Contrat d’agent commercial : 16 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/22479

·

·

Contrat d’agent commercial : 16 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/22479

16 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/22479

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 16 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22479 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBEFJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2018026149

APPELANTE

SARL [S] [I] DISTRIBUTIONN ET COMMUNICATION immatriculée au RCS d’EVREUX sous le numéro 514 790 641

73 rue Guérard

27140 SAINT DENIS LE FERMENT

Représentée par Me Gilbert SAUVAGE de l’ASSOCIATION CHEDOT SAUVAGE SAUVAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : R089

INTIMEE

SAS CAMPARI FRANCE

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 511 042 368

14 rue Montalivet

75008 PARIS

venant aux droits et obligations de la SAS CAMPARI FRANCE DISTRIBUTION (anciennement BARON PHILIPPE DE ROTHSCHILD FRANCE DISTRIBUTION par changement de dénomination sociale)

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 572 053 528

14 rue Montalivet

75008 PARIS au titre d’un contrat de fusion absorption

Représentée par Me Olivier MOUCHOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0987

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de la chambre 5-5, chargée du rapport

Mme Nathalie RENARD, présidente de chambre

Mme Christine SOUDRY, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Yulia TREFILOVA, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

”””’

Faits et procédure :

La société Baron Philippe de Rothschild France Distribution (ci-après, « société Baron de Rothschild  ») est spécialisée dans la distribution de vins et d’autres produits sur le marché national. La société Campari France vient aux droits de la SAS Baron Philippe de Rothschild à la suite d’une opération de fusion absorption.

Mr [I] était l’un des anciens salariés de la société Baron de Rothschild. En juin 2009, il a pris sa retraite.

La société [S] [I] Distribution et Communication (ci-après, «société [S] [I] ») a été créée par Mr [I] le 09 septembre 2009 afin de poursuivre ses relations avec la société Baron de Rothschild.

La mission de Mr [I] consistait en une mission d’agence commerciale non exclusive sans qu’un contrat d’agent commercial ait été formalisé entre les parties. En 2016, les relations entre les parties se sont dégradées.

Par lettre recommandée du 1er avril 2017, avec avis de réception, la société [S] [I] considérant que le contrat d’agent commercial avait été rompu du fait du mandant, a mis en demeure la société Baron de Rothschild de lui payer :

La somme de 2.150,41 euros représentatif du complément de commission ;

L’indemnité de rupture telle que prévue par la loi et notamment par l’article L.314-12 du code de commerce.

Par lettre recommandée du 10 mars 2017 avec avis de réception, la société Baron de Rothschild répondait à la société [S] [I] qu’elle considérait qu’il n’y avait pas d’éléments constitutifs d’une rupture litigieuse.

Le 10 avril 2018, la société [S] [I] a fait assigner la société Baron de Rothschild devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation au paiement :

– d’une somme de 36 480 € TTC à titre d’indemnité de rupture,

– d’une somme de 4 560 € TTC à titre de préavis,

– d’une somme de 30 000 € TTC en réparation du préjudice subi,

Par jugement du 21 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

-Débouté la SARL [S] [I] Distribution et Communication de l’ensemble de ses demandes ;

-Condamné la SARL [S] [I] Distribution et Communication à verser à la SAS Baron Philippe de Rothschild France Distribution la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

-Condamné la SARL [S] [I] Distribution et Communication aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Par déclaration du 04 décembre 2019, la société [S] [I] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

‘Débouté la société [S] [I] Distribution et Communication de l’ensemble de ses demandes tendant à voir :

-Dire et juger que :

-Elle était titulaire d’un mandat de représentation ;

-La rupture intervenue est aux torts et griefs de la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution ;

-Condamner la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution à lui payer des sommes de :

‘36.480 euros TTC à titre d’indemnité de rupture ;

‘4.560 euros TTC à titre de préavis ;

‘30.000 euros en réparation du préjudice subi ;

‘10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘Condamné la SARL [S] [I] Distribution et Communication à verser à la SAS Baron Philippe de Rothschild France Distribution une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 25 janvier 2022, la société [S] [I] demande de :

Vu notamment les articles L 134-1 et suivants du code de commerce, 1217 et suivants du code civil, 564 et 914 du code de procédure civile ;

-Déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté ;

-Réformant la décision entreprise en ce qu’elle a refusé :

‘Tout dédommagement à la suite de la rupture du contrat d’agent commercial,

‘Toute condamnation au paiement de la part de commission correspondant à la réduction unilatérale de la commission,

‘Tout dédommagement issu d’une attitude fautive de la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution ;

-Statuant à nouveau, condamner la société Campari France au paiement :

‘D’une somme de 36.480 euros TTC à titre d’indemnité de rupture,

‘D’une somme de 4.560 euros TTC à titre de préavis,

‘D’une somme de 30.000 euros TTC en réparation du préjudice subi,

‘D’une somme de 2.150,00 euros TTC au titre de rappel de commission,

-Déclarer irrecevable et mal fondé l’incident d’irrecevabilité présenté devant la Cour ;

-Condamner la société Campari France au paiement d’une somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la société Campari France en tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 26 janvier 2022, la société Campari France venant aux droits de la SAS Baron Philippe de Rothschild demande de :

Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce ; les articles 564 et 914 du code de procédure civile ;

-Débouter la société [S] [I] Distribution et Communication de sa demande tendant à faire déclarer irrecevable sur le fondement de l’article 914 du code de procédure civile la demande d’irrecevabilité soulevée par la société Campari France devant la Cour sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile ;

-Déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de rappel de commissions ; à défaut, la déclarer mal fondée ;

-Dire et juger qu’il n’y a pas eu de rupture du contrat d’agent commercial, et encore moins du fait de la société Baron Philippe de Rothschild ;

-Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société [S] [I] Distribution et Communication de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, l’a condamnée à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamner la société [S] [I] Distribution et Communication au paiement d’une somme complémentaire en appel de 3.000 euros au titre de l’article 700 du du code de procédure civile ;

-Condamner la société [S] [I] Distribution et Communication en tous les dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 03 février 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’existence d’un contrat d’agent commercial

Le tribunal de commerce a retenu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les parties étaient liées par une relation d’agent commercial et que les dispositions des articles L.134-1 et suivants du code de commerce s’appliquaient. En l’absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves en appel, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture des relations contractuelles

La société [S] [I] soutient que :

-Les premiers juges ont confondu l’initiative prise par le mandataire et l’imputabilité de la rupture. Il leur appartenait d’apprécier si la rupture incombait au mandant qui l’a provoquée de manière détournée.

-Or dans sa lettre du 1er mars 2017, elle a expliqué que l’attitude du mandant (baisse unilatérale du montant de la commission, défaut de livraison des commandes passées, dénigrement’) était constitutive d’une faute.

La société Campari (anciennement Baron Philippe de Rothschild) réplique que :

-La société [S] [I] a continué, après le 1er mars 2017, et même après la délivrance de l’assignation le 10 avril 2018, à prendre des commandes et à les transmettre à son mandant.

-Les factures ont continué à être réglées.

-Il n’y a donc pas eu de rupture des relations contractuelles au 1er mars 2017, ce qui fait échec à l’octroi d’une indemnité de cessation de contrat.

-La société Baron Philippe de Rothschild n’a commis aucune faute contractuelle qui pourrait justifier le prononcé d’une rupture par la cour. La société [S] [I] fait preuve d’une mauvaise foi quand elle invoque la limitation des commandes passées par des clients sous de faux prétextes.

L’article L.134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information (alinéa 2) ; que l’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat (alinéa 3).

L’article L.134-12 du même code, dont les dispositions sont d’ordre public, indique qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu’il perd toutefois le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent.

L’article L.134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l’article L. 134-12 n’est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.

Par courrier du 1er mars 2017, la société [S] [I], reprochant à la société Baron de Rothschild d’avoir réduit le taux de ses commissions de 7 % à 5 % en mars 2016, d’avoir limité les commandes passées par des clients sous de faux prétextes, de s’être livrée à un dénigrement de sa compétence auprès de la clientèle qu’elle a développée, indiquait à son mandataire que ces faits étaient constitutifs d’une rupture à ses torts exclusifs de la convention qui les liait.

Par courrier recommandé en date du 10 mars 2017 avec avis de réception, la société Baron de Rothschild contestait les éléments constitutifs d’une rupture litigieuse à ses torts et indiquait qu’il ressortait des éléments de réponse apportés aucune anomalie de fonctionnement dans leurs relations.

Sur la diminution du taux de commission

La lettre contrat du 11 juin 2009 prévoyait un taux de commission de 5% jusqu’à 500 000 euros de chiffre d’affaires et 7 % au-delà. A partir de mars 2011, la société Baron de Rothschild a appliqué un taux de commission de 7% aux ventes de la société [S] [I], avant de revenir au taux contractuel de 5% à compter de mars 2016, au motif que la société [S] [I] avait refusé de signer le contrat qui lui avait été proposé. Il est versé deux courriers l’un du 10 février 2015 de la société Baron de Rothschild adressé à la société [S] [I] : ” Suite à votre demande au premier semestre 2014, nous avons retravaillé votre contrat d’agent commercial. Nous vous avons alors fait parvenir le 24 juillet 2014 un jeu de projets de contrats pour régulariser une situation de fait, anormale, qui courait depuis le 30 juin 2009. Nous vous rappelons que, afin de sécuriser une relation commerciale, mais également de pouvoir justifier de cette activité auprès des différents organismes de contrôle, il est indispensable qu’un contrat soit signé dans les formes. Malheureusement et malgré nos relances, nous n’avons eu aucun retour de votre part. Nous vous mettons en demeure, par la présente, de nous retourner sous 15 jours, deux exemplaires du contrat d’agent commercial signés, ou le cas échéant, de nous faire part de vos remarques. ”

Par courrier du 28 octobre 2015, M.[I] répondait qu’il avait complété le projet de contrat en y apportant les remarques qu’il désirait y voir figurer et l’avoir retourné le 18 mars 2015. Il déplorait n’avoir reçu aucun retour de la société Baron de Rothschild concernant la rupture d’une partie du contrat d’agent commercial lié au festival du film de Cannes.

Un protocole d’accord transactionnel était signé le 18 avril 2016 ayant pour objet d’indemniser la société [S] [I] de la rupture de la mission d’agent commercial au festival international du film de Cannes.

Concomitamment, la société Baron de Rothschild diminuait le taux des commissions dont bénéficiait la société [S] [I] à 5 %.

Alors que la société Baron de Rothschild appliquait un taux de commission de 7 % depuis 5 ans, elle a de sa propre initiative diminué ce taux à 5 % ce qui constitue une faute de la part du mandant. Elle ne peut opposer le fait que la société [S] [I] refusait de signer le contrat ce qui était justifié par les différends opposant les deux parties quant au contenu de la convention. La société Baron de Rothschild n’est pas fondée à faire valoir que la société [S] [I] ne pouvait prétendre à un taux de 7 % de commissions en l’absence de contrat alors même qu’elle lui a appliqué ce taux durant cinq ans et qu’elle l’a modifié de manière unilatérale. Le taux de commission appliqué s’élevant à 7 %, une diminution de 2 % doit être considérée pour l’agent commercial comme importante.

La société [S] [I] a poursuivi pendant une année les relations commerciales avec la société Baron de Rothschild avant d’adresser son courrier de rupture et le tableau de commissions versées par cette dernière établit que lors de l’assignation du 10 avril 2018, le contrat d’agent commercial était toujours en cours.

Il ne peut en être déduit que la société [S] [I] a accepté ce taux.

Par lettre recommandée du 10 mars 2017 avec avis de réception, la société Baron de Rothschild répondait à la société [S] [I] qu’elle considérait qu’il n’y avait pas d’éléments constitutifs d’une rupture litigieuse sans pour autant proposer un retour au taux de 7 %.

La limitation des commandes et le dénigrement

Pour répondre à ces griefs, la société Baron de Rothschild verse aux débats un courrier du 31 janvier 2017 qu’elle a adressé à la société Divinord avec copie à la société [S] [I] :

” Monsieur,

Nous faisons suite au courrier que vous nous avez adressé le 9 janvier dernier et qui a retenu toute notre attention. Nous souhaitons vous apporter des précisions sur le fonctionnement de la commercialisation des Grands Crus BPHR SA et vous permettre ainsi de comprendre les difficultés que vous rencontrez depuis de nombreuses années. Ce fonctionnement, qui n’est en rien nouveau et original, aurait dû vous être expliqué de longue date par notre agent commercial CGDC/Monsieur [S] [I]. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser de ce manquement à son obligation d’agent.

RFD [société Baron de Rothschild] en tant que filiale du groupe BPHR SA et distributeur pour la France des vins élaborés par BPHR SA, reçoit une allocation ferme et annuelle de ces vins pour ses clients français.

Cette allocation dépend à la fois de la production annuelle des vins qui est variable d’une année sur l’autre compte tenu de facteurs notamment météorologiques, et d’autre part de la politique commerciale de BPHR SA pour l’approvisionnement de ses différents marchés en France et à l’étranger.

C’est BPHR SA et elle seule qui détermine les quantités allouées par référence et par pays, sans que nous puissions modifier quoi que ce soit.

Cette variabilité d’une année sur l’autre fait que nous ne pouvons garantir à nos clients les

quantités qu’ils souhaitent pour leurs commandes de vins. ”

Il ne peut être reproché à la société Baron de Rothschild de limiter les commandes de la société [S] [I], elle-même étant tenue par les quotas de production.

Enfin, la société Baron de Rothschild verse aux débats des courriels démontrant qu’en l’absence de M. [I], les commandes passées lui étaient transmises à son retour. Ce grief n’est pas caractérisé.

La société [S] [I] ne rapporte pas la preuve des dénigrements qu’elle impute à son mandant quant à sa façon d’exercer son mandat.

Néanmoins, la réduction des commissions versées à la société [S] [I] de 7 à 5 % constitue une circonstance imputable au mandant en ce que la décision a été imposée par celui-ci et justifie la rupture des relations commerciales de la part de l’agent commercial.

La cessation du contrat si elle résulte de l’initiative de l’agent commercial n’est pas de nature, du fait des circonstances, à le priver du versement de l’indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

La société [S] [I] est fondée à solliciter l’indemnisation de son préjudice.

Sur la réparation du préjudice

L’indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l’agent du fait de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune. Son quantum n’étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s’il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l’équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.

La société [S] [I] est agent commercial depuis 2007. Le nombre d’années d’exercice et le volume d’activité durant cette période justifie qu’il soit accordé à cette dernière une indemnité fondée sur la base d’un commissionnement de deux ans.

Le montant des commissions à prendre en compte doit être déduit de la TVA compte tenu du caractère indemnitaire de la somme réclamée.

Sera pris en compte le montant des commissions pour les années 2015-2016 en tenant compte du tableau fourni par la société [S] [I] et des observations de la société Baron de Rothschild :

Commission année 2015 : 11 495,35 € TTC

Commission année 2016: 7 798,83 TTC

Total : 19 294,18€ – 3858,83€ ( TVA 20% à déduire) =15435,34€ : 2 = 7717,67€ (moyenne sur un an)

La société [S] [I] peut donc prétendre au versement d’une commission de 7717, 67€ X 2 ans = 15 435,34 euros

Conformément à l’article L.134-11 du code de commerce, la société [S] [I] ayant exercé son activité durant une période supérieure à trois ans, pouvait prétendre à une indemnité de préavis de trois mois soit 7717, 67 €/ 12 mois X 3 mois = 1929,39€.

Sur la demande de la société [S] [I] de rappel de commissions

Sur la recevabilité de la demande

La société Campari France fait valoir que la demande de rappel de commissions formée par la société [S] [I] est une demande nouvelle en appel.

La société [S] [I] répond que la recevabilité de cette demande aurait dû être soumise au conseiller de la mise en état et non à la juridiction du fond sur le fondement de l’article 914 du code procédure civile.

L’appel engageant une nouvelle instance, il résulte de la seconde phrase du II de l’article 55 du décret du 11 décembre 2019 que le nouveau renvoi opéré à l’article 789, 6° par l’article 907, est applicable aux appels formés à compter du 1er janvier 2020.

En l’espèce, la déclaration d’appel ayant été formée le 4 décembre 2019 soit antérieurement au 1er janvier 2020, la réforme issue du décret du 11 décembre 2019 n’est donc pas applicable au présent litige.

La juridiction du fond est donc compétente pour examiner si la demande de rappel de commissions formée par la société [S] [I] est recevable.

Si l’article 564 du code de procédure civile énonce que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, l’article 566 du même code précise que les demandes ne sont pas nouvelles si elles sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes soumises aux premiers juges.

La société [S] [I] ayant intenté une action en indemnisation de la rupture de son contrat d’agent commercial, sa demande en paiement des commissions auxquelles elle soutient pouvoir prétendre au titre de son activité professionnelle doit être qualifiée de demande accessoire et elle doit être déclarée recevable.

Sur le bien fondé de la demande

Il sera alloué à la société [S] [I] la somme de 2 150 € TTC au titre du rappel de commissions résultant de la réduction de 2 % du commissionnement précédemment appliqué.

Sur la demande de la société [S] [I] de dommages et intérêts

La société [S] [I] soutient qu’elle a subi un préjudice indépendant des effets de la rupture, généré par le caractère vexatoire du procédé employé pour rompre.

La société Campari (anciennement Baron Philippe de Rothschild) réplique que les faits sur lesquels la société [S] [I] fonde sa demande de dommages et intérêts sont les mêmes arguments que ceux contenus dans son courrier de rupture, sachant que les relations contractuelles ont continué après le 1er mars 2017.

La société [S] [I] a été indemnisée à la suite de la rupture. Elle ne justifie pas d’un préjudice indépendant de celui résultant de la rupture du mandat d’agent commercial notamment lié au caractère vexatoire de celle-ci, compte tenu des différends opposant les parties quant au taux des commissions et le contenu du contrat. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef de la société [S] [I].

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

La société Campari France venant aux droits de la société Baron de Rothschild qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et devra verser à la société [S] [I] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts d’un montant de 30 000 euros de la société [S] [I] Distribution et Communication,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE la demande de la société [S] [I] Distribution et Communication en paiement de rappel de commissions recevable,

DIT que la demande de la société [S] [I] Distribution et Communication d’indemnisation de la rupture est bien fondée,

CONDAMNE la société Campari France venant aux droits de la société Baron de Rothschild à verser à la société [S] [I] Distribution et Communication les sommes suivantes :

– 2150 euros TTC au titre du rappel de commissions,

-15 435,34 euros au titre de l’indemnité de rupture

-1929,39 euros au titre de l’indemnité de préavis

CONDAMNE la société Campari France venant aux droits de la société Baron de Rothschild à verser à la société [S] [I] Distribution et Communication la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société Campari France venant aux droits de la société Baron de Rothschild aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x