Contrat d’agent commercial : 16 juin 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/03480

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Contrat d’agent commercial : 16 juin 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/03480

16 juin 2022
Cour d’appel de Rouen
RG n°
19/03480

N° RG 19/03480 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IIXA

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 JUIN 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 18 Juillet 2019

APPELANTE :

Madame [B] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Nathalie DEVILLERS-LANGLOIS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.S. AKTION IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Clémence BONUTTO-VALLOIS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 04 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 04 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Juin 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [B] [U] a signé le 3 février 2014 un contrat d’agent commercial avec la société Aktion Immobilier, puis parallèlement à ce contrat, les parties ont signé un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel le 1er mai 2015 pour une durée de huit mois. Enfin, un contrat de travail à durée indéterminée a lié les parties à compter du 1er mars 2016, Mme [U] étant engagée en qualité d’agent de location niveau AM1.

Par requête du 29 juillet 2016, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en requalification de sa relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée dès le 3 février 2014, ainsi qu’en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de rappels de salaire et indemnités.

Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 5 janvier 2017 aux torts de l’employeur.

Par jugement du 18 juillet 2019, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes, dit que la prise d’acte de la rupture s’analysait en une démission, condamné Mme [U] à verser à la société Aktion Immobilier la somme de 4 843,88 euros au titre des indemnités compensatrices de préavis, débouté la société Aktion Immobilier de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens de l’instance à la charge de Mme [U].

Mme [U] a interjeté appel de cette décision le 28 août 2019.

Par conclusions remises le 15 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [U] demande à la cour, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de requalification du contrat du 3 février 2014 en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes suites et conséquences de droit, en conséquence, requalifier le contrat signé le 3 février 2014 en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes suites et conséquences de droit,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de requalification du contrat du 27 avril 2015 en un contrat à durée indéterminée et de sa demande d’indemnité de requalification, en conséquence, requalifier ledit contrat en un contrat de travail à durée indéterminée et condamner la société Aktion Immobilier à lui verser la somme de 2 421,94 euros à titre d’indemnité de requalification,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de réévaluation de son coefficient et de ses demandes de rappels de salaires en découlant, en conséquence, reconnaître que le coefficient applicable à son diplôme d’éducation de niveau 3 et à ses responsabilités est le statut d’agent de maîtrise AM 2,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de rappel de salaire, en conséquence, condamner la société Aktion Immobilier à lui verser les sommes suivantes :

rappel de salaire pour l’année 2014 : 10 366,16 euros bruts,

rappel des congés payés sur la totalité de l’année 2014 : 2 150 euros bruts,

remboursement des charges sociales réglées par elle sur l’année 2014 : 1060 euros,

rappel de congés payés sur l’année 2015 : 2 167 euros bruts,

rappel du montant des charges sociales réglées par elle sur l’année 2015 : 3 934 euros,

rappel de salaire, d’heures supplémentaires et de prime sur l’année 2016 : 11 938,36 euros,

congés payés afférents: 1 193,84 euros,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé et condamner la société Aktion Immobilier à lui verser la somme de 14 528 euros à ce titre,

-infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et physique et condamner la société Aktion Immobilier à lui verser la somme de 10 000 euros à ce titre,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination subie et condamner la société Aktion Immobilier à lui verser la somme de 15 000 euros à ce titre,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de requalification de sa prise d’acte de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, requalifier la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Aktion Immobilier à lui verser 14 531,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 513,71 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à la société Aktion Immobilier la somme de 4 843,88 euros au titre des indemnités compensatrices de préavis et condamner cette dernière à lui verser cette somme, outre 484,38 euros au titre des congés payés y afférent,

-infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’article L. 1221 du code du travail et non-respect des périodes de suspension du contrat de travail et condamner la société Aktion Immobilier à lui verser la somme de 3 000 euros à ce titre,

– ordonner la remise des bulletins de salaires et documents sociaux modifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement et se réserver la liquidation de l’astreinte,

-ordonner que les demandes porteront dans leur intégralité intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil,

– condamner la société Aktion Immobilier à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.

Par conclusions remises le 8 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Aktion Immobilier demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification de la relation de travail

Mme [U] expose qu’elle n’avait jamais été inscrite en qualité de travailleur indépendant et était jeune diplômée lorsqu’elle a signé le contrat de négociateur non salarié avec la société Aktion immobilier, lequel comporte un pouvoir de sanction de l’employeur mais aussi une description des tâches devant être réalisées dans un respect strict de toutes les procédures internes comprenant notamment l’obligation de participer aux tâches administratives et commerciales nécessaires à la bonne marche de l’entreprise.

Elle note encore que les commissions étaient fixées unilatéralement par la société Aktion immobilier, qu’elle était totalement intégrée au service de l’agence, qu’elle ne possédait d’ailleurs aucune carte personnelle laissant apparaître sa qualité d’agent indépendant, que son agenda, qui devait être laissé à l’agence, était tenu par tous les employés et qu’enfin, elle recevait régulièrement des instructions de la gérante, Mme [G] [Z], laquelle lui imposait des horaires inacceptables.

Sans contester que Mme [U], régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, travaillait dans le cadre d’un service organisé, la société Aktion immobilier soutient qu’elle ne démontre cependant pas l’existence d’un lien de subordination permanent, sachant qu’elle disposait d’une liberté dans la gestion de son emploi du temps, mais aussi dans la gestion de son activité, sans aucun contrôle permanent même si elle devait rendre compte de l’accomplissement de son mandat, ce qui fait partie des obligations du mandataire.

Selon l’article L. 8221-6 du code du travail, sont notamment présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre des agents commerciaux et les dirigeant des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.

Toutefois, ce même article prévoit que l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes mentionnées précédemment fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Par ailleurs, selon l’article L. 134-1 du code du commerce, l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Enfin, l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité, et il appartient au juge de vérifier l’existence des éléments constitutifs de ce dernier, en particulier de celui essentiel que constitue le lien de subordination, lequel est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements d’un subordonné.

Mme [U], née en 1992, détentrice d’un BTS spécialité professions immobilières depuis juin 2013, a été recrutée sept mois plus tard, le 3 février 2014, en qualité d’agent commercial indépendant en immobilier, lequel contrat avait pour objet la recherche de biens immobiliers, commerciaux, industriels, droit au bail et murs commerciaux, la recherche de clients vendeurs ou acquéreurs, la recherche de propriétaires bailleurs ou locataires, la représentation du mandant lors de la signature des clients avec assistance de l’agent immobilier jusqu’à la conclusion définitive de l’affaire sans pouvoir signer elle-même un compromis.

Il y était mentionné son secteur de travail, avec la précision qu’il pourrait être modifié selon les besoins de l’entreprise, et s’il était indiqué que le mandataire n’était contraint à aucun horaire de travail, il était néanmoins prévu, non seulement qu’il rende compte de l’accomplissement du mandat confié, mais surtout, qu’il devrait être fait à la dirigeante un compte-rendu journalier oral par téléphone et écrit une fois par semaine sur le rapport de l’activité.

En outre, au-delà de lister les actions que Mme [U] se devait d’accomplir directement en lien avec son mandat, à savoir, prospection, visite des locaux et tâches de secrétariat nécessaires au bon déroulement de sa mission, et ce selon les procédures internes à la société précisément décrites, il était également prévu la participation ‘aux tâches administratives et commerciales nécessaires à la bonne marche de l’entreprise’, à savoir tenue et mise à jour des documents internes (tableaux de bord, formulaires,..), conception et réalisation de documents commerciaux (mailing, annonces, ..) et participation à des salons, foires ou expositions.

Ainsi, avant même d’examiner les conditions réelles de travail de Mme [U], il doit être relevé que le contrat lui-même comporte des mentions qui vont au-delà de la simple relation mandant-mandataire en établissant des règles de fonctionnement qui conduisent le mandataire à devoir rendre compte de manière permanente de son mandat et ce, en devant accomplir des missions qui vont au-delà de l’objet même du mandat et qui s’apparentent à des tâches générales, ressortant d’une intégration totale au service, difficilement définissables et quantifiables pour être spécifiquement rémunérées.

Or, en ce qui concerne les conditions mêmes de l’exercice de l’activité, Mme [O], qui a quitté la société en août 2014, atteste que Mme [U] est arrivée au sein de l’agence au service transactions alors qu’elle-même y travaillait déjà, qu’en avril 2014, elle devait s’occuper d’ouvrir le service de syndic de copropriété et que, ne pouvant assurer tous les rôles, il lui a été proposé que quelqu’un l’aide pour faire les visites afin qu’elle puisse s’occuper de la gestion locative, que c’est ainsi qu’il a été proposé à Mme [U] le poste d’agent de location qu’elle ferait en tant qu’agent commercial, sachant qu’il lui avait alors été indiqué que si les résultats étaient augmentés et son efficacité prouvée, elle serait requalifiée en salariée. Elle précise que Mme [U] travaillait du lundi au samedi pour faire les visites qui étaient organisées par Mme [S] sous les ordres et à la demande de Mme [Z], sachant qu’il était automatiquement programmé sur son agenda une rencontre une fois par semaine pour faire le point sur le nombre de logements loués et que Mme [U] se soumettait à l’ensemble des demandes de la gérante dans la mesure où elle lui avait promis la signature d’un contrat de travail.

Mme [R] [S], également salariée de la société à cette époque, confirme les conditions décrites par Mme [O] qui ont conduit Mme [U] à accepter de s’occuper du service location pour une durée de six mois en tant qu’agent commercial pour devenir ensuite salariée, ce qui n’a en réalité pas été fait malgré les félicitations reçues en septembre 2014 sous prétexte de fonds manquants. Elle précise qu’à compter de ce moment, Mme [Z] lui a demandé d’avoir toujours en sa possession l’agenda de Mme [U] afin de savoir ce qu’elle faisait et de noter et organiser ses visites locatives du lundi au samedi, ce qui était complété par un point hebdomadaire les mardis matins première heure, Mme [U] devant alors faire un compte-rendu des visites, dossiers en cours et rappels propriétaires.

Aussi, ces attestations sont particulièrement éclairantes, non seulement sur les conditions qui ont présidé à la signature de ce contrat, davantage envisagé comme une période d’essai, que sur le contrôle opéré, à tout le moins, dans les mois qui ont suivi sa signature, et elles sont corroborées par des mails et sms, ainsi, en est il produit un aux termes duquel Mme [Z] indique à Mme [U] vouloir la voir le matin même ‘première heure’ou un autre où il lui est fait part d’un rendez-vous fixé le lendemain matin à 9h30 sur un nouveau bien, sans lui demander manifestement son avis.

Au-delà de ce contrôle, il est également produit de nombreux sms qui démontrent qu’il était donné à Mme [U] des instructions précises et impératives, à savoir rappeler un propriétaire, un locataire, louer un appartement avant une date donnée ou encore préparer les dossiers de la gérante sur son bureau.

Dès lors, et s’il est attesté par plusieurs salariées de la société Aktion immobilier que Mme [U] avait une totale autonomie sur ses heures d’arrivée et de départ, et même sur la possibilité de s’absenter durant la journée ou de décaler les rendez-vous pour convenance personnelle, force est néanmoins de relever que ces constats ne sont pas datés, sachant que l’une d’entre elles, Mme [RT], n’a été engagée qu’en juin 2015, soit plus d’un an après la signature du contrat d’agent commercial.

Elles ne sont ainsi pas de nature à remettre en cause les constats dressés par Mmes [O] et [S], et ce, d’autant moins que la relative liberté constatée sur les plages horaires classiques n’est pas incompatible avec la réalité du contrôle opéré par Mme [Z] dès lors qu’il ressort des nombreuses pièces versées aux débats que la profession même de Mme [U] la conduisait à réaliser des horaires de travail atypiques, davantage rassemblés en fin de journée.

A cet égard, il est d’ailleurs intéressant de relever que les salariées attestant pour le compte de la société ne font aucune distinction entre les périodes durant lesquelles Mme [U] était engagée en qualité d’agent commercial et celles où elle l’était en qualité de salariée.

Enfin, si M. [BN], agent commercial, insiste sur son statut d’agent indépendant qui lui laisse le loisir de ses décisions et stratégies commerciales, il ne peut qu’être constaté qu’il n’évoque pas la situation de Mme [U] sur ces questions, étant au surplus relevé que M. [BN] est pour sa part né en 1964, ce qui différencie sensiblement sa situation de celle de Mme [U], embauchée à 24 ans, à la sortie de l’école et donc sans expérience antérieure sérieuse.

Il convient en conséquence, au regard du lien de subordination permanent dont il est justifié, d’infirmer le jugement et de requalifier le contrat d’agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée dès le 3 février 2014, sans que l’emploi de serveuse occupé par Mme [U] les samedis après-midi à compter de mai 2015 ne remette en cause l’existence de ce lien de subordination.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Compte tenu de la requalification de son contrat de mandat en contrat à durée indéterminée, Mme [U] considère qu’il lui est dû, de fait, une indemnité de requalification dès lors qu’il n’était pas possible dans le même temps de recourir à un contrat à durée déterminée. En tout état de cause, elle relève que l’augmentation du chiffre d’affaires vantée par la société Aktion immobilier caractérise l’activité normale et permanente de l’entreprise dès lors qu’il augmente de manière continue et non pas ponctuelle.

En réponse, la société Aktion immobilier rappelle que l’augmentation du chiffre d’affaires n’interdit pas une situation de surcroît temporaire d’activité, laquelle était liée en l’espèce à l’augmentation saisonnière du volume de dossiers de la gestion locative, le pic d’activité étant de la fin de l’année universitaire, soit le mois de mai, jusqu’à la rentrée scolaire, soit le mois d’octobre.

Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail sous réserve des dispositions de l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans un certain nombre de cas limitativement énumérés, dont l’accroissement temporaire d’activité.

Enfin, il résulte de l’article L.1242-12 que le contrat à durée déterminée doit comporter la définition précise de son motif et qu’à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En l’espèce, au-delà de la requalification du contrat d’agent commercial en contrat à durée indéterminée, il apparaît que le contrat à durée déterminée, conclu pour la période du 1er mai au 31 décembre 2015 ne fait état que d’un surcroît d’activité sans plus de précision, ce qui ne saurait correspondre à la définition précise de son motif.

Par ailleurs, force est de constater qu’il est conclu pour une période excédant la saisonnalité invoquée par la société Aktion immobilier et que les pièces versées aux débats ne sont pas de nature à justifier l’existence d’un accroissement temporaire de l’activité en lien avec cette saisonnalité, aucun élément ne permettant de dire que l’augmentation du chiffre d’affaires de 69 727,17 euros, soit 22,35 %, entre le premier semestre 2015 et le second trimestre 2015 aurait été ponctuel.

De même, l’attestation de M. [C] aux termes de laquelle il explique avoir développé un programme de logements en acquérant en trois ans près de 90 appartements avec comme objectif de passer à 150 en 2018 et avoir en conséquence demandé à Mme [Z] de mettre à disposition une équipe performante apte à acheter, rénover et louer ce parc, n’a aucun lien avec le motif de saisonnalité invoqué et elle n’est pas davantage de nature à expliquer l’accroissement temporaire d’activité de la location en mai 2015 au regard de son imprécision.

Il convient en conséquence d’ordonner la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, peu important que Mme [U] ait par ailleurs travaillé pour le compte d’une autre société.

En outre, et alors que l’indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire perçu avant la saisine de la juridiction, sans qu’il y ait lieu de tenir compte d’une moyenne de salaires, il convient de condamner la société Aktion immobilier à payer à Mme [U] la somme de 1 900 euros, étant rappelé que la conclusion d’un contrat à durée indéterminée postérieurement au contrat à durée déterminée irrégulier ne remet pas en cause le versement de l’indemnité de requalification, sauf à en tenir compte dans l’appréciation du préjudice, ce qui a été fait en l’espèce.

Sur la reclassification

Mme [U], engagée en qualité d’agent de location niveau AM1, revendique la classification AM2 de la convention collective dès février 2014, tant au regard des tâches réalisées que du diplôme de l’éducation nationale niveau III dont elle bénéficiait et sollicite en conséquence un rappel de salaire sur cette base, outre le remboursement des cotisations payées à l’URSSAF, ce que conteste la société Aktion immobilier qui considère non seulement qu’elle relevait de la classification AM1 dès lors qu’elle n’a jamais eu aucune fonction de gérance des locations mais qu’en outre la rémunération qu’elle a perçue a toujours été supérieure à celle d’un salarié classé AM2.

A titre liminaire, il convient d’indiquer que la somme de 11 938,36 euros et les congés payés afférents réclamés au titre de l’année 2016 résulte d’une erreur de calcul comme a pu l’indiquer le conseil de Mme [U] lors de l’audience, l’addition des différentes sommes réclamées chaque mois correspondant en réalité à 1 572,20 euros, outre 157,22 euros au titre des congés payés afférents.

La qualification du salarié se détermine en référence aux fonctions réellement exercées et au regard de la convention collective applicable, laquelle peut édicter un seuil d’accueil en fonction des diplômes obtenus et la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle appliquée

Selon la convention collective nationale de l’immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, le salarié AM1 dispose des capacités professionnelles et qualités nécessaires pour assurer ou coordonner la réalisation de travaux d’ensemble grâce à des connaissances générales et techniques approfondies. Il est par ailleurs précisé qu’il assume la responsabilité et peut superviser plusieurs salariés dans les limites des directives qu’il a reçues.

Dans les emplois repères, est notamment visé le chargé de gestion locative et parmi les missions plus précises relevant de cette catégorie, il est mentionné qu’il gère l’ensemble des tâches afférentes à plusieurs immeubles, repère les réparations et présente des propositions concrètes pour l’entretien des immeubles, tient une comptabilité spécialisée complète, prépare et suit les dossiers confiés par les responsables (pv, rapports, reporting) et enfin assure et supervise des opérations techniques, administratives ou de gestion.

En ce qui concerne le salarié classé AM2, soit la dernière classification avant un passage au statut cadre, il doit être capable de planifier et contrôler les tâches qui lui sont assignées en fonction d’objectifs à atteindre, il peut avoir la responsabilité technique du travail réalisé par du personnel de qualification inférieure et peut exercer des fonctions de coordination ou de pilotage.

Parmi les emplois repère s’y rapportant sont notamment mentionnés l’agent de location-gérance et le négociateur débutant, avec pour missions d’analyser et gérer le contrat de bail, assurer la bonne exécution du mandat de gestion et les relations avec les locataires, établir les documents administratifs et financiers, collecter les données chiffrées auprès des différents services de l’entreprise et assurer l’élaboration des documents de gestion, assister aux rendez-vous avec les architectes ou techniciens, assister aux expertises et assurer le suivi administratif et financier des immeubles, assurer la gestion des chantiers ou des opérations et assurer la commercialisation des nouvelles opérations et la recommercialisation des biens existants pour le compte des sociétés immobilières et foncières.

A titre liminaire, il doit être noté que le diplôme détenu par Mme [U] n’est pas déterminant dans la mesure où celui-ci est requis tant pour le salarié classé AM2 que pour celui classé AM1, aussi, convient-il d’examiner les fonctions réellement exercées par Mme [U] pour déterminer sa classification.

Or, il ressort des attestations produites par Mme [U] elle-même, à savoir celles de Mmes [S] et [O], qu’un service syndic a été ouvert en avril 2014, que Mme [O] en a alors pris la tête et, qu’étant auparavant responsable location et gestion locative, elle ne pouvait plus s’occuper de cette fonction seule et que Mme [U] a donc été engagée pour l’aider à faire les visites, elle-même continuant de s’occuper de la gestion locative.

Il ressort par ailleurs des différents mails versés aux débats, et notamment ceux échangés avec Mme [A], gestionnaire de copropriété, que cette organisation a perduré, Mme [U] sollicitant cette dernière pour l’établissement des factures, pour validation des contrats de location ou de cautionnement ou encore pour lui demander de faire les mails lorsqu’il était réclamé par les locataires plus d’explications sur la régularisation des charges.

Au vu de ces attestations, il est manifeste que Mme [U] était agent de location et non pas agent de location-gérance, sans qu’elle puisse davantage revendiquer la qualité de négociateur dès lors qu’il n’est justifié que de quelques ventes de biens immobiliers, lesquelles sont particulièrement limitées et accessoires à son activité d’agent de location, sachant qu’il ressort des pièces du dossier qu’elle refusait d’ailleurs toute orientation de ses missions en ce sens, voulant se maintenir sur le seul secteur de la location.

Il n’est en outre pas allégué, et a fortiori pas justifié, que Mme [U] aurait eu la responsabilité du travail d’autres collègues, aussi, il convient de retenir que Mme [U] relevait de la classification AM1 et de la débouter de sa demande de reclassification au niveau AM2.

En tout état de cause, et alors qu’il résulte de l’article 37-4 de la convention collective applicable qu’il n’est pas exclu du salaire minimum conventionnel les commissions versées au titre du travail fourni, c’est à tort que Mme [U] prend en compte le taux horaire qui lui est appliqué pour solliciter un rappel de salaire.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’elle soutient, elle n’a pas perçu 9 344 euros au titre de l’année 2014 mais 21 498 euros, tel que cela ressort de l’examen des factures éditées au titre de son activité pour la société Aktion immobilier.

Aussi, au regard des factures produites et des rémunérations perçues devant être prises en compte dans le calcul du salaire minimum conventionnel, il apparaît que, quelque soit le coefficient retenu, Mme [U] a perçu le salaire brut minimum conventionnel prévu pour les salariés classés AM1 mais aussi pour ceux relevant de la classification AM2.

A cet égard, conformément aux dispositions de l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, et alors que le statut social d’une personne est d’ordre public et s’impose de plein droit dès lors que sont réunies les conditions de son application, la décision administrative individuelle d’affiliation qui résulte de l’adhésion du salarié au régime des travailleurs indépendants s’oppose, qu’elle soit ou non fondée, à son affiliation rétroactive au régime général de la sécurité sociale pour la période en litige et à la perception des cotisations correspondantes.

Dès lors, il convient de débouter Mme [U] de sa demande de remboursement des cotisations versées à l’URSSAF au titre des années 2014 et 2015, étant rappelé que le salaire brut qu’elle aurait perçu en qualité de salariée aurait été amputé des cotisations sociales versées par l’employeur.

Il convient néanmoins, dès lors que le contrat d’agent commercial a été requalifié en contrat à durée indéterminée et qu’il n’est pas justifié que Mme [U] aurait bénéficié, en cette qualité, de congés payés sur les années 2014 et 2015, de condamner la société Aktion immobilier à lui payer au titre des jours de congés payés non pris, la somme de 2 150 euros au titre de l’année 2014 et 2 167 euros au titre de l’année 2015, sachant que les rémunérations perçues sont respectivement sensiblement supérieures à 21 500 euros et 21 670 euros.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l’article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli (…).

Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, si le contrat d’agent immobilier a été requalifié en contrat à durée indéterminée, il ne peut néanmoins être retenu l’existence d’un travail dissimulé à défaut de toute preuve d’une intention frauduleuse, laquelle ne peut résulter de la seule signature d’un tel contrat dès lors que les sommes versées à Mme [U], très supérieures au salaire minimal auquel elle pouvait prétendre, ne permettent pas de caractériser une volonté d’échapper au paiement de charges sociales, les montants perçus étant même légèrement supérieurs aux salaires bruts qui auraient dû être lui versés en qualité de salarié.

Sur le harcèlement moral

Mme [U] fait valoir qu’elle a été mise dans l’obligation de signer un contrat d’agent commercial qui ne la mettait pas sous la protection du statut de salarié et qu’elle n’a ainsi pu percevoir son maintien de salaire lors de son arrêt maladie à défaut d’avoir l’ancienneté nécessaire, qu’elle était en outre contactée sans aucune limite par son employeur, et ce quelques soient les jours ou les heures, et notamment durant son arrêt maladie, et que lorsqu’elle a sollicité le paiement de ses heures supplémentaires, il lui a été fait interdiction d’en réaliser, ce qui ne lui permettait plus d’exécuter sa mission dans de bonnes conditions et il lui a alors été reproché son incompétence, sachant que Mme [Z] avait nécessairement connaissance des heures supplémentaires qu’elle réalisait dès lors que son agenda était accessible à tous à l’agence.

Enfin, elle indique que Mme [Z] a lancé la rumeur selon laquelle elle voulait partir en demandant 30 000 euros et n’a diligenté aucune enquête lorsqu’elle s’est plainte du comportement d’une autre salariée, qu’il lui a au contraire été fait de multiples reproches alors qu’elle donnait jusqu’alors satisfaction et qu’il lui a été retiré ses codes d’entrée mais aussi ses codes d’accès à son poste de travail.

La société Aktion immobilier considère que les allégations de Mme [U] n’ont aucun sens dès lors qu’après même la signature du contrat d’agent commercial, elle a régularisé un contrat à durée déterminée, puis un contrat à durée indéterminée, ce qui est particulièrement contradictoire avec toute situation de harcèlement. Par ailleurs, s’il existe effectivement des sms ou mails tardifs, elle relève qu’il n’a jamais été fait obligation à Mme [U] d’y répondre, s’agissant la plupart du temps de simples informations, et qu’elle a d’ailleurs toujours été payée des heures supplémentaires accomplies. A cet égard, elle note que Mme [U], tout en lui reprochant les heures supplémentaires qu’elle aurait dû effectuées, l’accuse de harcèlement moral lorsqu’il lui est demandé de ne plus en accomplir. Enfin, elle conteste toute situation de harcèlement exercé par Mme [A], tout retrait de ses codes d’accès et explique qu’au moment de l’arrêt de travail de Mme [U], elle a certes été contactée mais dans le seul objectif d’organiser le relais, sachant que cet arrêt de travail n’était pas prévisible, Mme [U] ayant été déclarée apte sans aucune réserve par le médecin du travail le 22 juin.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au-delà d’attestations de clients très satisfaits de ses prestations de travail et plus critiques sur celles de Mme [A], Mme [U] produit à l’appui de sa demande plusieurs attestations de proches faisant état de conditions de travail dégradées en raison de relations difficiles avec Mme [A], d’horaires de travail inadaptés ou encore de sollicitations durant son arrêt-maladie.

Ainsi, Mme [V] [M] explique qu’elle-même terminant vers 18-19h, elle allait régulièrement chercher Mme [U] à l’agence, laquelle terminait ses dossiers pour ne pas prendre de retard, qu’elle a aussi été témoin d’appels de Mme [Z] en début de soirée alors qu’elles étaient ensemble en terrasse ou encore durant son arrêt de travail, que ces horaires tardifs sont d’ailleurs confirmés par un sms en date du 6 janvier 2016 aux termes duquel Mme [U] lui faisait savoir à 20h qu’elle venait de finir sa journée de travail commencée à 8h.

Elle explique encore que Mme [Z] pouvait alterner cadeaux et remarques désobligeantes, ce qui déstabilisait Mme [U] dont la situation s’est dégradée à l’arrivée de Mme [A] en décembre 2015, Mme [Z] ayant pris le parti de cette dernière et lui ayant dit qu’elle était prête à prendre quelqu’un de moins efficace en location pour conserver de bonnes relations avec cette personne.

Enfin, elle indique que la situation s’est tellement dégradée que Mme [U], très fatiguée, a pris la décision de quitter l’agence et qu’à partir de ce moment, il lui a été reproché de nombreuses choses, dont le fait de ne pas respecter ses horaires.

Mme [H] [P], tout en précisant que la situation était correcte au début, confirme la dégradation évoquée par Mme [M] fin 2015 en raison d’une mauvaise entente avec une collègue, Mme [Z] ayant pris le parti de cette dernière au motif qu’elle avait plus de contacts. Elle précise que, depuis, elle reçoit de nombreux mails de ses collègues ou de son employeur pour critiquer son travail, en la contrôlant à la minute près et en lui faisant remarquer quand elle doit partir. Elle note également qu’elle reçoit de très nombreux mails depuis son arrêt maladie pour la culpabiliser ou lui demander des renseignements, si bien qu’elle est toujours autant sous pression.

M. [N], client de la société, témoigne quant à lui que ça s’est toujours bien passé avec Mme [U] mais que Mme [Z] n’a eu de cesse de remettre en cause son intégrité et son honnêteté, allant jusqu’à affirmer qu’elle se faisait rémunérer illégalement alors que toutes ses locations passaient par l’agence, concluant que cela était sans doute une façon de dénigrer ses origines et sa confession.

Enfin, M. [K], ex-compagnon et ancien salarié, puis négociateur, de la société, au-delà de vanter les qualités professionnelles de Mme [U], explique que Mme [A] n’était ni intégrée, ni qualifiée, et que s’il n’a pas rencontré de gros désaccords avec Mme [Z] et l’a toujours respectée, il pense néanmoins qu’elle était manipulatrice, capable de beaucoup pour arriver à ses fins.

En ce qui concerne ces deux dernières attestations, il convient de relever qu’au-delà de leur imprécision, sachant que celle de M. [N] est remise en cause par de très nombreuses autres attestations versées par la société Aktion immobilier aux termes desquels il est nié tout propos tendant à dénigrer Mme [U], les appréciations qui y sont portées sur les motivations ou la personnalité de Mme [Z] sont particulièrement subjectives et nullement étayées.

S’agissant des deux autres attestations, si, pour les horaires, il résulte suffisamment de l’attestation de Mme [M] que Mme [U] pouvait régulièrement quitter l’agence vers 18-19h, il doit être relevé qu’à compter de mars 2016, elle a été payée sur la base d’un horaire de 39 heures par semaine et surtout, il résulte de nombreuses attestations de salariés de l’agence que Mme [U], comme vu précédemment, exerçait son activité selon des horaires atypiques lui permettant également d’arriver à l’agence vers 10h ou de la quitter dans la journée pour faire des achats personnels ou se rendre en salle de sport.

Par ailleurs, si Mme [D] explique que Mme [U] quittait souvent à 20h-21h, rien ne permet de déterminer dans quelle mesure cette ancienne collaboratrice a pu le constater à défaut de préciser si elle-même était présente, sachant que Mme [M] évoque quant à elle des horaires 18-19h.

Aussi, et s’il est justifié de quelques sms échangés en fin de journée pour l’informer d’une situation ou pour rappeler un client, ceux-ci, sur une période de deux ans et demi, restent relativement limités et il n’est fait état d’aucune plainte particulière de Mme [U] quant à cette question antérieurement à juin 2016, étant à nouveau rappelé la souplesse existante durant ses journées de travail.

Par ailleurs, s’agissant des appels et sms reçus par Mme [U] durant son arrêt de travail débuté le 6 juillet 2016 pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, elle produit un constat d’huissier en date du 6 décembre 2016 dont il ressort qu’elle a été contactée par ses collègues durant son arrêt maladie, ainsi, le 7 juillet à trois reprises par message vocal afin de savoir où se trouvait son agenda et son téléphone professionnel pour gérer ses rendez-vous durant son absence, et, en raison de la détention de ceux-ci par Mme [U], pour connaître la nature des rendez-vous, puis le 8 juillet à 11h, puis 11h48, afin de lui demander où se trouvaient des dossiers, puis les clés d’un appartement, ce même type de demandes ayant été réitérées les 11, 16 juillet et 1er août.

Force est de constater qu’il ne s’agit là que de demandes ponctuelles pour permettre la continuité du service, sans qu’aucune des demandes ne puisse s’apparenter à la réalisation d’un travail, sachant que le seul échange tendant à obtenir plus de renseignements sur le fond d’un des dossiers date du 21 juillet et est à l’initiative de Mme [U] et que les quelques autres mails échangés durant cet arrêt de travail concernent uniquement les informations nécessaires à l’établissement de sa fiche de paie afin de calculer ses commissions.

Enfin, la ‘liste à faire juillet 2016″ photographiée ne comporte pas de date plus précise et rien ne permet donc de dire qu’il aurait été demandé à Mme [U] de mener les différentes missions qui y sont listées durant son arrêt maladie, sachant que début juillet 2016, Mme [U] n’était pas en arrêt de travail et avait même été déclarée apte sans réserve par le médecin du travail le 22 juin, visite qui faisait pourtant suite à différentes plaintes de Mme [U] sur ses conditions de travail.

Pour le surplus, les attestations de Mmes [M] et [P] sont non seulement imprécises mais en outre ne sont que le reflet des propos et du ressenti de Mme [U], sachant qu’elle ne verse aux débats aucune pièce permettant d’accréditer le fait que Mme [A] lui aurait tenu des propos désobligeants, voir humiliants et, au contraire, il est produit par la société Aktion immobilier un certain nombre d’échanges entre elles qui ne sont que la traduction d’échanges professionnels parfaitement courtois qui ne permettent même pas de retenir l’existence de tensions, Mme [U] concluant la plupart de ses messages par des ‘bisous’.

Ainsi, également, alors qu’il est fait état d’une dégradation des relations avec Mme [Z], au-delà des nombreuses attestations évoquant la parfaite intégration de Mme [U] au sein de l’agence et de son humeur joyeuse, il ressort d’un sms qu’en mars 2016, la relation était encore particulièrement chaleureuse, cette dernière remerciant Mme [U] pour la robe offerte, avec des ‘bisous’ pour clore les sms et Mme [U] répondant ‘avec plaisir :)’.

En réalité, il apparaît que les premières tensions qui peuvent ressortir plus objectivement des échanges entre les parties datent de juin 2016.

Ainsi, il est produit aux débats un mail de Mme [U] du 7 juin envoyé à Mme [Z], faisant suite à une réunion du 31 mai, pour lui dire qu’elle ne veut plus être l’objet d’humiliations constantes en public, que ces réunions ont pour seul objet de la rabaisser, que la pression des propriétaires lui suffit, que s’il y a des choses à redire sur ses dossiers, elle aimerait que cela soit fait avec [I], dans le bureau de Mme [Z] mais pas devant tout le monde

Il est également fourni le courrier de réponse de Mme [Z] en date du 10 juin aux termes duquel elle indique à Mme [U] prendre en compte sa demande quant aux remarques négatives dont elle ferait l’objet de la part de ses collègues de la place Saint Marc et lui précise qu’une visite médicale va être organisée.

Elle lui réclame néanmoins de ne pas s’emporter comme elle a pu le faire devant ses collègues et lui indique qu’elle va lui payer les heures supplémentaires sollicitées tout en lui demandant pour l’avenir de ne plus en faire sans son accord. Elle conclut en écrivant qu’elle ne doute pas que toutes ces sollicitations ne sont pas en lien avec ses velléités de départ négocié de la société avec demande indemnitaire de 30 000 euros.

Ce courrier est complété par celui du 24 juin pour s’étonner à nouveau de ses demandes et de sa contestation de ce qu’elle aurait sollicité un départ négocié, Mme [Z] lui reprochant par ailleurs le fait d’avoir appris son départ par un client.

Il est également produit un certain nombre de mails datant de cette même période, à savoir les 22 juin, 30 juin et 1er juillet tendant à lui faire part du mécontentement de locataires car sa boîte mail est pleine ou qu’elle ne les a pas recontactés mais aussi pour lui rappeler la nécessité de transmettre des dossiers complets, sachant que sur ce dernier point, Mme [U] n’en conteste pas la réalité dans sa réponse mais s’interroge sur la nécessité de réimprimer des documents déjà en leur possession.

Enfin, il est justifié qu’en juin 2016, seules deux heures supplémentaires ont été payées à Mme [U] alors qu’en mars, avril et mai, il lui avait systématiquement été réglé 17,33 heures supplémentaires.

Aussi, alors que Mme [U] produit un certificat médical attestant de la fragilité de son état psychologique et que son médecin explique que celui-ci est en lien avec la situation de conflit l’opposant à une collègue, puis à son employeur, les échanges produits à compter de juin 2016 entre Mme [U] et son employeur aux termes desquels il lui est adressé un certain nombre de reproches sont de nature à laisser supposer l’existence d’agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et il appartient à la société Aktion immobilier de justifier que ses décisions étaient justifiées par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.

A cet égard, la société Aktion immobilier verse aux débats plusieurs attestations confirmant le fait que le 31 mai, après une réunion lors de laquelle avait effectivement été évoqué un certain nombre de carences dans la tenue de ses dossiers, ce qui avait créé des tensions entre le service location et le service gérance, Mme [U] a indiqué vouloir donner sa démission et a déposé son téléphone sur le bureau de Mme [RT].

Outre que cette volonté de quitter l’entreprise est corroborée par les sms envoyés par Mme [U] à des amies le 2 juin 2016 pour leur faire connaître sa décision de partir dans la mesure où elle ne supporte plus que Mme [Z] prenne le parti de Mme [A] et indique réfléchir à comment le faire savoir à ‘[G]’ intelligemment, elle résulte également d’un mail produit par Mme [U] elle-même qui corrobore le fait que c’est un client qui a appris le 23 juin à Mme [Z] son départ imminent puisque celui-ci, tout en s’étonnant qu’on ne retienne pas Mme [U] au vu de ses grandes qualités contrairement à Mme [A] qui est qualifiée de pire anti-commerciale qu’il ne lui ait jamais été permis de connaître, note néanmoins qu’il n’ignore pas l’impossibilité pour Mme [Z] de décider pour autrui, ce qui corrobore le fait que Mme [Z] n’est pas à l’origine de cette décision.

Aussi, et s’il résulte de l’attestation de Mme [E], négociatrice en immobilier, qu’elle a indiqué à Mme [U] qu’elle avait entendu dire par une collaboratrice, sans autre précision, qu’elle ne travaillait plus au sein de l’agence et lui a donc envoyé un message pour lui demander ce qu’il en était, il ne peut néanmoins s’en déduire que Mme [Z] aurait décidé de se séparer de Mme [U] à cette date, aucun des échanges n’accréditant cette hypothèse et, au contraire, toutes les pièces confortant le fait que Mme [U] a été à l’origine de cette rumeur, sans que les sms qu’elle produit ne puisse remettre en cause cette appréciation dès lors qu’elle s’adresse à ses amies, non présentes sur les lieux pour connaître le déroulé des faits.

Par ailleurs, il est produit l’attestation du comptable de l’entreprise, M. [Y], qui relate avoir été témoin de tensions avec les différentes personnes chargées du service gérance dans la mesure où Mme [U] ne fournissait pas toujours des dossiers complets en temps et en heure, ce qui est confirmé par Mme [F] qui occupait le poste avant Mme [A].

S’agissant plus particulièrement des reproches adressés en juin et juillet 2016, il est produit le courrier de M. et Mme [L] faisant état de leur insatisfaction quant au traitement de leur dossier, mais aussi l’attestation de Mme [W] qui indique que Mme [U] a fait une erreur en donnant les clés de son logement au locataire sans récupérer les actes de caution.

En outre, alors que Mme [U] fait grief à la société Aktion immobilier de lui avoir retiré ses codes d’accès et qu’il est justifié qu’en décembre 2016, son téléphone professionnel était hors service, il est produit l’attestation de M. [J] qui explique que, suite aux menaces informatiques, au mois de juin 2016, sur ses conseils, la sécurité a été renforcée au sein de l’entreprise, avec filtrage de l’internet, suppression des droits administrateurs des utilisateurs et mise en place de mots de passe forts, sachant qu’il résulte d’un mail de 6 juillet 2016 que Mme [X] a transmis à Mme [U] les nouveaux identifiants.

Par ailleurs, il est produit un mail de Mme [Z] du 7 juillet 2016 aux termes duquel, prenant acte de la position adoptée par Mme [U], à savoir de ne plus répondre après le 8 juillet aux sollicitations de l’agence, elle lui demande, compte tenu de l’obligation de suivi des dossiers, de restituer le téléphone portable ainsi que l’agenda, et ce, en indiquant qu’il est inenvisageable que les propriétaires ou locataires pâtissent de sa décision, étant précisé que, contrairement à ce qu’affirme Mme [U], il ne lui est pas reproché la décision de se mettre en arrêt de travail mais celle de conserver le téléphone professionnel, lien essentiel entre l’agence et les propriétaires et locataires.

Il doit en outre être noté qu’il ne peut tout à la fois être reproché à la société Aktion immobilier de la contacter pendant son arrêt maladie et de couper son accès au téléphone professionnel alors même que sa détention permettait tant aux locataires qu’aux propriétaires de continuer à joindre Mme [U], et ce, sans que la société Aktion immobilier ne puisse, quant à elle, utilement en avoir connaissance pour assurer le suivi des dossiers.

Enfin, s’agissant des heures supplémentaires, s’il est exact qu’il a été demandé à Mme [U] de ne plus effectuer d’heures supplémentaires sans accord préalable de Mme [Z], et qu’elle n’en a donc réalisées que trois en juin 2016, outre qu’elle ne justifie d’aucune demande tendant à en accomplir, cette décision a été prise par un élément objectif, à savoir le fait que Mme [U] se plaigne de l’accomplissement de telles heures.

Ainsi, la société Aktion immobilier justifie que ses décisions ont été prises sur la base d’éléments objectifs et il n’est ainsi pas justifié l’existence d’un harcèlement moral.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur la discrimination liée à ses convictions religieuses

Mme [U] fait valoir qu’à l’occasion d’un repas organisé à l’agence, en avril 2014, Mme [Z] a voulu lui faire croire que la part de pizza qu’elle lui donnait était au saumon alors qu’elle contenait du porc, qu’elle lui ramenait par ailleurs lors de ses retours de congés de Corse du saucisson et qu’enfin lors du ramadan, elle l’obligeait à manger et lui faisait des remarques sur son absence de maquillage, lui disant qu’elle avait ‘une sale gueule’. Enfin, elle relève que les simples termes de la plainte de Mme [Z] pour faux témoignage démontrent que dès l’embauche, elle a eu un comportement discriminatoire puisqu’elle écrit : ‘Lorsqu’elle est entrée à l’agence, son lieu de naissance et son prénom permettaient de penser qu’elle pouvait être de confession musulmane et que si j’avais eu de mauvaises intentions à son égard en raison de son appartenance présumée à la confession musulmane, il aurait été plus logique pour moi de ne pas la recruter plutôt que de me livrer à des provocations ultérieures dont on ne discerne pas la finalité.’

Il résulte de l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine ou de ses convictions religieuses.

En application des articles L. 1132-1, L.1132-4 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il résulte de la loi du 27 mai 2008 que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et approprié.

A l’appui de cette prétention, Mme [U] verse aux débats l’attestation de Mme [O] qui explique que le 2 avril 2014, à l’occasion de l’anniversaire de Mme [U], M. [T] a acheté des pizzas car c’était aussi son anniversaire, qu’il en a prise une au saumon pour Mme [U] qui est musulmane et ne mange pas de porc, que pourtant, Mme [Z] a voulu lui faire croire que la part de pizza qu’elle lui donnait était au saumon alors que tout le monde lui disait que c’était au porc et qu’il ne restait que ça. Elle indique encore que Mme [Z] lui a offert à plusieurs reprises à ses retours de congés du saucisson, comme à l’ensemble de ses salariés, et qu’enfin, elle lui achetait à manger (cookie, salade,…) durant le ramadan en connaissance de cause.

Mme [S] relate le même événement d’avril 2014 en précisant que Mme [U] ayant dû déposer des clés chez un confrère et étant arrivée en retard, Mme [Z] lui a alors tendu la boîte de pizzas en lui disant que les parts restantes étaient au saumon alors qu’elles étaient au porc, ce que confirmaient les autres salariés. Elle précise également qu’à ses retours de congés, Mme [Z] ramenait à l’ensemble de ses salariés un souvenir, soit du saucisson, soit de la coppa, et qu’elle l’offrait avec un grand sourire, même à Mme [U], en sachant qu’elle était de religion musulmane et ne consommait pas de porc. Enfin, elle relate que pendant la période du ramadan, Mme [Z] insistait pour que Mme [U] mange, qu’elle lui a un jour apporté un gâteau au chocolat en lui demandant avec insistance de le manger devant elle et que Mme [U] a alors croqué un morceau de gâteau devant elles. Enfin, elle indique que Mme [Z] lui faisait des remarques ‘comme de se remaquiller’ car selon elle ‘elle avait une sale gueule’.

Il convient de relever qu’il n’est pas fait de lien entre ces dernières remarques et la religion musulmane de Mme [U], et notamment avec la période du ramadan, aussi, cet élément ne peut-il être retenu à l’appui de la discrimination liée aux convictions religieuses.

En ce qui concerne la relation des événements du 2 avril 2014, elle est contredite par M. [T] qui explique qu’il avait en effet acheté des pizzas pour son déjeuner d’anniversaire le 2 avril, et qu’à la demande de Mme [Z], il avait pris une pizza sans porc pour Mme [U], sans qu’à aucun moment, Mme [Z] n’ait tenté de lui faire manger du porc.

Par ailleurs, s’agissant des cadeaux offerts par la gérante lors de ses retours de Corse, il est indiqué par plusieurs salariés que Mme [Z] avait une attention particulière à la religion de Mme [U] en lui offrant de la confiture ou des gâteaux de Corse.

Enfin, il est attesté par plusieurs salariées qu’il arrivait à Mme [U] de manger pendant le ramadan, celle-ci expliquant ‘ne plus tenir’, ce qui n’est pas contredit par les sms qu’elle produit dès lors qu’aucune de ces salariées ne remet en cause le fait qu’elle pratiquait le ramadan, mais uniquement qu’il pouvait lui arriver d’y faire quelques entorses.

Au regard de ces attestations discordantes, il ne peut être considéré que les faits ainsi reprochés à Mme [Z] seraient caractérisés, quand bien même il n’est pas contesté que la plainte qu’elle a déposée pour fausse attestation a été classée sans suite, aucun élément de cette enquête n’étant produit aux débats et les attestations fournies par la société Aktion immobilier n’étant pas davantage remises en cause.

Enfin, les sms échangés entre Mme [U] et Mme [S] le 26 avril 2014 ne permettent pas davantage d’accréditer la sincérité des unes ou des autres attestations à défaut de pouvoir les relier de manière évidente au déjeuner qui s’est tenu 22 jours plus tôt même s’il est fait état d’un manque de savoir-vivre de ‘[G]’ et d’une ambiance morose entre elle et Mme [U], sachant qu’il est par ailleurs versé aux débats de nombreux autres échanges qui démontrent une entente très cordiale.

Au vu de ces éléments, il convient de dire que Mme [U] ne présente pas d’éléments de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination à raison de ses convictions religieuses, sachant qu’il ne saurait être reproché à Mme [Z] d’expliquer, pour se défendre de toute intention de discrimination, qu’elle a embauché Mme [U] en sachant qu’elle pouvait être de religion musulmane au regard de son nom et de son lieu de naissance.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination liée à ses convictions religieuses.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des périodes de suspension du contrat de travail

Faisant valoir que le contrat est soumis aux règles de droit commun conformément à l’article L. 1221 du code du travail, Mme [U] rappelle qu’il doit s’exécuter de bonne foi et qu’elle ne pouvait donc être appelé de manière incessante par ses collègues durant son arrêt de travail.

Comme vu précédemment, ce grief n’est pas établi et il n’est en tout état de cause pas justifié d’un préjudice, aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de cette demande.

Sur la demande relative à la rupture du contrat de travail

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu’il impute à l’employeur.

Il appartient au salarié qui a pris acte de la rupture de justifier de manquements graves de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail afin que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut la prise d’acte s’analyse en une démission.

Alors que Mme [U] n’a sollicité la requalification de son contrat d’agent commercial qu’à compter du 16 décembre 2016, qu’elle a pris acte de la rupture du contrat de travail dès le 5 janvier 2017 et que les sommes allouées dans le cadre de la présente procédure l’ont été au titre des années 2014 et 2015, soit pour une période antérieure à plus d’un an à cette prise d’acte, sachant que Mme [U] a toujours perçu des sommes très supérieures à celles qu’elle aurait obtenues dans le cadre d’un contrat de travail, il ne peut être considéré que les manquements ainsi établis à l’encontre de la société Aktion immobilier étaient de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de résiliation judiciaire mais de l’infirmer en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Aktion immobilier une somme à titre d’indemnité compensatrice de préavis dès lors que Mme [U], en arrêt de travail, ne pouvait exécuter ce préavis.

Sur les intérêts

Les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

Sur la remise de documents

Il convient d’ordonner à la société Aktion immobilier de remettre à Mme [U] l’ensemble des documents sociaux dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.

Sur la demande d’exécution provisoire

La décision étant exécutoire de droit, cette demande est sans objet.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, il y a lieu de condamner la société Aktion immobilier aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens, à la remise des documents mais aussi en ce qu’il a débouté Mme [B] [U] de ses demandes de requalification du contrat d’agent commercial et du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de sa demande d’indemnité de requalification et de paiement de congés payés et l’a condamnée à verser la somme de 4 843,83 euros au titre des indemnités compensatrices de préavis ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Requalifie le contrat d’agent commercial conclu le 3 février 2014 en contrat de travail à durée indéterminée ;

Requalifie le contrat à durée déterminée conclu le 1er mai 2015 en contrat à durée indéterminée et condamne la SAS Aktion immobilier à payer à Mme [B] [U] la somme de 1 900 euros à titre d’indemnité de requalification ;

Condamne la SAS Aktion immobilier à payer à Mme [B] [U] les sommes suivantes :

rappel de congés payés au titre de l’année 2014 : 2 150 euros

rappel de congés payés au titre de l’année 2015 : 2 167 euros

Ordonne à la SAS Aktion immobilier de remettre à Mme [B] [U] l’ensemble des documents sociaux dûment rectifiés ;

Dit n’y avoir lieu à astreinte ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Dit que les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Condamne la SAS Aktion immobilier à payer à Mme [B] [U] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Aktion immobilier de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Aktion immobilier aux entiers dépens.

La greffièreLa présidente

 


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