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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/04011 – N°Portalis DBVH-V-B7F-IHS4
ET-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
02 novembre 2021 RG:20/02038
S.A. MAAF ASSURANCES
C/
S.A. SOCIETE ANONYME DE DEFENSE ET D’ASSURANCE SADA
Grosse délivrée
le 16/02/2023
à Me Caroline FAVRE DE THIERRENS
à Me Henri-laurent ISENBERG
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 02 Novembre 2021, N°20/02038
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 29 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2023 et prorogé au 16 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A. MAAF ASSURANCES
Pris en la personne de son représentant légal en exercice
Chaban
[Localité 4]
Représentée par Me Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A. SOCIETE ANONYME DE DEFENSE ET D’ASSURANCE SADA Poursuites et diligences de son représentant légal demeurant et domicilié es-qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Henri-laurent ISENBERG de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Laure BRACQUEMONT de la SELEURL LBCA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 16 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [X] [E], artiste, est locataire d’un atelier situé [Adresse 1]. Il a fait assuré ce local auprès de la société MAAF Assurances par la souscription d’un contrat multirisques professionnel.
Le 1er avril 2017, M. [E] a subi un sinistre suite à un dégât des eaux s’étant produit sur une canalisation de la copropriété [Adresse 1]. La copropriété de l’immeuble était assurée auprès de la société SADA.
Un rapport d’expertise contradictoire a été réalisé.
La SA SADA, se prévalant d’un plafond de garantie contractuel, a versé à la Maaf la somme de 153 063,49 euros décomposée comme suit :
– 11 763,49 euros pour les mesures d’urgence et les dommages aux agencements,
– 141 300 euros au titre de la garantie ‘RC DDE’ pour les dommages aux marchandises, oeuvres d’art (plafond de garantie de 150 fois l’indice).
Par acte du 3 avril 2020, la SA MAAF Assurances a assigné la SA SADA devant le tribunal de grande instance de Nîmes afin de voir la société d’assurance condamnée à prendre en charge l’intégralité des conséquences du sinistre subi par M. [E] et à lui verser à ce titre la somme de 464 968 euros au titre des dommages matériels subis. La MAAF Assurances a sollicité en outre, que la société SADA soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 2 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Nîmes a :
– déclaré recevable la demande indemnitaire de la SA MAAF Assurances subrogée dans les droits de M. [X] [E] à l’encontre de la SA SADA à hauteur de la seule somme de 108 664,58 euros correspondant au solde d’indemnisation réglé à M. [E] et non indemnisé par la SA SADA ;
– débouté la SA MAAF Assurances de ses demandes ;
– condamné la SA MAAF Assurances au paiement des entiers dépens ;
– condamné la SA MAAF Assurances à payer à la SA Sada la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré à la lecture de la quittance subrogative du 17 mai 2018 signée par M. [E] et produite par la SA MAAF Assurances, que l’action de cette dernière était recevable mais a limité son indemnisation à hauteur de la seule somme de 108 664,58 euros correspondant au solde d’indemnisation réglé à M. [E] et non indemnisé par la SA SADA. Il a cependant estimé qu’en l’absence d’éléments établissant que les oeuvres d’art endommagées de M. [E] n’étaient pas destinées à autre chose que la vente, la société SADA était fondée à qualifier les oeuvres de ‘marchandises’ et à faire par conséquent, application du plafond de garantie contractuelle opposable aux tiers.
Par déclaration du 5 novembre 2021, la SA MAAF Assurances a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 11 juillet 2022, la procédure à été clôturée le 15 novembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 15 novembre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, la société MAAF Assurances, appelante, demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau, de :
– déclarer recevable sa demande indemnitaire en ce qu’elle est subrogée dans les droits de M. [E] à l’encontre de la SA SADA à hauteur de la somme de 457 812,91 euros correspondant au solde d’indemnisation réglé à M. [E] et non indemnisé par la SA SADA ;
– condamner la SA SADA à lui payer les sommes suivantes :
457 812,91 euros au titre des dommages matériels subis suite au dégât des eaux,
20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en appel,
– débouter la SA SADA de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires ou plus amples.
L’appelante fait valoir en substance qu’au regard de la quittance d’avance sur recours et de l’ensemble des pièces qu’elle verse aux débats, elle rapporte la preuve de sa subrogation dans les droits de son assuré à hauteur de la somme totale de 610 876,40 euros et est fondée, en application des articles 1346 et suivants, à obtenir la condamnation de la SADA à lui payer la somme de 457 812,91 euros dont elle reste redevable après déduction de la somme de 153 063,49 euros déjà versée par l’intimée.
Elle prétend également que le plafond de garantie applicable à l’indemnisation des dommages aux marchandises, n’a pas vocation à s’appliquer aux oeuvres d’art réalisées par M. [E] qui ne peuvent être assimilées à des marchandises.
De surcroît, elle ajoute que la SADA ne peut se prévaloir de cette limitation de garantie puisque les conditions particulières du contrat n’ont pas été signées,
Elle soutient enfin que le positionnement de l’assureur caractérise une résistance abusive qui justifie l’octroi de dommages et intérêts conséquents.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022, la société Sada, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de juger la MAAF irrecevable en ses demandes au-delà de la somme de 457 812,91 euros, de la débouter purement et simplement de l’ensemble de ses demandes, enfin de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles en appel.
Elle soutient essentiellement qu’elle est légitime à se prévaloir du plafond de garantie pour les dommages ‘immatériels et marchandises’ prévu dans sa police d’assurance en application de l’article 1103 du code civil et L.112-6 du code des assurances puisque les oeuvres d’art de M. [E] entrent dans ce champ d’application, et par voie de conséquence, qu’elle n’est redevable d’aucune somme à l’égard de la société MAAF
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
1-Sur le recours subrogatoire de la MAAF Assurances
Selon l’article L 121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
La MAAF assurances demande l’infirmation du jugement déféré faisant valoir que, subrogée dans les droits de son assuré M.[E] à concurrence de 457 812,91 euros versés au titre de l’indemnisation réglé à ce dernier, elle est non seulement recevable mais également parfaitement fondée à revendiquer la condamnation de la SA SADA qui est tenue à l’indemnisation des conséquences dommageables du sinistre subi par M.[E] suite au dégâts des eaux du 1er avril 2017 provenant de la rupture d’une canalisation de la copropriété dans laquelle est située son atelier.
En cause d’appel la SADA reconnaît que le recours subrogatoire de la MAAF assurances est recevable à hauteur de 457 812,91 euros.
La MAAF assurances démontre par ailleurs, par les pièces qu’elle verse aux débats (pièces n°13 et 17) qu’elle est effectivement subrogée dans les droits de M.[E] à hauteur de cette somme. En effet, la quittance d’avance sur recours du 17 mai 2018 rappelle que deux sommes ont été payées à M.[E] qui le reconnaît pour un total de 606 268 euros et la MAAF assurances ne conteste pas avoir reçu de la SADA la somme de 153 063,49 euros le 3 juillet 2018.
Il en résulte que la MAAF Assurances est , contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, recevable dans son recours subrogatoire à hauteur de la somme de 457 812,91 euros et non de la seule somme de 108 664,58 euros.
La décision sera infirmée en ce sens.
2-Sur l’opposabilité des conditions particulières du contrat d’assurance du tiers responsable
La MAAF reproche également au tribunal d’avoir appliqué le plafond de garantie contenu dans les conditions particulières du contrat d’assurance sans d’une part, avoir répondu au moyen tiré de l’inopposabilité de ces conditions et d’autre part, en considérant à tort que les oeuvres d’art entrent dans le champ des dommages causés aux marchandises alors qu’elles n’en sont pas.
En application des articles L. 112-6 et L. 121-1 du code des assurances les franchises et plafonds de garantie sont opposables aux tiers, notamment à la victime d’un dommage causé par l’assuré, même si ce tiers lésé exerce une action directe à l’encontre de l’assureur du responsable, sauf exception légale spécifique de ce préjudice que ne suffit pas à établir le caractère obligatoire de l’assurance.
Il incombe à1’assureur, sur lequel pèse la charge de cette preuve, de justifier l’existence des limitations contractuelles qu’il entend opposer à la victime et en l’espèce à son subrogé, tiers au contrat.
La SADA verse aux débats en pièces n°2 et n°1 la police d’assurances n°17 04 03/ à effet du 1er janvier 2017, les conditions générales multirisques immeuble et conditions particulières du contrat d’assurance immeuble signé et donc opposables, leur signature démontrant avec suffisance que son assuré en a eu connaissance, en vertu desquelles elle est tenue de prendre en charge, le dommage des locataires, des voisins ou des tiers dans les limites des plafonds de garantie prévus au contrat (1500 fois l’indice dont 150 fois l’indice pour les dommages immatériels et marchandises).
Elle considère que les oeuvres d’art entrent dans le champ de cette clause car elles sont assimilées à des marchandises.
La MAAF lui objecte que les biens endommagés sont des tableaux, des sculptures, dessins, lithographies qui sont uniques et non interchangeables, et que ces créations de M.[E] n’ont pas été réalisées dans un but de revente.
Elle en déduit que leur indemnisation doit entrer dans le champ de l’indemnisation des dommages matériels dont le plafond de garantie est de 1 000 000 euros et non plus de 141 300 euros comme revendiqué par la SADA.
Toutefois, le contrat ne définit pas la notion de marchandises. S’il est certain que l’oeuvre d’art ne se résume pas à un bien destiné à sa vente, elle est aussi produite, achetée et vendue à des personnes et/ ou des institutions travaillant dans le cadre d’un marché. En cela, elle constitue
une marchandise au sens des dictionnaires de la langue française.
La SADA produit en pièce n°6 un extrait de la gazette Drouot relatant les ventes aux enchères de nombreuses oeuvres d’art de M.[E] de 2009 à 2020 et démontre ainsi que cet artiste produisait également pour revendre et vivre de son art.
Il s’en déduit que les oeuvres d’art de M.[E] dégradées lors du dégâts des eaux dont est responsable la copropriété assurée par la SADA, sont des marchandises au sens économique du terme dans la mesure où elles ont vocation à être échangées sur le marché, même si ce marché à effectivement, une vocation singulière.
Par voie de conséquence, la SA SADA est tout à fait fondée à opposer les conditions particulières de la police d’assurance à la MAAF et la limitation de garantie à la somme de 141 300 euros.
Elle démontre avoir déjà réglé cette somme à la MAAF Assurances et n’est dés lors redevable d’aucune somme.
Le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu’il a débouté la MAAF Assurances de ses demandes en paiement de somme et de dommages et intérêts pour résistance abusive.
3-Sur les mesures accessoires
Partie perdante pour la majeure partie, la SA MAAF Assurances supportera la charge des dépens de l’appel et sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Le recouvrement direct des dépens sera par ailleurs ordonné au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande enfin d’allouer à la SA SADA la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile que la SA MAAF assurance sera condamnée à lui payer et de confirmer la somme allouer à ce titre en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré recevable la demande indemnitaire de la SA MAAF Assurances subrogée dans les droits de M.[X] [E] à l’encontre de la SA SADA à hauteur de la seule somme de 108 664,58 euros ;
Statuant à nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant,
Déclare recevable la demande indemnitaire de la SA MAAF assurances subrogée dans les droits de M.[X] [E] à l’encontre de la SA SADA à hauteur de la somme de 457 812,91 euros ;
Condamne la SA MAAF assurances à supporter la charge des dépens de l’appel et la déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Ordonne le recouvrement direct des dépens au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la SA MAAF assurances à payer à la SA SADA la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,