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8 décembre 2022
Cour d’appel de Nancy
RG n°
21/02413
ARRÊT N° /2022
PH
DU 08 DECEMBRE 2022
N° RG 21/02413 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E3HD
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DIE-DES-VOSGES
18/00070
13 septembre 2021
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
S.A. PORTMANN LUX prise en la personne de son représentant légal audit siège social
[Adresse 4].
[Localité 6] (LUXEMBOURG)
Représentée par Me Odile LEMONNIER, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉ :
Monsieur [D] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Bertrand MARRION de la SCP DUBOIS MARRION MOUROT, avocat au barreau de NANCY, substitué par Me Thibaut MATHIAS, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Président : HAQUET Jean-Baptiste,
Conseiller : STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats : TRICHOT-BURTE Clara
DÉBATS :
En audience publique du 29 Septembre 2022 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 01 Décembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 08 Décembre 2022 ;
Le 08 Décembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Monsieur [D] [S] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société TRANSPORTS PORTMANN ET FILS à compter du 05 novembre 2001, en qualité de directeur commercial.
La relation contractuelle s’est poursuivie avec la société PORTMANN LUX, par la signature d’un nouveau contrat de travail en date du 02 janvier 2006 avec reprise de l’ancienneté de Monsieur [D] [S] au 05 novembre 2001.
Par courrier du 09 avril 2015, Monsieur [D] [S] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 avril 2015, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire, auquel il ne s’est pas présenté suite à son arrêt de travail pour maladie, prolongé jusqu’au 27 septembre 2015.
A compter du 29 septembre 2015, Monsieur [D] [S] a été placé à nouveau en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 31 octobre 2015.
Par courrier du 01 octobre 2015, Monsieur [D] [S] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 08 octobre 2015.
Par courrier du 15 octobre 2015, Monsieur [D] [S] a été licencié pour faute grave.
Par requête du 09 septembre 2016, Monsieur [D] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges, aux fins :
– de dire et juger que les faits objets de son licenciement sont prescrits,
– de dire et juger que la lettre de licenciement ne répond pas aux dispositions de l’article L.124-10 du code du travail luxembourgeois, comme étant insuffisamment précise et motivée,
– de dire et juger que son licenciement ne repose sur aucun élément factuel sérieux,
– de dure et juger son licenciement abusif,
– de dire et juger son licenciement brutal et vexatoire eu égard aux circonstances de sa survenue,
– de condamner la société PORTMANN LUX à lui verser les sommes suivantes :
– 55 999,35 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés dus à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 16 969,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 101 817,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 1.137,93 euros au titre du remboursement des frais exposés au titre du mois de février 2015, avec intérêt au taux légal à compter du 1 er mars 2015 ;
– 1 000,00 euros en remboursement de la déduction injustifiée opérée par la société PORTMANN LUX sur son solde de tout compte, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 10 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 avril 2017, le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges s’est déclaré territorialement compétent suite à la demande de renvoi devant le tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette au Luxembourg, formée par la société PORTMANN LUX.
Par arrêt du 28 mars 2018, la chambre sociale de la Cour d’appel de Nancy a confirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges, suite au contredit formé par la société PORTMANN LUX, et renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges.
Par arrêt du 27 novembre 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société PORTMANN LUX.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 13 septembre 2021, lequel a :
– dit que la demande de Monsieur [D] [S] est recevable et que le Code du Travail luxembourgeois est applicable,
– dit que les faits, objets de la lettre de licenciement délivrée le 15 octobre 2015 à Monsieur [D] [S] par la société PORTMANN LUX ne sont pas prescrits,
– dit que le licenciement de Monsieur [D] [S] est dépourvu de causes réelles et sérieuses,
– dit que le licenciement de Monsieur [D] [S] est abusif,
– dit que le licenciement revêt un caractère brutal et vexatoire,
– condamné la société PORTMANN LUX à verser à Monsieur [D] [S] les sommes suivantes :
– CINQUANTE CINQ MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF EUROS TRENTE CINQ CENTIMES (55 999,35 euros) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés dus à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– SEIZE MILLE NEUF CENT SOIXANTE NEUF EUROS CINQUANTE CENTIMES (16 969,50 euros) au titre de l’indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– CINQUANTE SIX MILLE EUROS (56 000 euros) au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif augmentés des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
– MILLE CENT TRENTE SEPT EURO QUATRE VINGT TREIZE CENTIMES (1 137,93 euros) au titre du remboursement des frais exposés par Monsieur [D] [S] au titre du mois de février 2015,
– DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Monsieur [D] [S] du surplus de ses demandes,
– débouté la société PORTMANN LUX de l’ensemble de ses demandes,
– rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de plein droit, conformément à l’article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaires étant fixée à la somme de 8 454,75 euros,
– condamné la société PORTAMNN LUX aux entiers frais et dépens de l’instance.
Vu l’appel formé par la société PORTMANN LUX le 06 octobre 2021,
Vu l’appel incident formé par Monsieur [D] [S] le 10 mars 2022,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société PORTMANN LUX déposées sur le RPVA le 03 juin 2022, et celles de Monsieur [D] [S] déposées sur le RPVA le 05 mars 2022,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 07 septembre 2022,
La société PORTMANN LUX demande :
– d’infirmer le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges en toutes ses dispositions sauf en ce que le code du travail luxembourgeois est applicable,
Statuant à nouveau :
– de constater que le licenciement est fondé sur les faits invoqués dans la procédure engagée le 1er octobre 2015,
– de constater que les faits invoqués à l’appui du licenciement ne sont pas prescrits,
– de constater que le licenciement est intervenu pour motif grave rendant impossible le maintien de Monsieur [D] [S] dans la société PORTMANN LUX,
– de constater que le licenciement ne revêt aucun caractère abusif, brutal et vexatoire,
– de débouter Monsieur [D] [S] de l’intégralité de ses demandes,
– de condamner Monsieur [D] [S] à payer à la société PORTMANN LUX une somme de 5 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Monsieur [D] [S] demande :
– d’infirmer le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Saint Die des Vosges en ce qu’il a :
– dit que les faits, objets de la lettre de licenciement délivrée le 15 octobre 2015 à Monsieur [D] [S] par la société PORTMANN LUX ne sont pas prescrits,
– condamné la société PORTMANN LUX à verser à Monsieur [D] [S] les sommes suivantes :
– CINQUANTE CINQ MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF EUROS TRENTE CINQ CENTIMES (55 999,35 euros) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés dus à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– SEIZE MILLE NEUF CENT SOIXANTE NEUF EUROS CINQUANTE CENTIMES (16 969,50 euros) au titre de l’indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– CINQUANTE SIX MILLE EUROS (56 000 euros) au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif augmentés des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
– MILLE CENT TRENTE SEPT EURO QUATRE VINGT TREIZE CENTIMES (1 137,93 euros) au titre du remboursement des frais exposés par Monsieur [D] [S] au titre du mois de février 2015,
– DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Monsieur [D] [S] du surplus de ses demandes,
– rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de plein droit, conformément à l’article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaires étant fixée à la somme de 8 454,75 euros,
*
Statuant à nouveau :
– de dire et juger que les faits objets de son licenciement sont prescrits,
– de dire et juger que la lettre de licenciement ne répond pas aux dispositions de l’article L.124-10 du code du travail luxembourgeois, comme étant insuffisamment précise et motivée,
– de condamner la société PORTMANN LUX à payer à Monsieur [D] [S] les sommes de :
– 63 922,98 euros au titre du préavis et des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 19 370,60 euros au titre de l’indemnité de départ avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 116 223,60 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 29 055,90 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère brutal et vexatoire du licenciement intervenu, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 1 137,93 euros au titre du remboursement des frais exposés par Monsieur [D] [S] au titre du mois de février 2015, avec intérêt au taux légal à compter du 1 er mars 2015,
– 1 000,00 euros en remboursement de la déduction injustifiée opérée par la société PORTMANN LUX sur le solde de tout compte de Monsieur [D] [S] augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 15 000,00 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de l’appel interjeté,
*
– de confirmer le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges pour le surplus,
– de condamner la société PORTMANN LUX à payer à Monsieur [D] [S] la somme de 10 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– de condamner la société PORTMANN LUX aux entiers frais et dépens de première instance et de l’instance d’appel.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 03 juin 2022, et en ce qui concerne le salarié le 05 mars 2022.
La lettre de licenciement du 15 octobre 2015 est ainsi rédigée :
« Par la présente je suis au regret de vous notifier votre licenciement avec effet immédiat en raison des faits suivants.
Vous avez été convoqué en date du 1er Octobre 2015, à un entretien se déroulant le Jeudi 8 Octobre 2015 à 11heures au sein de nos bureaux de Livange et envisageant votre licenciement.
A ce titre, vous étiez assisté de Monsieur [B] [E] en sa qualité de délégué du personnel.
Lors de l’entretien, plusieurs points qui ont été portés à notre connaissance engendrant des faits préjudiciables vous ont été énumérés par questions successives.
De façon précise, il s’agissait en l’espèce des questions suivantes :
« 1/Savez-vous pour quels motifs nous vous convoquons ‘»
Votre réponse a été la suivante : «Je pense savoir suite à ma venue en date du 28 Septembre 2015 ».
« 2/Pourriez-vous nous indiquer si vous avez déjà délivré des faux dans l’entreprise ‘ »Par exemple la délivrance de :
”’ Faux plannings
”’ Faux comptes rendus de visites
Votre réponse a été la suivante : « Pas de réponse à communiquer, d’ailleurs je ne connais pas l’existence de plannings, ni de compte rendus de visites au sein de l’entreprise ».
« 3/Pourriez-vous nous indiquer si vous respectez les notes de service les directives de l’employeur ‘ ».Concernant notamment des :
‘ Note de frais
‘ Non utilisation de la carte gasoil pendant les weekends
– Alcool interdit pendant le travail
– Respect de la limitation des vitesses
– Prise de gasoil moins économique
Votre réponse a été : «Je n’ai pas de réponse à apporter ».
4/Estimez-vous que vous exécutez votre contrat de travail de bonne foi’
Votre réponse a été « Oui pleinement et toujours ».
5/Avez-vous déjà sciemment divulgué de fausses informations au sein de l’entreprise ‘
Votre réponse a été « Absolument pas ».
6/Avez-vous déjà détourné des biens de l’entreprise à votre profit ‘
Non absolument pas
A ce niveau de l’entretien, vous avez signalé que vous refusiez de continuer l’entretien car vous n’avez pas à répondre à ces questions, et que ces questions ne vous intéressaient pas.
Nous avons indiqué que nous souhaitons faire le point sur différents faits qui ont été portés à notre connaissance et vérifiés récemment.
A ce titre, il a été demandé à ce que vous ne diligentiez pas l’entretien car il s’agit pour la direction de bien vouloir savoir si les faits sont avérés ou non.
La Direction poursuit en présentant des mails sur lesquels vos plannings apparaissent. Vous avez rétorqué que vous ne pouviez pas identifier ceux-ci.
Nous avons relevé que ceux-ci émanaient directement de vous et que de plus vous étiez également destinataire de ceux-ci. Vous avez qu’effectivement cela devait finalement correspondre à vos plannings mais que vous émettiez une réserve de vérification.
Nous nous sommes permis de reprendre plusieurs clients indiqués et nous vous avons demandé si vous les connaissiez et si vous les aviez visités.
Il s’agissait à titre d’illustration des quelques clients suivants cités aléatoirement dont ; «SERMES, SCHAFFLER AHLSTROM (site de [Localité 5])… »
Vous avez répondu que vous aviez effectivement rencontrés chacun d’entre eux régulièrement conformément aux plannings que vous délivriez.
Or, nous nous permettons de vous produire les résultats des enquêtes audits/satisfaction commerciales.
Il apparaît que ces clients nous confirment soit ne jamais vous avoir rencontré, soit les sites n’existent plus. Nous vous demandons des explications alors que vous confirmiez lors de notre demande si vous les visitiez.
Vous nous répondez que vous n’aviez rien à dire à ce sujet.
Dans le même sens, nous nous permettons de vous interroger sur vos plannings et nous vous indiquons qu’une autre incohérence apparaît.
En effet, les indices kilométriques de votre véhicule de fonction lors de vos différents entretiens (changements de pneus, entretien véhicule..) font apparaître un différentiel entre les kilomètres que vous aviez à parcourir selon vos plannings et les kilomètres indiqués réellement sur votre compteur de voiture. Effectivement, nous constatons un différentiel d’environ 28 000 kilomètres annuel en moins par rapport aux décomptes effectués.(utilisation du logiciel Loxane)
Dans la même logique, nous vous indiquons que les prises de consommation de votre carte bancaire gasoil et votre badge autoroute ne correspondent pas.
Vous répondez que des visites ont pu être effectivement annulées dans l’intervalle.
Nous vous indiquons alors qu’une autre incohérence apparaît alors puisqu’aucune information dans ce sens n’apparaît pour prévenir de rendez-vous annulés.
Vous nous répondez que vous ne saviez pas qu’il fallait prévenir en cas d’annulation de rendez-vous.
Nous nous permettons de vous souligner que dans ce cadre, nous ne comprenons pas comment vous pouviez fournir des comptes rendus de visites alors que vous faites état d’annulation de rendez-vous de ceux-ci expliquant ainsi l’incohérence de vos trajets.
Vous ne désirez pas répondre à ce sujet.
Nous nous permettons de vous demander si vous avez eu récemment un incident avec votre véhicule.
Vous répondez que vous n’avez aucun souvenir d’un quelconque incident avec votre véhicule.
Nous vous demandons si la date du 4 Mars 2015 peut interpeller votre mémoire et répondez par la négative.
Nous vous indiquons que vous aviez signalé à cette date à Monsieur [R] que vous vous trouviez dans le département (19) près de [Localité 3] en France.
Vous avez rétorqué que cela était possible.
Nous vous avons répondu que vous aviez eu un appel de Monsieur [R], avec en présence, l’un des clients de l’entreprise à savoir Monsieur [C].
Vous répondez ne pas vous souvenir.
Toutefois, vous expliquez qu’effectivement vous deviez sans doute être dans ce département puisque vous aviez rendez-vous avec l’un des clients de l’entreprise.
Or, nous vous indiquons que nous pensions que vous n’étiez pas à ce rendez-vous, puisque vous aviez eu accident près de votre domicile, soit à [Localité 7] (en France), mais que vous avez encore délivré un faux dans la mesure ou vous étiez selon votre compte rendu de visite ce 4 Mars 2015 à [Localité 3] aux alentours de 14h … et à [Localité 7] vers 17h15 … soit à plus de 850 kilomètres !
Vous ne répondez que vous n’avez rien à déclarer par rapport à cela.
Nous vous interrogeons sur les prises de gasoil et l’utilisation des badges autoroutes pendant votre arrêt maladie du 8 Avril au 28 Septembre 2015 occasionnant plus de 2700 euros de dépenses alors que ces cartes sont destinées à un usage professionnel, et que cela constitue tant au point de vue du règlement intérieur que des différentes notes de services à ce sujet, un détournement des biens de l’entreprise à des fins personnelles.
Vous nous soulignez ne rien avoir à répondre à cela.
Toujours dans le contexte du respect des notes de service et du règlement intérieur, nous vous demandons de bien vouloir nous justifier les montants communiqués sur vos notes de frais et de repas ainsi que sur la consommation de l’alcool pendant les repas, notamment ceux du midi.
Vous nous indiquez ne pas avoir connaissance de notes de service à ce sujet, et nous nous permettons de vous rappeler immédiatement que vous en étiez destinataire par accusé réception.
Vous revenez sur votre version et expliquez qu’il arrive que parfois des clients consomment de l’alcool lorsque vous les inviter.
Or, nous vous indiquons que si nous pouvons admettre que des clients consomment de l’alcool lorsque vous les invitez, nous faisons référence préalablement à des notes de frais ou vous étiez seul et lorsque vous deviez conduire lors du reste de la journée.
Vous ne répondez rien à ce sujet.
En, outre nous revenons sur des prises de gasoil récurrentes liées hors de vos temps de travail et notamment pendant vos congés alors que celles-ci sont formellement prohibées et que cela a été rappelé à différentes reprises et ce, même pendant des réunions.
Vous indiquez ne pas avoir connaissance d’une quelconque interdiction.
Nous revenons sur votre venue à votre poste de travail en date du 28 Septembre 2015, et nous vous demandons de bien vouloir nous expliquer votre attitude à savoir de quitter délibérément votre poste de travail alors que nous vous indiquions que cette attitude pouvait être constitutive d’une faute.
Vous avez répondu qu’estimant que vos conditions posées par votre courrier du 25 Septembre 2015 n’ont pas été respectées, vous n’aviez pas à rester à votre poste de travail.
Nous nous permettons de vous rappeler qu’un ordinateur portable et un téléphone portable étaient présents.
Vous avez répondu que cela n’était pas à vous de le prendre sur le bureau mais qu’il fallait que ceux-ci vous soient remis directement de nos mains à vos mains.
Nous nous permettons de vous souligner que cette attitude est parfaitement désobligeante.
De ce fait, devant le peu d’explications fournies sur la gravité des faits reprochés, toute continuation des relations de travail est devenue impossible et nous nous voyons contraints de procéder à votre licenciement avec effet immédiat pour faute grave aux motifs d’avoir délibérément produits des faux et causés des actes de déloyauté au sein de l’entreprise et ne pas avoir respecter les termes de vos fonctions en corrélation avec les directives de l’entreprise.
D’avoir en outre, abandonner votre poste de travail et avoir détourné des biens de l’entreprise à usage personnel.
Vous comprendrez que nous sommes donc dans l’obligation de vous licencier pour faute grave avec les conséquences que cela implique, à savoir que
M.[V] [L] »
Sur la prescription des faits reprochés dans la lettre de licenciement
La société PORTMANN LUX fait valoir les faits évoqués dans la lettre du 15 octobre 2015 ne sont pas ceux mentionnés dans celle du 09 avril 2015.
Elle indique avoir eu connaissance des faits reprochés à la suite de l’enquête diligentée par le service qualité et process et le service des ressources humaines et à la lecture des rapports qu’ils ont réalisés les 21 et 28 septembre 2015. Elle ajoute que l’abandon de son travail par M.[D] [S] le 28 septembre 2015 est intervenu dans ce même délai.
Elle estime que le salarié oublie que durant la période d’avril à septembre 2015, il continuait à utiliser son véhicule de fonction et de commettre des excès de vitesse, qu’il ne justifiait pas de ses prolongations d’arrêts de travail.
M. [D] [S] estime qu’il appartient à la société PORTMANN LUX de justifier que les faits reprochés sont distincts de ceux invoqués dans la lettre de convocation à l’entretien préalable du 09 avril 2015 ; qu’il lui appartient également de rapporter la preuve qu’elle n’a eu connaissance des faits qu’elle considère comme fautifs, que moins d’un mois avant la date du licenciement, soit le 15 octobre 2015.
Il fait valoir que la plupart des faits reprochés ne sont pas datés, et que l’ensemble des faits qui sont datés, hormis ceux relatifs à l’utilisation de la carte carburant pendant sa mise à pied à titre conservatoire, sont largement antérieurs au 1er septembre 2015.
Il indique que l’ensemble des faits évoqués, sans exception, étaient nécessairement connus de la société PORTMANN LUX bien avant le 1er septembre 2015 :
– la société PORTMANN LUX lui reproche d’avoir transmis de faux planning et de faux comptes rendus de visite ; or, ces plannings et ces comptes rendus étaient adressés chaque semaine à la Direction, qui avait donc la possibilité de les vérifier.
– de même, la société PORTMANN LUX lui reproche l’usage de la carte gasoil, du badge péage et de note de frais ou encore de contraventions au code de la route.
Pour chacun de ces motifs, la société PORTMANN LUX disposait en temps réel de l’ensemble des informations y afférent.
Motivation
Les parties s’accordent sur l’application du code du travail luxembourgeois au litige.
L’article 124-10 du Code du travail luxembourgeois prévoit que :
« Le ou les faits ou fautes susceptibles de justifier une résiliation pour motif grave ne peuvent être invoqués au-delà d’un délai d’un mois à compter du jour où la partie qui l’invoque en a eu connaissance, à moins que ce fait n’ait donné lieu dans le mois à l’exercice de poursuites pénales.
Le délai prévu à l’alinéa qui précède n’est pas applicable lorsqu’une partie invoque un fait ou une faute antérieure à l’appui d’un nouveau fait ou d’une nouvelle faute »
Les lettres du 09 avril 2015 sont les suivantes (pièces 8 et 9 du salarié)
« (‘)
Objet : mise à pied immédiate à titre conservatoire
Monsieur
Nous venons d’avoir connaissance de faits et d’agissements graves de votre part susceptibles d’ébranler largement la confiance que nous avons en vous.
Par conséquent, et jusqu’à nouvel ordre, nous vous notifions votre mise à pied avec effet immédiat à titre conservatoire,.
Durant la mise à pied, vous êtes dispensé de toute prestation de travail et avez interdiction d’accéder à l’entreprise.
Le paiement de vos salaires, traitements, indemnités et autres avantages seront maintenus. »
« (…)
Objet : convocation à un entretien envisageant une sanction pouvant aboutir à un licenciement avec effet immédiat en raison d’une faute grave faisant suite à notification d’uen mise à pied conservatoire
Monsieur,
En vertu des dispositions du code du travail, nous vous prions de bien vouloir vous présenter auprès de Monsieur PORTMANN [N] en date du Jeudi 16 Avril 2015 à 11H30, au sein de l’entreprise, située [Adresse 4] (Luxembourg)
Votre mise à pied conservatoire est maintenue jusqu’à cette date incluse.
A ce jour nous avons eu connaissance il y a moins d’un mois que vous auriez produit des faux
documents ainsi que détourné des biens appartenant à l’entreprise.
De ce fait, nous voudrions recueillir vos explications sur ces différents sujets.
Nous envisageons-une sanction pouvant aboutir à un licenciement pour faute grave avec effet
immédiat.
Nous attirons votre attention sur le fait que lors de cet entretien préalable vous êtes autorisé a
vous faire assister par un salarié de votre choix appartenant au personnel de l’entreprise ou par un représentant d’une organisation syndicale représentative sur le plan national et représentée au sein de la délégation du personnel de l’entreprise.
De notre côté, nous nous réservons le droit de nous faire assister, lors de l’entretien, par un membre du personnel.
(…) »
S’agissant du grief relatif aux visites de clients et de déplacements, les pièces visées par la société PORTMANN LUX dans ses conclusions datent de 2014, et le fait le plus récent invoqué est une visite auprès de la société FIBRE EXCELLENCE en février 2015 (page 11 de ses conclusions).
Compte tenu des termes de la lettre du 09 avril 2015, il appartient à la société PORTMANN LUX de démontrer qu’à cette date la production de faux documents et le détournement de biens visés n’étaient pas ceux-là mêmes dont elle fait état dans ses écritures, démonstration qu’elle n’apporte pas, les seuls rapports des 21 et 28 septembre 2015 (pièces 20 et 38 de l’employeur) ne pouvant en tenir lieu, en ce qu’ils portent sur des périodes dont la plus récente est le mois de mars 2015, et alors qu’il n’est pas contesté que les plannings et justificatifs étaient transmis à la société dans la semaine suivante.
Ces faits sont donc prescrits.
S’ agissant du grief de non-respect des directives concernant l’utilisation des cartes de crédit et dépenses de gasoil et d’autoroute pendant la période d’arrêt de travail :
– la pièce la plus récente sur les frais (pièces 31 de l’employeur) date de février 2015
– la pièce 17 visée pour justifier des frais de carburant n’est pas relative à cette question ; il s’agit du « planning des responsables non sédentaires et commerciaux »
– l’appelante ne vise aucune pièce s’agissant des frais de gasoil et de péages pendant l’arrêt maladie de l’intimé, et n’explique pas au surplus les raisons pour lesquelles elle n’aurait pas été alertée par ces éléments, alors que M. [D] [S] était en arrêt maladie au moins du 09 avril au 28 septembre ; elle ne produit aucune pièce justifiant de tels frais antérieurs de moins d’un mois à la lettre de licenciement
– sa pièce 25 (extrait du procès-verbal d’audition de M. [D] [S] par la Gendarmerie le 08 décembre 2015) porte aveu par le salarié de l’utilisation du véhicule de fonction pendant son arrêt de travail, mais ne mentionne pas l’usage d’une carte carburant ou de péage.
– sa pièce 26 est constituée de deux avis de contravention émis le 20 juillet 2015 et le 31 juillet 2015 ; la société PORTMANN LUX n’explique pas et ne justifie pas de sa connaissance de ces avis moins d’un mois avant la lettre de rupture, alors que ces avis, qui portent sa dénomination et son adresse, lui ont été par définition adressés.
Ces faits sont donc prescrits.
S’agissant de la consommation d’alcool, la société PORTMANN LUX renvoie à ses pièces 31, qui, comme il a été indiqué supra, datent au plus tard de février 2015, et à la pièce adverse 49, qui sont des photocopies de tickets de caisse qui datent de février 2015.
La pièce 20 de l’appelante (rapport d’analyse du 21 septembre 2015) et sa pièce 34 (note confidentielle du 28 septembre 2015) ne portent pas sur la consommation d’alcool, mais seulement sur les déplacements professionnels et les prises de gasoil de M. [D] [S].
Les justificatifs de dépenses transmis par M. [D] [S] et produits par la société PORTMANN LUX en pièces 31 ont été reçus pour les plus récents (ceux de janvier 2015) le 04 février 2015, ainsi qu’en atteste le tampon-dateur apposé par les services de l’employeur (pièces 31b), les justificatifs de février 2015 (pièces 31a) ne portant pas de cachet de dateur.
Dans ces conditions, la société PORTMANN LUX ne démontre pas, alors qu’elle a reçu les pièces indiquant la consommation d’alcool lors des repas, dans le mois suivant l’engagement de ses frais par le salarié, que sa connaissance du grief soit antérieure de moins d’un mois à compter du jour de la procédure disciplinaire.
Ce grief est donc prescrit.
L’abandon de poste reproché vise la date du 28 septembre 2015, date non discutée par M.[D] [S].
La procédure disciplinaire ayant été engagée le 1er octobre 2015, ce fait n’est pas prescrit.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que les griefs, autres que l’abandon de poste, n’étaient pas prescrits.
Sur le licenciement
Au terme du développement précédent, seul le grief d’abandon de poste le 28 septembre 2015 n’est pas prescrit.
La société PORTMANN LUX explique que M. [D] [S] s’est rendu sur son lieu de travail qu’il a quitté sans concertation de l’employeur ; il a ensuite transmis un nouvel arrêt de travail à compter du 29 septembre.
Elle conteste que l’intimé ait été mis dans l’incapacité de reprendre son travail, ou qu’il se soit rendu sur place uniquement pour connaître les intentions de son employeur.
M. [D] [S] fait valoir qu’il avait été mis à pied par lettre du 09 avril 2015, qui lui faisait interdiction de paraître au siège de l’entreprise ; qu’au terme de son arrêt maladie, et face au silence de l’employeur, il s’est rendu au siège de la société pour savoir si cette dernière entendait lever la mise à pied conservatoire ; que constatant qu’elle n’y consentait pas, il est reparti.
Motivation
La société PORTMANN LUX ne répond pas aux arguments de M. [D] [S].
La société PORTMANN LUX produit :
– en pièce 9 sa lettre du 09 avril 2015 adressée à M. [D] [S] : « (‘) Par conséquent, et jusqu’à nouvel ordre, nous vous notifions votre mise à pied avec effet immédiat à titre conservatoire.
Durant la mise à pied, vous êtes dispensé de toute prestation de travail et avez interdiction d’accéder à l’entreprise. (…) »
– en pièce 11 le courrier de M. [D] [S] du 22 septembre 2015 dans lequel le salarié écrit : « (‘) Je vous signale la cessation de la suspension de mon contrat de travail à la date du 27 septembre 2015, et mon retour à mon poste de travail le 28 septembre prochain.
Pour autant, je ne serais être en mesure de reprendre mes missions qu’aux trois conditions suivantes.
– notification avant cette date, par vos soins de la fin de la mise à pied, notifiée par courrier du 09 avril 2015
– remise à disposition avant cette date de tous les outils de travail qui m’ont été retirés depuis cette date, à savoir (‘)
– renonciation au projet de rupture du contrat, et au motif injurieux qui prétendait le notifier.
Je vous signale que je serais exceptionnellement présent le 28 septembre au siège Luxembourgeois du Groupe, pour obtenir matériellement la levée de ces trois conditions, si vous n’y avez pas souscrit avant cette date, alors même que mon activité principale est exercée de manière itinérante ou à partir de mon domicile »
– en pièce 12 la lettre reçue de M. [D] [S] et datée du 28 septembre 2015 : « (‘) j’observe que malgré mon retour prévu le 28 septembre dernier, vous ne vous êtes pas acquitté de vos obligations en me fournissant pas les outils nécessaires à l’exécution de mes missions.
A défaut d’une explication par retour de courrier, j’en tirerais toutes les conséquences de droit, notamment en terme de résiliation du contrat de travail à votre charge. (…) »
La société PORTMANN LUX ne justifie pas de la levée de la mise à pied conservatoire notifiée le 09 avril 2015, comme M. [D] [S] l’y invitait par lettre du 22 septembre 2015.
Dès lors, ainsi qu’il l’expose dans ses conclusions et l’exposait dans sa lettre préalable du 22 septembre 2015, M. [D] [S] s’est déplacé au siège de la société pour avoir des explications sur sa situation. Il ne peut donc lui être reproché un abandon de poste le 28 septembre 2015, alors qu’il était encore à cette date sous le coup de sa mise à pied, comprenant interdiction de paraître sur son lieu de travail.
Le grief n’est donc pas établi.
En l’absence de grief établi au soutien du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
M. [D] [S] précise qu’en droit luxembourgeois, aucun barème n’existe quant au montant alloué au salarié licencié abusivement.
Il indique que son salaire de référence est de 9 685,30 euros par mois, et précise son mode de calcul en pages 32 et 33 de ses conclusions.
Il sollicite, en expliquant ses calculs, 58 111,80 euros au titre du préavis, outre 5811,18 euros au titre des congés payés afférents, et 19 370,60 euros au titre de l’indemnité de départ prévu dans le droit du travail luxembourgeois, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015, date du licenciement.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, il fait valoir qu’il était âgé de 53 ans au jour de son licenciement, qu’il occupait le poste de directeur commercial, dans un secteur en difficulté économique, et que ce poste hiérarchiquement élevé réduit les possibilités d’en retrouver un équivalent.
Il ajoute que la procédure disciplinaire a été longue, et qu’il a subi un traumatisme du fait d’un dispositif de géolocalisation et d’écoute dans son véhicule de fonction.
Il souligne l’absence de motivation du licenciement, et le fait que l’entreprise a tenté de lui imposer la revente de ses actions et la signature d’un contrat d’apporteur d’affaire à la place de son contrat de travail.
– sur le salaire de référence, l’indemnité de préavis et l’indemnité de départ
La société PORTMANN LUX conteste le calcul opéré par le salarié de son salaire de référence, en indiquant que celui-ci se calcule à partir des salaires bruts des 12 mois précédant la notification de la résiliation, soit le 15 octobre, et non sur les 12 mois de 2014.
Il ressort des conclusions de M. [D] [S] que celui-ci calcule son salaire de référence sur la base des 12 mois précédant la rupture, et non comme le prétend l’employeur sur les 12 mois de 2014.
Par ailleurs, la société PORTMANN LUX n’indique pas de quel montant serait, selon elle, le salaire de référence de M. [D] [S].
Dans ces conditions, le salaire de référence à retenir est de 9 685,30 euros, comme l’expose l’intimé.
La société PORTMANN LUX estime que dès lors que le licenciement est intervenu pour faute grave, M. [D] [S] ne saurait prétendre aux indemnités sollicitées.
Ses écritures ne contiennent aucune critique du calcul des sommes réclamées.
En conséquence, il sera fait droit aux demandes à ces titres, ainsi qu’à la demande d’indemnité de congés payés afférents ,outre les demandes d’assortir les sommes des intérêts au taux légal, demandes non critiquées.
– sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif
La société PORTMANN LUX conteste lui avoir proposé un contrat d’apporteur d’affaires, et souligne que le salarié a retrouvé du travail trois mois et demi après la rupture, et qu’il se plaint d’une procédure disciplinaire longue alors qu’il était en arrêt de travail pendant la période ayant précédé son licenciement.
Elle ajoute qu’en ce qui concerne le traçage du véhicule, sa responsabilité pénale n’a pas été reconnue.
L’appelante estime que M. [D] [S] ne justifie d’aucun préjudice qui découlerait du licenciement.
Compte tenu de l’âge de M. [D] [S] au jour du licenciement, et de ce qu’il a retrouvé du travail trois mois et demi après le licenciement, ce qu’il ne conteste pas, sans invoquer une perte de revenu du fait de ce changement d’employeur, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 60 000 euros,
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour caractère brutal et vexatoire du licenciement
M. [D] [S] explique qu’il avait des fonctions importantes au sein de la société, dont il était par ailleurs actionnaire, occupant ainsi un haut niveau hiérarchique.
Il fait valoir être traité dans la lettre de licenciement comme un alcoolique et comme un escroc.
Il souligne ensuite avoir été licencié pour faute grave signifiant son départ immédiat de l’entreprise, avec l’infamie qu’un tel licenciement fait peser sur lui.
Il indique également que la société est allée jusqu’à placer un traceur dans son véhicule de fonction dans le but de l’espionner.
Il fait enfin valoir que la société PORTMANN LUX souhaitait se séparer de lui pour des raisons financières, et que c’est pour lui forcer la main dans le cadre d’une négociation sur le rachat de ses parts sociales et sa sortie de l’entreprise que cette dernière a engagé la première procédure de licenciement en avril 2015.
La société PORTMANN LUX fait valoir qu’elle n’a jamais utilisé les termes d’alcoolique et d’escroc.
Elle explique que le licenciement est intervenu pour faute grave en raison de multiples fautes relevées, d’autant plus graves qu’elles émanaient du directeur commercial de la société et témoignaient d’un comportement particulièrement déloyal ; elles rendaient impossible le maintien de M. [D] [S] dans l’entreprise.
Motivation
Aux termes des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par lequel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, il ressort de la lecture de la lettre de licenciement, reproduite plus haut, que celle-ci ne contient aucun terme injurieux ou vexatoire.
Les reproches formulés à l’encontre du salarié ne dépassent pas, dans leur formulation, les limites du pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Le choix d’un licenciement pour faute grave, impliquant la rupture immédiate du contrat de travail, ne dépasse pas non plus ces limites, ce choix étant ensuite le cas échéant discuté dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Enfin, les griefs tenant à la géolocalisation du véhicule et de la tentative de négociation d’une modification des rapports contractuels avant l’introduction de la procédure disciplinaire, ne concernent pas cette dernière, et ne peuvent donc entacher celle-ci de circonstances vexatoires ou brutales.
Sur les demandes de rappel de notes de frais
M. [D] [S] expose que la société lui doit le remboursement de 1137,93 euros au titre des frais de février 2015.
La société PORTMANN LUX fait valoir que la décision du conseil des prud’hommes « est pour le moins surprenante notamment lorsqu’il s’agit de faire droit à des demandes de remboursements de consommation d’alcool (cf pièce 31a) alors qu’elles sont interdites durant le temps de travail. »
Motivation
La société PORTMANN LUX ne produit aucun décompte de ce qui, selon elle, serait précisément dû à M. [D] [S], déduction faite des consommations d’alcool dont elle conteste la prise en charge.
Elle n’indique pas non plus ce qu’elle critique au surplus dans cette demande, alors qu’elle emploie le terme « notamment ».
La cour n’ayant pas à se substituer aux parties dans leur calcul, et la demande de débouté n’étant soutenue que par une motivation parcellaire, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de paiement de l’avance déduite du solde de tout compte
M. [D] [S] explique que la somme de 1000 euros a été déduite du solde de tout compte de façon injustifiée, l’employeur prétendant à une avance qui ne lui a jamais été réglée.
Il renvoie à sa fiche de paie du mois d’octobre 2015.
La société PORTMANN LUX affirme simplement en réponse que l’intimé « ne l’a jamais contestée auparavant ».
Motivation
La société PORTMANN LUX ne contestant pas la demande, il y sera fait droit, en ce compris les intérêts sollicités au taux légal à compter du 1er mars 2015.
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
M. [D] [S] fait valoir que la société PORTMANN LUX se borne à réitérer les mêmes arguments qu’en première instance, et qu’elle multiplie les mensonges ainsi que les contre-vérités afin de présenter à la Cour une situation aux antipodes de la réalité.
Il estime en conséquence que l’appel interjeté par la société PORTMANN LUX est purement dilatoire et abusif, et tombe par conséquent sous le coup des dispositions de l’article 559 du Code de procédure civile.
La société PORTMANN LUX fait valoir que Monsieur [S] reprend ses griefs à l’encontre de son employeur et n’explique pas en quoi l’appel interjeté serait dilatoire ; elle estime que son appel interjeté ne revêt aucun caractère abusif.
Motivation
L’exercice d’une voie de recours n’ouvre droit à des dommages et intérêts que lorsqu’elle dégénère en abus.
En l’espèce, M. [D] [S], qui, à l’appui de cette demande, critique les griefs avancés par l’employeur pour le licencier, ne démontre pas l’abus de droit, alors que par ailleurs les demandes de la société PORTMANN LUX sont partiellement accueillies.
Dès lors il sera débouté de sa demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant à l’instance, la société PORTMANN LUX sera condamnée à payer à M.[D] [S] 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [D] [S] sera débouté de sa demande visant à infirmer la décision de première instance quant à l’article 700.
La société PORTMANN LUX sera également condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges le 13 septembre 2021, en ce qu’il a :
– dit que la demande de Monsieur [D] [S] est recevable et que le Code du Travail luxembourgeois est applicable,
– dit que le licenciement de Monsieur [D] [S] est dépourvu de causes réelles et sérieuses,
– dit que le licenciement de Monsieur [D] [S] est abusif,
– débouté M. [D] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
– condamné la société PORTMANN LUX à verser à Monsieur [D] [S] les sommes suivantes :
– 1 137,93 euros au titre du remboursement des frais exposés par Monsieur [D] [S] au titre du mois de février 2015, avec intérêt au taux légal à compter du 1 er mars 2015,
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société PORTAMNN LUX aux entiers frais et dépens de l’instance ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que les griefs visés par la lettre de licenciement sont prescrits, hormis l’abandon de poste ;
Condamne la société PORTMANN LUX à payer à M. [D] [S] :
– 63 922,98 euros (soixante trois mille neuf cent vingt deux euros et quatre vingt dix huit centimes) au titre du préavis et des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 19 370,60 euros (dix neuf mille trois cent soixante dix euros et soixante centimes) au titre de l’indemnité de départ avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 60 000 euros (soixante mille euros) au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
– 1 000,00 euros (mille euros) en remboursement de la déduction injustifiée sur le solde de tout compte de Monsieur [D] [S] augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Y ajoutant,
Condamne la société PORTMANN LUX à payer à M. [D] [S] 2000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société PORTMANN LUX aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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