Contrat d’Agent de sécurité : fausse attestation sanctionnée
Contrat d’Agent de sécurité : fausse attestation sanctionnée

En imitant sciemment la signature de son manager et en utilisant de façon abusive le tampon de son entreprise, un agent de sécurité commet une faute justifiant son licenciement. En l’occurrence, l’agent de sécurité avait fourni à son employeur une copie de son diplôme SSIAP 2 obtenu après une formation de 2 semaines.

L’employeur s’était rapproché de l’Ecole et de la Sécurité Auchan pour mettre à jour le  dossier de son salarié après vérification de l’authenticité de son diplôme. Il a été découvert que ce dernier avait émis une fausse attestation employeur en usurpant l’identité de son responsable sécurité.

Code de déontologie des entreprises de sécurité

Pour rappel, le code de déontologie applicable à toute entreprise ayant des agents de sécurité interne stipule ‘Art. 4 : tout manquement aux devoirs prévu par le présent Code de déontologie expose son auteur aux sanctions disciplinaires prévues à l’article L364-4 du code de la sécurité intérieure sans préjudice des mesures administratives et des sanctions pénales prévues par les lois et les règlements

. Art. 7 : En toute circonstance, les acteurs de la sécurité privée s’interdisent d’agir contrairement à la probité, à l’honneur et à la dignité. Art. 8 : Les acteurs de la sécurité privée font preuve entre eux de respect et de loyauté’.

Le salarié n’était pas fondé à soutenir que la procédure de licenciement pour faute grave a été mise en oeuvre tardivement dans la mesure où ce n’est pas la date de l’attestation qui est déterminante, le document ayant justement été dissimulé à l’employeur, mais sa date de découverte.  

Déloyauté du salarié

Ces faits fautifs qui caractérisent la déloyauté du salarié présentaient à eux seuls une gravité d’une importance telle qu’elle empêchait son maintien dans l’entreprise et justifiait un licenciement pour faute grave, le caractère isolé du manquement et l’absence de passé disciplinaire n’étant pas ici de nature à priver la faute du salarié de son caractère de gravité.

_________________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 14 AVRIL 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00233 –��N° Portalis

DBVK-V-B7C-NR22

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 FEVRIER 2018 DU

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F17/00160

APPELANTE :

SA AUCHAN FRANCE,

[…] recherche à […], prise en son établissement de Pérols : Centre Commercial PLEIN SUD

[…]

Ayant pour conseil Me Didier DOSSAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur Z Y

[…]

[…]

Représenté par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me BEYNET, avocate au barreau de Montpellier

Ordonnance de Clôture du 26 Janvier 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 FEVRIER 2021, en audience publique, Monsieur Jean-Pierre MASIA, premier président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Le 28 novembre 2000, Monsieur Z Y a été embauché en qualité de contrôleur surveillant par la société Auchan par contrat à durée indéterminée. La convention collective applicable à la relation de travail était la convention nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par courrier du 14 décembre 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 28 décembre 2016, et, par courrier du 11 janvier 2017, il a été licencié pour faute grave.

Par jugement du 14 février 2018, le conseil de prud’hommes de Montpellier, saisi par le salarié le 20 février 2017, a dit qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer, que le licenciement de Monsieur Z Y repose sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la sa Auchan à payer à Monsieur Z Y les sommes de :

—  5111,84€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  511,18€ à titre de congés payés y afférents,

—  10436,67€ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  4000€ à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents,

—  300€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

a ordonné à la sa Auchan la remise des documents de fin de contrat à Monsieur Z Y, et ce sous astreinte de 10€ par jour de retard à compter du 8e jour de la date du prononcé de la présente décision, a débouté Monsieur Z Y de l’ensemble de ses autres demandes, a débouté la sa Auchan de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a mis les éventuels dépens à la charge de la sa Auchan.

C’est le jugement dont l’employeur a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions régulièrement déposées sur le RPVA le 4 août 2020, la sa Auchan demande à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente d’une expertise judiciaire sollicitée par ailleurs aux fins de vérification d’écriture, n’a pas procédé aux vérifications d’écriture sollicitées telles que prescrites par l’article 287 du code de procédure civile, malgré le fait qu’il a plus ou moins explicitement reconnu l’usage de faux par le salarié, n’en a pas tiré les conséquences qui s’imposaient puisqu’il s’est limité à requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et de ce fait a condamné l’appelante au paiement de 5111,84€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 511,18€ à titre d’indemnité de congés payés afférents audit préavis, 10436€ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 4000€ à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de documents et 300€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a condamné l’appelante à remettre au salarié les documents de fin de contrat, sous astreinte de 10€ par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la date de prononcé du jugement dont appel,

—  in limine litis : ordonner qu’il soit sursis à statuer dans l’attente du rapport en vérification d’écritures à intervenir;

— à titre subsidiaire : prendre acte de ce que Monsieur X dont la signature a été imitée accepte de se soumettre à toute vérification du conseil, ordonner à Monsieur Y de s’y présenter à l’audience afin qu’il soit procédé aux vérifications des écritures et signatures apposées sur le document intitulé attestation de l’employeur du 28 septembre 2016;

—  à titre infiniment subsidiaire : procéder directement à la comparaison de la signature apposée sur le document intitulé attestation de l’employeur du 28 septembre 2016 avec celle apposée sur la pièce d’identité de Monsieur X;

—  dans tous les cas : relever le caractère fautif de la manoeuvre du salarié, confirmer la procédure de licenciement pour faute grave comme étant justifiée et bien fondée, débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes et condamner le salariée au paiement de la somme de 2300€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions régulièrement déposées sur le RPVA le 28 mai 2018, Monsieur Z Y demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté la faute grave, réformer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence condamner la société Auchan France à lui payer les sommes de :

-5111,84€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-511,18€ au titre des congés payés y afférents,

-10436,67€ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

-25500€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamner la société Auchan France à payer à Monsieur Y la somme de complémentaire de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamner la société Auchan France aux entiers dépens.

* * *

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2021.

* * *

Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions.

SUR CE

La cour constate que le salarié ne maintient pas sa demande de dommages et intérêts formulée devant les premiers juges pour remise tardive des documents de fin de contrat.

I] Sur le sursis à statuer

Si l’employeur fait valoir dans ses écritures avoir saisi le conseil de prud’hommes en la forme des référés aux fins de désignation d’un expert missionné pour vérification d’écriture, il n’apparaît pas pour autant qu’une bonne administration de la justice commande de surseoir à statuer.

II] Sur la vérification d’écriture à l’audience

S’agissant de la vérification d’écriture à l’audience, le juge pouvant procéder lui-même à la vérification d’écriture, dans le cadre de la procédure prévue aux articles 287 et suivants du code de procédure civile, la demande de l’employeur visant à ordonner à Monsieur Z Y de se présenter à l’audience afin qu’il soit procédé aux vérifications d’écritures et de signatures sera, au cas présent et au vu des documents dont le juge dispose, rejetée.

Les éléments de comparaison figurant aux pièces de la procédure, notamment la copie du passeport du responsable sécurité permet de constater, conformément à l’article 287 du code de procédure civile, que la signature figurant sur l’attestation de l’employeur du 28 septembre 2016, attestation se présentant au demeurant sans en-tête ni raison sociale, ne correspond pas à la signature habituelle de Monsieur B X.

Ce constat est corroboré par l’expertise graphologique diligentée à la demande de l’employeur, en date du 14 octobre 2017, produite aux débats et qui conclut sans équivoque à l’imitation de la signature de Monsieur X outre la contrefaçon du support de l’attestation en lui-même.

III] Sur le licenciement

Pour demander l’infirmation du jugement qui a requalifié le licenciement prononcé pour faute grave en licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l’employeur soutient que le salarié a commis un faux en imitant et apposant la signature de son responsable sur cette attestation dans le but d’obtenir une évolution de poste et que cette manoeuvre a été effectuée en violation de la déontologie propre à ses fonctions.

Le salarié réplique que l’employeur ne rapporte pas la preuve que la fausse signature lui est imputable, qu’il a remis cette attestation nécessaire à sa formation SSIAP2 à son employeur et que celui-ci la lui a rendue signée, que l’attestation n’était pas mensongère en son contenu, qu’il n’aurait eu aucun intérêt à falsifier la signature de son supérieur pour une attestation dont le contenu correspondait à la réalité, que l’employeur a tardé à mettre en oeuvre la procédure de licenciement et qu’il avait 16 ans d’ancienneté et aucun passif disciplinaire.

La notification du licenciement pour faute grave est intervenue le 11 janvier 2017 en ces termes : ‘Suite à cet entretien, au regard des faits et des explications que vous nous avez données, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Les faits sont les suivants :

Le 10 novembre 2016, vous avez informé votre manager sécurité du fait que vous aviez passé votre SSIAP2 à l’extérieur du magasin. Le 6 décembre 2016, vous avez fourni à votre responsable sécurité Mr X une copie de votre diplôme SSIAP 2 obtenu le 14 octobre 2016 après une formation de 2 semaines du 3 au 14 octobre 2016, période durant laquelle vous étiez en arrêt maladie.

Suite à cette information, nous nous sommes rapprochés de l’Ecole et de la Sécurité Auchan pour mettre à jour votre dossier après vérification de l’authenticité de votre diplôme. En retour, ils nous ont communiqué l’intégralité de votre dossier que vous aviez constitué en vue d’obtenir votre SSIAP2. Nous avons alors découvert le 6 décembre 2016 que vous aviez émis une fausse attestation employeur en usurpant l’identité de votre responsable sécurité, Mr X, puisque vous avez signé à sa place et utilisé le tampon du magasin.

Lors de cet entretien, vous avez reconnu les faits.

De ces faits ressortent :

1/ En imitant sciemment la signature de Mr X et en utilisant de façon abusive le tampon de l’entreprise, vous avez enfreint le règlement intérieur et le code de déontologie relatif aux agents de sécurité interne, que vous avez signés.

Pour rappel, le code de déontologie applicable à toute entreprise ayant des agents de sécurité interne stipule ‘Art. 4 : tout manquement aux devoirs prévu par le présent Code de déontologie expose son auteur aux sanctions disciplinaires prévues à l’article L364-4 du code de la sécurité intérieure sans préjudice des mesures administratives et des sanctions pénales prévues par les lois et les règlements

. Art. 7 : En toute circonstance, les acteurs de la sécurité privée s’interdisent d’agir contrairement à la probité, à l’honneur et à la dignité. Art. 8 : Les acteurs de la sécurité privée font preuve entre eux de respect et de loyauté’.

Vous ne pouviez pas ignorer en votre qualité de collaborateur et agent de sécurité de notre site que ce comportement déloyal est contraire au règlement intérieur et au Code de déontologie. Ce comportement est grave et répréhensible.

2/ En imitant sciemment la signature de Mr X et en utilisant de façon abusive le tampon de l’entreprise, vous avez usurpé l’identité de votre responsable et ainsi mis en porte à faux votre responsable hiérarchique et l’entreprise avec les conséquences qui peuvent en découler. Ce type d’agissement, constitutif d’un faux, pourrait, entre autres, avoir des incidences sur la validité de votre carte professionnelle.

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, aussi le licenciement prend effet dès la date de l’envoi du présent courrier et votre solde de tout compte sera arrêté à cette même date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement’.

La charge de la preuve de la faute grave, qui est d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, repose sur l’employeur.

En l’espèce, l’employeur a établi la falsification de l’attestation du 28 septembre 2016 qu’il produit. Quant à l’imputabilité de cette falsification au salarié, ce dernier reconnaît avoir passé la formation SSIAP2, avoir eu besoin, à cette occasion, d’une attestation du nombre d’heures de travail effectuées en qualité d’agent de service de sécurité et avoir remis à l’entité de formation l’attestation litigieuse.

Le salarié, vague dans ses explications, se contente d’alléguer en réponse avoir remis l’attestation ‘à la société, qui la lui a rendue signée’, sans préciser à quel interlocuteur de l’entreprise il aurait éventuellement remis le formulaire d’attestation, étant établi par l’employeur que Monsieur B X n’avait pas pu la remplir et la signer.

Il ressort du dossier qu’il ne s’agit donc pas d’une simple irrégularité ou d’une simple négligence commise par l’intimé mais d’une véritable manoeuvre de falsification, peu important que le salarié ait possédé l’ancienneté suffisante dans la fonction d’agent de sécurité incendie, objet de l’attestation litigieuse.

Le salarié n’est pas fondé à soutenir que la procédure de licenciement pour faute grave a été mise en oeuvre tardivement dans la mesure où ce n’est pas la date de l’attestation qui est déterminante, le document ayant justement été dissimulé à l’employeur, mais sa date de découverte, la cour relevant que le salarié ne conteste pas que l’employeur avait découvert cette fausse attestation le 6 décembre 2016.

Ces faits fautifs qui caractérisent la déloyauté du salarié présentaient à eux seuls une gravité d’une importance telle qu’elle empêchait son maintien dans l’entreprise et justifiait, contrairement à ce que le jugement a retenu, son licenciement pour faute grave, le caractère isolé du manquement et l’absence de passé disciplinaire n’étant pas ici de nature à priver la faute du salarié de son caractère de gravité.

Le jugement qui a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave sera réformé et le salarié débouté de toutes ses demandes.

L’équité commande d’allouer une indemnité de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement du conseil de prud’hommes de Montpellier du 14 février 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer.

Dit le licenciement fondé sur une faute grave et déboute Monsieur Z Y de toutes ses demandes.

Condamne Monsieur Z Y à payer à la sa Auchan France la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Condamne Monsieur Z Y aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président


Chat Icon