Contrat d’agent commercial : 17 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-11.422

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Contrat d’agent commercial : 17 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-11.422
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COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 351 F-D

Pourvoi n° V 22-11.422

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 MAI 2023

M. [R] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-11.422 contre l’arrêt rendu le 16 novembre 2021 par la cour d’appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l’opposant à la société Mondo déco, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Regis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [F], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Mondo déco, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Regis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 16 novembre 2021), le 11 juillet 2014, la société Mondo déco a confié à M. [F] un mandat d’agent commercial avec une exclusivité territoriale sur onze départements.

2. Le 16 octobre 2015, la société Mondo déco a notifié à M. [F] la résiliation immédiate du contrat, lui reprochant d’avoir délaissé son activité et provoqué ainsi une « chute vertigineuse » de son chiffre d’affaires.

3. M. [F] a assigné la société Mondo déco en paiement d’indemnités de rupture et de préavis.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [F] fait grief à l’arrêt de retenir qu’il a commis des fautes graves ayant justifié la résiliation du contrat d’agent commercial conclu avec la société Mondo déco et de rejeter l’ensemble de ses demandes indemnitaires, alors :

« 1°/ que seule une faute grave, qu’il appartient au mandant d’établir, prive l’agent commercial du bénéfice de l’indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat ; qu’une telle faute ne peut résulter de la seule baisse du chiffre d’affaires afférent à l’activité de l’agent, sauf à démontrer qu’elle traduit une carence effective de l’agent dans l’exécution de son mandat ; qu’en l’espèce, pour statuer comme elle l’a fait, la cour d’appel a relevé d’une part, que la baisse du chiffre d’affaires espéré par le mandant caractérise une faute grave de l’agent lorsqu’elle traduit un manquement de l’intéressé qui néglige son secteur de prospection, d’autre part qu’en l’espèce une telle négligence se déduit de ce que M. [F], à partir du mois de janvier 2015, s’est fait embaucher par la société Crêperie Colas et s’est engagé auprès d’elle à prospecter tout le grand ouest de la France, soit un secteur géographique différent de celui dont il avait la charge en exécution de son contrat d’agent commercial conclu avec la société Mondo déco, pour en déduire qu’à partir de cette embauche, M. [F] n’était plus en mesure de travailler correctement pour le compte des deux entreprises, ce qui explique l’effondrement du chiffre d’affaires réalisé par l’intéressé pour le compte de la société Mondo déco ; qu’en se déterminant ainsi par la circonstance que M. [F], du seul fait de son embauche par la société Crêperie Colas , n’aurait plus été en mesure de ” travailler correctement pour le compte des deux entreprises”, la cour d’appel, qui a ainsi présumé l’existence d’une faute grave imputable à l’agent, quand il appartenait à la société Mondo déco d’en rapporter la preuve, a violé l’article 1353 du code civil ;

2°/ que seule une faute grave, qu’il appartient au mandant d’établir, prive l’agent commercial du bénéfice de l’indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat ; qu’une telle faute ne peut résulter de la seule baisse du chiffre d’affaires afférent à l’activité de l’agent, sauf à démontrer qu’elle traduit une carence effective de l’agent dans l’exécution de son mandat ; qu’en l’espèce, pour statuer comme elle l’a fait, la cour d’appel a relevé d’une part, que la baisse du chiffre d’affaires espéré par le mandant caractérise une faute grave de l’agent lorsqu’elle traduit un manquement de l’intéressé qui néglige son secteur de prospection, d’autre part qu’en l’espèce, une telle négligence se déduit de ce que M. [F], à partir du mois de janvier 2015, s’est fait embaucher par la société Crêperie Colas et s’est engagé auprès d’elle à prospecter tout le grand ouest de la France, soit un secteur géographique différent de celui dont il avait la charge en exécution de son contrat d’agent commercial conclu avec la société Mondo déco, pour en déduire qu’à partir de cette embauche, M. [F] n’était plus en mesure de travailler correctement pour le compte des deux entreprises, ce qui explique l’effondrement du chiffre d’affaires réalisé par l’intéressé pour le compte de la société Mondo déco ; qu’en se déterminant ainsi, par une simple affirmation tirée de ce que M. [F], du seul fait de son embauche par la société Crêperie Colas, n’aurait plus été en mesure de “travailler correctement pour le compte des deux entreprises”, sans rechercher concrètement s’il était démontré par la société Mondo déco qu’à compter et du fait de cette embauche, les clients qu’il appartenait à M. [F] de prospecter en exécution du contrat d’agent commercial avaient été effectivement délaissés, ni rechercher si la carence susceptible d’être reprochée de ce chef à l’agent était à l’origine de la baisse du chiffre d’affaires dénoncée par la société mandante, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

3°/ qu’en relevant que l’attestation de M. [T] et la tentative d’embauche de M. [G] par M. [F] caractérisent une confusion que ce dernier a contribué à entretenir auprès de la clientèle quant à l’identité de son mandant, à une époque où il travaillait encore pour la société Mondo déco, pour en déduire que ce comportement risquait de provoquer un détournement de clientèle au profit d’un concurrent de cette dernière et caractérise donc une faute grave, sans indiquer concrètement en quoi l’attestation de M. [T], dont les propos sont démentis par la gérante de la société Presticap, ainsi que le fait que M. [F] ait envisagé d’embaucher le fils de cette gérante, auraient démontré que M. [F] entretenait auprès de la clientèle une confusion quant à l’identité de son mandant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir énoncé que le fait de ne pas atteindre le chiffre d’affaires espéré par le mandant ne constitue pas en soi une faute grave de l’agent commercial et que ce statut n’est pas incompatible avec celui de salarié d’une autre entreprise, l’arrêt relève qu’à compter du mois de janvier 2015, et jusqu’à la résiliation du contrat d’agence en octobre de la même année, le chiffre d’affaires réalisé par la société Mondo déco sur la zone géographique prospectée, à titre exclusif, par M. [F], a subi une baisse de plus d’un tiers par rapport à celui réalisé l’année précédente, par un autre agent, sur la même zone et à la même période, et de près de la moitié du chiffre d’affaires réalisé par M. [F] sur les cinq derniers mois de l’année 2014.

6. L’arrêt relève, ensuite, que M. [F] a informé la société Mondo déco, le 14 décembre 2014, de son intention de « prendre une nouvelle orientation professionnelle » et de céder sa carte d’agent commercial. Il ajoute que, sans attendre la cessation de son activité, M. [F] a été embauché, au mois de janvier 2015, par une société Crêperie Colas pour prospecter tout le grand ouest de la France, soit une zone géographique en partie différente de celle prospectée pour le compte de la société Mondo déco, limitée à la Normandie et à la région parisienne, et retient qu’il n’était plus en mesure, à compter de cette date, de travailler pour la société Mondo déco dans de bonnes conditions.

7. Il retient que, contrairement à ce qu’affirme M. [F], l’effondrement du chiffre d’affaires de la société Mondo déco n’est imputable ni à un défaut d’organisation de son réseau commercial, ni à une insuffisance de catalogues commerciaux, ni enfin à un « sur-stockage » dans les entrepôts des clients de la société Mondo déco, et qu’à supposer que cette société puisse engager sa responsabilité pour avoir refusé d’agréer le successeur que lui avait présenté M. [F], cette faute ne justifierait pas que ce dernier ait négligé son mandat à partir du début de l’année 2015.

8. L’arrêt en déduit que M. [F] a négligé son activité de représentation de la société Mondo déco, provoquant la baisse constatée de son chiffre d’affaires et la privant, du fait de l’exclusivité territoriale qui lui avait été concédée, de toute possibilité de se faire représenter par un autre agent.

9. En l’état de ces énonciations, constatations et appréciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer les recherches, dès lors inopérantes, invoquées par la deuxième branche, a pu, sans inverser la charge de la preuve, retenir que la baisse importante du chiffre d’affaires subie par la société Mondo déco était imputable au seul désengagement de M. [F] dans la représentation de ses produits et que celui-ci avait commis, au sens de l’article L. 134-13, 1° du code de commerce, une faute grave portant atteinte à la finalité commune du contrat d’agent commercial et rendant impossible le maintien du lien contractuel.

10. Le moyen, pour partie inopérant, n’est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société Mondo déco la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.

 


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