Contrat d’agent commercial : 1 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/05090

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Contrat d’agent commercial : 1 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/05090

1 juillet 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/05090

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°338

N° RG 19/05090 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-P7O7

M. [V] [U]

C/

SARL CT IMMOBILIER

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 1er JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Mai 2022

devant Madame Gaëlle DEJOIE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [B] [C], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 1er Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [V] [U]

né le 28 Novembre 1973 à TOURS (37)

Demeurant Le Troulais

44630 PLESSÉ

Représenté par Me Stéphane JEGOU substituant à l’audience Me Antoine GONTIER de la SELARL PARTHEMA, Avocats au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La SARL CT IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

38 Place Jean Macé

44100 NANTES

Comparant en la personne de son Gérant, M. [X] [H] et représentée par Me Perrine DEFEBVRE de la SARL SYNEGORE, Avocat au Barreau de NANTES

M. [V] [U] a conclu avec la SARL CT IMMOBILIER le 26 avril 2010 un «’contrat d’agent commercial’» à durée indéterminée.

Par courrier recommandé en date du 12 février 2014, M. [U] a proposé à la SARL CT IMMOBILIER la signature d’un contrat de travail aux mêmes conditions financières que le contrat d’agent commercial du 26 avril 2010.

Par courrier recommandé en date du 27 février 2014, la SARL CT IMMOBILIER a répondu qu’un contrat de travail ne peut être conclu à des conditions autres que celles appliquées à l’ensemble des négociateurs immobiliers salariés.

Par courrier recommandé en date du 2 mai 2014, M. [U] a résilié son contrat d’agent commercial en indiquant : ‘Dans ces conditions, et compte tenu des graves manquements à vos obligations à mon égard et de la situation actuelle que je subis que je ne puis tolérer davantage, je suis contraint de résilier le contrat qui nous lie, à vos torts exclusifs, sans préavis’.

Par courrier recommandé en date du 19 mai 2014, la SARL CT IMMOBILIER a pris acte de la résiliation du contrat tout en contestant les motifs.

Le 15 mai 2015, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins notamment de voir requalifier la relation contractuelle avec la SARL CT IMMOBILIER du 26 avril 2010 au 2 mai 2014 en contrat de travail et lui accorder le bénéfice du statut de négociateur immobilier VRP, fixer le salaire mensuel moyen à la somme de 3.463 € net et condamner la SARL CT IMMOBILIER au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires et de prime d’ancienneté, d’indemnité compensatrice de congés payés, de dommages-intérêts pour travail dissimulé, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par M. [U] le 26 juillet 2019 du jugement du 26 juin 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Constaté l’absence de relation de travail de nature salariée entre M. [U] et la SARL CT IMMOBILIER,

‘ Débouté M. [U] de la totalité de ses demandes,

‘ Débouté la SARL CT IMMOBILIER de sa demande formée à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

‘ Condamné M. [U] à verser à la SARL CT IMMOBILIER la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamné M. [U] aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 25 octobre 2019, suivant lesquelles M. [U] demande à la cour de :

‘ Infirmer le jugement entrepris,

‘ Requalifier la relation contractuelle avec la SARL CT IMMOBILIER du 26 avril 2010 au 2 mai 2014 en contrat de travail et lui accorder le bénéfice du statut de négociateur immobilier VRP,

‘ Fixer le salaire mensuel moyen à la somme de 3.463 € net,

‘ Condamner la SARL CT IMMOBILIER au paiement des sommes suivantes :

– 798,50 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à avril 2014,

– 79,85 € au titre des congés payés afférents,

– 4.800,17 € à titre de rappel de 13ème mois pour 2010 au prorata de son temps de présence,

– 7.438,65 € à titre de rappel de 13ème mois pour l’année 2011,

– 4.733,14 € à titre de rappel de 13ème mois pour l’année 2012,

– 3.463 € à titre de rappel de 13ème mois pour l’année 2013,

– 2.610,70 € à titre de rappel de 13ème mois pour l’année 2014,

– 92 € brut à titre de rappel de prime d’ancienneté pour la période de janvier à avril 2014,

– 23.907,22 € net à titre d’indemnité compensatrice de congés payés de mai 2010 à mai 2014,

– 27.704,01 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– 10.389,01 € net à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1.038,90 € brut au titre des congés payés sur préavis,

– 3.479,61 € net à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 55.408,03 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Ordonner la remise des bulletins de salaire conformes, d’une attestation Pôle Emploi et du certificat de travail, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la cour se réservant compétence pour liquider ladite astreinte,

En tout état de cause,

‘ Débouter la SARL CT IMMOBILIER de ses demandes reconventionnelles.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 15 janvier 2020, suivant lesquelles la SARL CT IMMOBILIER demande à la cour de :

‘ Constater l’absence de relation de travail de nature salariée entre M. [U] et la SARL CT IMMOBILIER,

‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [U] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Condamner M. [U] à lui payer les sommes suivantes :

– 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil,

– 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire,

‘ Fixer le salaire moyen de M. [U] à la somme de 1.908,78 € brut,

‘ Condamner M. [U] à verser à la SARL CT IMMOBILIER la somme de 243.526,80 € net à titre de remboursement des commissions indûment perçues en tant qu’agent commercial,

‘ Réduire les indemnités suivantes aux sommes suivantes :

– 13.625,96 € brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 5.726,36 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 572,63 € brut au titre des congés payés afférents,

– 1.908,78 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

‘ Débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, à tout le moins, réduire l’indemnisation de M. [U] à ce titre,

En tout état de cause,

‘ Débouter M. [U] de ses demandes de rappel de salaires pour la période courant de janvier à avril 2014, de rappel de 13ème mois, de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

La clôture a été ordonnée le 28 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

***

*

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la demande de requalification du contrat

Pour infirmation à ce titre, M. [U] soutient que dans l’exercice réel de ses missions de négociateur immobilier, il était placé dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de la SARL CT IMMOBILIER caractérisé notamment par :

– son affectation à un secteur géographique déterminé,

– les règles de commissionnement et de rémunération imposées,

– son défaut d’indépendance et de liberté dans l’organisation du travail,

– les conditions d’exercice de son activité professionnelle identiques à celles des négociateurs salariés,

– la prise en charge par la société des frais inhérents à l’exercice des missions,

– sa dépendance économique à l’égard de la société CT IMMOBILIER.

La SARL CT IMMOBILIER conteste l’existence d’un contrat de travail la liant à M. [U] et conteste les éléments allégués par l’appelant à l’appui de sa demande de requalification. Au contraire, la SARL CT IMMOBILIER relève plusieurs éléments attestant de l’absence de lien de subordination entre les parties, parmi lesquels :

– la conclusion du contrat d’agent commercial à l’initiative de M. [U],

– le statut de travailleur indépendant et l’immatriculation de M. [U] depuis des années,

– les modalités de sa rémunération propres au statut d’agent commercial,

– l’absence d’obligation dans la prescription des partenaires bancaires,

– l’absence d’objectifs à respecter, d’obligation de respect d’horaires précis,

– l’absence d’intérêt financier de l’entreprise au statut d’agent commercial plutôt que de salarié.

En droit, il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’est exercée l’activité ; le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

D’autre part, conformément à l’article L.8221-6 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à leur immatriculation ou inscription.

L’agent commercial est ainsi défini par l’article L.134-1 du code du travail :

‘L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s’exerce dans le cadre d’activités économiques qui font l’objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières.’

En l’espèce, il est constant que M. [U], immatriculé au registre des agents commerciaux, a conclu avec la CT IMMOBILIER un contrat intitulé ‘Contrat d’agent commercial’ le 26 avril 2010 (pièce n°5 de l’appelant) indiquant qu’il exerçait une activité d’agent commercial et qu’il exercerait une activité de «’recherche de vendeurs et d’acheteurs pour le compte de l’agence et il s’efforce d’obtenir la signature des mandats de vente ou des mandats de négociation’» et qu’il serait «’notamment mandaté pour développer la clientèle de son mandant’».

Le contrat précise en son article 1er que «’le présent mandat n’est pas un contrat de travail. Il n’existe, entre l’agent commercial, en sa qualité de mandataire indépendant, et son mandant, aucun lien de subordination’».

Il convient toutefois d’examiner les conditions de fait dans lesquelles s’est exercée l’activité de M. [U].

* En premier lieu, l’appelant soutient que les dispositions de l’article 4 du contrat prévoyant l’exercice de «’son mandat dans le secteur géographique déterminé de l’agence’» lui laissant ainsi toute faculté de prospecter un secteur beaucoup plus étendu que celui qu’il avait réellement en charge, n’ont pas été respectées puisque son secteur de prospection a en réalité été limité par la société CT IMMOBILIER aux seuls quartiers de ZOLA, CANCLAUX et MELLINET compte tenu du départ de Mme [A] qui prospectait sur ce secteur.

Ainsi que le relève la société intimée, les dispositions de l’article L. 134-6 du Code du commerce encadrant le statut des agents commerciaux prévoient expressément que l’agent commercial, «’Lorsqu’il est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes déterminé (‘) a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d’agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe. »

L’attribution d’un secteur géographique n’est ainsi à elle seule pas de nature à caractériser l’existence d’un lien de subordination, alors d’une part que cette sectorisation était en l’espèce expressément prévue par le contrat d’agent commercial précité, alors d’autre part que M. [U] ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier qu’il aurait bénéficié d’une quelconque exclusivité sur le secteur défini ou qu’il aurait été empêché de travailler sur d’autres secteurs.

L’attestation ([L] pièce n°30) que produit M. [U] contredit d’ailleurs ce point en mentionnant «’ Il était organisé des prospections physiques sur des secteurs autres que celui de M. [U] et il devait les faire’».

La circonstance qu’il ait repris à son arrivée un secteur (sa pièce n°6) dont une partie (le quartier ZOLA selon l’attestation de M. [M] pièce n°3) auparavant confié à une salariée dont il fournit le profil VIADEO (sa pièce n°4) est sans incidence sur la nature de ses relations contractuelles avec la société CT IMMOBILIER.

Ni les copies d’agenda produites par M. [U] (pièces n°31 et 35 pour les siens et pièces n°32,33 et 34 pour celui des conseillers) ni les copies des relevés mensuels et du cahier des ventes auxquelles il se réfère (ses pièces n°7 et 36) ne caractérisent la réalité de «’démarches collectives de prospection’» qui lui auraient été imposées en contradiction avec les dispositions précitées de son contrat d’agent commercial et de nature à restreindre son indépendance dans l’exercice de son mandat.

* M. [U] fait valoir en deuxième lieu l’existence de règles de commissionnement et de rémunération qui lui ont été imposées, incluant le partage de commissions auquel il aurait été soumis en dehors de tout avenant à son contrat.

L’article 6 «’Commissions’» du contrat «’d’agent commercial’» (pièce n°5 précitée) est ainsi rédigé’:

«’En contrepartie de l’exécution de la totalité de ses obligations, l’Agent percevra un pourcentage des honoraires hors taxes effectivement perçus par le mandant, soit sur le montant des honoraires restant au Mandant après paiement des honoraires pouvant être dus à un ou d’autres confrères ou intermédiaires, pourcentage fixé à :

– 50 % de la commission pour l’apport d’un mandat d’un bien vendu.

– 50 % de la commission pour l’apport d’un bien vendu par l’agence immobilière.’»

Par ailleurs, le «’Règlement Intérieur de l’AMEPI Nantes Atlantique’» auquel M. [U] allègue avoir été contraint d’adhérer sans en rapporter la moindre preuve et qu’il produit, portant sa signature, dans sa version de juin 2013 (sa pièce n°37) prévoit que « Dans le cas de vente par plusieurs agents immobiliers AMEPI, la répartition est la suivante :’APPORT 50% des honoraires’; VENTE 50% des honoraires», ce qui n’est pas en contradiction avec les dispositions du contrat précité.

Il ressort ainsi de l’ensemble des pièces versées aux débats que si M. [U] a pu partager des commissions avec d’autres agents immobiliers sur des ventes de biens situés sur son secteur, il a également pu partager des commissions sur des ventes de biens immobiliers situés hors dudit secteur géographique.

M. [U] justifie de l’existence d’une restriction portant uniquement sur l’assiette de calcul de la commission, qui correspond aux honoraires effectivement perçus par la société CT IMMOBILIER, lesquels devaient être fixés en adéquation avec les tarifs du réseau AVIS IMMOBILIER pour tous les négociateurs immobiliers, ainsi que le mentionne la société intimée (page 24 de ses écritures).

Il est néanmoins établi que cette restriction n’est pas de nature à elle seule à priver de la qualité d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

En outre, contrairement à ce que soutient M. [U] les conditions de perception de ses commissions ne peuvent être tenues pour « sensiblement identiques » à celles de salariés de la société alors que la pièce n°22 à laquelle il se réfère fait apparaître pour ces derniers une rémunération composée d’une part mensuelle fixe augmentée de commissions subordonnées à la réalisation d’un chiffre d’affaires trimestriel minimum et dont le pourcentage de commissionnement augmente en fonction de ce chiffre d’affaires personnel réalisé, pour un taux maximum de 20% brut (contre 50’% le concernant).

S’agissant enfin de la circonstance que la société CT IMMOBILIER lui aurait bien versé de commissions «’de prêt bancaire’» , due lorsque l’établissement bancaire partenaire de la société était partie à l’opération de vente grâce à sa prescription, force est de constater que M. [U] ne produit la trace que d’une facture ayant cet objet (pièce 40) sur l’ensemble de la période d’exécution du contrat, de sorte qu’il ne démontre pas sur ce point avoir été tenu à une quelconque obligation.

* M. [U] fait valoir en troisième lieu que la méthode de travail et l’organisation étaient imposées par la Société CT Immobilier qui demandait davantage qu’une simple information sur le résultat des opérations qu’il avait réalisées

Il se réfère sur ce point au contenu du fichier AMEPI, dont il y a lieu de rappeler qu’il correspond à une structure associative distincte de la société CT IMMOBILIER et auquel il ne justifie pas avoir été contraint d’adhérer, de sorte que les obligations en résultant incluant de «’veiller à la qualité de rédaction des mandats’», «’vérifier l’apport systématique de tous les mandats exclusifs’», «’veiller au respect du délai d’apport au fichier’» et «’au bon remplissage des fiches descriptives des biens’» ainsi qu’à la «’mise à jour du fichier’» (pièce n°37 déjà citée, pièces n°41 et 42) ne sont pas de nature à caractériser un lien de subordination de l’appelant à l’égard de l’intimée.

Les exemples de comptes rendus de visites que M. [U] produit (sa pièce n°9) qui concernent moins d’une trentaine de références sur quelques jours en septembre 2011, mars, mai et juin 2012, ne mentionnant chaque fois qu’une date, les noms d’un «’vendeur’» et d’un «’client’» avec parfois un numéro de mandat, ainsi qu’un commentaire sur une à trois lignes (par exemple : «’intéressé mais en réflexion’», «’en début de recherche’», la pièce de vie est trop sombre’»),ne sont pas de nature à justifier qu’il était tenu comme il le prétend de rendre compte chaque semaine de son activité à la Société CT Immobilier en lui indiquant le nombre de contacts rentrés, le nombre de ventes conclues et d’estimations réalisées.

M. [U] ne justifie pas non plus de l’usage qui lui aurait été imposé des «’fiches clients’» préalablement renseignées par l’assistante ayant réceptionné les appels (sa pièce n°10), ni s’agissant des visites à effectuer ni s’agissant des informations à transmettre.

M. [U] fait également valoir qu’il disposait d’un bureau dans les locaux de l’agence dont les clefs lui avaient été remises, qu’il était tenu de respecter les horaires de l’agence, qu’il avait l’obligation de participer aux réunions d’équipe et aux démarches collectives de prospection et qu’il avait l’obligation de tenir des permanences les lundis et samedis. Il vise sur ces points :

– une attestation de M. [R] (pièce n°43) qui atteste, manifestement en tant que client, que son «’dossier d’achat d’un bien immobilier était suivi par d’autres membres de l’agence [‘] que M. [U] et notamment par le directeur d’agence. Je me souviens d’aucune disponibilité des mardis matin et de remarques sur une ‘tenue correcte exigée’ (dont chemise dans le pantalon’»,

– une attestation de Mme [J] (pièce n°46) qui affirme avoir effectué des trajets de covoiturage «’régulièrement dans le véhicule de [M.] [U]’» et ajoute «’il ne fallait pas qu’il soit en retard le matin à l’agence et devait les permanences de l’agence un samedi sur deux et tous les lundis’», sans préciser cependant, alors qu’elle ne travaillait pas dans ladite agence, si elle a pu constater elle-même ces faits ou si elle ne fait que rapporter les propos de M. [U],

– une attestation de M. [L] (pièce n°30), ancien responsable d’agence AVIS qui affirme que «’les conseillers avaient l’obligation d’être présent (sic) ainsi que M. [U] aux réunions du mardi matin et de respecter les horaires d’ouverture et de fermeture de l’agence.’M. [U] devait faire les permanences de l’agence le samedi. Un samedi sur deux pour l’avoir constater en me déplaçant sur les lieux dans le cadre de remise de clés ou pour l’avoir eu au téléphone de l’agence. Il était organisé des prospections physiques sur des secteurs autres que celui de M. [U] et il devait les faire’».

– une attestation de M. [M] (pièce n°3) qui affirme qu’à l’agence M. [U] avait son «’propre bureau personnalisé (photo+dessin de sa fille)’», et qu’«’un tableau de permanence des consultes (sic) de l’agence était affiché au-dessus de la photocopieuse et M. [U] y figurait (permanence des samedi et lundi)’»

– Une photographie d’un tableau sur un mur (pièce 11) concernant les mois de «’novembre’» et décembre’» sans précision d’année, mentionnant par initiales les permanences considérées.

– une photographie floue (pièce n°8) censée représenter le bureau mis à sa disposition, ne montrant pas même la présence d’un ordinateur ni d’aucun objet personnel ;

Ces attestations, peu probantes au regard de leur imprécision, sont en outre nettement tempérées par les pièces suivantes’:

– une autre attestation de M. [M] que cite la société intimée (sa pièce n°25) qui «’atteste avoir quitté l’agence immobilier 38 place Jean Macé 44100 Nantes le 12 avril 2010 et donc ne pas avoir travaillé dans l’agence lorsque Mr [U] y était. Suite à la demande de Monsieur [U], j’ai établi une attestation le 17 mai 2014 reprenant les propos dictés par lui en faisant état de détails non constatés par moi-même (personnalisation du bureau, permanence de l’agence, (tableau). »

– les copies de ses agendas de M. [U] (ses pièces n°38, 31 et 35), dont force est de constater qu’ils laissent apparaître en particulier les mardis matin de nombreuses plages vides ou signalées «’démarches co[mmerciales]’»,qu’ils ne font pas apparaître l’obligation de présence à l’agence ou de respect d’horaire particuliers.

Si la société intimée ne conteste pas que M. [U] a effectivement pu disposer des clés de l’agence de la société CT IMMOBILIER afin de venir travailler quand il le souhaitait sur l’un des bureaux disponibles, les pièces précitées n’établissent pas qu’aucun bureau ni aucun matériel informatique spécifique aurait pour autant été spécialement affecté à M. [U]. Les circonstances dans lesquelles M. [U] aurait finalement été privé de l’usage des clefs après changement de serrure dans les conditions décrites ne sont en tout état de cause pas de nature à exclure la réalité de son statut d’agent commercial.

S’agissant de la gestion du planning’» par la secrétaire de l’agence, M. [U] verse aux débats (pièce n°44) la retranscription d’un seul message téléphonique par lequel (18 novembre 2013 à 17h57) la secrétaire de l’agence l’informait avoir «’calé une visite’» le lendemain à 16h00 et lui demandait s’il serait là ou si elle devait «’la mettre à quelqu’un d’autre parce qu[‘elle avait] vu qu[‘il] avai[t] piscine’», concluant par «’on en rediscutera demain matin, si jamais faut la décaler, ok’».

Le second message retranscrit (de M. [H], gérant, à M. [U], du lundi 18 novembre 2013 à 18h55) est ainsi formulé : « ouais [V], c’est [X] là, tu devais être à l’agence, j’aurais eu besoin de toi justement pour ça, mais la je viens de tomber sur [Z], euh donc je présume que t’avais un rendez-vous bien sur, bon ba tant pis, à plus». (même pièce).

Force est de constater que la teneur de ces messages, dont M. [U] ne produit pas d’autres exemples, est loin de démontrer une quelconque contrainte dans la fixation de rendez-vous pour M. [U] par du personnel de la société CT IMMOBILIER sans aucune considération pour son emploi du temps et ses propres contraintes ou de quelconques directives du gérant en ce sens.

L’affirmation de M. [U] selon laquelle les différentes prises de notes manuscrites figurant dans ses agendas ne correspondent pas toujours à son écriture et que leur récurrence démontre qu’il s’agissait d’une pratique courante de lui fixer ses rendez-vous (page 23 de ses écritures), à défaut d’autres éléments, est dépourvue de valeur probante.

* En quatrième lieu M. [U] soutient que la Société CT Immobilier prenait en charge l’intégralité de tous les frais de publicité (annonces, cartes de visite’) depuis plus de trois années et ce, en dépit de l’article 5 de son contrat prévoyant qu’il « (‘) décide seul des moyens de promotion et de communication qu’il entend mettre en ‘uvre pour vendre les biens. Toutefois, sur tout support écrit devront figurer ses coordonnées complètes ainsi que celles du mandant. Sa qualité de mandataire devra être indiquée. (‘) L’agent, en tant que travailleur indépendant non salarié, assumera seul l’intégralité des frais liés à l’exercice de son activité (‘) ».

Il ressort des pièces produites d’une part que si les mailings adressés par la Société CT Immobilier ne précisent pas la qualité de mandataire de M. [U] qui est donc susceptible d’être assimilé à un salarié de ladite société, il s’agit d’un support dont la société indique sans être contredite qu’il appartenait à M. [U] de la personnaliser, de sorte que cette absence de précision ne lui peut lui être opposée aux fins de requalification du contrat. Par ailleurs la qualité d’agent commercial figure bien sur les cartes de visite de M. [U] conformément à la clause précitée (pièce n°47 de l’appelant).

S’agissant des «’autres frais’» dont M. [U] affirme qu’ils auraient été supportés par la société, il n’en justifie par aucun élément.

L’ensemble des pièces produites n’établissent pas que M. [U] devait organiser sa semaine de façon récurrente, ni qu’il était tenu de rendre des comptes à la société CT IMMOBILIER, ni qu’il était tenu d’assister à des réunions, de respecter des horaires de présence ou de tenir des permanences, ni qu’il devait remplir des objectifs donnés, ni qu’il recevait des directives quant à son emploi du temps et ses jours de congé. Dans ces conditions, M. [U] qui affirme sans en justifier par le moindre élément avoir été dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la société CT IMMOBILIER, dont les dires ne sont pas corroborés par d’autres pièces que par des attestations imprécises et dont les allégations pour le surplus ne s’appuient sur aucun autre document de travail, notamment pas sur des documents commerciaux, des correspondances susceptibles d’établir la réalité des directives transmises par le gérant de la société, ne démontre pas avoir exercé son activité dans des conditions excluant son statut d’agent commercial.

Au vu de l’ensemble des éléments produits par les deux parties, les premiers juges ont ainsi procédé à une exacte application du droit et une juste appréciation de ces pièces, non altérée par les débats en cause d’appel, en retenant que M. [U] ne démontrait pas l’existence d’un contrat de travail au sens des dispositions légales précitées, la relation liant les parties étant ainsi restée de nature commerciale.

Par suite, il conviendra de confirmer le jugement entrepris par lequel le conseil de prud’hommes de LORIENT a débouté M. [U] de toutes ses demandes.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile :

‘Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.’

En l’espèce, si l’appel de M. [U] s’avère mal fondé, les circonstances de cette affaire et les pièces produites n’établissent pas que cette procédure présente un caractère abusif de nature à justifier la condamnation de l’appelant à des dommages-intérêts sur ce fondement.

Il conviendra en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société CT IMMOBILIER de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Succombant en son appel, M. [U] devra être condamné aux dépens ainsi qu’au paiement à la société CT IMMOBILIER d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, prenant en compte les éléments de la cause et la situation économique respective des parties.

***

*

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] à payer à la société CT IMMOBILIER la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

DÉBOUTE M. [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


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