Contrat d’apporteur d’affaires : 20 juillet 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 17/05263

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Contrat d’apporteur d’affaires : 20 juillet 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 17/05263
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20 juillet 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
17/05263

20/07/2022

ARRÊT N°272/22

N° RG 17/05263 – N° Portalis DBVI-V-B7B-L5TS

VS/CO

Décision déférée du 01 Septembre 2017 – Tribunal de Grande Instance de Toulouse – 14/02367

M.[V]

[T] [U]

C/

[H] [Y]

SASU CONESYS EUROPE

infirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [T] [U] exerçant sous le nom commercial QUARTZ TECHNOLOGY immatriculé à la TVA britannique sous le n° GB 72445438

[Adresse 2]

ROYAUME-UNI

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Me Hubert MORTEMARD DE BOISSE de la SCP LEXCASE SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMES

Monsieur [H] [Y] Fiasant élection de domicile chez Maître [O] [C] de la SCP BROCARD-[C], Avocat, ayant son siège [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (ETATS-UNIS)

Représenté par Me Anne FAURÉ, avocat au barreau de TOULOUSE

assisté de Me Jean marie LELOUP, avocat au barreau de TOULOUSE

SASU CONESYS EUROPE Prise en la personne de ses représentants statuaires ou légaux, domiciliés en cette qualité audit siège social.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pascal GORRIAS de la SCP BOYER & GORRIAS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente, chargée du rapport, I.MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller,, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

La société américaine Conesys exerce, notamment ,une activité de vente de produits pour la connectique destinés à être intégrés dans des produits sensibles de haute technologie.

Par contrat du 1er janvier 2002 soumis expressément au droit français, la société Conesys a confié à [H] [Y], exerçant sous le nom Intex Uk, le mandat de la représenter sur le territoire du Royaume-Uni et de l’Irlande en vue de la vente de produits de connectique à son nom et pour son compte.

Ce contrat a été résilié par la sociétéConesys par lettre du 16 mars 2012, avec effet au 30 juin 2012.

Par lettre recommandée du 8 février 2013, [H] [Y] a sollicité de la société Conesys le versement de l’indemnité de rupture en application des articles L134-11 et L134-12 du code de commerce. Il n’a pas été fait droit à sa demande.

Par contrat du 1er avril 2012 également soumis au droit français, la société Conesys a confié ce mandat à [T] [U] exerçant sous l’enseigne Swartz Technology.

Ce contrat a été résilié par courrier recommandé adressé par la société Conesys à [T] [U] le 21 novembre 2012, à effet au 28 février 2013.

Par courrier recommandé du 15 novembre 2013 [T] [U] a sollicité le paiement de l’indemnité compensatrice prévue par l’article L134-12 du code de commerce. Aucun accord n’a été trouvé entre les parties.

Par exploit d’huissier en date 23 juin 2014, [T] [U] a assigné la société Conesys devant le tribunal de grande instance de Toulouse en paiement de la somme de 78.789€ au titre de l’indemnité compensatrice, outre 5.000€ de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi qu’une somme sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile (cpc).

Par exploit d’huissier du 24 novembre 2014, [H] [Y] a assigné la même société devant le tribunal de grande instance de Toulouse essentiellement aux mêmes fins.

Les instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état en date du 9 avril 2015.

Par jugement du 1er septembre 2017, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

débouté [T] [U] et [H] [Y] de leurs demandes d’indemnités de rupture ;

débouté [T] [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

débouté la société Conesys de sa demande reconventionnelle;

débouté [H] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour débauchage et écritures offensantes ;

condamné [T] [U] et [H] [Y] in solidum aux dépens de l’instance ;

condamné [T] [U] et [H] [Y] in solidum à payer à la société Conesys la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du cpc

dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration en date du 2 novembre 2017, [T] [U] a relevé appel du jugement. L’appel porte sur les chefs du jugement rejetant ses demandes et le condamnant in solidum à l’application des dispositions de l’article 700 du cpc et aux dépens.

Par déclaration en date du 17 janvier 2018, [H] [Y] a relevé appel du jugement. L’appel porte sur les chefs du jugement rejetant ses demandes et le condamnant in solidum à l’application des dispositions de l’article 700 du cpc et aux dépens.

Les instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er mars 2018.

Par arrêt du 15 mai 2019, la cour d’appel de Toulouse a :

sursis à statuer sur l’ensemble des demandes, jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur la question posée par tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 19 décembre 2018 (n° RG 2017015204),

dit que l’affaire serait rappelée devant le conseiller de la mise en état à l’audience du 12 mars 2020.

Le 5 mai 2020, Me [S] a indiqué révoquer Me [L] et se constituer en ses lieu et place pour [T] [U].

La clôture est intervenue le 21 février 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n°4 notifiées le 18 février 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [T] [U] demandant, au visa des articles L134-1, L134-12, L134-13 et R134-6 du code de commerce et de l’arrêt de la CJUE du 4 juin 2020, de :

confirmer le jugement du tribunal de grande instance du 1er septembre 2017 seulement en ce qu’il a débouté la société Conesys de sa demande reconventionnelle,

infirmer le jugement du tribunal de grande instance du 1er septembre 2017 en ce qu’il a débouté [T] [U] de ses demandes d’indemnités de rupture et l’a condamné au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre de l’article 700 CPC,

statuant à nouveau :

dire et juger que le contrat de représentation entre Conesys et [T] [U] est un contrat d’agent commercial,

constater que la société Conesys a mis fin au contrat d’agent commercial de [T] [U] exerçant sous l’enseigne Quartz Technology le 21 novembre 2012 à effet au 28 février 2013,

constater que [T] [U] détient une créance d’un montant de 10.818€ + 7.298 GBP £ + 79.852 USD $ (soit la somme de 83.406 € à la date de dépôt des présentes écritures, à parfaire au jour de l’arrêt d’appel) sur la société Conesys au titre de l’indemnité de rupture qui lui est légalement due,

constater l’absence de cession du contrat de représentation de [H] [Y] à [T] [U] ;

en conséquence,

condamner la société Conesys au paiement des sommes de 10.818€, 7.298 GBP £ et 79.852 USD $ (soit la somme de 83.406 € à la date de dépôt des présentes écritures, à parfaire au jour de l’arrêt d’appel) à [T] [U],

débouter la société Conesys de toutes ses demandes, fins et conclusions,

condamner la société Conesys au paiement de la somme de 25.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Conesys aux entiers dépens, distraits au profit de Me Sophie Crepin, Avocat, sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions n°3 notifiées le 17 février 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [H] [Y] demandant, au visa des articles L134-1 et s., R134-3 et 134-4 du code de commerce, 1134 et 1135 anciens, 1112, 1112-1 et 1112-2 nouveaux du code civil, et de l’arrêt de la CJUE du 4 juin 2020, de :

déclarer [H] [Y] recevable et bien fondé en son appel contre le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 1er septembre 2017 ;

confirmer ce jugement en ce qu’il a débouté la société Conesys de sa demande reconventionnelle ;

réformant pour le surplus :

dire et juger que le contrat du 1er janvier 2002 entre Conesys et [H] [Y] est un contrat d’agence commerciale

dire et juger que la société Conesys a mis fin à ce contrat sans qu’aucune faute n’ait été imputée à [H] [Y]

en conséquence, condamner la société Conesys à payer à [H] [Y] l’indemnité de cessation de contrat impérativement prévue par l’article L134-12 du code de commerce soit la contre-valeur en € au jour de la décision à intervenir de 79.705,85 US Dollars et de 35.103,47 Livres, outre 227,37 €

condamner la société Conesys à payer les intérêts de droit sur ces sommes à compter du 24 novembre 2014

condamner la société Conesys à verser 50.000 € à [H] [Y] pour débauchage de son sous-agent [T] [U]

rejeter toutes demandes, fins et conclusions de la société Conesys

condamner la société Conesys à verser 25.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

condamner la société Conesys, en tous dépens de première instance et d’appel qui comprendront notamment tous les frais de traduction de pièces qui s’avéreraient nécessaires.

Vu les conclusions notifiées le 9 février 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sasu Conesys Europe, Société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège social est [Adresse 1], représentée par ses mandataires statutaires ou légaux domiciliés en cette qualité au siège social, demandant, au visa des articles L134-1 et L134-12 du code de commerce et 1er de la directive de 1991, de l’arrêt de la CJUE du 4 juin 2020, de :

à titre principal :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

débouter [T] [U] et [H] [Y] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

à titre subsidiaire : au cas où par extraordinaire la Cour dirait que [H] [Y] et [T] [U] étaient soumis au statut des agents commerciaux,

dire et juger que le contrat de représentation a été cédé par [H] [Y] à [T] [U],

dire et juger en conséquence [H] [Y] irrecevable et en tous cas infondé à réclamer paiement d’une indemnité de fin de contrat,

le débouter de toutes ses demandes,

dire et juger que l’indemnité de fin de contrat de [T] [U] doit être ramenée à de plus justes proportions et que celle-ci ne pourrait s’élever à plus de 15.000 € au regard de la durée du contrat et des commissions perçues au titre de son exécution,

débouter [T] [U] de ses plus amples demandes,

en toutes hypothèses,

débouter [T] [U] et [H] [Y] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

condamner, in solidum, [H] [Y] et [T] [U] au paiement de 15.000 € en application de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens de l’appel.

Motifs de la décision :

-sur la qualification des contrats liant [T] [U] et [H] [Y] à la société Conesys :

à la suite de l’arrêt avant dire droit de la cour d’appel du 15 mai 2019, il convient de rappeler que la cour avait sursis à statuer après avoir constaté plusieurs points et expliqué l’état du débat juridique ainsi :

« Dans un mail du premier avril 2010 dont copie, monsieur [U], signant pour le compte de Conesys Europe, et rappelant le soutien de celle-ci à GD dans le cadre d’un programme Bowman, écrivait qu’il représentait avec [H] [Y] la division européenne de Conesys au Royaume-Uni, vantait l’absence de recours à un distributeur et l’économie de marge qui en découlait, et évoquait des accords de prix à long terme de 12 voire même jusqu’à 36 mois dans certains cas. Par un échange de février 2011 avec une société IONIX, monsieur [U] sollicite et obtient auprès de Conesys Europe l’alignement des prix avec les prix mondiaux, puis recueille l’offre du client.

Ainsi la fonction de monsieur [Y] et de monsieur [U], ce dernier d’abord comme ‘sous-agent’ de monsieur [Y], puis agent lui-même, consistait à échanger avec des acheteurs potentiels afin de connaître leurs attentes en termes de produits, de prix et de quantité, puis de rendre compte de l’offre à Conesys, enfin de répercuter la proposition du fournisseur au client, en d’autre termes, de provoquer et recueillir des commandes à des conditions conformes aux instructions du mandant et à sa capacité de production, mais aussi aux besoins et instructions du client. Les conditions à ce jour exigées par la Cour de cassation pour reconnaître l’existence d’un contrat d’agent commercial, dans le cadre d’une interprétation stricte de la notion de négociation, entendue comme un pouvoir propre de modifier le contenu d’un contrat en engageant le mandant, ne sont pas remplies en l’espèce.

Cette interprétation ne s’impose cependant pas à la lecture de la directive du 18 décembre 1986, ainsi, dans un jugement de la haute cour de justice de Londres du 14 juin 2013, on peut lire: ‘ je suis d’accord que le mot ‘négocier’ (et ses équivalents dans les autres langues de l’Union Européenne) doit être interprété de manière large … les activités de l’agent commercial s’étendent à l’obtention d’opérations et l’acquisition de clients pour des commandes nouvelles. Aucune de ces activités ne nécessite de négocier les conditions de l’opération à condition que l’agent obtienne des affaires pour son mandant’.

Les décisions de justice et les articles de doctrine produits par chacune des parties démontrent également qu’en droit interne, l’application du droit de l’union ne s’impose pas avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

Une question préjudicielle peut être posée afin d’éviter des divergences d’interprétation d’une notion figurant à la fois en droit de l’union et en droit interne, et il n’apparaît pas que la cour de justice de l’union européenne (CJUE) ait à ce jour déjà tranché la question de savoir si un intermédiaire qui ne dispose d’aucun pouvoir de négocier les termes du contrat avec les clients de son commettant peut néanmoins avoir la qualité d’agent commercial au sens de l’article premier de la directive 86/653.

De la réponse à cette question dépend la solution du litige soumis à la cour ».

La cour a donc sursis à statuer jusqu’à ce que la CJUE se prononce sur la question posée par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 19 septembre 2018 (RG 2017 015204), question posée ainsi : « l’article 1er paragraphe 2 de la directive 86/653 doit il être interprété en ce sens ‘ qu’un intermédiaire indépendant, agissant en tant que mandataire au nom et pour le compte de son mandant, qui n’a pas le pouvoir de modifier les tarifs et conditions contractuels des contrats de vente de son commettant n’est pas chargé de négocier lesdits contrats au sens de cet article et ne pourrait par voie de conséquence être qualifié d’agent commercial et bénéficier du statut prévu par la directive ‘ »

Dans son arrêt du 4 juin 2020 C828/18, la CJUE a répondu à la question posée en indiquant que l’article 1er, paragraphe 2 de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial au sens de cette disposition.

Dans le corps de sa décision, la CJUE rappelle au § 22 les conditions suffisantes et nécessaires pour qualifier une personne d’agent commercial :

– elle doit posséder la qualité d’intermédiaire indépendant

-elle doit être liée contractuellement de façon permanente au commettant

-elle doit exercer une activité consistant soit à négocier la vente ou l’achat de marchandises pour le commettant, soit à négocier et à conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci (arrêt Zako du 21 novembre 2018 C452/17).

Elle indique aussi, au §24, que si la directive ne définit pas le terme « négocier », l’acte de négociation doit porter sur la vente ou l’achat de marchandises pour le commettant mettant en évidence la volonté du législateur de l’Union que cet acte ait comme objectif la conclusion de contrats de vente ou d’achat pour le compte du commettant.

Dans le §30 , elle insiste sur le fait que dans le cadre de son contrat, l’agent commercial doit veiller aux intérêts du commettant notamment en s’employant à la négociation et le cas échéant à la conclusion des opérations dont il est chargé par celui-ci, l’objet de l’activité de l’agent commercial dépend de l’accord des parties quant aux marchandises que le commettant entend vendre ou acheter par l’intermédiaire de cet agent.

Elle en déduit, au §33, que les tâches principales d’un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants.

La Cour de cassation dans son arrêt chambre commerciale du 2 décembre 2020 n°18-20231 a fait application de la jurisprudence de la CJUE sur la notion de négociation en matière de prix.

En définitive pour retenir la qualification de contrat d’agent commercial, il convient d’analyser l’activité réelle autour de la notion de transaction sur les marchandises du mandant pour le compte du mandant auprès des clients en vue d’accroître ou de développer la clientèle existante de façon indépendante et permanente sans que l’agent ait obligatoirement le pouvoir de signer la commande ou le contrat de vente pour le compte du mandant ni de modifier les conditions contractuelles du contrat de vente.

-sur la qualification de contrat d’agent commercial des contrats de [T] [U] et de [H] [Y] avec la société Conesys :

Dans son arrêt avant dire droit du 15 mai 2019, la cour avait déjà relevé que la permanence de la mission des appelants est établie par le temps écoulé entre la signature et la résiliation des contrats les liant à la société Conesys durant lequel des commissions ont été régulièrement perçues, et aucun lien de subordination faisant obstacle à l’indépendance organisationnelle de l’agent ne s’évince des conclusions des parties et des pièces du dossier.

La cour avait ensuite analysé l’activité réelle de MM [Y] et [U] et avait relevé les points suivants :

la mission accomplie par monsieur [Y] auprès de la clientèle de la société Conesys consistait selon lui à convaincre son interlocuteur de contracter, ce dont il rapportait la preuve par une attestation de monsieur [T] [Z] ainsi traduite:

‘ à l’époque où j’étais chez Conesys à la fois le président de la société J-TECH, société du groupe, et vice président de Conesys, la mission des ‘sales représentatives’ était de rechercher et apporter de nouvelles affaires et de maintenir convenablement le courant d’affaires existant.

En faisant cela, INTEX, en sa qualité d’agent commercial pour le Royaume-Uni, avait la charge de maintenir le courant d’affaires existant et avait reçu mission d’apporter de nouvelles possibilités d’affaires et de travailler avec les services européens de Conesys pour bâtir l’assise de leurs ventes.

Parmi ses responsabilités, il avait reçu mission de trouver de nouveaux débouchés, d’obtenir les marchés et des informations sur la concurrence ainsi que de négocier avec les clients les prix pour les commandes spécifiques ou les marchés à long terme’.

Dans cette attestation, dont la force probante était contestée par la société Conesys, il convient de relever que M. [Y] ne prétend pas avoir eu la possibilité de fixer lui-même les prix, et les pièces produites par monsieur [U] pour la période durant laquelle il était sous-agent d’INTEX, nom commercial de [H] [Y], confirment que comme ce dernier le soutient, il lui appartenait de transmettre à la société Conesys les conditions auxquelles le client était prêt à contracter, notamment en termes de prix et de quantités, et ce après discussion avec lui pour l’amener à conclure.

Ainsi le 4 novembre 2002, monsieur [U] a écrit à monsieur [Y] relativement à un prix de 12$ qui sera à l’ordre du jour d’une réunion, demandant si Conesys pouvait aider, [T] [Z] ([Courriel 5]) répondant à ce mail qu’il allait voir comment il pouvait réduire le coût, lui précisant que si le prix usine de la pièce était bien de 12 $, après adaptation le coût de revient était de 14$ pour Conesys, et lui suggérant pour assurer sa commission de tenter au prix de 17-18$ et de voir ce qui se passait.

Des échanges de mail entre [T] [U], une société Swe connect, et un représentant de Conesys, en novembre décembre 2003, montrent une adaptation des prix, eu égard au nombre de pièces commandées et aux engagements de commandes futurs.

Pour l’année 2006, un rapport de visite fournisseur de la société Général Dynamics R-U chez Conesys, à laquelle ont participé plusieurs membres de cette société, et plusieurs membres de Conesys dont [T] [U] en qualité d’UK Manufacturing Représentative, précise qu'[I] [J] (manager de GD UK) devra développer Conesys et coopérera avec [T] [U], lequel devra compléter le questionnaire FRES sur le site web de GD afin de confirmer l’intérêt de devenir fournisseur de ce programme.

Dans un mail du premier avril 2010, monsieur [U], signant pour le compte de Conesys Europe, et rappelant le soutien de celle-ci à GD dans le cadre d’un programme Bowman, écrivait qu’il représentait avec [H] Bar la division européenne de Conesys au Royaume-Uni, vantait l’absence de recours à un distributeur et l’économie de marge qui en découlait, et évoquait des accords de prix à long terme de 12, voire même jusqu’à 36 mois, dans certains cas.

Par un échange de février 2011 avec une société IONIX, monsieur [U] a sollicité et obtenu auprès de Conesys Europe l’alignement des prix avec les prix mondiaux, puis recueilli l’offre du client.

Ainsi la fonction de monsieur [Y] et de monsieur [U], ce dernier d’abord comme ‘sous-agent’ de monsieur [Y], puis agent lui-même, consistait à échanger avec des acheteurs potentiels afin de connaître leurs attentes en termes de produits, de prix et de quantité, puis de rendre compte de l’offre à Conesys, enfin de répercuter la proposition du fournisseur au client, en d’autres termes, de provoquer et recueillir des commandes à des conditions conformes aux instructions du mandant et à sa capacité de production, mais aussi aux besoins et instructions du client.

Il importe peu que l’agent ne signait pas les commandes pour le compte de son mandant.

Dès lors que MM [Y] et [U] ont exercé leur activité en transigeant auprès des clients pour favoriser des commandes de produits commercialisés par la société Conesys et ce de façon permanente et dans l’intérêt de la société Conesys pour développer la clientèle de cette dernière tout en s’organisant de façon indépendante, leur contrat les liant à la société Conesys est donc un contrat d’agent commercial au sens de la directive 86/653 CEE du 18 décembre 1986.

Il ne peut être confondu avec un contrat de travail qui nécessite un lien de subordination avec l’employeur, ni avec un contrat de simple promotion du produit auprès du client puisqu’il nécessite de transiger sur les conditions de réalisation de la commande éventuelle ni d’un contrat de courtier puisque l’agent recherche la clientèle pour le seul intérêt de son mandant, et ce de façon permanente, ni un contrat d’apporteur d’affaires puisqu’il est commissionné au résultat des commandes effectives enregistrées après démarchage auprès de chaque client actuel ou à venir du mandant.

Il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les parties appelantes et a rejeté la qualification de contrat d’agent commercial au contrat qu’ils ont souscrit auprès de la société Conesys.

-sur les demandes d’indemnisation de [T] [U] et de [H] [Y] au titre de la rupture du contrat les liant à la société Conesys :

l’article L134-12 alinéas 1 et 2 du Code de commerce dispose qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits.

En revanche, selon les dispositions de l’article L134-13 du Code de commerce, « la réparation prévue à l’article L134-12 n’est pas due dans les cas suivants :

1° la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial;

2° la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée

3°selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence »

A titre subsidiaire, la société Conesys considère que les indemnités de préavis et de rupture ne sont pas dues à M [Y] qui a cédé, sans aucun formalisme, son contrat d’agent commercial à M [U] et ce en application de l’article L134-12 3°du code de commerce.

Pour en justifier, elle produit des mails de [T] [U] à M. [M], vice président vente et marketing de Conesys europe, le 4 avril 2012 puis d’autres mails sur la rémunération transférée entre les deux agents successifs les 23 avril et 1er mai 2012, 6 juin 2012 et 3 juillet 2012 et comment ont été soldés les comptes de chacun en toute transparence.

[H] [Y] conteste toute cession du contrat et dénonce un débauchage d’un collaborateur [T] [U].

Il expose que son contrat a été résilié le 16 mars 2012 sans aucun motif expresse avant qu’un nouveau contrat lie [T] [U] à la société Conesys le 23 mai 2012 et il en déduit qu’un contrat rompu n’a pu être transféré.

Après examen des pièces soumises à son appréciation, la cour constate que les parties n’ont pas entendu transférer le contrat de [H] [Y] à [T] [U] alors que non seulement cette idée de transfert ne découle pas du contrat signé le 23 mai 2012 par [T] [U] mais le nouveau contrat interdit toute cession ou transfert des droits et obligations du « représentant » de quelques manières que ce soit. Il y est simplement évoqué, en toute fin de contrat, que « cet accord énonce l’entière entente entre les parties écrite et orale et remplace tous les autres accords et ententes des parties » sans autre précision sur d’éventuels accords passés.

Quant aux mails entre [T] [U] et la société Conesys dont veut se prévaloir cette dernière pour étayer la thèse de la cession du contrat d’agent commercial et faire application de l’article L134-12 3° du code de commerce, il convient de constater que les échanges de mails portent uniquement sur la volonté des parties de ne pas confondre les commissions qui restent dues à [H] [Y] avec celles que devra recevoir [T] [U] à compter du 23 mai 2012 alors qu’ils démarchent pour la société Conesys des zones géographiques similaires.

Cette conception de transfert de contrat est d’autant plus saugrenue que la société Conesys entend maîtriser la relation qu’elle entretient avec ses agents au point de leur demander à être informée de changement dans l’équipe du « représentant » ; il est difficile d’imaginer un transfert de contrat sans l’acceptation expresse et formelle de la société Conesys, mandante.

Il convient de débouter la société Conesys de sa demande de constater une cession de contrat d’agent commercial entre [H] [Y] et [T] [U] en mai 2012.

Sur les indemnités dues :

il est de jurisprudence constante et dans les usages d’accorder à l’agent commercial en application de l’article L134-12 du code de commerce une indemnité de rupture équivalente à deux années de commissions brutes.

[H] [Y] demande au titre de l’indemnité de rupture de son contrat d’agent commercial en application de l’article L134-12 du code de commerce et des usages deux ans de commissions brutes soit, pour les années 2010 et 2011 complètes d’exécution du contrat et en se fondant sur les pièces de la société Conesys, la contre valeur au jour de la décision de 79.705,85 US dollars et 35.103,47 livres outre 227,37 euros.

[H] [Y] a souscrit un contrat auprès de la société Conesys depuis le 1er janvier 2002 ; la rupture de son contrat a été décidée par le mandant sans aucun motif expresse.

Il a donc droit à deux années de commissionnement.

La société Conesys ne conteste pas les chiffres avancés par [H] [Y] ; il sera fait droit à la demande d’indemnités de ce dernier ainsi qu’à sa demande d’intérêts à compter de l’assignation délivrée le 24 novembre 2014.

[T] [U] qui se prévaut d’une relation contractuelle de 11 mois avant la résiliation de son contrat d’agent commercial le 21 novembre 2012 avec préavis de 90 jours pour des raisons de réorganisation interne à la société Conesys, a sollicité, dès le 20 novembre 2013, une indemnité de rupture égale à deux années de commissions brutes perçues en compensation du préjudice subi. Après déduction des sommes versées deux fois, elle sollicite le montant suivant soit 83.406 euros (correspondant en équivalent à la date de la demande à 10.818 euros+ 7.298 GBP + 79.852 us dollars ).

La société Conesys lui oppose la brièveté des relations qui n’a duré que 11 mois, y compris le délai de préavis, et entend limiter l’indemnité de rupture à la somme de 15.000 euros.

Elle ne conteste pas le montant des commissions versées sur les 9 mois de contrat.

Eu égard à la jurisprudence et aux usages en la matière, il sera fait droit à la demande de [T] [U] au titre de l’indemnité de rupture du contrat d’agent commercial.

-sur la demande d’indemnisation de [H] [Y] pour débauchage de son sous agent [T] [U]

[H] [Y] demande 50.000 euros de dommages-intérêts pour débauchage de son sous agent [T] [U] mais sans expliciter sa demande dans ses conclusions et surtout sans préciser sur quel fondement juridique, il entend fonder sa demande alors qu’il a été informé de l’existence du contrat de [T] [U] aussitôt après la rupture de son contrat  et qu’il ne l’a pas d’emblée dénoncé.

La société Conesys se borne à invoquer une cession de contrat entre [H] [Y] et [T] [U] que la cour n’a pas retenue.

Toutefois, il appartient à celui qui demande l’exécution d’une obligation de rapporter la preuve de sa créance et du montant de son préjudice ; [H] [Y] est défaillant à l’établir.

Il convient de le débouter de sa demande d’indemnisation et de confirmer le jugement de ce chef.

-sur les demandes annexes :

la société Conesys qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel avec distraction en application de l’article 699 du cpc.

La société Conesys sera condamnée à verser 6.000 euros à [H] [Y] et 6000 euros à [T] [U] en application de l’article 700 du cpc.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l’arrêt avant dire droit de la cour d’appel du 15 mai 2019,

Vu l’arrêt de la CJUE C828:18 du 4 juin 2020,

-infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté [H] [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour débauchage

et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

-dit que le contrat souscrit par [H] [Y] auprès de la société Conesys le 1er janvier 2002 est un contrat d’agent commercial

-dit que le contrat souscrit par [T] [U] auprès de la société Conesys le 23 mai 2012 est un contrat d’agent commercial

-dit qu’il n’y pas eu cession du contrat de [H] [Y] au profit de [T] [U]

-condamne la société Conesys à verser à [H] [Y], au titre de l’indemnité de rupture de son contrat, la contre valeur au jour du présent arrêt de 79.705,85 US dollars et 35.103,47 livres outre 227,37 euros, avec intérêts de droit à compter du 24 novembre 2014

-condamne la société Conesys à verser à [T] [U], au titre de l’indemnité de rupture de son contrat, la contre valeur au jour du présent arrêt de la somme de 10.818 euros+ 7.298 GBP + 79.852 us dollars.

-Condamne la société Conesys aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

-condamne la société Conesys à payer à [H] [Y] et à [T] [U] la somme de 6.000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Le greffier La présidente.

 


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