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24 novembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/16536
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2022
N° 2022/ 290
Rôle N° RG 19/16536 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCJQ
SCP BTSG²
SAS ELIPS GROUP
C/
[C] [T]
SARL EDELVI CANNES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Julie FEHLMANN
Me Dominique CESARI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 19 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00148.
APPELANTES
SCP BTSG² représenté par Maître [O] [K], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société ELIPS GROUP, dont le siège est sis [Adresse 2]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Société ELIPS GROUP, prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me [O] [K], dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [C] [T],
né le 12 janvier 1972 à [Localité 7] (13) demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Julie FEHLMANN, avocat au barreau de GRASSE
Société EDELVI CANNES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Dominique CESARI, avocat au barreau de NICE, et assistée de Me Florian PLEBANI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame [J] [L] a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022,
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, Procédure et prétentions
La société Azur Promotion, anciennement dénommé Elips Promotion, dont Monsieur [C] [T] a été le gérant, exerce une activité de réalisation d’études et de missions de conseils en matière commerciale, financières et économiques ainsi que des propositions d’animations commerciales à destination de la grande distribution.
Le 9 juillet 2015, la société Azur Promotion ex Elips Promotion, propriétaire de la dénomination sociale Elips Promotion, cède cette dénomination à la SARL Edelvi 06 devenue Edelvi Cannes moyennant le versement d’une somme de 30 000euros HT et valide également un contrat d’apporteur d’affaires avec la société Edelvi.
Le 30 septembre 2015, la société Azur Promotion-Elips Promotion est déclarée sans activité au greffe du tribunal de commerce d’Antibes et par transmission universelle de patrimoine du 14 janvier 2016 avec effet au 1er décembre 2015, elle a été apportée à la SAS Elips Group.
Le 29 avril 2016, Monsieur [T] cède ses actions détenues dans la SAS Elips Group à Monsieur [B] et la société Medeos.
Le 27 mars 2017, la société Elips Group demande à la société Edelvi Cannes de fournir les factures justifiant les règlements effectués à compter d’août 2015 par la société Edelvi au profit de Elips Group. Fin mars 2017, la société Edelvi a suspendu tout paiement.
Par acte du 22 août 2017, la SAS Elips Group a fait délivrer une assignation à l’encontre de la SARL Edelvi Cannes et Monsieur [T] devant le tribunal de commerce d’Antibes afin de voir constater que l’acte du 9 juillet 2015 constitue une transmission de biens corporels et incorporels composant le fonds de commerce de la société Azur Promotion -Elips Promotion à la SARL Edelvi Cannes de voir ordonner la requalification du contrat en ce sens et de voir condamner la SARL Edelvi Cannes à payer à la SAS Elips Group la somme de 330 000euros au titre du solde du prix du dit fonds de commerce.
Par jugement du 23 février 2018, le tribunal de commerce d’Antibes s’est déclaré incompétent au profit de celui de Nice.
Par jugement du 3 avril 2018, le tribunal de commerce d’Antibes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SAS Elips Groupe, convertie en liquidation judiciaire le 25 septembre 2018, Maître [K] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Le tribunal de commerce de Nice par jugement du 19 septembre 2019 a déclaré irrecevable les demandes de la SAS Elips Group à l’encontre de Monsieur [C] [T], dit que les conditions constitutives de la cession d’un fonds de commerce ne sont pas remplies et a débouté la SAS Elips Group de ses demandes à ce titre, constaté que le contrat a été rompu de plein droit en application des stipulations contractuelles le 3 avril 2018 suite au placement en redressement judiciaire de la SAS Elips Group, ordonné à la SAS Elips Group d’adresser sans délai le justificatif correspondant au règlement de la somme de 60 000euros effectué le 1er août 2015, ainsi que toutes les factures mensuelles dues jusqu’au 30 mars 2018 depuis le 1er avril 2017 au plus tard 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir afin de permettre à la SARL Edelvi Cannes de régulariser sa situation à l’égard de la société Elips Group et de son liquidateur, débouté la SARL Elips Group de ses autres demandes, condamne la société Elips Group aux entiers dépens.
La juridiction a retenu que l’action à l’encontre de Monsieur [T] est irrecevable en raison d’une clause exonératrice de responsabilité inscrite dans l’acte du 29 avril 2016, que la société Edelvi Cannes a acheté indépendamment la marque Elips Promotion à la société Azur Promotion le 9 juillet 2015, que la société Azur Promotion n’a fusionné avec la société Elips Group que le 1er décembre 2015, que le bail repris par la société Edelvi Cannes est un bail du 1er septembre 2014 au nom de la société Elips Group qui n’était pas liée à la société Azur Promotion à cette époque, que le mobilier de la société Azur Promotion a été acquis par la société JVC et non Edelvi Cannes, qu’il en est de même des véhicules de société, que sur les 23 salariés d’Azur promotion, seuls 4 ont été embauchés par Edelvi Cannes.
Le 24 octobre 2019, la société Elips Group, représentée par son liquidateur Maître [K], a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 septembre 2022, la société Elips Group et Maître [K] en qualité de liquidateur, demandent à la Cour de :
Vu les articles 1134, 1147 et suivants du code civil (rédaction antérieure au 1/10/2016),
Vu les articles 1382 et suivants du code civil ancien, (concernant Monsieur [T])
Vu l’article 12 du code de procédure civile,
Vu le jugement de liquidation judiciaire d’Elips Group,
Concernant la demande d’irrecevabilité de l’appel et la radiation de l’instance formée par la société Edelvi Cannes,
Juger qu’il n’entre pas dans le champ de compétence de la Cour de céans de statuer sur ces demandes,
Débouter la société Edelvi Cannes de ses demandes à ce titre,
Pour le surplus :
Déclarer recevable et dire bien fondé l’appel formé par la société Elips Group représentée par son liquidateur Maître [K] contre le jugement du 19 septembre 2019,
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
A titre principal,
Constater que l’acte du 9 juillet 2015 constitue une transmission par Azur Promotion-Elips Promotion à Edelvi Cannes de biens corporels et incorporels composant son fonds de commerce ou d’éléments d’actifs s’apparentant à un fonds de commerce,
En conséquence :
Ordonner la requalification du contrat du 9 juillet 2015 en acte de cession du fonds de commerce ou acte de cession d’actifs
Ordonner toutes formalités utiles et requises en conséquence,
Condamner la société Edelvi Cannes à payer la somme de 330 000euros à Elips Group prise en la personne de son liquidateur à titre de complément du prix de cession ou à titre subsidiaire à titre de dommages et intérêts,
Juger que la clause d’exclusion de responsabilité invoquée par Monsieur [T] est réputée non-écrite ou non applicable à la cause,
Retenir engagée la responsabilité personnelle et délictuelle du gérant de l’époque, Monsieur [C] [T], et en conséquence, condamner Monsieur [C] [T] aux mêmes sommes que la société Edelvi Cannes, in solidum,
A titre infiniment subsidiaire :
Si par impossible la Cour ne faisait pas droit à la demande de requalification du contrat du 9 juillet 2015,
Condamner la société Edelvi Cannes à régler le solde de la dette au titre du contrat d’apporteur d’affaires savoir la somme de 216 000euros au bénéfice de la société Elips Group,
En tout état de cause :
Débouter la société Edelvi Cannes et Monsieur [T] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Condamner la société Edelvi Cannes et Monsieur [T] in solidum au paiement de la somme de 10 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à régler à la société Elips Group prise en la personne de son liquidateur judiciaire.
Condamner la société EDELVI CANNES et Monsieur [T], in solidum, au paiement des entiers dépens de l’instance.
Sur l’irrecevabilité de l’appel ou la radiation de l’instance, ils font valoir que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur des questions relatives à la recevabilité de l’appel
Ils soutiennent qu’en application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, il appartient à la Cour de qualifier le contrat du 9 juillet 2015 dénommé contrat d’apporteur d’affaires en une cession de fonds de commerce, l’acte lui-même faisant état d’une cession de l’ensemble de la clientèle et contenant une clause de non concurrence, que la société Edelvi Cannes a racheté la marque ‘Elips promotion’ le même jour et a repris les locaux commerciaux de la société Elips Group, les salariés dont Monsieur [T], les biens meubles y compris les véhicules soit l’ensemble des biens corporels de la société alors qu’un contrat d’apporteur d’affaires ne concerne que les clients repérés par l’apporteur.
Ils critiquent le jugement de première instance en précisant que la marque a été reprise par un acte séparé mais concomitant, que le bail a été résilié mais repris immédiatement, que la société JCV n’est que la société Holding de Edelvi Cannes et n’a aucune activité économique propre, que les salariés ont démissionné de Elips Group pour être embauchés par Edelvi Cannes et que le fait que le fonds de commerce ne dispose que d’un seul client est inopérant.
Sur la responsabilité de Monsieur [T], ils soutiennent que Monsieur [T] a bradé les intérêts de la société Elips Promotion-Azur Promotion au bénéfice de la société Edelvi Cannes qui l’a embauché par la suite, que la clause exonératrice de responsabilité insérée au contrat de cession d’action du 29 avril 2016 ne couvre pas les faits objet du litige puisqu’elle ne concerne pas les faits fautifs et que portant sur une obligation essentielle du rôle de dirigeant elle doit être considérée comme abusive et donc nulle.
Sur le préjudice, ils font valoir que les parties avaient entre elles fixé le prix de la cession du fonds de commerce à la somme de 750 000euros que la société Edelvi Cannes a payé 420 000euros qu’elle reste devoir 330 000euros.
Ils opposent à l’argumentaire adverse que la résiliation du bail est intervenue volontairement à la demande du preneur le 30 octobre 2015 soit après la signature du contrat litigieux de sorte que l’entreprise n’a pas perdu son droit au bail, que les parties ont clairement évalué le fonds à la somme de 750 000euros.
Sur l’appel incident, ils s’opposent à la demande de condamnation à verser la somme de 144 000euros demandée par Edelvi Cannes correspondant au versement sans contrepartie de 12 mensualités de 12 000euros d’avril 2017 à avril 2018 en faisant valoir qu’Edelvi Cannes ne rapporte pas la preuve de ces versements, que cette demande n’a pas fait l’objet d’une déclaration de créance et qu’en tout état de cause, la société Edelvi qui a versé 384 000euros ne reste devoir que la somme de 216 000euros.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 septembre 2022, la SARL Edelvi Cannes demande à la Cour de :
Vu les articles 1103,1104, 1134, 1156 et suivants du Code civil dans leurs rédactions antérieures à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 alors applicables au contrat querellé,
1. Déclarer recevable et bien fondée la société Edelvi Cannes en son appel incident ;
2. Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Nice le 19 septembre 2019
3. Juger que la commune intention des parties consistait clairement et sans équivoque aucune à conclure entre elle le 9 juillet 2015, un contrat d’apporteur d’affaires ;
4. Juger en outre qu’à la date du 9 juillet 2015, les éléments susceptibles de caractériser l’existence d’un fonds de commerce transmissible par Elips promotion n’étaient pas réunis et que la société Elips Group et Maître [K] ès qualité font défaut dans leurs démonstrations
Débouter la SAS Elips group et la SCP BTSG² prise es qualité de leurs demandes en requalification du « contrat d’apporteur d’affaires » du 9 juillet 2015 en contrat portant cession de fonds de commerce ainsi que de toutes autres demandes de ce chef ;
6. Condamner reconventionnellement la SAS Elips Group et Maître [K] pris ès qualités à verser la somme de 144.000 € à la SARL Edelvi Cannes à titre de dommages et intérêts du fait de l’inexécution intentionnelle de ses obligations librement contractées dans le but exclusif de nuire à celle-ci ;
7. Fixer au passif de la société Elips group le montant de la créance due à la société Edelvi Cannes à hauteur de 144.000 € ;
8. Débouter la SAS Elips group et la SCP BTSG² prise ès qualités de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SARL Edelvi Cannes ;
9. Déclarer l’arrêt à intervenir opposable à toutes les parties en ce compris la SCP BTSG ²prise ès qualités de mandataire judiciaire ainsi que monsieur [C] [T] ;
10. Recevoir au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Elips Group la somme de 10.000€ due à la SARL Edelvi Cannes au titre de l’article 700 du cpc en cause d’appel ainsi que les entiers dépens d’instance.
Elle soutient que le 9 juillet 2015, la société ELIPS PROMOTION n’est titulaire d’aucun marché, a mis un terme au bail commercial portant sur les locaux qu’elle occupe sur la commune de [Localité 6] au 200, avenue de Roumanille avec effet au 30 septembre 2015, que si des pourparlers pour le rachat du fonds de commerce ont effectivement débuté en décembre 2013, il s’est avéré qu’en juin 2015, le bail commercial était dénoncé, que la clientèle de la société avait disparu et que la société ELIPS PROMOTIONS était sur le point de cesser son activité, que les éléments constitutifs du fonds de commerce n’étant plus réunis l’opération n’était plus envisageable, telle qu’initialement prévue, que l’accord formel de la société ELIPS PROMOTION, mais aussi de chacun de ses associés, évite toute ambiguïté ou tout quiproquos à venir, que le 23 juin 2015, la société ELIPS PROMOTION et Monsieur [B], actuel Président de la SAS ELIPS GROUP, ont acquiescé tous deux à l’engagement, en précisant :
« Nous avions envisagé le rachat de votre fonds de commerce depuis juin 2014 et avions cessé
nos négociations en janvier 2015, les conditions nécessaires à ce rachat n’ayant jamais été remplies. La cession de fonds de commerce de ELIPS fait courir à votre société un risque important, les éléments constitutifs d’un fonds de commerce n’existant plus, le bail commercial arrivant à son terme et ayant été dénoncé’ que la société n’aurait pas acquis un fonds de commerce sans même que les clauses obligatoires minimales de l’article L 141-1 du Code de commerce à l’époque en vigueur l’informant de la réalité du fonds figurent à l’acte de cession.
Elle précise que le bail commercial visé par la SAS ELIPS GROUP fut tout d’abord conclu par cette même société et à son seul profit, que la société ELIPS PROMOTIONS (devenue AZUR
PROMOTIONS) ne fut jamais intéressée dans cette opération, que rien ne liait à cette date AZUR PROMOTIONS avec la SA ELIPS GROUP, ni même en date de cession de bail, que les véhicules et les photocopieurs, ne pouvaient être cédés puisqu’ils étaient loués et n’entraient pas dans le patrimoine de la société ELIPS PROMOTION, que les reprises de matériels en leasing sont intervenues plusieurs mois après la conclusion du contrat litigieux que la société ELIPS GROUP laquelle n’avait alors aucun lien capitalistique avec la société ELIPS PROMOTION était la seule et unique bénéficiaire du contrat avec Carrefour, que la Transmission Universelle du Patrimoine n’a été réalisée au profit de la société ELIPS GROUP que le 30 septembre 2015, soit près de 3 mois après avoir conclu le contrat d’apporteur d’affaires querellé du 9 juillet 2015.
Sur l’appel incident, elle soutient que le contrat du 9 juillet 2015 prévoyait également une obligation de faire à la charge de la société ELIPS PROMOTION, énoncée sous son article 2 et consistant à tout mettre en ‘uvre pour promouvoir l’image du prestataire, l’assister dans la réalisation du volume de marge brute sur lequel elle s’était engagée et, l’accompagner, que la société Elips Group s’est unilatéralement autorisée dès avril 2017, à cesser tout accompagnement à ne même plus lui délivrer de factures correspondantes pourtant aux rémunérations que Edelvi Cannes continuait à lui servir.
Par conclusions du 14 avril 2020,Monsieur [T] [C] demande à la Cour de :
Vu l’article 1103 du Code civil,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Confirmer le jugement rendu le 19 septembre 2019 par le Tribunal de commerce de Nice
Dire et juger qu’en vertu de l’article 5 du contrat de cession d’actions de la société Elips Group signé le 29 avril 2016 entre monsieur [C] [T] (vendeur) et la société Medeos et monsieur [E] [B] (acquéreurs) la clause stipulant que “les acquéreurs et la société Elips group renoncent à engager toute action à l’encontre de monsieur [T] pour sa gestion de la société et de ses filiales jusqu’à la date des présentes”s’impose à la société Elips group ;
Déclarer irrecevables les demandes formées par la société Elips Group à Monsieur [T].
A titre subsidiaire,
Constater que monsieur [T] n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Dire et juger que monsieur [T] n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle ;
Dire et juger que les conditions constitutives d’une cession de fonds de commerce ne sont pas remplies ;
Débouter la société Elips Group de ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause
Recevoir au passif de la liquidation de la SAS Elips Group la somme de 5.000 € due Monsieur [T] au titre de l’article 700 du cpc ainsi que les entiers dépens d’instance,
Il expose qu’avant la conclusion du contrat d’apporteur d’affaires, des pourparlers ont eu lieu au sujet d’une éventuelle acquisition du fonds de commerce exploité par la société ELIPS PROMOTION, qu’en janvier 2015, la société JVC a mis un terme aux pourparlers, l’acquisition du fonds de commerce étant dénuée de cause suite à la perte du bail commercial et à l’existence d’un seul et unique client, que le 23 juin 2015, la société JVC a proposé à la société ELIPS PROMOTION la conclusion du contrat d’apporteur d’affaires litigieux.
Il soutient que par acte du 29 avril 2016, un contrat de cession d’actions de la société ELIPS GROUP a été signé entre Monsieur [C] [T] (vendeur) et la société MEDEOS et Monsieur [E] [B] (acquéreurs), que par une clause de l’acte les Acquéreurs et la Société Elips Group ont renoncé à engager toute action à l’encontre de Monsieur [T] pour sa gestion de la Société et de ses filiales, qu’il résulte de cette clause que la société ELIPS GROUP ne peut pas engager la responsabilité de Monsieur [T] quant à la gestion de la société ELIPS GROUP, mais également de ses filiales pour les actes conclus avant le 29 avril 2016, qu’en tout état de cause, Monsieur [T] n’a commis aucune faute détachable de ses fonctions ;
Il fait valoir que la cession de fonds de commerce ne pouvant plus avoir lieu, le groupe JVC proposait à la société ELIPS PROMOTION la conclusion du contrat d’apporteur d’affaires, que cette solution a été acceptée dans l’intérêt de la société ELIPS PROMOTION par Monsieur
[T], ainsi que l’ensemble des associés de la société ELIPS PROMOTION.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2022.
Motifs :
La société Elips Group conclut à l’incompétence de la Cour d’Appel concernant la demande d’irrecevabilité de l’appel et la radiation de l’instance.
Il convient de relever que dans ses conclusions déposées et notifiées le 9 septembre 2022, la société Edelvi Cannes ne demande à la Cour ni de se prononcer sur la recevabilité de l’appel principal ni de procéder à la radiation de l’instance. Dés lors la Cour, qui n’est pas saisie d’une telle demande, n’a pas à statuer sur cette question.
Sur la responsabilité de Monsieur [C] [T], pris en sa qualité de gérant de la SARL Elips Promotion devenue Azur Promotion :
La société Elips Group sollicite la condamnation de Monsieur [T] en arguant que ce dernier a engagé sa responsabilité personnelle en bradant les intérêts de la société Elis Promotion au profit de la société Edelvi Cannes.
Toutefois il convient de relever que par acte du 29 avril 2016, Monsieur [T] a cédé ses actions dans la SAS Elips Group à la société Médéos et Monsieur [B] et que l’article 5 du contrat stipule que ‘ les acquéreurs (la société Médéos et monsieur [B] ) et la société Elips Group renoncent à engager toute action à l’encontre de Monsieur [T] pour sa gestion de la société et ses filiales jusqu’à la date des présentes ‘.
Le dirigeant d’une société doit veiller à toujours exercer ses pouvoirs dans l’intérêt de la personne morale et dans le cadre de l’objet social, au risque d’engager sa responsabilité en raison de fautes commises dans la gestion ou en raison d’un manquement à son devoir de loyauté.
Toutefois, la clause limitative de responsabilité telle que rédigée en l’espèce équivaut à un quitus délivré par la société Elips Groups à son ancien dirigeant pour les actes de gestion effectués durant la période concernée, Monsieur [T] se prémunissant de tout litige.
La validité d’une telle clause n’est pas contestable sauf si elle permettait au bénéficiaire de se soustraire à ses obligations essentielles, au point que celles-ci soient réduites à néant ou presque. Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque cette clause n’a pas pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre Monsieur [T] pour une faute lourde intentionnelle ou grave non intentionnelle commise dans l’accomplissement de son mandat.
La société Elips Group conteste l’opportunité du contrat d’apporteur d’affaires conclu par Monsieur [T] au nom de la société Elips Group le 9 juillet 2015 en arguant qu’il s’agissait en réalité d’un contrat de cession de fonds de commerce. Même si tel était le cas, cet engagement ne revêtirait pas le caractère d’opération dolosive conclu sciemment par Monsieur [T] à son seul bénéfice. Il n’appartient pas à la juridiction de juger de la pertinence des décisions de gestion. La souscription d’un contrat d’apporteur d’affaires constitue un choix stratégique de gestion dont il n’est pas établi qu’il a été manifestement contraire à l’intérêt social et conclu dans le seul intérêt personnel de Monsieur [T].
Il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a, à raison, déclaré les demandes formulées à l’encontre de Monsieur [C] [T] irrecevables.
Sur la qualification du contrat :
En application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, il incombe au juge de restituer leur exacte qualification aux actes litigieux, sans s’arrêter à la dénomination donnée par les parties. Toutefois, il n’appartient pas au juge d’interpréter les conventions conclues entre les parties, dénuées de toute ambiguïté au risque de dénaturer la convention qui reflète la commune intention des parties et a force de loi entre ceux qui les ont conclues.
Le 9 juillet 2015, la société Elips Promotion-Azur Promotion et la société Edelvi 06 ont signé un contrat d’apporteur d’affaires en vertu duquel la société Elips Promotion ‘ présente l’ensemble de sa clientèle au prestataire (la société Edelvi 06) qui représente un chiffre d’affaires de 2 000 000euros et une marge brute d’environ 600 000euros, cette présentation confère le droit pour le prestataire de se présenter comme successeur de l’apporteur d’affaires à la clientèle présentée….En rémunération de ses services, le consultant recevra une commission HT de 20% du montant de la marge brute réalisée par le prestataire avec le client apporté ….compte tenu de la présentation des clients actuels de l’apporteur d’affaires et de son interdiction d’exercer son activité directement, le prestataire s’engage à verser à l’apporteur d’affaires la somme de 120 000euros payable de la façon suivante :45 000euros ce jour et 75 000euros le 1er août 2015… La rémunération est payée par 12 acomptes mensuels représentant 20% de la marge brute réalisée le mois précédent et au plus tard le 31 mars de chaque année, le prestataire établira la marge brute qu’il a réalisée au cours de l’année précédente avec les clients de l’apporteur d’affaires ‘.
Le contrat précise que la société Elips Promotion restitue les locaux dans lesquels elle exerçait son activité et au plus tard le 31 juillet 2015, elle n’aura plus de salariés.
La société Elips Group soutient que cette convention doit s’analyser en une cession de fonds de commerce au motif que la société Elips promotion a cédé l’ensemble de sa clientèle ainsi qu’elle le mentionne, qu’à la même date, la société Elips Promotion a cédé sa marque, que les locaux commerciaux ont été repris par la société Edelvi Cannes, qu’il en est de même des salariés et des biens corporels.
Un fonds de commerce est composé d’un ensemble d’éléments concourant à constituer une unité économique dont l’objet est de nature commerciale comprenant des éléments corporels, tel que le matériel, les marchandises et les équipements, et des éléments incorporels, tels que la clientèle, l’achalandage, le droit au bail et le nom commercial.
L’existence d’un fonds de commerce est caractérisée essentiellement par l’existence d’une clientèle propre, même si aucun principe ne fixe le nombre de clients nécessaire pour caractériser une clientèle et que l’existence d’un fonds de commerce peut être reconnue avec un seul client.
Toutefois en l’espèce, nonobstant les mentions du contrat du 9 juillet 2015, la société Elips Group ne justifie nullement de l’existence d’une clientèle attachée au supposé fonds de commerce de la société Elips Promotion. En effet, par courrier du 23 juin 2015 adressé par la société JCV à la société Elips Promotion dans le cadre des pourparlers, il est mentionné ‘nous vous rappelons en outre que la quasi-totalité de votre activité étant faite avec Carrefour, il paraît impossible d’évaluer un prix du fonds dans ces conditions, les éléments constitutifs d’un fonds de commerce ne sont pas remplies’. De surcroît, le contrat de prestation de services d’animation commerciale conclu le 1er janvier 2015 par la société Hypermarché Carrefour l’a été avec la société Elips Group et non pas avec la société Elips Promotion.
Il est établi que la société Elips Promotion à la date de la signature de la convention d’apporteur d’affaires est dépourvue de clientèle liée à son exploitation.
Le fonds de commerce comprend un droit au bail qui a permis à la partie qui exploite un fond de s’installer de façon pérenne dans un lieu clos et couvert et à son cessionnaire de bénéficier du même contrat de bail.
La société Elips Group a conclu le 12 août 2014 avec la société SAS Ligerim aux droits de laquelle est venue la société Park Immo France un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 8]. Ce bail a été résilié par accord des parties du 30 octobre 2015 avec effet au 31 octobre 2015. A la date de la signature du contrat d’apporteur d’affaire du 9 juillet 2015, les locaux étaient encore donnés à bail à la société Elips Group qui les occupait. Le droit au bail n’a pas été transmis à la société Edelvi Cannes à cette date et il n’est pas établi qu’elle a occupé ultérieurement ces locaux.
Le simple document publicitaire sur lequel la société Edelvi Lille, dont la juridiction ignore les liens avec Edelvi Cannes, déclare être présente [Adresse 5] est dépourvue de force probante.
Concernant la reprise de biens corporels qui auraient été attachés au fond et cédés le 9 juillet 2015, il convient de constater que la société Edelvi Cannes a repris au moins le 21 mars 2016 le contrat de location n°16708 souscrit auprès de la société Xerox Financial Service concernant un photocopieur Triumph Adler TA 3005 CI n° de série LEF 3600989 installé 3 février 2014 dans les locaux de la société Elips Promotion. Il en est de même pour le véhicule Citroën immatriculé BW 423 WQ numéro de série VF7SC8HR4BA589132 pour lequel la société Elips Promotion a continué à supporter les loyers auprès de la société bailleresse Créditpar qu’elle a facturés à la société Edelvi Cannes jusqu’au 18 février 2016, date à laquelle elle a acquis le véhicule.
Toutefois, il convient de constater que ces transferts de contrats de location, outre qu’ils ne peuvent à eux seuls permettre de caractériser une cession déguisée de fonds de commerce, ne sont pas concomitants au contrat d’apporteur d’affaires mais sont intervenus plusieurs mois après.
La société Elips Promotion a cédé du mobilier pour un montant de 13 920euros à une société JVC le 3 août 2015, la société Elips Group affirmant que des liens capitalistiques existent entre Edelvi Cannes et JVC devenue le 30 septembre 2015 Edelvi Finance, sans toutefois étayer de telles affirmations. La ligne téléphonique n° 0320643884 initialement facturée à la société Elips Promotion puis à la société Elips Group a été refacturée par cette dernière à compter du mois d’août 2016 à la société Edelvi, sans qu’aucune conséquence juridique pertinente ne puisse être déduite de cette situation de fait.
Enfin concernant les salariés, la société Elips Group établit par la production des bulletins de salaire que Madame [D] [Z] a été embauchée du 8 octobre 2014 au 30 novembre 2015 en qualité de responsable d’agence par la société Elips Promotion puis du 1er au 31 décembre 2015 par la société Elips Groupe, mais il n’est nullement acquis qu’elle a été embauchée par la suite par la société Edelvi Cannes ainsi que l’affirme la société Elips Groupe, la production d’une copie d’une page du grand livre des comptes généraux de la société Elips Promotion faisant état d’une somme de 3 493,89euros portée au crédit sous l’intitulé ‘[D]’ correspondant au salaire net du mois de novembre 2015 versée par la SARL Elips Promotion ne permettant pas de l’établir et qu’en tout état de cause, la reprise d’une salariée est insuffisante pour caractériser une cession d’un fonds de commerce pour une société qui en employait 23 aux dires des parties.
Il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a retenu que les conditions constitutives d’une cession de fonds de commerce n’étaient pas réunies.
Sur la dette du contrat d’apporteur d’affaires :
La société Edelvi Cannes sollicite la condamnation de la société Elips Group à lui payer la somme de 144 000euros à titre de dommages et intérêts en raison de son inexécution fautive du contrat d’apporteur d’affaires.
Elle soutient que la société Elips Group a cessé à compter d’avril 2017 tout accompagnement alors que le contrat lui faisait l’obligation de tout mettre en oeuvre pour promouvoir l’image de son cocontractant et de l’assister, que la société Edelvi Cannes a continué à lui régler des mensualités à titre d’acomptes d’avril 2017 à avril 2018, date à laquelle le contrat fut résilié en raison du placement en redressement judiciaire de la société.
Les dires de la société Edelvi Cannes ne sont corroborés par aucun élément probant, les factures produites datent de janvier à mars 2017 et il n’est pas justifié du versement d’acompte pendant la période litigieuse. Elle affirme au contraire sous la plume de son Président directeur général Monsieur [G] dans un courrier du 20 novembre 2017 ‘nous sommes dans l’attente de vos factures pour la période courant depuis le 1er avril 2017 jusqu’à ce jour ce qui nous oblige à devoir retenir pour le moins ces montants et les provisionner dans notre comptabilité ‘ démontrant qu’aucun versement n’est intervenu postérieurement au mois d’avril 2017.Elle ne justifie pas non plus du défaut d’exécution contractuelle dont elle se prévaut.
Elle doit être déboutée de sa demande à ce titre.
La société Elips Group sollicite la condamnation de la société Edelvi Cannes à lui régler la somme de 216 000euros correspondant à la somme de 600 000euros, initialement convenu, dont la somme de 384 000euros réglée doit être déduite.
Elle soutient en effet que le contrat d’apporteur d’affaires conclu le 9 juillet 2015 prévoyait le règlement d’une somme de 600 000euros qui n’aurait pas été entièrement soldée.
Toutefois force est de constater qu’il n’en est rien, le contrat précisant seulement que ‘l’apporteur présente l’ensemble de sa clientèle au prestataire (la société Edelvi 06) qui représente un chiffre d’affaires de 2 000 000euros et une marge brute d’environ 600 000euros, cette présentation confère le droit pour le prestataire de se présenter comme successeur de l’apporteur d’affaires à la clientèle présentée….En rémunération de ses services, le consultant recevra une commission HT de 20% du montant de la marge brute réalisée par le prestataire avec le client apporté ….compte tenu de la présentation des clients actuels de l’apporteur d’affaires et de son interdiction d’exercer son activité directement, le prestataire s’engage à verser à l’apporteur d’affaires la somme de 120 000euros payable de la façon suivante :45 000euros ce jour et 75 000euros le 1er août 2015.. .’
Il convient de débouter la société Edelvi Cannes de sa demande à ce titre.
Sur les demandes de dommages et intérêts :
Le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui. En l’espèce, l’appréciation inexacte de ses droits par la société Elips Group n’est pas constitutive d’une faute, s’estimant lésée dans ses droits, elle a pu, sans abus, demander à ce qu’il soit statué sur sa demande. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
La société Elips Group succombant doit supporter les dépens d’appel sans qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs la Cour statuant par arrêt contradictoire :
Confirme le jugement rendu le 19 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Nice en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formulées à l’encontre de Monsieur [T] [C] et débouté la société Elips Group de sa demande de requalification du contrat souscrit le 9 juillet 2015,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Déboute la société Elips Group, prise en la personne de Maître [K] liquidateur judiciaire, et la société Edelvi Cannes du surplus de leurs demandes,
Fixe au passif de la société Elips Group les entiers dépens y compris ceux de première instance qui seront frais privilégiés de la procédure collective .
LE GREFFIER LE PRESIDENT