Contrat d’agent commercial : 9 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03020

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Contrat d’agent commercial : 9 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03020

9 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/03020

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le :Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 09 JUIN 2022

(n° /2022)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03020 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFHC6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2022 Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018007998

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Edmée BONGRAND, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.S. SCALEFAST

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Martin DONATO de l’AARPI VIGUIE SCHMIDT & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : R145

à

DÉFENDEURS

S.A.R.L. KL CALIFORNIA LLC, société de droit américain

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 3]

S.A.R.L. KL LONDON LIMITED, société de droit anglais

[Adresse 6]

[Adresse 4]

WATFORD WD17 1HP – ROYAUME UNI

Représentées par la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées de Me Olivier GUIDOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : P0221

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 10 Mai 2022 :

Par jugement contradictoire du 3 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

-dit que la relation contractuelle entre la société Scalefast et les sociétés KL London Limited et KL California LLC doit être qualifiée de contrat d’agent commercial,

-condamné la société Scalefast à verser solidairement aux sociétés KL California LL C et California London limited en application de l’article L 134-12 du code de commerce, une indemnité de cessation de contrat égale à deux années de commissions équivalent à une somme de 429.883,63 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2016,

-condamné la société Scalefast à verser à la société KL London Limited la somme de 161.296 euros au titre des commissions due postérieurement à la rupture du contrat, en application de l’article L 134-7 du code de commerce, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2016,

-condamné la société Scalefast à verser in solidum aux sociétés KL London Limited et KL California LLC la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraire au présent dispositif,

-ordonné l’exécution provisoire,

-condamné la société Scalefast aux dépens.

Par déclaration du 7 février 2022, la société Scalefast a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement.

Par acte du 15 février 2022, la société Scalefast a fait assigner les sociétés KL California LLC et KL London Limited devant le premier président de la cour d’appel au visa des articles 517, 521, 523 et 524 du code de procédure civile afin de voir :

-ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire,

à tout le moins,

-autoriser à consigner entre les mains de tel séquestre qu’il plaira à Mme /M. le premier président de désigner, la somme de 640.000 euros,

à titre subsidiaire

vu le risque de non-restitution des fonds par les sociétés KL California LLC et KL London Limited en cas d’infirmation du jugement de première instance et les conséquences qui en résultent pour la requérante,

-subordonner l’exécution provisoire des condamnations financières à la fourniture dans les quinze jours de la signification de l’ordonnance :

*d’une garantie bancaire de restitution , émanant d’un établissement bancaire de premier rang, destinée à garantir , en cas d’infirmation par la cour du jugement de première instance, l’engagement solidaire des sociétés KL California LLC et KL London Limited de restituer à la société Scalefast une somme de 470.507,15 euros,

*d’une garantie bancaire de restitution, émanant d’un établissement bancaire de premier rang, destinée à garantir, en cas d’infirmation par la cour du jugement de première instance, l’engagement de la société KL London Limited de restituer à la société Scalefast une somme de 169.492,85 euros,

-dire que ces garanties seront valables jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt d’appel à intervenir,

en tout état de cause

-débouter KL California LLC et KL London Limited de toutes demandes contraires aux présentes et les condamner aux dépens.

Par conclusions déposées le 9 mai 2022 et soutenues à l’audience du 10 mai 2022, la société Scalefast, reprenant ses demandes dans les termes de son assignation déclare que l’arrêt de l’exécution provisoire est régi par les dispositions de l’article 524 ancien du code de procédure civile et expose que les conséquences excessives découlant de l’exécution du jugement dont a été interjeté appel sont caractérisées par la situation des deux sociétés créancières.

Elle déclare que la société KL London Limited, société anglaise dirigée par une personne physique, fondée pour les seuls besoins du contrat litigieux, ayant donné lieu à condamnation n’a aucune activité ni revenu à la lecture des dernières informations comptables publiées, ne dispose d’aucun actif, a des dettes, qu’il s’agit d’une société dormante dont l’existence n’a été maintenue qu’en raison du présent litige.

Elle énonce que la société KL California LLC, dirigée par la même personne physique, a été également fondée pour les besoins du seul contrat litigieux, que des déclarations fiscales 2020 et 2021 il ressort que cette société n’a aucune activité et aucun revenu, ce que reconnaît la société KL London Limited.

Elle affirme que l’absence de ressources ou de solvabilité des bénéficiaires de l’exécution provisoire caractérise un risque de non- restitution, constitutif de conséquences manifestement excessives.

Elle rappelle qu’il ne s’agit pas de la question de l’exécution d’une décision à l’étranger mais seulement de la question du risque de non-restitution des sommes en cas d’infirmation du jugement attaqué, seul critère exigé par la jurisprudence et non cumulatif avec le critère tenant à ses propres capacités de paiement.

Elle fait valoir que le risque de non restitution des fonds par les sociétés créancières est d’autant plus réel qu’elles n’ayant pas d’activité, elles peuvent décider de distribuer à leur associé unique, M. [S] tout ou partie des fonds.

Elle soutient que la faculté de consignation prévue par l’article 521 du code de procédure civile n’est pas subordonnée à la condition que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, la consignation permettant de garantir les créancières du versement des sommes en cas de confirmation du jugement et de la garantir elle, de la restitution des sommes en cas d’infirmation.

Par conclusions déposées le 27 avril 2022 et soutenues à l’audience du 10 mai 2022, les sociétés KL London Limited et KL California LLC demandent au premier président de :

vu les articles 521 et suivants du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1222 du 11 décembre 2019,

-juger que la preuve du risque de conséquences manifestement excessives n’est pas rapportée

-débouter la société Scalefast de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions visant à arrêter l’exécution provisoire,

-juger que la preuve du motif légitime n’est pas rapportée,

-débouter la société Scalefast de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions visant à aménager l’exécution provisoire,

-condamner la société Scalefast à leur payer une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Scalefast aux entiers dépens.

Elle fait observer que la société Scalefast n’a fait aucune observation sur l’exécution provisoire devant le premier juge et qu’il n’appartient pas au premier président d’examiner les critiques concernant la motivation de la décision de première instance.

Elle fait valoir que la situation financière de la société Scalefast lui permet de faire face aux condamnations prononcées contre elle.

Elle déclare qu’en cas d’infirmation de la décision, il suffira à la société Scalefast de solliciter de la cour d’appel l’établissement du certificat de l’article 53 du Règlement 1215:2012 et pourra user de toutes les voies d’exécution anglaise pour obtenir de la société KL London le remboursement de la somme maximale, qu’il n’existe aucun risque de dispersion des fonds puisque l’activité financière de la société KL London Limited est saine ayant été mise en sommeil dans l’attente de la décision finale.

Elle soutient que la société KL California LLC est à jour de ses obligations fiscales et qu’elle n’a aucune dette faisant craindre un risque de non-restitution des fonds.

Elle affirme que la société Scalefast doit démontrer que l’absence de remboursement générerait pour elle un préjudice irréparable.

Elle avance que la société Scalefast doit démontrer détenir un motif légitime pour obtenir l’aménagement de l’exécution provisoire.

MOTIFS

Selon l’article 55 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, les dispositions de l’article 3 relatives à l’exécution provisoire s’appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.

En l’espèce, la demande de la société Scalefast porte sur un jugement rendu le 3 février 2022 après la délivrance d’une assignation le 19 janvier 2018.

En conséquence, l’arrêt de l’exécution provisoire attachée à ce jugement est régi par les dispositions de l’article 524 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa version antérieure audit décret selon lesquelles “lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier président statuant en référé que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522”.

Les moyens de réformation du jugement ne constituent donc pas un critère d’application des dispositions sus-visées et l’absence d’observations sur l’exécution provisoire dans l’instance devant le premier juge ne constitue pas un motif de recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Les conséquences manifestement excessives doivent être appréciées, quel que soit le montant de la condamnation, au regard des facultés de paiement du débiteur et des capacités de remboursement des créanciers.

Les conséquences manifestement excessives doivent être appréciées, quel que soit le montant de la condamnation, au regard des facultés de paiement du débiteur et des capacités de remboursement du créancier.

En l’espèce, seul est invoqué le risque du non-remboursement de la somme globale de 470.507,15 euros par les sociétés KL London Ltd et KL California LLC et de la somme de 169.492,85 euros par la société KL London Ltd .

Des pièces versées aux débats et des explications des parties, il s’établit que ces deux sociétés, ont été fondées par M. [Y] [S], pour les seuls besoins du contrat litigieux liant les parties déclaré par le premier juge comme étant un contrat d’agent commercial et que celui-ci les dirige l’une et l’autre.

Il ressort également des pièces versées aux débats que la société KL London Ltd n’a ni activité ni revenu ni aucun actif, que la société KL California LLC n’a pas plus d’activité ni revenus.

La circonstance que la société KL Califonria LLC soit à jour de ses obligations fiscales et qu’elle n’a aucune dette ou qu’il serait possible pour la société Scalefast d’obtenir de la cour d’appel l’établissement du certificat de l’article 53 du Règlement 1215/2012 et puisse user de toutes les voies d’exécution anglaises pour obtenir le remboursement des sommes en cas d’infirmation importe peu si ces sociétés ne peuvent répondre financièrement de ces sommes, compte tenu de l’absence d’activités et de revenus qui les caractérisent l’une et l’autre.

La circonstance de l’absence d’activité ne fait pas disparaître le risque de non restitution des sommes en cas d’infirmation, puisque les sommes dont ces sociétés sont créancières pourraient être distribuées en totalité à leur dirigeant, comme l’a été la somme de 150.000 euros versée par la société Scalefast en exécution d’une précédente décision .

Le risque de non restitution allégué par la société Scalefast est donc caractérisé.

Ce risque constitue une conséquence manifestement excessive pour la société Scalefast qui se verrait ainsi privée d’une partie importante de sa trésorerie alors qu’elle doit recourir à des levées de fonds pour son développement ainsi que le relate la presse spécialisée .

En conséquence, il sera fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement sus-visé formée par la société Scalefast.

La société Scalefast à qui profite la décision, supportera la charge des dépens de la présente instance.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou de l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS

Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 3 février 2022 par le tribunal de commerce de Paris,

Laissons les dépens de l’instance à la charge de la société Scalefast,

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Mme Edmée BONGRAND, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Conseillère

 


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