Your cart is currently empty!
N° RG 22/05103 – N° Portalis DBVX-V-B7G-ONLP
Décision du Tribunal de Commerce de LYON en référé
du 04 juillet 2022
RG : 2022r242
S.A.S. CLS [Localité 7]
C/
[S]
[Z]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 10 Mai 2023
APPELANTE :
La société CLS [Localité 7], Société par actions simplifiée au capital social de 5.000 €, inscrite au RCS de LYON sous le n° 815 064 886, dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Ayant pour avocat plaidant Me Marianne SAUVAIGO, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Mme [D] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]
M. [G] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane ANDREO, avocat au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 08 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Mars 2023
Date de mise à disposition : 10 Mai 2023
Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Véronique MASSON-BESSOU, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un des membres de la Cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
La SAS CLS [Localité 7] immatriculée le 4 décembre 2015, a pour objet social la distribution de matériel chirurgical orthopédique, de matériel et instrument ostéo-articulaire, la distribution de matériaux d’ostéo-intégration, la vente d’os de synthèse allogreffe, le négoce, les prestations de services, l’activité d’agence commerciale portant sur tout produit médical et, plus généralement, toutes opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières se rapportant directement ou indirectement à l’objet social ou susceptible d’en faciliter l’extension et le développement.
Son capital social est réparti entre trois associés, M. [Y] par ailleurs désigné président détenant 75 % des actions, Mme [D] [S] détenant 20 % des actions et M. [G] [Z] détenant 5 % des actions.
Cette société aurait été créée sous l’impulsion de la société Zimmer France, fabricant de prothèses et autres dispositifs médicaux, au sein de laquelle Mme [S] et M. [Z] étaient attachés technico-commerciaux et M. [Y] directeur marketing.
Dès sa création, la société CLS [Localité 7] est intervenue en qualité d’agent commercial de la société Zimmer France, le contrat prévoyant expressément le transfert des contrats de travail de Mme [S] et de M. [Z].
A compter de début 2016, CLS est également intervenue comme agent commercial pour la société Biomet, laquelle a fusionné en novembre de la même année avec la société Zimmer France, la structure devenant Zimmer Biomet France.
La société CLS [Localité 7] a conclu le 5 novembre 2021 un protocole d’accord transactionnel avec la société Zimmer Biomet France ayant pour objet la résiliation anticipée des contrats d’agents commerciaux, en contrepartie d’une indemnité globale forfaitaire et transactionnelle d’un montant de 2 200 000 euros
Par lettre recommandée du 19 janvier 2022 tant Mme [S] que M. [Z] ont écrit à la SAS CLS [Localité 7] entamer une procédure d’expertise de gestion en sollicitant des documents listés.
Invoquant le refus de communication par la société CLS en la personne de M. [Y] de documents préalablement à la tenue de l’assemblée générale à laquelle ils étaient convoqués mais ne pouvaient pas participer à défaut de disposer de suffisamment d’informations quant à l’origine de leurs interrogations, Mme [S] et M. [Z] ont par assignation du 17 mars 2022, sur le fondement de l’article L 225-231 du Code de commerce, saisi le juge des référés aux fins de désignation d’un ou plusieurs experts de gestion.
Par ordonnance du 4 juillet 2022 le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a :
Dit que l’action de Mme [D] [S] et de M. [G] [Z] envers la société CLS [Localité 7] est recevable et bien fondée.
En conséquence :
Désigné M. [E] [P], Cabinet [R] Consulting, [Adresse 3], expert de gestion, avec pour mission d’établir un rapport sur la prise en charge par la société CLS [Localité 7] des frais de la direction, et la prise en charge des frais et honoraires de la société CLS [Localité 7] au cours de la période fiscalement non prescrite et notamment lors de la négociation et la signature d’un protocole avec la société Zimmer Biomet France le 5 novembre 2021 ;
Dit que les frais d’expertise seront supportés par la société CLS [Localité 7] ;
Condamné la société CLS [Localité 7] à verser à Mme [D] [S] et Monsieur [G] [Z] la somme de 2 500 euros chacun au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné la société CLS [Localité 7] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration d’appel enregistré le 11 juillet 2022, la SAS CLS [Localité 7] a interjeté appel de l’entier dispositif.
Par conclusions d’appelant n°3 régularisées le 27 février 2023, la SAS CLS [Localité 7] sollicite voir :
Vu l’article L 225-231 du Code de commerce,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats.
Statuant sur l’appel formé par la société CLS [Localité 7], à l’encontre de l’ordonnance n° RG 2022R00242 rendue le 04 juillet 2022, le Président du Tribunal de commerce de Lyon,
Le déclarant recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a jugé :
« DISONS que l’action de Madame [D] [S] et de M. [G] [Z] envers la société CLS [Localité 7] est recevable et bien fondée,
DESIGNONS Monsieur [E] [P], Cabinet [R] Consulting , [Adresse 3], expert de gestion, avec pour mission d’établir un rapport sur la prise en charge par la société CLS [Localité 7] des frais de la direction et la prise en charge des frais et honoraires de la société CLS [Localité 7] au cours de la période fiscalement non prescrite et notamment lors de la négociation et la signature d’un protocole avec la société Zimmer Biomet France le 5 novembre 2021,
DISONS que les frais d’expertise seront supportés par la société CLS [Localité 7],
CONDAMNONS la société CLS [Localité 7] à verser à Madame [D] [S] et Monsieur [G] [Z] la somme de 2.500 euros chacun au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNONS la société CLS [Localité 7] aux entiers dépens de l’instance ».
Et en ce qu’elle a :
« DEBOUTE la société CLS [Localité 7] de sa demande tendant à entendre condamner in solidum Mme [D] [S] et de M. [G] [Z] à lui verser la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d’instance. »
Statuant à nouveau,
Juger non fondée la demande d’expertise de gestion formée par Mme [D] [S] et M. [G] [Z] tendant à ce qu’un expert de gestion soit désigné avec pour mission d’établir un rapport sur la prise en charge par la société CLS [Localité 7] des frais de la direction et la prise en charge des frais et honoraires de la société CLS [Localité 7] au cours de la période fiscalement non prescrite, et notamment lors de la négociation et la signature d’un protocole avec la société Zimmer Biomet France le 5 novembre 2021.
En conséquence :
A titre principal,
Débouter Mme [D] [S] et M. [G] [Z], de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident ;
Condamner in solidum Mme [D] [S] et M. [G] [Z] à rembourser à la société CLS [Localité 7] les sommes qui leur ont été versées en exécution de la décision de première instance au titre de l’exécution provisoire.
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la cour ne devait pas infirmer la décision querellée en ce qu’elle a jugé recevable et bien fondée l’action de Mme [D] [S] et de M. [G] [Z] envers la société CLS [Localité 7] et en ce qu’elle a désigné Monsieur [E] [P], Cabinet [R] Consulting, [Adresse 3], expert de gestion, avec pour mission d’établir un rapport sur la prise en charge par la société CLS [Localité 7] des frais de la direction et la prise en charge des frais et honoraires de la société CLS [Localité 7] au cours de la période fiscalement non prescrite et notamment lors de la négociation et la signature d’un protocole avec la société Zimmer Biomet France le 5 novembre 2021, juger que l’expertise de gestion devra être faite aux frais avancés de Mme [D] [S] et de M. [G] [Z].
En tout état de cause,
Condamner in solidum Mme [D] [S] et Monsieur [G] [Z] à verser à la société CLS [Localité 7] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.
A l’inverse,
Débouter Madame [D] [S] et M. [G] [Z] de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens.
À l’appui de ses prétentions l’appelante fait valoir, que :
Par application de l’article L 225-231 du Code de commerce, les questions des actionnaires doivent porter sur une ou plusieurs opérations de gestion, ne peuvent pas porter sur les décisions prises par les assemblées générales et sous couvert d’une demande d’expertise, les minoritaires ne peuvent en réalité contester une décision prise par une assemblée générale. Les questions doivent être précises, ne peuvent pas porter de manière générale sur la gestion opérée par le dirigeant. L’expertise doit présenter un caractère utile pour la société. L’associé demandant une expertise doit établir que les intérêts de la société sont menacés à l’occasion d’une opération de gestion déterminée, suspecte ;
Le premier juge n’a pas pris en compte les réponses apportées, la mise à disposition de tous les documents demandés, la justification et approbation par les assemblées générales actuelles des frais de la direction, honoraires et frais d’avocat. Le juge n’a pas caractérisé la preuve d’une quelconque irrégularité ou risques d’atteinte à l’intérêt social ni justifié du caractère sérieux et précis de la demande ;
Les conditions de l’expertise de gestion n’étaient pas réunies en raison :
1- des réponses apportées aux questions des intimés et aux documents mis à leur disposition notamment en vue et lors des assemblées générales, lors d’entretiens des 8 et 18 octobre 2021, par courriers du 5 novembre 2021, 17 novembre 2021, 8 décembre 2021, ont été mis à disposition l’ensemble des documents demandés comme le prouve le procès-verbal de constat d’huissier du 18 mars 2022. Mme [S] et M. [Z] cherchent à dévoyer la procédure pour opérer une critique systématique et générale de la gestion du dirigeant social ;
2- de l’absence de preuve d’une quelconque irrégularité ou d’un risque d’atteinte à l’intérêt social de la société CLS [Localité 7] :
quant à la nature juridique de l’accord transactionnel ratifié par l’assemblée générale des associés du 5 novembre 2021 et alors que seuls les actes de gestion et non les décisions des assemblées générales peuvent faire l’objet d’une expertise de gestion,
quant à la conformité de l’accord avec l’intérêt social. Le protocole ouvrait droit à une indemnité transactionnelle égale à deux années de commissions, alors que la société Zimmer Biomet France menaçait de rompre les contrats d’agents commerciaux sans indemnité, CLS aurait dû engager un bras de fer judiciaire long et coûteux et à l’issue incertaine. Mme [S] avait investi 1 000 euros et allait percevoir 440’000 euros avant impôts, M. [Z] avait investi 250 euros et allait percevoir 110 000 euros avant impôts. Tous deux allaient conserver leur emploi avec leur ancienneté niveau de rémunération,
quant à l’absence de preuve d’une quelconque irrégularité. Les factures d’honoraires sur la période fiscalement prescrite sont régulières, justifiées et raisonnables et ont été approuvées lors d’assemblées générales.
2 (sic) – du caractère trop général des demandes des intimés alors que l’expertise ne peut porter que sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées. La demande vise à remettre en cause la sincérité et la régularité des comptes sociaux des années antérieures, ce à quoi ne peut prétendre une expertise de gestion.
3- de l’absence de caractère sérieux de la demande d’expertise de gestion. Les intimés n’ont pas apporté la preuve de la moindre présomption d’irrégularités relatives aux frais de la direction ou aux frais d’avocat. Or, il doit être justifié du caractère sérieux de la demande et un soupçon d’atteinte à l’intérêt social.
À titre subsidiaire, l’appelante invoque l’absence de raison objective de faire peser les frais de l’expertise sur les comptes de la société CLS [Localité 7].
Par conclusions récapitulatives n°2 régularisées le 22 février 2022, Mme [D] [S] et M. [G] [Z] sollicitent voir :
Vu l’article L225-231 du Code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence citée,
Dire et juger infondé l’appel interjeté par la société CLS [Localité 7] à l’encontre de l’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Lyon du 4 juillet 2022.
En conséquence,
Confirmer l’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Lyon du 4 juillet 2022 dans toutes ses dispositions ;
Débouter la société CLS [Localité 7] de l’intégralité de ses conclusions, prétentions, fins et moyens ;
Condamner la société CLS [Localité 7] à payer à Mme [D] [S] et à M. [G] [Z] la somme de 5 000 euros, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE, en la personne de Maître Romain Laffly, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
À l’appui de leurs conclusions, les intimés font valoir que :
détenant respectivement 20 % et 5 % du capital social, ils satisfont à la condition de recevabilité fixée par l’article 225-31 du Code de commerce ;
L’expertise de gestion constitue un rouage essentiel de la protection des associés minoritaires. L’opération contestée va à l’encontre des intérêts de la société en ce qu’elle a été conclue au mépris de ses droits, tels qu’ils résultent du régime spécial dont bénéficie l’agent commercial, titulaire d’un contrat à durée déterminée ;
L’article 134 ’12 du Code de commerce relatif à l’indemnité compensatrice due à l’agent commercial est une disposition d’ordre public ne pouvant être écartée, la jurisprudence la fixant à la valeur de deux années de commissions ;
Deux indemnités sont dues à l’agent commercial bénéficiant d’un contrat à durée déterminée, la première couvrant la période restant à courir jusqu’au terme contractuel et normal du contrat et les commissions qui ont été perçues sur cette période, la seconde couvrant la période postérieure à la cessation telle que prévue par l’article L 134-12, valorisée par la jurisprudence à deux années de commissions ;
Le contrat d’agent commercial bénéficiant à CLS [Localité 7] a été conclu pour une durée déterminée prenant effet le 1er janvier 2016 pour se terminer le 1er janvier 2026. Le chiffre d’affaires de la société CLS [Localité 7] constitué des commissions perçues était stable et s’établissait à une somme supérieure à 1 million d’euros. L’accord conclu est sans rapport avec les sommes auxquelles la société aurait pu prétendre. Il est donc incontestablement contraire à l’intérêt social et à l’intérêt des associés. L’opération est d’autant plus suspecte qu’elle est intervenue dans l’opacité la plus totale. Le fait que des règlements soient intervenus n’a pas pour conséquence de rendre l’accord non contestable ;
Il n’est pas justifié par la société CLS [Localité 7] d’objectifs de vente qui auraient été négociés de bonne foi comme le prévoit le contrat accepté et signé qui servirait le référentiel, ni d’une quelconque mise en demeure adressée par Zimmer Biomet France préalablement à une éventuelle résiliation du contrat. CLS n’était pas dans une situation où Zimmer Biomet France aurait pu se prévaloir des dispositions de l’article 12 du contrat quant à une résiliation sans indemnité. De plus, la non atteinte d’objectifs commerciaux ne constitue pas en soi une faute grave ayant pour effet de priver l’agent commercial de son droit à indemnité, a fortiori en pleine période de pandémie mondiale ;
Sur la mission d’expertise de gestion : il est légitime d’expertiser les frais qui ont été engagés pour les besoins de l’opération afin de déterminer si ils l’ont été dans l’intérêt social ou pour la satisfaction d’intérêts particuliers. Il s’agit de déterminer dans quelles conditions est intervenu l’opération de gestion contestée qui a pour effet de vider la société CLS [Localité 7] de sa substance et de toute activité. Le quitus donné par les associés ne peut décharger le dirigeant de sa responsabilité pour faute de gestion. Les conditions de négociations sont totalement indéterminées puisque menées par M. [Y] seul, assisté de ses conseils. Les intimés ont demandé des informations par courriel du 8 octobre 2021, lettre recommandée du 4 novembre 2021 puis du 19 janvier 2022, sans obtenir communications de pièces justificatives en retour ;
ce n’est pas une délibération des associés qui fait l’objet d’une demande d’expertise de gestion mais bien les raisons, les coûts et les conditions dans lesquelles une convention a été négociée et conclue pour le compte de la société par son dirigeant.
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.
MOTIFS
Aux termes de l’article L 225-231 du Code de commerce, relatif aux sociétés anonymes :
« Une association répondant aux conditions fixées à l’article L. 22-10-44, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d’administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l’intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes, s’il en existe.
A défaut de réponse dans un délai d’un mois ou à défaut de communication d’éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. (…)
S’il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l’étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.
Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d’entreprise, au commissaire aux comptes et, selon le cas, au conseil d’administration ou au directoire et au conseil de surveillance. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par les commissaires aux comptes, s’il en existe, en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité. »
La demande d’expertise doit porter sur une opération de gestion, acte décidé par l’organe de gestion, ici président de la SAS, et non sur des décisions relevant de la compétence d’autres organes. Pour autant, un acte nécessitant une délibération de l’assemblée des associés peut rester acte de gestion en ce qu’il est décidé par le dirigeant et non par l’assemblée elle-même, celle-ci statuant a posteriori en vue d’une approbation. La participation éventuelle à l’assemblée générale est indifférent.
La demande d’investigation doit porter sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées et présentant un caractère suspect, soit en ce qu’elle fait ressortir un risque d’atteinte à l’intérêt social, soit en ce qu’elle révèle des présomptions d’irrégularités.
Préalablement à la demande d’expertise doit être respectée la phase de la question écrite. La question doit être précise quant aux explications sollicitées sur des actes de gestion clairement identifiés.
Le juge saisi d’une demande d’expertise formée par un actionnaire invoquant le défaut de communication d’éléments de réponse satisfaisants doit rechercher si les éléments de réponses communiquées présentent ou non un caractère satisfaisant.
En l’espèce, Il est établi et non contesté que Mme [S] et M. [Z] détiennent ensemble 25 % du capital social de la société. Ils sont recevables en leur demande d’expertise de gestion.
Mme [S] et M. [Z] ont explicité les conditions leur apparaissant opaques dans lesquelles l’accord transactionnel entre la société CLS et la société Zimmer Biomet France a été discuté et négocié au détriment, selon eux, des intérêts financiers de la société CLS [Localité 7] compte tenu des indemnités pouvant être percues.
Ils considèrent que l’opération menée par M. [Y] seul, est du fait de l’opacité d’autant plus suspecte.
Il n’est en effet pas démontré par les pièces produites que Mme [S] ait appris l’existence du protocole avant le 6 octobre 2021. M. [Z] indique quant à lui n’avoir rencontré le dirigeant de CLS [Localité 7] que le 18 octobre 2021 et de surcroît de manière informelle. Le contenu des informations données n’est pas connu de la cour d’autant que les parties s’opposent sur celui-ci.
Or, par lettre du 20 octobre 2021, ils étaient tous les deux convoqués à l’assemblée générale extraordinaire relative à la transaction dont ils contestent les conditions financières.
Tant l’appelante que les intimés produisent les échanges écrits posterieurs.
Mme [S] et M. [Z] soutiennent donc n’avoir pas obtenu la moindre explication quant aux modalités et conditions dans lesquelles cette convention aurait été négociée et signée.
Nonobstant, le manque de transparence de CLS [Localité 7] envers ses deux actionnaires minoritaires, il appartient à ces derniers de démontrer avoir posé des questions précises sans réponse suffisante et nécessitant en conséquence, selon eux, une expertise de gestion dont la mission demandée vise les frais engagés pour l’opération de transcation afin de déterminer selon leurs conclusions s’ils ont été engagés dans l’intérêt social ou pour la satisfaction d’intérêts particuliers.
La lettre datée du 4 novembre 2021 que chacun a adressé à la SAS CLS [Localité 7] indique que l’assemblée générale ne peut pas se tenir notamment en raison des maigres informations dans le rapport préalable.
En leurs conclusions, Mme [S] et M. [Z] évoquent également des lettres recommandées du 17 décembre 2021 et une lettre recommandée du 10 janvier 2022, outre avant la tenue de l’assemblée générale ordinaire du 18 mars 2022, une lettre recommandée du 4 mars 2022, sans recevoir ensuite de leur demande la moindre communication.
La cour relève que la lettre du 17 décembre 2021 est une mise en demeure ‘ d’annuler la vente de l’unique activité de CLS [Localité 7] à Zimmer Biomet France ‘ et qu’à défaut de mise en ‘uvre sous 15 jours Mme [S] et M. [Z] saisiront les tribunaux pour mettre en ‘uvre cette demande de nullité. La lettre ne comporte aucune question ni aucune demande d’information.
La lettre du 10 janvier 2022 a été adressée à l’avocat et non au dirigeant en lui demandant la copie des factures du cabinet adressées à la société CLS [Localité 7] en 2021 et 2022 et les propositions de mission y relatives.
Par deux lettres recommandées avec accusé de réception datées du 19 janvier 2022, et adressées à CLS [Localité 7], au contenu identique, Mme [S] et M. [Z] ont chacun mentionner entamer une procédure d’expertise de gestion, indiquant que la demande porte sur les opérations de gestion relatives aux frais déductibles de l’IS des trois derniers exercices et notamment sur les frais de la direction et la prise en charge de frais et honoraires de conseils/avocats par la société sur la période non prescrite fiscalement.
La lettre ne posait pas de question, mais listait une liste de documents dont la communication était demandée :
‘ – Une copie pour les exercices 2019 2020 2021 des factures d’avocat et aussi :
– DAS2 (honoraires et commissions), – toute(sic) charges afférentes aux rémunérations de M.[Y], – Résultat des contrôles URSSAF sur cette période, – Contrats de travail ouvrant droit à une exonération de cotisations, – Etat justificatif mensuel de la réduction générale des cotisations, – 2 conventions de stage, – Aucun accord transactionnel, jugements prud’homaux…., – Aucun accord et homologation de ruptures conventionnelles, – Aucun dossiers de démission de licenciement avec le calcul des indemnités correspondantes, – Liste des avantages(voitures téléphones..) en nature du dirigeant des membres de sa famille, – Extrait des remboursements de frais du dirigeant, – Charges non fiscalement déductibles, – Règlement d’un plan d’épargne (PEE,PEI,PERCO…) et le récépissé de dépôt auprès de l’administration compétente. Les modalités de répartition concernant l’année contrôlée et les montants alloués par bénéficiaire – État de répartition des sommes versées-sur l’année contrôlée au titre d’un accord d’intéressement – Balances générales, bilans et comptes de résultats détaillés, – Extrait du grand livre: comptes 421, 425, 427 ; 455 et tous les comptes de classe 6 , – Une attestation , sur l’honneur nous indiquant si votre cabinet se charge de la déclaration de revenus de M. [Y] ‘ ;
Il n’était pas évoqué la négociation et la signature d’un protocole avec la société Zimmer Biomet France le 5 novembre 2021.
Aucune question précise n’a été posée. Seules des pièces ont été sollicitées et de surcroît portant sur le gestion globale, non limitées aux conditions de négociations de signature du protocole.
Les conditions de l’expertise de gestion ne sont pas réunies, car si la production de pièces peut être sollicitée, le cas échéant, par une action devant le juge des référés, la demande ne relève pas de l’application de l’article L 225-3231 alinéa 1 du Code de commerce.
La cour infirme la décision attaquée et rejette la demande.
Sur les demandes accessoires :
L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut même d’office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Succombants, Mme [S] et M. [Z] doivent supporter les dépens de première instance et d’appel.
L’équité ne commande pas de faire application ni en première instance et en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme la décision attaquée sauf en ce qu’elle a dit que l’action de Mme [D] [S] et de M. [G] [Z] était recevable
Statuant à nouveau,
Rejette la demande d’expertise,
Condamne Mme [D] [S] et [G] [Z] aux dépens de première instance,
Rejette les demandes d’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Y ajoutant,
Condamne Mme [D] [S] et [G] [Z] aux dépens à hauteur d’appel,
Rejette les demandes d’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT