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CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mars 2016
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 264 FS-P+B+I
Pourvoi n° V 14-27.168
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. [T] [K], domicilié [Adresse 4],
contre l’arrêt rendu le 15 octobre 2014 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société [H] and Company Incorpored, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis),
2°/ à l’association [H] Institute, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ à Mme [L] [H], domiciliée [Adresse 1],
4°/ à M. [W] [H], domicilié [Adresse 1],
tous deux pris en qualité d’héritiers d’ [W] [G] [B] [H],
5°/ à M. [E] [H], domicilié [Adresse 1] (États-Unis),
6°/ à l’Académie des beaux-arts, dont le siège est [Adresse 3],
7°/ à Mme [A] [Y], domiciliée [Adresse 7], prise en qualité d’héritière d'[W] [G] [B] [H],
8°/ à Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 5], administrateur judiciaire, prise en qualité de mandataire successoral de [U] [M] veuve [H],
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 16 février 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Delmas-Goyon, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Drouet, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Delmas-Goyon, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [K], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [H] and Company Incorpored, de l’association [H] Institute de Mme [L] et MM. [W] et [E] [H], de la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat de l’Académie des beaux-arts, l’avis de M. Drouet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-10.715, Bull. n° 95) que [Z] [C], fille de [J] [O], ami de [F] [P], ayant reçu, après le décès de celui-ci, le don d’un portrait non signé, avec l’indication qu’il s’agissait d’une oeuvre de [X] [N] [S], a, le 10 septembre 1984, vendu ce tableau à la société [H] and Company Incorpored (la société [H]) ; qu’ayant émis des doutes ultérieurement sur l’authenticité du tableau, cette dernière a assigné [Z] [C] en nullité de la vente, prétendant qu’il devait être attribué à un peintre de moindre renommée, [Q] [R] ; que les parties ont signé, le 11 mars 1986, une transaction confirmant irrévocablement la vente du tableau attribué par [Z] [C] au peintre [X] [N] [S], avec diminution de moitié du prix, [Z] [C] prenant acte de l’intention de la société [H] de présenter le tableau à l’acceptation, à titre de donation, à l’Académie des beaux-arts de l’Institut [Établissement 1], avec le souhait de le voir exposé au musée [Établissement 2] ; qu’en 1996, l’association [H] Institute a fait paraître une nouvelle édition du catalogue raisonné de l’oeuvre de [F] [P], rédigée par [I] [H], qui présentait le tableau comme un autoportrait de ce peintre ; que [Z] [C] a assigné la société [H], l’association [H] Institute et [I] [H] en annulation de la vente et de la transaction pour erreur sur la substance et pour dol, puis appelé en cause l’Académie des beaux-arts et le musée [Établissement 2] afin d’obtenir la restitution du tableau ; qu’à la suite du décès de [I] [H], l’instance a été reprise contre ses deux fils, MM. [E] et [W] [H], et, au décès de ce dernier, contre ses héritiers, Mme [L] [H], M. [W] [H] et Mme [Y], ainsi que Mme [V], prise en qualité de mandataire successoral de [U] [M], veuve de [I] [H] (les consorts [H]) ; qu’au décès de [Z] [C], la procédure a été reprise par M. [K], légataire de ses droits sur le tableau litigieux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. [K] fait grief à l’arrêt, qui a prononcé la nullité de la vente du 10 septembre 1984 pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, de constater l’absence de demande de rescision pour erreur sur l’objet de la transaction et de rejeter en conséquence ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en retenant que M. [K] ne sollicitait pas la rescision ou la nullité de la transaction mais seulement celle de la vente du tableau intervenue en 1984 et en retenant encore que la nullité de la transaction n’avait été réclamée et soutenue que pour inexécution des engagements sur le fondement de l’article 953 du code civil quand M. [K] faisait valoir que les circonstances entourant la vente et la transaction « ne p[ouvaient] qu’entraîner la nullité de toutes les conventions conclues » et encore que « Mme [C] s’est trouvée, en conséquence, bien fondée à engager la présente procédure pour demander l’annulation pure et simple de toutes les conventions passées avec M. [H] et les sociétés qu’il contrôle¿ », la cour d’appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que, dans le dispositif de ses conclusions, M. [K] demandait la nullité de la vente en application des articles 1109, 1110, 1116, 1184 et 2053 du code civil ; qu’il était soutenu que « les mêmes erreurs et dol affect[ai]ent la validité de la transaction conclue en 1986 » ; qu’outre ces causes de nullité communes à la vente et à la transaction, M. [K] demandait à ce que soit constatée l’inexécution des engagements de la transaction, cause de nullité propre à cette dernière, et faisait valoir que la transaction ne pouvait qu’être annulée à ce titre sur le fondement de l’article 953 du code civil ; qu’en décidant que M. [K], en accolant le fondement juridique particulier de l’article 953 du code civil à sa demande de nullité de la transaction, aurait limité sa demande à ce seul moyen, la cour d’appel a procédé à une interprétation interdite de ses conclusions qui, par des termes clairs et non ambigus, contestaient la validité de la transaction par d’autres moyens, notamment celui tiré de l’erreur sur l’objet prévu par l’article 2053 du code civil ; que par cette dénaturation, la cour d’appel, a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée ; que les prétentions ou demandes sont les fins poursuivies par les parties dans la procédure ; que les moyens de droit sont les fondements juridiques des demandes ; qu’une même demande peut être fondée sur plusieurs moyens ; qu’en retenant que M. [K] ne demandait pas la nullité de la transaction pour erreur sur son objet quand elle avait constaté qu’il contestait la validité de l’acte à ce titre et qu’il en demandait par ailleurs la nullité sur un autre moyen, la cour d’appel, qui a exigé de M. [K] qu’il formule dans ses conclusions une demande propre à chaque moyen soulevé, a violé l’article 954 du code civil ;
Mais attendu qu’il ne résulte pas des conclusions de M. [K], par lesquelles celui-ci sollicitait l’annulation de la vente pour erreur sur la substance du tableau vendu et l’annulation de la transaction pour inexécution, qu’il aurait formulé et motivé une demande en rescision de la transaction pour erreur sur l’objet de la contestation, alors qu’une telle erreur ne se confond pas avec les qualités substantielles de l’oeuvre vendue susceptible d’entraîner la nullité de la vente, et que l’objet de la contestation, à laquelle a mis fin la transaction validant irrévocablement la vente du tableau, sans en définir l’auteur, et stipulant sa donation par l’acquéreur à un tiers, ne se confond pas davantage avec la vente elle-même ; que c’est donc sans dénaturation des écritures ni violation des exigences de l’article 954 du code de procédure civile, que la cour d’appel a retenu qu’elle n’était pas saisie d’une demande de rescision de la transaction en application de l’article 2053 du code civil ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. [K] fait grief à l’arrêt, qui prononce la nullité de la vente du 10 septembre 1984, de rejeter le surplus de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en énonçant tout à la fois, d’une part, que la transaction rendait « impossible la remise en état des parties » qui suit, en principe, l’annulation d’une vente et, d’autre part, que « la transaction ainsi intervenue ne peut avoir pour effet de rendre sans effet la nullité de la vente de 1984 qui vient d’être prononcée », la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les transactions se renferment dans leur objet ; qu’en faisant application, pour écarter les restitutions consécutives à l’annulation de la vente, de la transaction dont elle avait pourtant constaté qu’elle avait pour objet de trancher le litige relatif à l’attribution du tableau à [S] ou un peintre de moindre cote qui seule « était dans le débat » lors de sa conclusion mais ne portait « nullement sur la question de savoir si le tableau vendu était ou non une oeuvre du peintre [F] [P] lui-même » qui faisait l’objet du litige dont elle était saisie, la cour d’appel, qui a étendu la transaction de 1986 au-delà de son objet expressément constaté, a violé l’article 2048 du code civil ;
3°/ qu’un contrat annulé ne peut avoir aucun effet ; que la transaction qui confirme une vente a un effet seulement déclaratif et pas un effet novatoire ; qu’en refusant de faire produire effet à l’annulation de la vente qu’elle avait prononcée au motif que la transaction rendrait impossible la remise en état des parties quand les consorts [H] n’avaient acquis aucun droit nouveau sur le tableau par la conclusion d’une transaction simplement confirmative et qu’ils étaient réputés n’avoir jamais eu de droits sur l’oeuvre du fait de l’annulation de la vente, la cour d’appel a violé l’article 1304 du code civil ensemble le principe selon lequel ce qui est nul est censé ne jamais avoir existé ;
4°/ qu’en décidant que la transaction devait s’appliquer pour régir les conséquences de l’annulation de la vente quand elle avait constaté que la transaction était destinée à confirmer la vente, ce dont il résultait que ses stipulations, notamment celles relatives à la restitution d’une partie du prix aux consorts [H] et à la donation du tableau à l’Académie des beaux-arts, étaient destinées à régir les conséquences d’une vente valable, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
5°/ qu’est anéanti de plein droit l’acte se trouvant indivisiblement lié à un premier acte dont la nullité est prononcée ; que la cour d’appel avait constaté que la transaction litigieuse portait sur le même tableau que la vente et qu’elle tendait à la confirmer irrévocablement ; qu’en faisant néanmoins application de la transaction nonobstant l’annulation de la vente au motif que M. [K] n’aurait pas expressément demandé la nullité de cet acte, motif inopérant dès lors que l’annulation de la vente avait provoqué de plein droit l’anéantissement de la transaction, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1218 du code civil ;
6°/ que la partie qui se voit opposer la fin de non-recevoir tirée de la conclusion d’une transaction n’est pas tenue de demander l’annulation de l’acte mais peut se borner à en opposer la nullité ; qu’en faisant application de la transaction de 1986 dont elle avait constaté, comme le soutenait M. [K], qu’elle était affectée d’une erreur compromettant sa validité au motif inopérant que ce dernier n’en aurait pas demandé l’annulation, la cour d’appel a violé l’article 2052 du code civil ;