Contrat d’Artiste : 14 décembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-25.055

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Contrat d’Artiste : 14 décembre 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-25.055
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CIV. 1

CGA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2016

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10616 F

Pourvoi n° U 15-25.055

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ M. [C] [H], domicilié [Adresse 3],

2°/ la société Les Productions de la plume, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

contre l’arrêt rendu le 3 septembre 2015 par la cour d’appel de [Localité 1] (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société Les Arènes de Metz, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 15 novembre 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de Me Ricard, avocat de M. [H], de la société Les Productions de la plume, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Les Arènes de Metz ;

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [H] et la société Les Productions de la plume aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. [H] et la société Les Productions de la plume

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que les demandes de la SARL Les Productions de La Plume et de [C] [H] tendant à ce qu’il soit enjoint à la SNC Les Arènes de Metz de laisser pénétrer dans la salle de spectacle l’artiste [C] [H] et le personnel de la société Les Productions de La Plume, ainsi qu’une heure au moins avant le début du spectacle le public, et ce sous astreinte, n’étaient pas justifiées par un dommage imminent à prévenir et/ou l’existence d’un trouble manifestement illicite ;

AUX MOTIFS QUE
« Sur la question de l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement Illicite
Attendu que s’il est avéré qu’il existe une contestation sérieuse rendant le juge des référés incompétent, il n’en demeure pas moins que celui-ci peut toujours, en application de l’article 809 du code de procédure civile : “même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.” ;
*S’agissant de l’hypothèse se fondant sur l’existence d’un dommage imminent Attendu que le dommage imminent est défini par la jurisprudence comme le dommage non encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation existante doit se perpétuer (Cass. Com. 13 avril 2010, n° de pourvoi : 09-14.386) ;
Attendu qu’il convient d’observer que dans leur assignation en référé du 16 janvier 2015 et dans leurs conclusions récapitulatives déposées en cause d’appel, la S.A.R.L. Les Productions de La Plume et [C] [H] évoquent l’article 809 du code de procédure civile et indiquent que le dommage imminent à prévenir résiderait dans la perte financière qu’entraînerait le maintien de la résiliation du contrat pour la S.A.R.L. Les Productions de La Plume et, par ricochet pour [C] [H] dont les prestations sont rétribuées par cette maison de production ;
Attendu que l’examen de l’impact d’une décision de résiliation unilatérale du contrat induit de se prononcer sur l’octroi éventuel de dommages-intérêts provisionnels mais aussi sur le bien ou le mal fondé de la résiliation en question et donc nécessairement, sur la responsabilité générée par cette rupture ;
Attendu qu’une telle approche touche aux limites de la compétence du juge des référés et le conduit à interférer avec ce qui ressort de la compétence exclusive du juge du fond ;

Attendu que dans ces conditions, il appartient à la Cour de vérifier s’il existait des garanties suffisantes prévues par le contrat pour pallier les conséquences d’une résiliation ou de toute autre fin autre que l’échéance normale du contrat et qui, ce faisant, assurait une indemnisation de la S.A.R.L. Les Productions de La Plume en lien avec la non-tenue de la représentation ;
Attendu que l’article XVII des “conditions générales Vega de location concerts et spectacles de [C] vendredi 16 janvier 2015 à 20h 0011 prévoit l’obligation pour la S.A.R.L. Les Productions de La Plume de souscrire en vue du spectacle, d’une part une assurance “Responsabilité civile” et, d’autre part, une assurance annulation ;
Qu’ainsi l’alinéa D de cet article dispose que : “Le contrat d’assurance annulation souscrit par l’organisateur (la S.A.R.L. Les Productions de La Plume) devra permettre de couvrir tous les risques d’annulation totale ou partielle, y compris pour les cas de force majeure. Ce contrat devra en outre garantir l’exploitant (la Snc Les Arènes de Metz) des conséquences de toute annulation totale ou partielle.
Cette condition est essentielle et déterminante pour la salle sans laquelle l’exploitant n’aurait pas conclu.
L’exploitant demande une couverture “Tout risque sauf”.
La police annulation de l’organisateur devra couvrir notamment tous les dommages résultant d’une annulation consécutive à l’indisponibilité d’un ou des personnages clefs et à des intempéries lorsque la manifestation se déroule partiellement ou totalement en plein air.” ;
Attendu qu’il se déduit de cet article que la souscription d’un contrat d’assurance pesant sur la S.A.R.L. Les Productions de La Plume présentait un caractère obligatoire et qu’il devait couvrir “tous les risques d’annulation totale ou partielle, y compris pour les cas de force majeure” ;
Qu’il n’appartient pas à ce stade de la procédure de vérifier si une telle assurance a été ou non souscrite mais qu’en tout état de cause, eu égard à son caractère indispensable, il est constant que son existence permettait censément de garantir la S.A.R.L. Les Productions de La Plume des conséquences de l’annulation du spectacle de sorte que, celle-ci se trouvait normalement prémunie de toute incidence financière de la non-tenue de la représentation ;
Qu’il s’ensuit, en conséquence, que la S.A.R.L. Les Productions de La Plume ne pouvait se prévaloir d’un dommage imminent à prévenir ;
* S’agissant de l’hypothèse se fondant sur l’existence d’un trouble manifestement illicite
Attendu que le trouble manifestement illicite envisagé par l’article 809 du code de procédure civile se présente comme un événement en cours qui porte atteinte de manière intolérable à une règle de droit, cette notion présentant donc une “nature mixte” (Jean-Marie Coulon : “Le contrôle par la Cour de cassation du trouble manifestement illicite” Recueil Dalloz 1996, page 497) ;
Attendu que d’un point de vue purement factuel, la S.A.R.L. Les Productions de La Plume ne démontre pas en quoi la décision de résiliation prise par la SNC Les Arènes de Metz lui a causé un trouble manifeste, l’argument avancé par l’intimée dans ses conclusions en cause d’appel et se fondant sur le fait de la conformité de décisions de deux juges des référés ayant eu à statuer sur deux dossiers identiques tant à [Localité 1] qu’à [Localité 2], («il y aurait deux magistrats qui se seraient trompés sur leur compétence, successivement à deux jours d’intervalle”) est dépourvu de toute pertinence dans la mesure où il n’appartient pas au juge de se substituer à la carence des parties dans la démonstration du bien fondé de leurs prétentions ;
Qu’il est allégué, au moins dans l’assignation délivrée par la S.A.R.L. Les Productions de La Plume, d’une atteinte à la présomption d’innocence dont se prévaut [C] [H] du seul fait de la résiliation du contrat litigieux ;
Qu’à cet égard, il ne ressort d’aucune des pièces versées aux débats tant par la SNC Les Arènes de Metz que par la S.A.R.L. Les Productions de La Plume la moindre référence à une culpabilité pénale dûment établie de [C] [H] entre le 11 janvier et le 16 janvier 2015, l’argument invoqué pour procéder à la résiliation tenant aux manquements à la cause du contrat, en l’espèce la satisfaction d’une mission de service public s’inscrivant dans le cadre de l’intérêt général et non à la situation pénale de l’artiste en question, de sorte que n’est pas établi un trouble manifeste résultant d’une atteinte à la présomption d’innocence de [C] [H] ;
Attendu que d’un point de vue juridique, il s’évince de l’article 1134 que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu’il appartient au juge du fond de déterminer si la résiliation du contrat a été décidée à tort ou à juste titre par l’une ou l’autre des parties et en conséquence, engage ou non leur responsabilité ;
Attendu que s’il est avéré que la lettre adressée le 15 janvier 2015 par la Snc Les Arènes de Metz à la S.A.R.L. Les Productions de La Plume se borne à indiquer à cette dernière la décision de résilier sans évoquer les motifs, il va de soi que ladite résiliation ne pouvait intervenir que dans le cadre du contrat conclu comme le rappelle d’ailleurs cette lettre ;
Que le paragraphe XXV qui régit la matière « résiliation» mentionne trois cas de figure auxquels s’ajoutent deux autres dispositions présentant un caractère d’appendice, à savoir l’existence d’un préavis (alinéa 1er) et l’apurement des comptes (alinéa 5) ;
Attendu que l’alinéa 2 concerne l’hypothèse où l’organisateur, la S.A.R.L. Les Productions de La Plume, est à l’origine de la résiliation et donc n’a pas vocation à s’appliquer au présent litige ;
En l’espèce, la compétence du juge des référés ne saurait excéder le point de savoir si la résiliation décidée par la Snc Les Arènes de Metz a entraîné un trouble manifeste et illicite qu’il importe de faire cesser ;
Que pour déterminer la licéité, et non le bien ou le mal fondé de la résiliation, il convient de se référer aux seules clauses du contrat afférentes à la résiliation, effectivement prévues sous son paragraphe XXV ;
Qu’il ressort de l’alinéa 3 de l’article en question :” qu’en cas de résiliation ….. pour raison de service public, l’organisateur ne pourra prétendre à aucune indemnité de résiliation, y compris si la raison de service public conduit à l’annulation d’une seule représentation” ;
Que l’alinéa 4 reprend la même terminologie mais évoque alors la “raison d’intérêt général’ ;
Attendu en conséquence, que les seules causes pouvant expliquer la résiliation du contrat sont celles figurant aux alinéas 3 et 4 de cet article et qu’ils ont trait à la raison de service public ou à la raison d’intérêt général dont la Snc Les Arènes de Metz est gardienne par délégation de service public de la Ville de [Localité 1] ;
Qu’il ne pouvait y avoir confusion avec un quelconque fait de force majeure auquel cas il aurait été question d’annulation du spectacle et non de résiliation du contrat ainsi que permet de l’affirmer la teneur du paragraphe XXIII ”Force majeure” ;
Attendu que, dans ces conditions, eu égard de surcroît au climat qui régnait en France autour du 15 janvier, moins d’une semaine après les attentats commis auprès d’un organe de presse satirique et d’une épicerie de produits cashers, la S.A.R.L.
Les Productions de La Plume ne peut prétendre ignorer la cause de la résiliation découlant de la lettre du 15 janvier 2015 ;
Qu’il se déduit ainsi de ses alinéas 3 et 4 que les parties ont volontairement admis que le contrat pouvait être résilié pour raison de service public ou d’intérêt général, ce qui caractérise par ailleurs la délégation de service public consentie par la Ville de [Localité 1] à la Snc Les Arènes de Metz et que vise expressément le contrat accepté dans toutes ses dispositions par la S.A.R.L. Les Productions de La Plume ainsi que le rappelle l’alinéa 2 du paragraphe 1er “Objet du contrat de location” ;
Attendu, ainsi qu’il a été développé sous le paragraphe “Sur la question relative au caractère sérieux de la contestation ” de la présente décision, que l’exploitant a pu légitimement considérer que le spectacle que projetait de donner à [Localité 1] le 16 janvier au soir [C] [H] était de nature à porter atteinte à l’intérêt général et à la raison de service public qu’il avait la charge de faire contractuellement respecter ;
Que ce faisant, la résiliation unilatérale du contrat liant la Snc Les Arènes de Metz dont il appartient aux seuls juges du fond d’apprécier le bien ou le mal fondé, se fonde sur une clause du contrat qui ne pouvait générer un trouble illicite qu’il n’y avait donc pas lieu de faire cesser » ;

1°) ALORS QUE l’annulation d’un spectacle la veille de la date programmée constitue un dommage imminent pour la société de production et l’artiste que le juge des référés doit faire cesser ; qu’en retenant, pour décider le contraire, que le contrat stipulait l’obligation pour la société de production de souscrire une assurance annulation dont l’existence « permettait censément de garantir la S.A.R.L. Les Productions de La Plume des conséquences de l’annulation du spectacle de sorte que, celle-ci se trouvait normalement prémunie de toute incidence financière de la non-tenue de la représentation », la cour d’appel a méconnu ses pouvoirs en violation de l’article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;

2°) ALORS QUE la rupture unilatérale d’un contrat sans préavis et sans motif constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser ; qu’en l’espèce, ainsi que l’avait retenu le premier juge, le fait d’empêcher, sans motif légitime, un artiste d’honorer son engagement de tenir un spectacle et un organisateur de respecter son engagement d’organiser ledit spectacle, pour lequel 4 000 personnes ont acheté un billet, constitue un trouble manifestement illicite ; qu’en retenant, pour décider le contraire, que l’exploitant a pu légitimement considérer que le spectacle que projetait de donner à [Localité 1] le 16 janvier au soir [C] [H] était de nature à porter atteinte à l’intérêt général et à la raison de service public qu’il avait la charge de faire contractuellement respecter eu regard au climat qui régnait en France autour du 15 janvier, moins d’une semaine après les attentats commis auprès d’un organe de presse satirique et d’une épicerie de produits cashers, la cour d’appel a méconnu ses pouvoirs en violation de l’article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil.

 


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