Contrat d’apporteur d’affaires : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/06388

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Contrat d’apporteur d’affaires : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/06388
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9 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/06388

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023

N° 2023/

GM

Rôle N° RG 20/06388 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGASB

[C] [X]

C/

S.A.S.U. STEF TRANSPORT

Copie exécutoire délivrée

le : 09/02/23

à :

– Me Agnès BOUZON-ROULLE, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 15 Juin 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/00267.

APPELANT

Monsieur [C] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Agnès BOUZON-ROULLE, avocat au barreau de MARSEILLE

et Me Emilie BLAS de la SELARL LEX ADVOCARE, avocat au barreau d’AVIGNON substitué par Me Sandy TESTUD, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMEE

S.A.S.U. STEF TRANSPORT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société Stef Transport fait partie du groupe Stef, qui intervient sur le marché spécifique de la distribution de produits alimentaires sous température dirigée avec respect de la chaîne du froid.

M.[C] [X] a été embauché par la société Stef Transport Plan d’Orgon le 1 er mars 2000.

Par avenant du 1er décembre 2015, le contrat de travail a été transféré à la société Stef Transport à compter du 1er janvier 2016.

M. [C] [X] percevait, en qualité de manager comptes clés au sein de la division « sea food » (catégorie cadres), une rémunération annuelle brute fixée à 52 000 euros sur 13 mois.

L’avenant de transfert prévoyait une clause de non-concurrence, applicable pendant deux ans à compter du jour de la cessation effective du contrat de travail et couvrant le territoire de la France entière.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires transport.

La rupture conventionnelle ayant été homologuée par la DIRECCTE, le contrat de travail de

M.[C] [X] a été rompu le 3 avril 2018.

La société Stef Transport a versé au salarié l’indemnité de non-concurrence prévue au contrat de travail, pour un montant mensuel de 1.671,55 euros bruts, durant toute la période d’interdiction, de 24 mois.

M.[C] [X] a décidé de créer sa propre structure. Le 31 mai 2018, il a signé un contrat d’appui au projet d’entreprise avec une association d’aide à la création d’entreprise portant sur une activité de « conseil en développement commercial et appui technique auprès des TPE/PME dans l’agroalimentaire ».

Par requête enregistrée le 5 décembre 2018, M. [C] [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Arles en contestation de la clause de non-concurrence, laquelle était, selon lui, illicite.

Par jugement du 15 juin 2020, le conseil de prud’hommes d’Arles a :

-dit que la clause de non-concurrence n’est pas illicite,

-dit que M. [C] [X] n’a pas commis d’infraction en regard de sa clause de non-concurrence,

-dit qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande de 25.000 euros en compensation d’un manque à gagner,

-débouté la société Stef Transport des demandes de retour d’indemnités et de l’application de la clause pénale pour non-respect de la clause de non-concurrence,

-condamné la société Stef Transport à réduire l’étendue de la clause de non-concurrence aux seuls produits de la mer,

-débouté M. [C] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société Stef Transport, de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté en totalité les deux parties du surplus de leurs demandes,

-laissé à chacune des parties la charge de ses entiers dépens.

Le 10 juillet 2002, M. [C] [X] a interjeté appel dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

Son appel se limite aux chefs de jugement expressément critiqués suivants :

-dit que la clause de non concurrence n’est pas illicite,

-dit qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande de 25 000 euros en compensation du manque à gagner,

-déboute M.[C] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Stef Transport a formé un appel incident.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er décembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2021, le salarié demande à la cour de :

-réformer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la clause de non-concurrence était licite et l’a débouté de toutes ses demandes,

-statuant à nouveau :

-dire que la clause de non-concurrence figurant au contrat est illicite,

-dire que le respect de la clause illicite lui a causé un préjudice, à savoir une perte de revenus d’un montant de 25 000 euros,

-condamner l’employeur au paiement de ladite somme,

-débouter l’employeur de l’intégralité de ses demandes,

-condamner l’employeur au paiement de la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, si la cour devait juger que M.[C] [X] a manqué à l’exécution de la clause litigieuse et si elle devait la juger licite,

-réduire la clause pénale à de plus justes proportions considérant l’absence de préjudice subi par l’employeur ce en application de l’article 1231-5 alinéa 2 du code civil.

Sur le caractère illicite de la clause et sur la demande d’indemnisation subséquente, le salarié fait valoir qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si :

‘ elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,

‘ elle est limitée dans le temps et dans l’espace,

‘ elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié,

‘ elle comporte une contrepartie financière.

En outre, la clause de non-concurrence doit respecter les critères posés par l’article L.1121-1 du code du travail qui protège le droit fondamental de liberté du travail. Elle ne doit pas empêcher le salarié de retrouver un emploi conforme à ses compétences et à son expérience professionnelle. Pour être valable, la clause doit laisser au salarié la possibilité d’exercer normalement l’activité qui lui est propre. Une clause excessive est jugée nulle.

En l’espèce, la clause insérée dans le contrat de travail de M.[C] [X] prévoit une interdiction, sur la France entière durant 2 ans, d’entrer en contact avec tous clients ou prospects du groupe. Cette clause excessive doit être jugée illicite.

Le salarié précise qu’à la lecture de son curriculum vitae, la cour peut constater qu’il bénéficie de 30 ans d’expérience dans l’agroalimentaire dont 20 ans dans le transport. Cette clause l’empêche donc de travailler dans un emploi correspondant à ses compétences et à son expérience.

Contrairement à ce que soutient la société Stef Transport, son activité telle qu’il l’exerce aujourd’hui ne constitue en rien une concurrence. L’employeur n’établit d’ailleurs pas le contraire. M.[C] [X] ne propose aucune prestation de transport. Il intervient dans le domaine du conseil en développement commercial et en réorganisation d’entreprises.

Sur l’appel incident de la société Stef, le salarié fait valoir que cette dernière demande est infondée. Alors que la société Stef Transport indique n’avoir subi aucun préjudice, elle réclame au total plus de 63 000 Euros.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2021, la société Stef Transport demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ jugé que la clause de non-concurrence était valable,

‘ débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour « perte de revenus »,

-infirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ jugé que M.[C] [X] n’avait pas commis d’infraction au regard de sa clause de non-concurrence,

‘ débouté la société Stef Transport de ses demandes reconventionnelles relatives au remboursement de la contrepartie financière versée au salarié à compter du 1 er juin 2018, au paiement de la clause pénale et au paiement de sommes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

-statuant à nouveau :

condamner M.[C] [X] à lui payer :

‘ 36.774,10 euros au titre des indemnités de non-concurrence versées à

compter du mois de juin 2018 jusqu’à l’expiration de la clause,

‘ 26.931,54 euros au titre de la clause pénale,

‘ 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, ceux d’appel distraits au profit de la société Lexavoué Aix-En-Provence, avocats aux offres de droit.

‘assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal et de l’anatocisme.

L’employeur soutient que la clause de non-concurrence est licite pour les motifs suivants :

-compte tenu du secteur d’activité particulièrement concurrentiel du transport frigorifique, une telle clause est nécessaire à la protection des intérêts de Stef Transport,

-la clause est bien limitée dans le temps (deux ans) et dans l’espace (territoire français),

-elle comporte une contrepartie pécuniaire,

-elle prend en compte l’emploi du salarié. Ce dernier étant responsable grands comptes, il avait accès à des données commerciales sensibles. La division Sea Food constitue le premier dispositif spécialisé de collecte et de distribution dans les produits de la mer en France et en Europe.

Toutefois, si par extraordinaire, la cour considérait que le champ d’application géographique de la clause est trop large, elle ne devra pas pour autant annuler la clause mais pourra réduire son champ d’application à un territoire qui lui semble plus pertinent.

Sur sa demande de condamnation du salarié à lui rembourser les sommes perçues au titre de la contrepartie financière versée mensuellement pendant la durée d’application de la clause et sur sa demande de condamnation à clause pénale, l’employeur indique que le salarié s’est libéré unilatéralement de cette clause. Il a violé en parfaite connaissance de cause l’interdiction de faire concurrence à la société, à laquelle il était tenu.

En l’espèce, la violation de la clause de non-concurrence à laquelle était tenu M.[C] [X] est avéré dans la mesure où :

– Il a créé une société exerçant une activité relative au transport,

– Il a pris contact avec des clients dont il avait la charge au sein de Stef Transport,

– Il a par la suite signé un contrat d’apporteur d’affaires avec la société Alliance O, cliente de la société Stef Transport et a par la suite organisé les livraisons de marchandises pour cette société.

Par ailleurs, si M.[C] [X] estimait ne pas être lié pas une clause valable et qu’il pouvait, selon lui, exercer une activité concurrente, il lui appartenait au préalable, de saisir les juges du fond afin qu’ils se prononcent sur ladite clause litigieuse. En effet, le salarié débiteur ne peut être le propre juge de l’obligation à laquelle il est assujetti en estimant, par exemple, qu’il n’est pas tenu de la respecter car, ayant pour effet de le priver de toute possibilité d’exercer sa profession, elle serait nulle.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

1-Sur les demandes relatives à la validité de la clause de non-concurrence

En application du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Pour apprécier la validité de la clause, les juges doivent prendre en compte l’ensemble des limitations qu’elle comporte, dans le temps, dans l’espace, quant aux activités concernées et en tenant compte des spécificités de l’emploi.

En l’espèce, la clause de non-concurrence dont la validité est discutée par les parties est rédigée ainsi : « 1/Etendue de la clause de non-concurrence : Compte tenu de la nature de vos fonctions, il vous est interdit en cas de cessation du présent contrat, quelqu’en soient l’époque et la cause :

-d’entrer au service d’une entreprise pouvant concurrencer la société, qui commercialiserait ou développerait des produits susceptibles de concurrencer les produits du groupe

-de vous intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une entreprise de cet ordre

-de maintenir des relations professionnelles, commerciales ou de prendre contact avec la clientèle après de laquelle vous aurez représenté la société ou l’une quelconque des filiales du groupe

Cette interdiction vaut pour toutes les entreprises de transport, location ou activités auxiliaires dont la clientèle, acquise ou potentielle, est similaire à celle auprès de laquelle exerce le groupe Stef.

L’interdiction de concurrence est limitée à une période de deux ans commençant le jour de la cessation effective de votre contrat de travail et couvre le territoire de la France entière.

2/Contrepartie financière :

En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, vous percevrez après votre départ effectif de la société, une indemnité forfaitaire (incluant l’indemnité de congés payés) de 35 % de votre dernier salaire brut mensuel de base, payable par mensualité pendant toute la durée d’interdiction de concurrence. »

En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Stef Transport est une société qui opère sur le marché particulier de la distribution de produits alimentaires sous température dirigée, marché qui est régi par des contraintes liées au respect de la chaîne du froid. Le salarié ne remet pas non plus en cause les dires de l’employeur selon lesquels l’activité de la société consiste principalement dans le groupage et le dégroupage de marchandises.

Le salarié indique que la société Stef Transport occupe une position dominante sur la marché. Il ajoute, sans que cela ne soit contesté, qu’elle effectue plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires.

De plus, M. [C] [X] occupait le poste de manager comptes clés au sein de la division « sea food ». Il ne conteste pas qu’il avait accès à des données commerciales particulièrement sensibles. La société Stef Transport affirme, sans que cela ne soit critiqué, que la décision « sea food » sur laquelle intervenait le salarié, constitue le premier dispositif spécialisé de collecte et de distribution des produits de la mer en France et en Europe.

Ainsi, en l’absence de clause de non-concurrence, les s intérêts de l’entreprise pouvaient être menacés en raison d’un risque de détournement de clientèle ou de divulgation d’un savoir-faire spécifique et de données sensibles.

La société Stef Transport établit que la clause était bien indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.

En revanche, s’agissant de la limitation dans l’espace, la clause de non-concurrence stipule qu’elle concerne le territoire de la « France entière ».

De plus, s’agissant de sa limitation dans le temps, La clause de non-concurrence prévoit ensuite qu’elle est limitée à une période de deux ans commençant le jour de la cessation effective du contrat de travail.

Cette interdiction de concurrence s’étendant sur tout le territoire de la France entière et ce pendant une durée de deux ans apparaît excessive, au regard de l’objet particulièrement vaste de l’interdiction de non-concurrence.

Concernant plus particulièrement l’objet de la clause, il faut rappeler que celle-ci est rédigée de la façon suivante : « Compte tenu de la nature de vos fonctions, il vous est interdit en cas de cessation du présent contrat, quelqu’en soient l’époque et la cause :

-d’entrer au service d’une entreprise pouvant concurrencer la société, qui commercialiserait ou développerait des produits susceptibles de concurrencer les produits du groupe

-de vous intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une entreprise de cet ordre

-de maintenir des relations professionnelles, commerciales ou de prendre contact avec la clientèle après de laquelle vous aurez représenté la société ou l’une quelconque des filiales du groupe 

Cette interdiction vaut pour toutes les entreprises de transport, location ou activités auxiliaires dont la clientèle, acquise ou potentielle, est similaire à celle auprès de laquelle exerce le groupe Stef. »

Cette clause, par sa généralité, sa durée de deux ans et l’étendue du secteur géographique, faisait perdre au salarié, employé pendant 18 ans par son ancien employeur, l’expérience professionnelle qu’il avait acquise depuis plusieurs années. Elle lui interdisait d’exercer sur tout le territoire national son activité professionnelle pendant deux années.

La clause est illicite.Le jugement est infirmé en ce qu’il dit et juge que la clause de non-concurrence n’est pas illicite.

Statuant à nouveau, il convient de dire que la clause de non-concurrence est illicite.

2-Sur la demande du salarié de dommages-intérêts en lien avec l’illicéité de la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence est ainsi rédigée : « Compte tenu de la nature de vos fonctions, il vous est interdit en cas de cessation du présent contrat, quelqu’en soient l’époque et la cause :

-d’entrer au service d’une entreprise pouvant concurrencer la société, qui commercialiserait ou développerait des produits susceptibles de concurrencer les produits du groupe

-de vous intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une entreprise de cet ordre

-de maintenir des relations professionnelles, commerciales ou de prendre contact avec la clientèle après de laquelle vous aurez représenté la société ou l’une quelconque des filiales du groupe 

Cette interdiction vaut pour toutes les entreprises de transport, location ou activités auxiliaires dont la clientèle, acquise ou potentielle, est similaire à celle auprès de laquelle exerce le groupe Stef. »

Le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence illicite  peut prétendre au versement de dommages-intérêts.

En l’espèce, dès lors que la cour estime illicite la clause de non-concurrence, M. [C] [X] peut prétendre à des dommages-intérêts mais seulement à hauteur du préjudice subi.

Le préjudice subi par le salarié sera partiel si ce dernier n’a pas respecté entièrement la clause de non-concurrence. C’est à l’employeur qu’il appartient d’apporter la preuve d’une éventuelle violation de la clause de non-concurrence par le salarié.

Il y a lieu d’examiner les éléments de preuve produits aux débats par l’employeur concernant une prétendue violation par le salarié de son obligation de non-concurrence.

La rupture conventionnelle du contrat de travail ayant produit effet le 3 avril 2018, l’interdiction de concurrence à laquelle le salarié était soumis, a duré du 3 avril 2018 au 3 avril 2020.

En l’espèce, il ressort du curriculum vitae du salarié que, suite à la rupture conventionnelle de son contrat de travail avec son ancien employeur, il a créé une entreprise dénommée « Eco Mar conseil » à partir de juin 2018. Le curriculum vitae précise qu’il s’agit d’une entreprise qui assure le développement commercial et l’organisation supply chain pour les TPE et PME agroalimentaire ».

L’employeur produit aux débats :

-un courriel professionnel du 25 juin 2019 d’un certain [P]. Ce dernier, salarié de la société Alliance O, cliente de l’ancien employeur indique : « Bonjour, vous allez recevoir en dépôt quai Stef [Localité 4] ce soir de : Furic 13 colis 130 kg, J'[Y] 9 colis 27 kg, [U] 5 colis, 20 kg. ces 57 colis sont pour la livraison du grand prix d’Autriche à [Localité 5]. [C] [X] va vous envoyer les instructions »,

-un courriel professionnel du 8 juillet 2019 de M. [C] [X] à l’en-tête de la société Alliance O (client de l’ancien employeur) dans lequel celui-ci indique : « Bonjour [I] la marchandise serait disponible mercredi soir sur Boulogne, pour livraison jeudi fin de matinée à Silverstone. Il y a aurait environ 800 kg soit 3 palettes Merci de nous donner un tarif pour cette livraison. »

Le salarié verse quant à lui un contrat d’apporteur d’affaires signé avec la société Alliance O. ce contrat prévoit que M. [C] [X] s’engage à identifier et présenter à la société Alliance 0 des clients susceptibles d’acquérir ses produits.

M.[P] [W], salarié de la société Alliance O, atteste que M. [C] [X] « intervient pour Alliance O, comme apporteur d’affaires pour les produits de la mer et les crustacés vivants (…) Sa mission en particulier consiste à trouver des nouveaux fournisseurs et de nouveaux clients pour les périodes de la mer frais et surgelés »

Or, s’agissant de la société Alliance O l’employeur démontre que cette dernière était une cliente de la société Stef Transport. En effet, il s’agissait d’une société comprise dans les affaires portées par M. [C] [X] quand il travaillait encore pour le compte de son ancien employer, ainsi que la copie d’écran relative aux affaires du salarié le démontre.

M.[C] [X] produit une attestation de Mme [T] [G], celle-ci indiquant : « M. [C] [X] est intervenu dans la mise en relation avec la société Leroy Seafood dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement de poisson pour la ville de [Localité 3] (‘) Dans ce cadre, nous avons utilisé les services de la STEF sur les recommandations de M. [X] pour les livraisons depuis le démarrage de ce partenariat. »

S’agissant de la société Leroy Seafood, l’employeur démontre que cette dernière était une cliente de la société Stef Transport. En effet, il s’agissait d’une société comprise dans les affaires portées par M. [C] [X] quand il travaillait encore pour le compte de son ancien employer, ainsi que la copie d’écran relative aux affaires du salarié le démontre.

Il résulte des pièces produites par les deux parties que le salarié, par l’intermédiaire de l’entreprise Eco Mar a entretenu des relations professionnelles avec deux sociétés qui étaient les clientes de son ancien employeur, du temps où il travaillait pour le compte de ce dernier. En outre, ces relations commerciales ont été entretenues durant la période d’application de la clause de non-concurrence.

Cependant, la clause de non-concurrence interdit au salarié de : « maintenir des relations professionnelles, commerciales ou de prendre contact avec la clientèle après de laquelle vous aurez représenté la société ou l’une quelconque des filiales du groupe Cette interdiction vaut pour toutes les entreprises de transport, location ou activités auxiliaires dont la clientèle, acquise ou potentielle, est similaire à celle auprès de laquelle exerce le groupe Stef. »

L’employeur démontre que M. [C] [X] a bien violé la clause de non-concurrence.

Ainsi, pour apprécier l’étendue du préjudice subi par le salarié en lien avec l’illicéité de la cause de non-concurrence, il y a lieu de tenir compte des éventuels revenus dégagés par ce dernier résultant de ses actes de violation de la clause de non-concurrence.

Tout d’abord, indépendamment du point de savoir s’il a dégagé des revenus résultant de ses actes de concurrence, le salarié démontre que même s’il a créé sa propre affaire le 31 mai 2018, il souhaitait tout de même s’orienter sur un autre emploi salarié. Il a fait de multiples recherches en ce sens. Il produit en effet plusieurs courriels de sociétés, datant de septembre et octobre 2018, qui ne retiennent pas ses candidatures à leurs offres d’emploi.

Ensuite, s’agissant de ses revenus en lien avec ses actes de concurrence, le salarié a signé un contrat d’apporteur d’affaires avec la société Alliance O le 1er juillet 2018.

Toutefois, il verse aux débats une attestation du 15 juin 2019 de non-rémunération rédigée en ces termes : «Je soussigné [B] [S], agissant en qualité de directeur général de l’association Provence Création d’Entreprises, couveuse d’activités, atteste par la présente que M. [C] [X] (‘) n’a perçu aucune rémunération depuis la signature de son CAPE ». Il produit enfin des attestations du Pôle Emploi témoignant qu’il a perçu des allocations d’aide au retour à l’emploi de 2408, 39 euros en janvier 2019 et avril 2019, de 2330, 7 euros en avril 2019.

Enfin, si l’employeur a indiqué au salarié, dans un courriel du 15 février 2018, qu’il pouvait éventuellement envisager l’opportunité de lever la clause, il ne s’agit que d’une simple déclaration de volonté Rien ne permet d’affirmer que si le salarié avait consulté l’employeur sur une offre d’emploi entrant dans le champs de l’interdiction de non-concurrence, ce dernier aurait effectivement autorisé M. [C] [X] à donner suite à une proposition ferme d’engagement.

Le préjudice subi par le salarié en lien avec l’illicéité de la clause de non-concurrence sera entièrement réparé par des dommages-intérêts à hauteur de 9 000 euros.

La cour, infirmant le jugement, condamne la société Stef Transport à payer à M. [C] [X] la somme de 9 000 euros de dommages-intérêts.

3-Sur la demande de l’employeur de remboursement de la contrepartie financière versée

La nullité de la clause de non concurrence ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par l’employeur contre son ancien salarié dès lors qu’il démontre que ce dernier s’est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard.

L’avenant du 1er décembre 2015 au contrat de travail prévoit, en son article 9.3 intitulé « violation de la clause de non-concurrence » que : « En cas de non-respect de la clause de non-concurrence, la société sera pour sa part libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière, sans préjudice de sa faculté de solliciter le remboursement de l’indemnité compensatrice indûment perçue ».

En l’espèce, alors que la cour juge que la clause de non-concurrence est nulle, l’employeur estime être en droit de solliciter le remboursement de la contrepartie financière versée au salarié pendant la durée d’application de la clause.

Toutefois, en présence d’une clause de non-concurrence jugée nulle, il appartenait à l’employeur d’engager contre le salarié une action en responsabilité délictuelle fondée sur des actes distincts de concurrence déloyale et non pas fondée sur des actes de violation de ladite clause.

Faute pour l’employeur d’invoquer la responsabilité délictuelle de M. [C] [X] concernant une éventuelle concurrence déloyale de ce dernier, la société Stef Transport ne peut qu’être déboutée de sa demande de remboursement des indemnités de non-concurrence versées au salarié.

La cour confirme le jugement en ce qu’il déboute l’employeur de sa demande de remboursement des indemnités de non-concurrence.

4-Sur la demande de l’employeur en paiement du montant prévu par la clause pénale

L’article 1152 ancien du code civil, dans sa rédaction en vigueur au moment de l’avenant du 1er décembre 2015 stipulant la clause pénale litigieuse prévoit : Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

L’avenant du 1er décembre 2015 au contrat de travail prévoit une clause pénale en cas de violation par le salarié de la clause de non-concurrence.

La clause pénale est ainsi rédigée : «En cas de non-respect de la clause de non-concurrence la société sera pour sa part libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière (…)e paiement de cette somme n’est pas exclusif du droit pour la société de vous poursuivre en dommages-intérêts aux fins de réparation du préjudice effectivement subi, dont le montant ne pourra en tout état de cause être inférieur à une somme forfaitaire de 6 mois de salaire. »

En présence d’une clause de non-concurence jugée nulle par la cour, la clause pénale n’est pas applicable.

L’employeur ne peut qu’être débouté de sa demande de dommages-intérêts en application de la clause pénale à hauteur de 26 931, 54 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence. Le jugement est confirmé.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Stef Transport sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1800 euros.

La société Stef Transport est déboutée de ses demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande au titre des intérêts au taux légal et d’anatocisme est également rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

-Infirme le jugement ce qu’il :

dit et juge que la clause de non-concurrence n’est pas illicite,

rejette la demande de dommages-intérêts du salarié en lien avec l’illicéité de la clause de non-concurrence,

-Statuant à nouveau des seuls chefs de jugement infirmés :

dit que la clause de non-concurrence est illicite,

condamne la société Stef Transport à payer à M. [C] [X] 9 000 euros de dommages intérêts en lien avec l’illicéité de la clause de non-concurrence,

-Confirme le jugement pour le surplus,

-Y ajoutant,

Condamne la société Stef Transport aux dépens

Condamne la société Stef Transport à payer à M. [C] [X] une somme de 1.800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Stef Transport de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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