’autre part à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite de la rupture aux moins égale à celle prévue à l’article L 1235-3 du code du travail équivalent à 6 mois de salaire.
Attendu qu’il n’est pas contesté que la salariée n’a pas retrouvé un emploi;
Attendu au regard de son ancienneté (8ans) de son âge (elle est née en [Date naissance 1]) de sa rémunération (2575.87€ brut), des circonstances de la rupture et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, notamment en terme de chômage et d’emploi, qu’il lui sera alloué la somme de 20 000€.
Attendu qu’il sera fait droit à la demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents dont le quantum n’est pas discuté en son calcul par l’employeur ;
Attendu en outre que l’association Ballet d’Europe sera condamnée à payer à Madame [GP] [RY] la somme de 10000€ au titre du préjudice distinct résultant des faits de harcèlement moral ;
Sur la demande reconventionnelle
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les demandes de l’employeur formées en cause d’appel, tendant à obtenir la suppression des passages portant atteinte à l’honneur de Monsieur [FG] et du ballet d’Europe et des dommages et intérêts, non fondées, doivent être rejetées ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu que le jugement doit être infirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Attendu que l’association Ballet d’Europe qui succombe, sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et devra en application de ce texte payer à Madame [GP] [RY] la somme de 2000€ pour l’ensemble de la procédure.
Attendu qu’elle supportera en outre les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré et en matière prud’homale,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau :
Constate la résiliation judiciaire du contrat liant l’association Ballet d’Europe à Madame [GP] [RY] aux torts de l’employeur avec effet au 3 août 2012.
Condamne l’association Ballet d’Europe à payer à Madame [GP] [RY] les sommes suivantes :
– 20 000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 10 303,48€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 030,34€ au titre des congés payés afférents,
– 10 000€ à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Déboute l’association Ballet d’Europe de sa demande reconventionnelle.
Déclare l’arrêt opposable au CGEA de Marseille.
Condamne l’association Ballet d’Europe à payer à Madame [GP] [RY] la somme de 2000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure et aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Mme VINDREAU faisant fonction