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CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10646 F
Pourvoi n° K 19-18.209
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
1°/ M. A… K…, domicilié […] ,
2°/ M. U… I…, domicilié […] ,
3°/ Mme W… M…, domiciliée […] ,
4°/ Mme N… D…, domiciliée […] ,
5°/ la société Bendo Music, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
ont formé le pourvoi n° K 19-18.209 contre l’arrêt rendu le 14 juin 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 8), dans le litige les opposant à la société Believe, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , venant aux droits de la société JDM, défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations écrites de Me Laurent Goldman, avocat de MM. K… et I…, Mmes M… et D… et de la société Bendo Music, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Believe, et l’avis de M. Girard, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 juin 2020 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Kermina, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. K… et I…, Mmes M… et D… et la société Bendo Music aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. K… et I…, Mmes M… et D… et la société Bendo Music et les condamne in solidum à payer à la société Believe la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.
Le conseiller rapporteur le président
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour MM. K… et I…, Mmes M… et D… et la société Bendo Music
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les exposants font grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance du 5 décembre 2018 rendue par le juge de la rétractation du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence ;
AUX MOTIFS QUE :
L’action en concurrence déloyale obéit aux règles de droit commun et relève donc en application de l’article L.721-3 du code de commerce du tribunal de commerce sus-visé lorsque le défendeur est un commerçant et du tribunal de grande instance si le défendeur n’est pas un commerçant.
(
)
Quand les actes déloyaux constituent la violation d’une clause de non-concurrence ou de l’obligation de fidélité imposée au salarié, l’action relève de la compétence du conseil des prud’hommes.
(
)
Ces principes généraux de compétence s’appliquent également à la compétence tant matérielle que territoriale du juge saisi d’une requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation en apportant un assouplissement en considérant que le juge des requêtes peut ordonner une mesure d’instruction avant tout procès, dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu’en partie, de la compétence de la juridiction à laquelle il appartient (Civ.2ème 7 juin 2012 pourvoi n°11-15.490 Bull Civ II n°101).
En l’espèce, la société BELIEVE est susceptible de disposer d’une éventuelle action au fond en concurrence déloyale contre la société BENDO devant le tribunal de commerce, action sur laquelle elle fonde sa requête du 7 mars 2018 en indiquant dans son dispositif que les mesures d’instruction sont sollicitées “en vue d’un futur procès à raison du démarchage fautif d’artistes sous contrat en négociations avec Believe/Musicast, pour le compte de BENDO MUSIC, ainsi que du débauchage systématique par BENDO MUSIC de salariés de BELIEVE/MUSICAST et de l’implication fautive de M. P… F…”.
L’action en concurrence déloyale dénoncée par la société BELIEVE vise donc la société BENDO à qui il est reproché du démarchage fautif d’artistes de BELIEVE/MUSICAST et du débauchage de salariés de BELIEVE/MUSICAST. En tant que telle cette action qui vise les agissements fautifs d’une société commerciale relève indiscutablement de la compétence du tribunal de commerce.
Si la requête contient la mise en cause des agissements des anciens salariés de BELIEVE/MUSICAST, force est de constater que ce n’est qu’en tant qu’ils ont participé “pour le compte de BENDO” au démarchage systématique des artistes déjà sous contrat ou en cours de négociation pour en conclure (points suivants de la requête : n° 37, 40, 42, 45, 46, 56, 57, 58).
Leur mise en cause « pour le compte de BENDO » repose, selon le schéma décrit par le demandeur et sans préjuger de sa réalité, sur le fait que la société BENDO a opéré le détournement d’artistes en s’appuyant sur les anciens salariés de MUSICAST qui ont, au demeurant également été selon elle débauchés par son nouveau concurrent. Ce point est encore confirmé par le fait que les salariés ne sont pas visés explicitement comme défendeurs à la requête et que l’action en rétractation a été mise en oeuvre initialement par la seule société BENDO agissant à titre reconventionnel dans le cadre de la procédure introduite par ses adversaires en levée de séquestre avant que les salariés interviennent volontairement à l’instance puis engagent une instance autonome en rétraction aux côtés de BENDO.
Le fait qu’une action ait été engagée devant le tribunal de grande instance de Bobigny à l’encontre de l’ancien gérant M. F… accusé d’être impliqué à titre principal dans ces démarchages et débauchages n’est pas de nature à établir d’une quelconque façon que l’action en concurrence déloyale envisagée vise les anciens salariés à titre personnel alors qu’il est au contraire dit à plusieurs reprises que leurs agissements fautifs sont critiqués en tant qu’intervenus pour le compte de la société BENDO.
Le fait que partie de la période visée pour l’appréhension des documents sollicités concerne une époque où la société BENDO n’était pas encore créée est de la même façon inopérante puisque la demande vise à démontrer que les agissements commis par les salariés visés pour le compte de la société BENDO avant même la création de celleci, ont abouti au détournement d’artistes au détriment de la société BELIEVE/MUSICAST.
En outre, les investigations demandées sont à réaliser au seul siège social de BENDO MUSIC et nécessairement sur des supports utilisés par les salariés compte tenu de l’ampleur alléguée de leur intervention dans le “schéma” mis en place pour détourner les artistes de la société BELIEVE/MUSICAST.
La possible mise en cause des salariés à titre personnel n’est pas exclusive de la compétence du tribunal de commerce dès lors que ce dernier est compétent matériellement pour statuer sur partie du litige.
Ainsi, le fait que partie des investigations demandées concerne des supports personnels des salariés, ce qui est au demeurant contesté au titre des mesures disproportionnées par les appelants, ou que la société BELIEVE a adressé aux salariés visés le 15 mars 2018 soit le jour de l’exécution des mesures, un courrier au terme duquel elle se réserve le droit de solliciter à leur égard la réparation du préjudice subi en raison de “leur implication personnelle dans la préparation, la commission et la poursuite des agissements déloyaux à son encontre” sont inopérants au regard de la compétence du tribunal de commerce établie.
La décision du juge de la rétractation qui a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mmes M…, D…, Mrs K… et I… sera confirmée.
1°) ALORS QUE le président du tribunal de grande instance est seul compétent pour ordonner, sur le fondement de l’article ,145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction qui vise concomitamment des commerçants ou sociétés commerciales et des non-commerçants ; qu’en retenant toutefois, pour dire le président du tribunal de commerce compétent pour connaître des mesures d’instruction concernant tant la société Bendo que MM. K… et I… et Mmes M… et D…, tous les quatre non-commerçants, que la possible mise en cause à titre personnel de ces anciens salariés de la société Believe n’était pas exclusive de la compétence du président du tribunal de commerce, ce tribunal étant compétent matériellement pour statuer sur partie du litige qui concerne également une société commerciale, la cour d’appel a violé les articles 145, 812 et 875 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le président du tribunal de commerce est incompétent pour ordonner, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction qui vise des non-commerçants ; qu’en retenant toutefois, pour dire le président du tribunal de commerce compétent pour connaître des mesures d’instruction concernant MM. K… et I… et Mmes M… et D…, tous les quatre non-commerçants, que la possible mise en cause à titre personnel de ces anciens salariés de la société Believe n’était pas exclusive de la compétence du président du tribunal de commerce, ce tribunal étant compétent matériellement pour statuer sur partie du litige qui concerne également la société Bendo, la cour d’appel a violé les articles 145, 812 et 875 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en se fondant, pour écarter la compétence du président du tribunal de grande instance et retenir celle du président du tribunal de commerce, sur les circonstances que la requête ne visait les anciens salariés de la société Believe qu’en tant qu’ils auraient agi « pour le compte de Bendo » et que les investigations étaient à réaliser au seul siège social de cette société, ce qui n’était pas de nature à exclure leur possible mise en cause personnelle devant le conseil de prud’hommes ou le tribunal de grande instance, la cour d’appel a violé les articles 145, 812 et 875 du code de procédure civile.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Les exposants font grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance du 5 décembre 2018 rendue par le juge de la rétractation du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation ;
AUX MOTIFS QUE :
Au terme de sa requête déposée le 7 mars 2018 et de 45 pièces l’accompagnant, la société BELIEVE demandeur à la mesure d’instruction a soutenu explicitement être victime pour le compte de BENDO d’un débauchage de salariés et du démarchage fautif d’artistes précédemment sous contrat ou en négociations avec BELIEVE MUSICAST.
Il a été établi par la production des lettres de démission lors du dépôt de la requête que dans un laps de temps voisin de la création de la société BENDO, quatre salariés de la société BELIEVE MUSICAST ont démissionné sur une très courte période comprise entre le 4 septembre 2017 et 24 octobre 2017 avec effet compris entre le 3 octobre 2017 et le 27 décembre 2017. Les lettres de démission comportaient libération de la clause de non-concurrence mais maintien d’une obligation de secret professionnel et d’une clause de non-sollicitation.
Il a encore été démontré que ces salariés avaient tous comme points communs d’abord d’avoir fait antérieurement partie des employés de la société MUSICAST dirigée par M. F…, rachetée par BELIEVE en décembre 2015 et d’avoir postérieurement à leur démission de celle-ci été recrutés par la société BENDO.
Il ressort encore de la requête que, compte tenu de leur expérience au sein de Musicast, spécialisée dans le secteur de la musique urbaine et rachetée du fait de cette spécificité par BENDO, ces quatre salariés présentaient en outre comme point commun de connaître ce secteur, à savoir, M. K… au service “promo” et attaché de presse pour le projet du groupe DJADJA&DINAZ, Mme W… M… et M. U… I… du service label manager distribution et Mme D…, en qualité de chef de projet.
De même, il a été démontré que des artistes ou producteurs, en négociation avec la société BELIEVE, ont, encore dans la même période de temps, contracté avec la société BENDO, par exemple les artistes et groupes nommés ALKPOTE, PINS&DIMEH ou KAMIKAZ (points 31 à 34 de la requête).
En outre, des attestations ont été versées à l’appui de la requête, qui émanent certes de responsables ou salariés de la société BELIEVE, mais qui engagent leurs auteurs, qui confirmaient ces événements et mettaient en lumière le rôle prépondérant de M. F… présenté comme le créateur du nouveau label BENDO pour UNIVERSAL (points 37 de la requête et pièce n°37 des appelants).
Le départ de certains artistes de la société BELIEVE vers la société BENDO et explicité dans la requête est avérée pour ce qui concerne le groupe Djadja&Dinaz (point 30 de la requête) qui a annoncé en janvier 2018 qu’il mettait un terme au contrat le liant à la société BELIEVE avec effet en mai 2018 pour rejoindre en définitive la société BENDO.
La succession dans un temps très court du départ de salariés de la société BELIEVE et leur recrutement par la société BENDO positionnée sur le même secteur de la musique urbaine et, dans le même laps de temps, la conclusion par BENDO de plusieurs contrats avec des artistes ou producteurs sous contrat ou en négociation avec BELIEVE, sont des éléments suffisants pour considérer que le procès en concurrence déloyale, envisagé à l’encontre de la société BELIEVE [en réalité, Bendo] par la société BENDO [en réalité, Believe] puisse être en germe au sens de l’article 145 du code de procédure civile.
Dès lors, la décision attaquée qui a refusé de rétracter l’ordonnance sur requête du 9 mars 2018 de ce chef sera confirmée.
1°) ALORS QUE le démarchage de simples prospects, fût-ce par un ancien salarié, est licite, de sorte que le juge qui ordonne une mesure d’instruction in futurum à raison de la dénonciation d’un démarchage prétendument fautif doit relever des indices de nature à rendre vraisemblable l’existence d’un procédé déloyal ; qu’en se bornant à retenir, pour juger crédible la concurrence déloyale dénoncée par la requête de la société Believe et ainsi admettre la légitimité du motif de sa requête, que des artistes en négociation avec cette dernière auraient finalement contracté avec la société Bendo, sans relever aucune circonstance de nature à laisser entrevoir que c’était de manière déloyale que cette dernière, qui pouvait librement concurrencer Believe, était devenue le distributeur de ces artistes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 du code de procédure civile et 1240 du code civil ;
2°) ALORS QUE la société Bendo faisait valoir qu’un seul artiste, le groupe Djadja & Dinaz, dont la société Believe avait distribué le précédent album, avait confié la distribution de sa musique à la société Bendo et avait ensuite, dès l’année suivante, de nouveau eu recours aux services de la société Believe pour son album suivant ; qu’en s’abstenant, pour retenir la légitimité du motif de la mesure sollicitée, de répondre à ces conclusions de nature à établir la volatilité inhérente du marché de la distribution de musique urbaine, exclusive de tout acte déloyal, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la société Bendo faisait également valoir que, contrairement aux allégations de la société Believe, la plupart des artistes sous contrat avec elle ne l’avait jamais été avec la société Believe ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions de nature à établir qu’aucun comportement déloyal ne pouvait être décelé chez la société Bendo, de sorte que la mesure sollicitée ne s’appuyait sur aucun motif légitime, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la société Bendo se prévalait de ce que la légitimité du motif de la mesure sollicitée ne pouvait découler de la signature avec elle de seulement quelques artistes sous contrat ou en négociation avec la société Believe dès lors que celle-ci revendiquait un catalogue de 150.000 artistes ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions à même de faire admettre le caractère marginal des faits dénoncés par la requête et ainsi l’absence de légitimité de la mesure sollicitée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE la société Bendo faisait encore valoir que la société Believe connaissait un turn-over très important de son personnel puisque sur les 200 salariés de son siège français, 50 l’avaient quittée de décembre 2016 à mars 2018, c’est-à-dire dans la période pendant laquelle les 4 salariés exposants l’ont également quittée ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions qui étaient également de nature à démontrer le caractère marginal des faits dénoncés par la société Believe, insusceptible de s’apparenter à une concurrence déloyale, et ainsi l’absence de légitimité du motif de la mesure sollicitée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE la société Bendo soulignait enfin que les témoignages mettant en cause les prétendus agissements de M. F…, qui émanaient des propres préposés de la société Believe, ne faisaient état que de propos rapportés ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions, de nature à établir qu’aucune portée ne pouvait être accordée à ces propos de personnes n’ayant rien constaté par elles-mêmes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Les exposants font grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté leur demande de rétractation et d’avoir limité la modification de la mission de l’huissier de justice à la suppression du mot « Bendo » des mots clés figurant en page de de l’ordonnance du mars 2018, à la suppression de quelconques investigations sur les téléphones, tablettes et ordinateurs personnels et de messageries personnelles de Mme D…, M. K… et M. I… et à la suppression dans les documents appréhendés, de l’ensemble des mentions économiques ou stratégiques et notamment les mentions relatives aux sommes d’argent, taux de référence, stipulations de tous contrats ou projets de contrats avec des artistes ou producteurs, tracklistings et featurings, date de sortie prévisionnelle des albums et singles, EP, Mixtape, fichiers sous audio et masters, visuels artwork, prestataires ;
AUX MOTIFS QUE :
La période des investigations à mener est limitée à celle comprise entre le 1er juin 2017 et le 9 mars 2019 mais la rédaction de l’ordonnance se heurte à plusieurs critiques.
La mission confiée à la SELARL […] , prise en la personne de Me G… H…, huissier de justice consistait à se faire assister de tout expert en informatique de son choix et à se rendre dans les locaux de la société BENDO Music sis […] afin notamment de : (
).
Ainsi, la mission générale donnée à l’huissier de rechercher les documents établissant «
le débauchage des salariés cités » ou le « démarchage » des artistes cités ne signifie nullement qu’il lui soit demandé de procéder à une analyse juridique des faits de concurrence déloyale mais de mettre des mots sur l’objectif poursuivi dont il ne peut être contesté par aucune des parties qu’il s’agit bien d’obtenir des élément de nature, le cas échéant, à étayer un procès en concurrence déloyale.
En ce sens, doit-il être relevé que le juge de la requête a ordonné le séquestre des pièces appréhendées de sorte qu’il n’a nullement délégué le pouvoir juridictionnel à l’huissier instrumentaire, étant encore ajouté que seul le juge du fond éventuellement saisi portera une appréciation juridique sur les faits et pièces qui lui seront soumis.
Il suit que ce moyen quant à l’exécution de sa mission par l’huissier n’est pas de nature à conduire à la rétractation de l’ordonnance sur requête.
L’article 497 du code de procédure civile dispose que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance.
La cour relève qu’il résulte de la mission rappelée que pouvoir est donné à l’huissier de justice désigné d’investiguer sur tous les supports informatiques, téléphones, tablettes, ordinateurs professionnels mais également personnels des salariés concernés et d’obtenir dans le même sens toutes les adresses personnelles de ces salariés. Le fait qu’il soit précisé que seront écartés les documents ayant traits strictement à la vie privée ou à la correspondance avocat-client ne suffit pas à prémunir les personnes visées d’une atteinte à leur vie privée, d’abord en ce que la mission en fixe une conception restrictive en écartant uniquement les documents ou mails liés strictement à la vie privée, ensuite en ce qu’elle laisse le soin à l’huissier de déterminer ce qui, sur les adresses mails personnelles et supports personnels des salariés, pourrait relever de la stricte vie privée, lui permettant ainsi d’en appréhender tout le contenu avant de faire son choix.
En outre, la cour relève que les investigations ordonnées concernent également « toutes personnes directement concernées par le litige » de sorte que la mesure sollicitée, trop large et imprécise, n’est nullement limitée, ni encadrée et constitue une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et de la correspondance au regard de l’objectif poursuivi de permettre d’établir le débauchage des 4 salariés visés et du démarchage fautif auprès d’artistes.
Par ailleurs, il doit être souligné que les mots clés retenus aux termes de l’ordonnance d’abord par le recours au mot-clé « Bendo » autorisent l’huissier instrumentaire à intervenir sur l’ensemble des documents produits par la société BENDO ayant été précisé par le juge de la requête que les mots clés peuvent être utilisés séparément ou de façon combinée. S’agissant de mesures menées au sein de la société BENDO, il est évident que ce mot ne peut constituer un mot-clé pertinent, les investigations ayant été réduites aux supports et adresses professionnels des salariés.
Le fait indiqué par la société BELIEVE que l’huissier instrumentaire aurait de lui même abandonné le recours à ce mot clé après avoir constaté qu’il n’était pas « efficient » (cf ses conclusions point 214) ou que le tri des documents pourra être effectué lors de l’examen des pièces séquestrées (point 209) suffit à conforter l’idée que ce choix n’était pas pertinent. L’abstention réalisée est toutefois inopérante sur l’analyse que doit opérer le juge de la rétractation de la conformité de l’ordonnance sur requête aux dispositions sus-visées.
A titre subsidiaire, la société BELIEVE ne s’est pas opposée à cette modification de l’ordonnance sur requête.
Infirmant l’ordonnance déférée de la demande de rétractation, l’ordonnance sur requête sera modifiée en ce sens et il sera dit que ne seront pas autorisées les investigations sur les téléphones, tablettes et ordinateurs personnels des 4 salariés visés ni sur leurs adresses mails personnelles.
Infirmant l’ordonnance de rejet de la demande de rétractation, l’ordonnance sur requête sera également modifiée en ce que le mot clé « BENDO » sera supprimé.
1°) ALORS QU’il appartient au juge qui statue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile de s’assurer que la mesure sollicitée est strictement encadrée au regard du motif qui la sous-tend et qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée ; que la cour d’appel qui, bien qu’elle ait jugé que la mesure sollicitée, trop large et imprécise comme visant « toutes personnes directement concernées par le litige », n’était nullement limitée ni encadrée et constituait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et de la correspondance au regard de l’objectif poursuivi, ce qui impliquait qu’elle devait rétracter, ou à tout le moins modifier, l’ordonnance sur requête, s’est néanmoins abstenue de le faire, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l’article 145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la mesure de recherche et appréhension confiée à un huissier de justice doit être définie de telle façon que ce dernier n’ait pas à procéder à l’analyse préalable des documents à appréhender ; qu’après avoir constaté que la mission de l’huissier de justice consistait notamment à rechercher et appréhender « tout document sous tout format ainsi que les pièces jointes relatif soit au démarchage de la société requise, d’artistes sous contrat ou en négociation avec les requérants (
) soit de débauchage de salariés des sociétés requérantes », ce dont il résultait qu’une analyse des documents était nécessaire, la cour d’appel qui, pour écarter la rétractation, a jugé le contraire, a violé l’article 145 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre