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N° N 16-82.714 F-P+B
N° 4018
SC2
12 JUILLET 2016
CASSATION
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juillet deux mille seize, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général WALLON ;
CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par Mme [B] [P], contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar, en date du 10 mars 2016, qui, dans l’information suivie contre elle du chef de meurtre aggravé, a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale :
“en ce que l’arrêt attaqué a confirmé une ordonnance prolongeant la détention provisoire de Mme [P] pour une durée de six mois à compter du 10 mars 2016 à minuit ;
“aux motifs qu’en l’état des éléments qui précèdent, il existe des indices graves ou concordants permettant de soupçonner l’implication de Mme [P] comme auteur, coauteur ou complice dans les faits pour lesquels elle a été mise en examen, la discussion de la réalité de ces indices étant étrangère à la saisine de la chambre de l’instruction qui porte uniquement sur le contentieux de la détention ; qu’en I’état de la procédure, la détention provisoire constitue l’unique moyen d’empêcher une pression sur les témoins ainsi que sur leur famille mais aussi d’empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, la famille [P], du fait de la notoriété artistique de [L] [P], a accumulé de nombreux biens et richesses dont Mme [P] a indiqué être la seule héritière ; qu’une des hypothèses serait que le meurtre de [Z] [P] soit à mettre en lien avec des difficultés liées à la succession de [L] [P] ; que les contradictions à ce sujet sont importantes et il est à craindre que Mme [P] ne cherche à faire pression sur les témoins aux fins d’un travestissement de la réalité ; que les scènes de crime ont révélé à divers endroit la présence d’un ADN masculin appartenant à un individu qui pourrait avoir concouru directement ou indirectement aux faits ou au moins avoir été témoin des faits pour lesquels Mme [P] a été mise en examen ; qu’il importe dans l’intérêt de la manifestation de la vérité d’empêcher tout contact entre la mise en examen et ce tiers non identifié ; que Mme [P] niant en totalité les faits qui lui sont reprochés, il est à craindre, si elle n’entend pas ou n’est pas en mesure de collaborer à l’instruction en cours, qu’elle ne fasse pression sur les personnes déjà entendues ou celles restant à entendre ; qu’aucun contrôle judiciaire si strict soit-il, ni aucune une assignation à résidence sous surveillance électronique ne saurait efficacement pallier les risques ci-dessus énoncés, compte tenu notamment des moyens modernes de communication ; que la détention provisoire constitue aussi l’unique moyen de protéger la personne mise en examen, enferrée dans la négation de toute pathologie psychiatrique pourtant établie par de nombreux médecins, Mme [P] ne peut envisager une thérapeutique, soit un traitement neuroleptique incisif à vie comme l’a précisé le docteur [V], susceptible sinon de la soigner au moins d’améliorer son état général ; qu’elle bénéficie d’une mesure de protection des majeurs depuis le 6 mars 2014 qu’elle ne semble pas comprendre ; qu’elle a également indiqué souffrir d’une leucémie développée en détention ; que n’étant pas compliante aux soins, le risque est important, si elle était remise en liberté, que Mme [P] n’attente à ses jours, soit directement soit indirectement en négligeant de se soigner ; que la détention provisoire est aussi l’unique moyen de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, Mme [P] ne justifie d’aucune garantie sérieuse de représentation alors qu’elle encourt, compte tenu de la qualification criminelle des faits, une lourde peine d’emprisonnement ; qu’il a été très difficile aux enquêteurs de reconstruire le parcours de Mme [P] sur le long court et même sur les derniers mois de l’année 2013 car elle vivait dans l’errance la plus totale, alternant des séjours en France et en Suisse auprès de tiers ou d’institutions ; qu’il a été question, à plusieurs moment de sa vie, de séjours à Monaco, en Espagne, aux Pays-Bas ou de projets professionnels en Angleterre, en Belgique ou aux Pays-Bas ; qu’il est donc à craindre que Mme [P], si elle était remise en liberté, ne se soustraie à l’action de la justice et ne prenne la fuite, notamment en Suisse ou au sein d’autres pays qu’elle avait déjà envisagé de rejoindre ; qu’un contrôle judiciaire strict ou une assignation à résidence ne saurait éviter la réalisation de ce risque ; que la détention provisoire constitue enfin l’unique moyen de mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement, atteinte d’une psychose paranoïaque, Mme [P] pourrait être tentée de s’en prendre à ses proches comme l’ont précisé les docteurs [X] et [F], étant persuadée que ces derniers en voudraient à sa fortune ; que dans ces conditions, le risque est extrêmement élevé que Mme [P] ne renouvelle les faits si elle venait à être libérée et un contrôle judiciaire ou un placement sous surveillance électronique paraissent totalement illusoires pour pallier ce risque ; que la détention provisoire est enfin nécessaire pour mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé, les circonstances de commission de l’infraction à l’encontre d’une femme appréciée, veuve d’un artiste reconnu, ont eu un fort retentissement pour la famille mais également pour l’opinion publique au regard leur narration dans la presse, y compris nationale ; que la remise en liberté de Mme [P] ne serait pas de nature à apaiser le trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public, généré par ces faits et ravivé par son éventuel retour à proximité du lieu présumé de commission, les projets de Mme [P] étant particulièrement flous à ce sujet ; que dans tous les cas ci-dessus énumérés, compte tenu des moyens de communications actuels, un contrôle judiciaire, même strict ou une assignation à résidence sous surveillance électronique serait totalement insuffisant pour éviter les risques de pression ou concertation avec des co-auteurs ou complices, tandis que, s’agissant d’éviter le renouvellement des agissements, voire la fuite de l’intéressée ou encore le trouble à l’ordre public, de telles mesures ne sauraient efficacement les empêcher, mais permettraient seulement de constater a posteriori un manquement ; que l’ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée en toutes ses dispositions, le juge des libertés et de la détention ayant fixé le délai d’achèvement de l’instruction à quatre mois en raison des actes restant à effectuer, à savoir les formalités de fin d’information ;
“alors que lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent aussi comporter les indications particulières qui justifient en l’espèce la poursuite de l’information ; que sauf à ce que cela entrave la poursuite des investigations, le juge doit donc faire état de façon suffisamment précise des diligences restant à accomplir et qui justifient la poursuite de l’information ; qu’en se bornant, pour prolonger la détention provisoire de Mme [P] au-delà de deux ans, à indiquer que le délai prévisible d’achèvement de l’instruction devait être fixé à quatre mois “en raison des actes restant à effectuer, à savoir les formalités de fin d’information”, motifs qui n’indiquent pas de façon suffisamment précise les diligences demeurant à accomplir et justifiant la poursuite de l’instruction, la chambre de l’instruction a violé l’article 145-3 du code de procédure pénale” ;
Attendu que, pour confirmer l’ordonnance prolongeant la détention provisoire de Mme [P], l’arrêt retient que le juge des libertés et de la détention a fixé le délai d’achèvement de l’instruction à quatre mois en raison des actes restant à effectuer, à savoir les formalités de fin d’information ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs, la chambre de l’instruction a justifié sa décision sans méconnaître la disposition légale invoquée ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 706-113, 591 et 593 du code de procédure pénale :
“en ce que l’arrêt attaqué a confirmé une ordonnance prolongeant la détention provisoire de Mme [P] pour une durée de six mois à compter du 10 mars 2016 à minuit ;
“alors que, lorsqu’un majeur protégé comparaît devant la chambre de l’instruction chargée de statuer sur son maintien en détention, le mandataire judiciaire doit en être avisé ; qu’au cas d’espèce viole l’article 706-113 du code de procédure pénale l’arrêt qui, après avoir constaté que Mme [P], appelante de l’ordonnance de prolongation de sa détention provisoire, était “placée sous sauvegarde de justice et représentée par M. [T] [E], MJPM ès qualité de mandataire spécial par jugement du 6 mars 2014″, n’indique pas que ce mandataire spécial a été avisé de l’audience” ;
Vu l’article 706-113 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, le tuteur d’une personne majeure protégée doit être avisé des poursuites et des décisions de condamnation dont cette personne fait l’objet ; qu’il doit, en outre, être avisé de la date de toute audience concernant la personne protégée ;
Attendu que la chambre de l’instruction, après avoir relevé que Mme [P] avait été placée sous tutelle le 6 mars 2014, a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé la détention provisoire de la mise en examen pour une durée de six mois à compter du 10 mars à minuit ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que le tuteur de Mme [P] n’avait pas été avisé de la date d’audience, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar en date du 10 mars 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registre du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar et sa mention en marge de l’arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.