Contrat d’agent commercial : 13 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04753

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Contrat d’agent commercial : 13 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/04753

13 juin 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
19/04753

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 13 JUIN 2022

N° RG 19/04753 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LGQQ

SARL L’IMMOBILIER INTERNATIONAL AGENCY

c/

[K] [U] [E]-[D]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 août 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC (RG : 18/00311) suivant déclaration d’appel du 26 août 2019

APPELANTE :

SARL L’IMMOBILIER INTERNATIONAL AGENCY, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

représentée par Maître Frédéric GODARD-AUGUSTE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[K] [U] [E]-[D]

née le 19 Juillet 1967 à NORG (PAYS BAS)

de nationalité Néerlandaise

demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Cécile AUTHIER de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Marloes MOHR de la SELARL MOHR AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 1er février 2011, [K] [E] [D] concluait un contrat de négociateur immobilier avec la société l’Immobilier International Agency. Ce contrat comportait une clause de non-concurrence limitée aux trois départements de la Dordogne, du Lot et du Lot-et-Garonne.

Par lettre du 2 mars 2017, [K] [D] résiliait ce contrat qui prenait fin à l’issue du préavis de trois mois, le 2 juin 2017.

Par lettre du 29 mars 2017, [K] [D] contestait la validité de la clause de non-concurrence.

Par lettre du 5 avril 2017, la société l’Immobilier International Agency a refusé de modifier le contenu de cette clause.

Le 5 juin 2017, [K] [D] a commencé son activité chez la société Propriétés privées sise en Dordogne.

Par lettre du 13 juillet 2017, la société l’Immobilier International Agency avisait la société Propriétés privées de l’existence de cette clause de non-concurrence et la mettait en demeure de cesser toute relation professionnelle avec [K] [D].

Par lettre du 27 juillet 2017, la société Propriétés privées informait la société l’Immobilier International Agency qu’elle avait connaissance de cette clause de non-concurrence mais la considérait comme nulle. Elle refusait en conséquence de cesser toute relation professionnelle avec [K] [D].

Par acte d’huissier du 29 mars 2018, la société l’Immobilier International Agency a assigné [K] [D] devant le tribunal de grande instance de Bergerac aux fins d’obtenir, en vertu de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat d’agent commercial, qu’il soit ordonné l’interdiction de cesser toute activité concurrente dans les zones géographiques de la Dordogne, du Lot et du Lot-et-Garonne sous asteinte de 1 000 euros par jour de retard, outre sa condamnation au paiement d’une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par jugement contradictoire du 2 août 2019, le tribunal de grande instance de Bergerac a :

‘ Prononcé la nullité de la clause de non-concurrence insérée au contrat d’agent commercial de [K] [D] auprès de la société l’Immobilier International Agency;

‘ Condamné la société l’Immobilier International Agency à payer à [K] [D] la somme de 1 541,66 euros au titre de ses commissions dues ;

‘ Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

‘ Condamné la société l’Immobilier International Agency aux dépens.

La société l’Immobilier International Agency a relevé appel de ce jugement par déclaration du 26 août 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 juillet 2020, la société à responsabilité limitée l’Immobilier International Agency demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement rendu le 2 août 2019 par le tribunal de grande instance de Bergerac en ce qu’il a débouté [K] [D] de sa demande au titre de la perte de gain professionnel durant la période de préavis ;

‘ Réformer le jugement rendu le 2 août 2019 par le tribunal de grande instance de Bergerac en ce qu’il a déclaré nulle la clause de non-concurrence liant [K] [D] et la société l’Immobilier International Agency ;

Statuant à nouveau,

‘ Constater la validité de la clause de non-concurrence liant [K] [D] à la société l’Immobilier International Agency ;

‘ Constater la violation de la clause de non-concurrence par [K] [D] ;

En conséquence,

‘ Condamner [K] [D] au paiement de 15 000 euros de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de la violation de la clause ;

‘ Condamner [K] [D] au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamner [K] [D] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 janvier 2021, [K] [D] demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement rendu le 2 août 2019 par le tribunal de grande instance de Bergerac en ce qu’il a prononcé la nullité de la clause de non-concurrence insérée au contrat d’agent commercial de [K] [D] auprès de la société l’Immobilier International Agency ;

‘ Confirmer le jugement susvisé en ce qu’il a condamné la société l’Immobilier International Agency à payer à [K] [D] la somme de 1 541,66 euros au titre des commissions dues ;

‘ Réformer le jugement rendu le 2 août 2019 par le tribunal de grande instance en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de [K] [D] au titre de la perte de gain professionnel durant la période de préavis ;

Statuant à nouveau,

‘ Constater que [K] [D] n’a pas pu travailler pendant la période de préavis, soit du 2 mars 2017 au 2 juin 2017 ;

‘ En conséquence, condamner la société l’Immobilier International Agency à verser à [K] [D] la somme de 7 243 euros au titre des dommages et intérêts pour manque à gagner ;

‘ Condamner la société l’Immobilier International Agency à verser à [K] [D] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamner la société l’Immobilier International Agency au paiement des entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022 et l’audience fixée au 2 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité de la clause de non-concurrence :

L’article L. 134-14 du code de commerce relatif aux agents commerciaux dispose :

«  Le contrat peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat.

« Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l’agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat.

« La clause de non-concurrence n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d’un contrat. »

L’article XIII Non-concurrence du contrat en cause stipule : « Quelle que soit la cause d’expiration du contrat, l’agent s’interdit de concurrencer l’activité du mandant, de quelque manière que ce soit, pendant une durée de deux (2) ans à compter de la cessation du contrat auprès de la clientèle et sur le secteur visés au présent contrat. »

L’article IV précise le secteur d’activité visé : « L’agent exercera son mandat sur le secteur géographique non exclusif, ci-après dénommé « le secteur », composé des départements de la Dordogne, Lot, Lot-et-Garonne. »

La clause litigieuse est écrite ; elle concerne le secteur géographique pour lequel [D] exerçait la représentation aux termes du contrat ; elle n’excède pas une période de deux ans après la cessation du contrat.

Limitée dans le temps et dans l’espace à trois départements, elle est proportionnée à la protection des intérêts légitimes de la société l’Immobilier International Agency. Il est indifférent à cet égard que [K] [D], de nationalité néerlandaise, ait un intérêt particulier à travailler dans les trois départements visés qui intéressent nombre d’acheteurs néerlandais, et qu’elle possède des biens en Dordogne. Le jugement critiqué sera infirmé en ce qu’il prononce la nullité de la clause litigieuse.

Sur la violation de la clause de non-concurrence :

La société l’Immobilier International Agency prouve, par des extraits du site Internet « proprietes-privees.com », que dès la fin du contrat résilié, [D] a poursuivi son activité de négociatrice dans les départements visés par la clause de non-concurrence (pièces nos 4, 7 à 9 de l’appelante). Le fait n’est au demeurant pas nié par l’intimée.

L’appelante sollicite en conséquence le payement de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros, équivalent à deux années de chiffre d’affaires de [K] [D]. Elle ne justifie pas de ce montant, qui ne saurait d’ailleurs être retenu, le préjudice pécuniaire consistant au plus dans la marge réalisée par le débiteur défaillant au préjudice du créancier de la clause de non-concurrence.

Cependant, il s’infère nécessairement de la violation par [K] [D] de la clause de non-concurrence souscrite par elle, un préjudice pour la société l’Immobilier International Agency, fût-il seulement moral (Com., 18 déc. 2007, no 05-13.697). Par suite, une indemnité de 4 000 euros sera allouée à la société l’Immobilier International Agency en réparation du dommage subi.

Sur la perte de gain professionnel durant la période de préavis :

[K] [D] expose que pendant la période de préavis, la société l’Immobilier International Agency a bloqué ses identifiants, l’empêchant d’avoir accès à distance à sa messagerie électronique et au logiciel Cosmosoft. N’ayant pu travailler du 2 mars au 2 juin 2017, elle sollicite le payement de la somme de 7 243 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à la moyenne trimestrielle de sa commission perçue pour la période du 1er mars 2016 au 1er mars 2017.

La société l’Immobilier International Agency réplique que la faculté donnée à [D] d’accéder à distance à ses courriels et au logiciel Cosmosoft, qui est le fichier des clients, était exceptionnelle, temporaire et non contractuelle. Elle souligne en revanche que l’accès à la messagerie et au logiciel Cosmosoft restait possible depuis l’agence de Cénac à laquelle était rattachée [D] (pièces nos 21, 23 à 25 de l’appelante), ce que reconnaissait cette dernière dans ses premières écritures devant le tribunal (pièce no 27 de l’appelante).

La société l’Immobilier International Agency admet ainsi avoir supprimé pendant la durée du préavis l’accès à distance dont disposait [K] [D], ce qui ressort au demeurant de la correspondance alors échangée (pièces nos 3, 4, 9, 10 de l’intimée). Elle n’en donne cependant pas la raison.

Priver [K] [D] de l’accès à distance à ses outils professionnels pendant la durée du préavis constitue une faute de la part de la société l’Immobilier International Agency. Mais il n’est pas démontré que cette faute ait eu pour effet d’empêcher [K] [D] de travailler puisqu’elle conservait ses accès informatiques à l’agence de [Localité 1], et qu’elle expose être installée de façon semi-permanente dans le Périgord depuis 2015, étant convenu qu’elle travaillait alternativement une semaine depuis les Pays-Bas, une semaine en France. En l’absence de lien de causalité entre la faute et le dommage allégué, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il rejette la demande de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. [K] [D] en supportera donc la charge.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Au regard des fautes réciproques des parties, il n’y a pas lieu en équité à condamnation sur ce fondement.

LA COUR,

PAR CES MOTIFS,

Infirme partiellement le jugement en ce qu’il prononce la nullité de la clause de non-concurrence insérée au contrat d’agent commercial de [K] [D] auprès de la société l’Immobilier International Agency ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Constate la validité de la clause de non-concurrence liant [K] [D] à la société l’Immobilier International Agency ;

Constate la violation de la clause de non-concurrence par [K] [D] ;

Condamne [K] [D] à payer à la société l’Immobilier International Agency la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Confirme toutes les autres dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [K] [D] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,

 


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