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Pour requalifier un contrat en relation de travail il convient de prouver le lien de subordination.
Celui-ci est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. (cf. Soc., 13 avril 2022, pourvoi n° 20-14.870, publié, arrêt « Le Cab » ; Soc., 13 septembre 2023, pourvoi n° 22-10.950, diffusé). Ces indices sont variés et peuvent résulter : – de l’insertion du travailleur dans un organigramme, l’usage de papier à lettres et de cartes de visite à l’entête de la société (Soc., 14 février 2018, n 16-15.640) – du fait que le travailleur exerce une activité exclusive pour le donneur d’ordre, que cette exclusivité soit contractuelle ou factuelle (Soc., 10 décembre 2002, n° 00-44.646 ; Soc., 8 octobre 2020, n° 19-16.606) – de la fixation unilatérale du prix des services par le donneur d’ordre (Soc. 10 décembre 2002, n° 00-44.646 ; Soc. 2 juillet 2003, n° 01-43.018 ; Civ. 2e, 20 mai 2010, n° 08-21.817 ; Soc. 16 novembre 2016, n 15-26.354 ; Civ. 2e, 26 novembre 2020, n 19-24.303 ; 8 octobre 2020, n° 19-16.606) – du fait que le travailleur n’assume aucun risque économique (Civ. 2e, 13 décembre 2005, n° 04-18.104 ; 26 novembre 2020, n°19-24.303) ; – de l’utilisation du matériel et du personnel du donneur d’ordre pour la réalisation de la prestation (Soc. 4 octobre 2007, n° 06-43.562 ; 6 octobre 2010, n° 09-43.296 ; Civ. 2e, 20 mai 2010, n° 08-21.817 ; 7 juillet 2016, n° 15-16.110 ; Soc., 26 septembre 2016, n 15-10.111 ; Soc. 6 novembre 2019, n° 18-14.290), – de l’absence de clientèle propre du travailleur ou l’interdiction de choisir ses clients (Soc. 6 octobre 2010, n° 09-43.296 ; Civ. 2e, 20 mai 2010, n° 08-21.817 ; Soc. 12 janvier 2011, n° 09-66.982 ; Civ. 2e, 7 juillet 2016, n° 15-16.110 ; 26 novembre 2020, n° 19-24.303). N’exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination le particulier qui accepte, par l’intermédiaire d’une plate-forme numérique gérée par une société, d’exécuter des missions telles que décrites précédemment dès lors qu’il est libre d’abandonner en cours d’exécution les missions proposées, qu’il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l’exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l’exécution de ses directives et d’en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l’objet d’une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d’exécution non conforme (Avis de la Chambre sociale, 5 avril 2022, n°20-81.775, affaire Click and Walk). Nos Conseils: 1. Il est essentiel de distinguer clairement entre un contrat de travail et une relation contractuelle indépendante. Assurez-vous que les conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle ne laissent aucun doute sur le lien de subordination entre les parties. 2. Vérifiez attentivement les clauses contractuelles et les obligations réciproques pour déterminer si le travailleur est réellement sous l’autorité de l’employeur. Assurez-vous que les directives données ne dépassent pas le cadre de la prestation de service et ne constituent pas un contrôle excessif de l’activité du travailleur. 3. En cas de litige sur la nature de la relation contractuelle, il est crucial de fournir des preuves solides pour étayer votre position. La charge de la preuve repose sur celui qui se prévaut d’un contrat de travail, il est donc essentiel de documenter clairement les éléments démontrant l’existence ou non d’un lien de subordination. |
→ Résumé de l’affaireLa SA G7, anciennement la Société Nouvelle Groupement Taxi (S.N.G.T), exploite un central de radio taxi et emploie plus de 11 salariés. M. [I] est titulaire d’une carte professionnelle de conducteur de taxi et a conclu un contrat de location de terminal informatique avec la société G7. Après la résiliation de ce contrat, M. [I] et d’autres conducteurs de taxi ont saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour demander la requalification de leur contrat de location en contrat de travail. Le conseil de prud’hommes a jugé que le contrat d’affiliation au central de radio ne présentait pas les caractéristiques d’un contrat de travail salarié et a débouté M. [I] de ses demandes. M. [I] a interjeté appel de ce jugement et demande à la cour de requalifier le contrat de location en contrat de travail et de condamner la société G7 à lui verser diverses sommes. La société G7 conteste cette demande et demande la restitution des sommes perçues par M. [I] pour les courses effectuées par son intermédiaire. Le Syndicat Professionnel des Centraux Radio-Taxi de [Localité 5] et de la Région Parisienne intervient dans l’affaire et demande la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80O
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 6 MARS 2024
N° RG 22/00754
N° Portalis DBV3-V-B7G-VBUX
AFFAIRE :
[K] [I]
C/
Société G7
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE
Section : C
N° RG : F19/01563
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Nicolas MAINGARD
Me Martine DUPUIS
Me Barthélemy LEMIALE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 28 février 2024 puis prorogée au 6 mars 2024, dans l’affaire entre :
Monsieur [K] [I]
né le 19 septembre 1984 à [Localité 5] (75)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Nicolas MAINGARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Société G7
N° SIRET : 324 379 866
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Jean Néret, Plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Syndicat PROFESSIONNEL DES CENTRAUX RADIO DE TAXI DE [Localité 5] ET LA REGION PARISIENNE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Barthélemy LEMIALE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0386
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET
La SA G7, anciennement dénommée Société Nouvelle Groupement Taxi (S.N.G.T) a pour activité principale l’exploitation d’un central de radio taxi sous la marque et emploie plus de 11 salariés. La société propose à sa clientèle de la mettre en relation avec des chauffeurs de taxis affiliés à sa centrale radio.
M. [I] est titulaire d’une carte professionnelle de conducteur de taxi délivrée le 15 juin 2006.
M. [I] a conclu un contrat à durée indéterminée avec la société SNGT, devenue société G7, qui a pour objet la location d’un terminal informatique embarqué dans son véhicule et relié au central radio de la société, à compter du 7 juin 2007.
Par lettre du 12 décembre 2017, la société a résilié le contrat de location qui la liait à M. [I] à compter du 21 décembre 2017.
Le 24 juin 2019, M. [I] ainsi que quatre autres conducteurs de taxi (MM [F], [B], [F] et [P]) ont saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de requalification de son contrat de location de matériel en contrat de travail et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 31 janvier 2022, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section commerce) a:
– Dit et jugé fondée, en l’espèce, l’intervention volontaire du Syndicat Professionnel des Centraux Radio-Taxi de [Localité 5] et de la Région Parisienne,
– Dit et jugé que le contrat d’affiliation au Central de radio conclu par Monsieur [K] [I] avec la société G7 ne présente aucune des caractéristiques d’un contrat de travail salarié,
– Débouté, ainsi, Monsieur [K] [I] de l’ensemble de ses demandes,
– Débouté en l’absence d’un contrat de travail entre les parties, la demande de prescription au titre de l’article 1471-1 du Code du Travail, de la part de la société G7 et du Syndicat Professionnel des Centraux Radio-Taxi,
– Dit et jugé, en conséquence, infondées les demandes reconventionnelles de la société G7,
– Dit et jugé, le Tribunal Judiciaire de Nanterre compétent en matière de litige entre les parties contractantes,
– Condamné Monsieur [K] [I] aux éventuels dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 8 mars 2022, M. [I] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [I] demande à la cour de :
– INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Nanterre le 31 janvier 2022 en ce qu’il a :
– jugé que le contrat d’affiliation au Central de radio conclu par Monsieur [I] avec la société G7 ne présente aucune des caractéristiques d’un contrat de travail salarié ;
– débouté Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes ;
– jugé le Tribunal Judiciaire de Nanterre compétent pour connaitre du présent litige ;
– CONFIRMER ledit jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
– SE DECLARER compétente pour connaître des demandes formées par Monsieur [I] à l’encontre de la société G7 ;
– JUGER que le contrat de location radio conclu entre Monsieur [I] et la société G7 constitue un contrat de travail ;
En conséquence,
– CONDAMNER la société G7 à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes :
Rappel de salaires du 22 décembre 2014 au 21 décembre 2017 ………… 53.289,72 € ;
– Congés payés afférents …………………………………………………………………. 5.328,97 € ;
– Remboursement des redevances radio de juillet 2016 à décembre 2017 4.888,00 € ;
– Indemnité légale de licenciement …………………………………………………… 4.060,72 € ;
– Indemnité compensatrice de préavis ………………………………………………. 2.960,54 € ;
– Congés payés afférents …………………………………………………………………. 296,05 € ;
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .. 14.802,70 € ;
– Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé …………………………………….. 8.881,62 € ;
– Article 700 du Code de Procédure Civile ………………………………………… 3.000,00 €.
– ORDONNER à la société G7 de remettre à Monsieur [I] les bulletins de paie conformes à l’arrêt à intervenir, et cela sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir ;
– SE RESERVER le droit de liquider l’astreinte ;
– CONDAMNER la société G7 aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution ;
En tout état de cause,
– DEBOUTER la société G7 de sa demande tendant à la condamnation de Monsieur [I] à lui restituer les sommes qu’il a encaissées du chef des courses effectuées par l’intermédiaire de la société G7.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société G7 demande à la cour de :
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nanterre le 31 janvier 2022, et par voie de conséquence :
– Juger que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont entendu donner à leurs conventions, mais dépend uniquement des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité du travailleur ;
– Juger que le lien de subordination se caractérise par l’existence d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des directives et des ordres renouvelés pendant toute la relation de travail, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, les manquements du subordonné ;
– Juger que les clauses litigieuses des dispositions contractuelles unissant la société G7 au chauffeur de taxi ne sont que la conséquence des obligations pesant sur la société G7, tant à l’égard du client que du chauffeur ;
– Juger ainsi que le contrat d’affiliation au Central de Radio G7 conclu avec la société G7 ne présente aucune des caractéristiques d’un contrat de travail salarié ;
– En conséquence, se déclarer incompétente au profit du Tribunal Judiciaire de Nanterre ;
Subsidiairement, pour le cas où la Cour ferait droit en tout ou en partie aux demandes de l’appelant :
– Juger que la rémunération de Monsieur [K] [I] devenu salarié s’entend du seul paiement d’un salaire ;
– Juger en conséquence que la société G7 est fondée à solliciter la restitution intégrale par le demandeur des sommes qu’il a encaissées du chef des courses qu’il a effectuées par l’intermédiaire de cette société ;
– Condamner, en conséquence, Monsieur [K] [I] à payer à G7 la somme de 107 389, 41 euros, laquelle se compensera de plein droit avec toutes sommes que la Cour d’appel de céans déciderait de mettre à la charge de la société G7, à quelque titre que ce soit.
– Condamner Monsieur [K] [I] aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles le syndicat professionnel des centraux radio de taxi de [Localité 5] et Région Parisienne demande à la cour de :
– juger le Syndicat des Centraux Radio recevable en son intervention volontaire,
– confirmer les jugements en date du 31 janvier 2022 en toutes leurs dispositions,
– se déclarer incompétente au profit du Tribunal Judiciaire de Nanterre en disant n’y avoir lieu à requalification des contrats de location en contrats de travail,
– juger que toute éventuelle requalification du contrat de location devra entrainer de plein droit la restitution à la société G7 du produit intégral des courses de taxi procurées aux chauffeurs par l’intermédiaire de celle-ci et dont ceux-ci ont encaissé et perçu le prix,
– juger, à cet égard, que les chauffeurs ne sauraient conserver le produit desdites courses, dès lors que pour les mêmes périodes, ils percevront un salaire comme conducteurs de taxi salariés pour cette période,
– condamner les appelants aux entiers dépens.
A titre liminaire, la cour fait observer qu’elle n’a pas été saisie dans le cadre d’un appel-compétence, mais de l’appel de la question de fond tenant à l’existence ou non d’un contrat de travail, et de l’ensemble des conséquences d’une éventuelle requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, dont dépend in fine la compétence ou non du conseil de prud’hommes saisi par M. [I].
Sur la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail
M. [I] expose que le lien de subordination est établi par l’existence de directives de la société G7, de la signalétique apposée sur le véhicule, par le pouvoir de la société de contrôler son activité, de le sanctionner, en cas d’inobservation de la Charte, par le retrait de points qualité, et, en cas d’épuisement du capital de points qualité, par la résiliation du contrat de location du matériel. Il ajoute qu’il existe un contrôle direct par la société G7, à tout moment, du respect par le chauffeur de la qualité de sa prestation, que le chauffeur n’a pas le choix libre de ses clients.
La société G7 objecte qu’elle effectue une simple prestation de mise en relation du chauffeur avec un client, avec lequel le chauffeur conclut ensuite un contrat de transport, qu’elle ne sanctionne pas le chauffeur mais veille uniquement à ce que les engagements auxquels le chauffeur a souscrit dans le cadre du contrat de location d’un poste émetteur receveur avec la société G7 soient respectés vis-à-vis de ses propres clients, qui font appel à ses services en appelant sur son central, que le chauffeur accepte librement les courses qui lui sont proposées, et n’est pas dans une dépendance économique vis-à-vis de la société G7, puisqu’il peut développer une clientèle propre, distincte de celle apportée par la société G7, dans le cadre d’initiative personnelle et de la « maraude », le recours au central G7 ne lui apportant qu’un complément de clientèle. Elle ajoute qu’aucun tarif n’est imposé au chauffeur dès lors que ces tarifs sont fixés par décret, et que le chauffeur ne reçoit aucune directive dans le cadre de l’exécution de la prestation qu’il délivre au client qu’il accepte de conduire. Elle soutient que si la requalification devait être prononcée, il y aurait lieu de faire droit à sa demande de restitution des sommes perçues au titre des courses effectuées par son intermédiaire, le principe d’une telle restitution étant acquis en l’état du rejet non spécialement motivé du pourvoi formé contre un arrêt de la cour d’appel de Versailles (RG 16/03338) qui a condamné un chauffeur (M. [S]) à restituer le prix de ses courses à la société G7. Elle ajoute que l’appelant passe sous silence l’arrêt récemment rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 avril 2022 (n° B 20-14.870), au visa de l’article L. 8221-6 du code du travail qui retient la présomption de non-salariat, dans une espèce comparable à celle objet du présent litige.
Le syndicat expose qu’il convient de bien faire la distinction entre le chauffeur de taxi et le livreur ou le chauffeur de VTC, lequel ne peut exercer sans une réservation préalable via une application. Il ajoute que les articles L. 7342-1 à 11 du code du travail (et non du code des transports) ne s’appliquent pas à la société G7 qui est une centrale de réservation au sens de l’article L. 3121-1 du code des transports, qui ne détermine pas les caractéristiques de la prestation, ne fixe pas le prix de la course.
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Selon l’article L. 3121-1 du code des transports, dans sa version applicable au litige, en vigueur depuis le 03 octobre 2014, prévoit que « Les taxis sont des véhicules automobiles comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, munis d’équipements spéciaux et d’un terminal de paiement électronique, et dont le propriétaire ou l’exploitant est titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de la clientèle, afin d’effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages. »
L’article L. 3121-1-1 du même code, dans sa version en vigueur du 03 octobre 2014 au 21 mai 2023, précise que « l’autorité administrative compétente pour délivrer les autorisations de stationnement mentionnées à l’article L. 3121-1 peut fixer des signes distinctifs communs à l’ensemble des taxis, notamment une couleur unique de ces véhicules automobiles. »
Ainsi, seule l’acquisition d’une autorisation de stationnement confère au chauffeur de taxi ce droit dans une zone d’activité géographique délimitée à l’échelle d’une liste de communes rattachées à l’ADS et telle que fixée par l’autorité préfectorale, et, en contrepartie de ce droit de « maraude », les chauffeurs de taxis sont soumis réglementairement à plusieurs contraintes, notamment à la réglementation du prix de la course qu’ils effectuent pour un client embarqué sur la voie publique ou sur réservation, ce prix étant fixé de manière réglementaire et ne pouvant résulter que du compteur horokilométrique obligatoire, qui assure également une limitation de son activité professionnelle en nombre d’heures de conduite journalière.
En cas de manquement à ces obligations professionnelles, le chauffeur de taxi peut faire l’objet de poursuites engagées par l’autorité administrative, qui peuvent aboutir au retrait de l’autorisation de stationnement dont dispose le chauffeur de taxi en infraction.
Par ailleurs, la société G7 est une centrale de réservation au sens de l’article L. 3141-1 du code des transports, c’est-à-dire une société qui met en relation des conducteurs ou des entreprises de transport et des passagers pour la réalisation de déplacements.
L’article L.3141-2 du même code prévoit les obligations de la centrale :
« I.-Le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 s’assure que tout conducteur qui réalise un déplacement mentionné au premier alinéa du même article L. 3141-1 dispose des documents suivants :
1° Le permis de conduire requis pour la conduite du véhicule utilisé ;
2° Un justificatif de l’assurance du véhicule utilisé ;
3° Un justificatif de l’assurance de responsabilité civile requise pour l’activité pratiquée ;
4° Le cas échéant, la carte professionnelle requise pour l’activité pratiquée.
II.-Le professionnel mentionné audit article L. 3141-1 s’assure que l’entreprise dont le conducteur relève dispose d’un justificatif de l’assurance de responsabilité civile professionnelle et, le cas échéant, du certificat d’inscription au registre mentionné à l’article L. 1421-1 ou du certificat d’inscription au registre mentionné à l’article L. 3122-3.
III.-Lorsque la mise en relation a pour objet un déplacement réalisé en voiture de transport avec chauffeur, le professionnel mentionné à l’article L. 3141-1 s’assure que le véhicule utilisé répond aux conditions techniques et de confort mentionnées à l’article L. 3122-4.
A titre liminaire, la cour relève que M. [I] n’invoque pas, à l’appui de sa demande de requalification du contrat d’affiliation G7 en contrat de travail avec cette société, les dispositions dont les intimés indiquent à juste titre qu’elles ne sont pas applicables à la société G7, en ce qu’elle ne détermine pas les caractéristiques de la prestation et n’en fixe pas le prix, figurant aux articles suivants :
– l’article L. 7341-1 du code du travail, issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, « le présent titre [Titre IV : Travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique (Articles L7341-1 à L7345-12)] est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts. »
– L’article L. 7342-1 issu de ce la loi du 8 août 2016, qui, dans sa version en vigueur du 10 août 2016 au 27 décembre 2019, prévoit que « Lorsque la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix, elle a, à l’égard des travailleurs concernés, une responsabilité sociale qui s’exerce dans les conditions prévues au présent chapitre. »
L’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. (cf. Soc., 13 avril 2022, pourvoi n° 20-14.870, publié, arrêt « Le Cab » ; Soc., 13 septembre 2023, pourvoi n° 22-10.950, diffusé).
Ces indices sont variés et peuvent résulter :
– de l’insertion du travailleur dans un organigramme, l’usage de papier à lettres et de cartes de visite à l’entête de la société (Soc., 14 février 2018, n 16-15.640)
– du fait que le travailleur exerce une activité exclusive pour le donneur d’ordre, que cette exclusivité soit contractuelle ou factuelle (Soc., 10 décembre 2002, n° 00-44.646 ; Soc., 8 octobre 2020, n° 19-16.606)
– de la fixation unilatérale du prix des services par le donneur d’ordre (Soc. 10 décembre 2002, n° 00-44.646 ; Soc. 2 juillet 2003, n° 01-43.018 ; Civ. 2e, 20 mai 2010, n° 08-21.817 ; Soc. 16 novembre 2016, n 15-26.354 ; Civ. 2e, 26 novembre 2020, n 19-24.303 ; 8 octobre 2020, n° 19-16.606)
– du fait que le travailleur n’assume aucun risque économique (Civ. 2e, 13 décembre 2005, n° 04-18.104 ; 26 novembre 2020, n°19-24.303) ;
– de l’utilisation du matériel et du personnel du donneur d’ordre pour la réalisation de la prestation (Soc. 4 octobre 2007, n° 06-43.562 ; 6 octobre 2010, n° 09-43.296 ; Civ. 2e, 20 mai 2010, n° 08-21.817 ; 7 juillet 2016, n° 15-16.110 ; Soc., 26 septembre 2016, n 15-10.111 ; Soc. 6 novembre 2019, n° 18-14.290),
– de l’absence de clientèle propre du travailleur ou l’interdiction de choisir ses clients (Soc. 6 octobre 2010, n° 09-43.296 ; Civ. 2e, 20 mai 2010, n° 08-21.817 ; Soc. 12 janvier 2011, n° 09-66.982 ; Civ. 2e, 7 juillet 2016, n° 15-16.110 ; 26 novembre 2020, n° 19-24.303).
N’exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination le particulier qui accepte, par l’intermédiaire d’une plate-forme numérique gérée par une société, d’exécuter des missions telles que décrites précédemment dès lors qu’il est libre d’abandonner en cours d’exécution les missions proposées, qu’il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l’exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l’exécution de ses directives et d’en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l’objet d’une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d’exécution non conforme (Avis de la Chambre sociale, 5 avril 2022, n°20-81.775, affaire Click and Walk).
Au cas présent, la cour relève d’abord qu’il n’est pas établi ni invoqué par les intimés que l’appelant a la qualité d’auto-entrepreneur de sorte qu’il lui appartiendrait de renverser la présomption de non-salariat édictée par l’article L. 8221-6 du code du travail.
Toutefois, à défaut de contrat de travail apparent, il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’apporter la preuve du lien de subordination constitutif de l’existence d’un contrat de travail, cette charge de la preuve reposant donc en l’espèce sur l’appelant.
A ce titre l’appelant fait valoir qu’aux termes de l’article IV de son contrat de location radio (pièce 1 de la société G7), il devait respecter les prescriptions prévues par le règlement intérieur de la G7 c’est-à-dire les conditions générales, la Charte Qualité, la procédure et le barème d’évaluation qualité ces documents formant le contrat d’affiliation G7 ; il n’invoque ainsi que les éléments figurant dans les conditions générales et la Charte Qualité du contrat d’affiliation G7 dans leur version en vigueur le 1er septembre 2018 (pièce 4 de l’appelant), dont il n’est pas contesté, nonobstant l’absence de signature de ce document par les parties, qu’elles s’appliquaient à la relation contractuelle, ces éléments caractérisant selon lui :
– le pouvoir de la société G7 de lui donner de nombreuses directives dans l’exercice de son activité de chauffeur de taxi, tenant à l’obligation :
de faire apparaître sur son véhicule la signalétique associée à la marque G7 (article III du contrat de location radio),
d’assurer la promotion de la marque G7, en mettant à disposition des clients dans son véhicule toute publicité concernant les différents services proposés par la G7 et en faisant ses meilleurs efforts pour participer activement à toutes campagnes de communication mises en ‘uvre par la G7 (article 3.2 des conditions générales),
d’observer un comportement commercial et courtois vis-à-vis de la clientèle, en réservant un accueil aimable et souriant à ses passagers et en faisant preuve de réserve et de discrétion (Article 1 de la Charte Qualité G7) ;
de répondre immédiatement aux attentes du client : allumer ou couper le volume de l’autoradio, baisser ou remonter les vitres à la convenance des passagers, assurer spontanément le service des bagages ordinaires inférieurs à 15 kilos (Article 1 de la Charte Qualité G7) ;
d’adopter une présentation soignée et porter une tenue vestimentaire de ville propre et sans signe ostentatoire particulier, à savoir une chemise, un pantalon de ville, des chaussures de ville en cuir et fermées, et des chaussettes (Article 3 de la Charte Qualité G7) ;
de disposer d’un véhicule de couleur noire (noir mât interdit) en parfait état de marche, propre et bien entretenu (Article 4 de la Charte Qualité G7) ;
d’accepter sans discrimination toute offre de course envoyée par la G7 dès lors qu’elle correspond à sa zone d’inscription, en proposant spontanément un délai si nécessaire (Article 6 de la Charte Qualité G7) ;
de respecter les délais d’approche convenus avec le central radio de la G7 et veiller lors de chaque course d’approche à aérer son véhicule (Article 7 de la Charte Qualité G7) ;
de, une fois arrivé à l’adresse de prise en charge, attendre le client en respectant les consignes affichées sur le terminal ou transmises par le central radio de la G7 (adresse précise, point de rencontre, s’annoncer, etc.) (Article 8 de la Charte Qualité G7) ;
d’assurer une conduite souple, apaisée et confortable durant toute la course (Article 9 de la Charte Qualité G7) ;
de déposer son client à l’adresse exacte de destination et, au besoin, aider le client à sortir du véhicule (Article 9 de la Charte Qualité G7) ;
d’accepter de la part des clients transportés tout mode de règlement agréé par la G7 (chèque-taxi, relevé chauffeur, carte bancaire, etc.) (Article 11 de la Charte Qualité G7 ; article 4 du contrat de location).
L’exécution de tâches supplémentaires au titre de son affiliation au « Service plus » de la société G7 destinés à ses abonnés, lui imposant de disposer d’un véhicule de gamme et de qualité supérieurs.
– le pouvoir de la G7 de contrôler l’activité de M. [I] et de le sanctionner se traduisant par les éléments suivants :
la mise en place d’un système d’« Évaluation Qualité », consistant à évaluer les prestations délivrées par le chauffeur et à sanctionner ce dernier en cas de manquements aux directives édictées par la Charte Qualité G7 (pièce n°4, page 12), fonctionnant de la manière suivante :
– le chauffeur débute automatiquement avec un capital de 20 points ;
– les retraits de points éventuels sont effectifs pendant un an lorsqu’il s’agit de retraits de moins de 10 points et pendant deux ans lorsqu’il s’agit de retraits de 10 points ou plus ;
– lorsque le capital atteint 10 points ou moins, le chauffeur est convoqué par la G7 afin de faire le point et de prendre les dispositions utiles pour améliorer la situation ;
– lorsque le capital de points est épuisé, le contrat de location radio est résilié immédiatement sans mise en demeure préalable du chauffeur ;
– les retraits de points varient selon la nature des anomalies constatées ou des fautes commises par le chauffeur dans l’exercice de ses fonctions, en application d’un barème d’évaluation Qualité,
le constat des anomalies ou des fautes commises par le chauffeur dans l’exercice de ses fonctions (pièce n°4, page 12) au moyen de préposés de la G7 qui effectuent des vérifications sur le terrain, des téléconseillers du centre de relations clients de la G7 sous le contrôle d’un responsable d’équipe, des réclamations téléphoniques ou écrites de la clientèle auprès de la G7, et des données enregistrées par le système informatique de la G7 concernant le dispatching des courses, les messages de service et les données de localisation échangés entre le terminal radio embarqué dans le véhicule du chauffeur et l’ordinateur central de la G7,
l’existence d’un système de géolocalisation de son véhicule qui permet, une fois le chauffeur connecté au central radio de la G7, le suivi en temps réel par la société de la position du taxi et de l’exécution de la course, ainsi que la comptabilisation du nombre total de courses et du prix payé par les clients grâce au terminal de paiement embarqué,
– l’impossibilité de choisir librement ses clients caractérisée par le fait que :
une fois connecté au central radio de la G7 via son poste radio installé dans son véhicule, il était obligé d’accepter toute course envoyée par la G7 se situant dans sa zone de stationnement (pièce n°4 page 10), sous peine d’être sanctionné d’un retrait de 5 points de son capital points Qualité (pièce n°4, page 13), voire d’une résiliation immédiate de son contrat de location radio en cas d’épuisement de ses points Qualité (pièce n°4, page 8),
devant apposer distinctement sur son véhicule de taxi le logo de la G7 (pièce n°8), il n’avait pas la maîtrise totale de son outil de travail pour éventuellement transporter d’autres clients que ceux envoyés par le central radio de la G7.
Toutefois, la cour relève d’abord qu’il ressort des articles 1, 2, 4.2 et 6.2 des conditions générales du contrat d’affiliation que l’apposition de la signalétique associée à la marque G7, nécessaire au repérage par le client du véhicule destiné à assurer sa prestation de transport, qui est la seule propriété du chauffeur, et la mise à disposition dans son véhicule de publicités concernant les différents services proposés par la société G7, constituent la contrepartie, pour le chauffeur, « du droit conféré au chauffeur affilié d’utiliser la marque G7 », notamment auprès de sa propre clientèle.
A ce titre, le Préambule rappelle « le chauffeur de taxi, signataire du présent contrat, est titulaire du certificat de capacité professionnelle conforme à la réglementation et dispose d’un véhicule automobile (‘) lui permettant d’exercer son activité de manière indépendante et à titre principal par la prise en charge des passagers sur la voie publique ou dans les stations réservées aux taxis. En complément de cette activité principale qu’il continuera d’exercer, le signataire (‘) a souhaité s’affilier au réseau G7 constituant une chaîne volontaire afin de pouvoir bénéficier des services qui lui sont fournis par la société G7 sous la marque G7 ».
Il résulte de ces dispositions contractuelles que le chauffeur n’exerce pas une activité exclusive pour le donneur d’ordre et l’existence d’une dépendance économique n’est pas alléguée par M. [C], laquelle, en tout état de cause, ne suffit pas à elle seule à caractériser l’existence d’un lien de subordination.
L’article 1 des conditions générales précise que « afin de permettre au chauffeur de bénéficier de la notoriété et de la réputation et des services associés de la marque G7, la société G7 lui consent le droit d’utilisation de ladite marque G7, à charge pour le chauffeur de se conformer aux normes de qualité associées à la marque G7 ».
Il en résulte que les obligations contractuelles figurant aux conditions générales et à la Charte, que l’appelant qualifie de « directives » ne constituent, en réalité, que des contreparties, pour le chauffeur signataire, de la possibilité de bénéficier de la marque G7 dans l’exercice de son activité de chauffeur qu’il continue d’exercer à titre principal de manière indépendante, ainsi que le stipule le Préambule précité.
Pour le reste, notamment le fait que le véhicule utilisé réponde aux conditions techniques et de confort mentionnées à l’article L. 3122-4, il s’agit seulement de la retranscription par la société G7, dans les conditions générales, des obligations légales édictées par le code des transports dans ses dispositions précitées.
L’exigence d’une « conduite souple, apaisée et confortable durant toute la course », la « dépose du client dans un endroit inadapté », etc’, sont, en tout état de cause, inhérents à l’activité de tout chauffeur de taxi à l’égard de sa clientèle, que celle-ci soit issue du central radio G7 ou de sa clientèle propre, de sorte que l’existence de retrait de points en cas de non-respect de ces règles ne saurait constituer un indice de subordination dans le cadre d’un travail au sein d’un service organisé.
Par ailleurs, l’allégation selon laquelle M. [I] était chauffeur affilié à l’abonnement G7 « Service Plus », et devait à ce titre effectuer des tâches supplémentaires pour les abonnés à ce service (cf sa pièce n°7 constituée d’un extrait d’une page du site internet G7 en date du 20 juin 2019) est dépourvue d’offre de preuve, la mention d’une affiliation au « Service plus » ne ressortant pas des pièces contractuelles produites. Au surplus, l’affiliation au « service plus » n’a pas été imposée par la société à M. [I] lequel a librement choisi cette affiliation et donc les sujétions qu’elles lui imposaient.
La cour relève ensuite que le chauffeur reste libre de refuser de réaliser le transport d’un client G7, c’est à dire la prestation de travail elle-même, en fonction de sa propre appréciation de la situation du trafic, en gardant une complète autonomie sur les critères de son choix d’accepter ou de refuser une course, et cela sans qu’un refus ou une non-réponse de sa part, même à une fréquence mensuelle importante (supérieure ou égal à 50 % du nombre de courses acceptées ‘ cf p.13 de la Charte), ne mettent fin, à eux seuls, au contrat d’affiliation au central radio G7.
En effet, l’article 6- Acceptation des courses (p. 10 de la Charte) prévoit que : « il pourra refuser l’offre de course dès lors que l’éloignement ou les conditions de circulation ne lui permettent pas de se rendre à l’adresse correspondante dans un délai raisonnable » et « qu’afin d’éviter un retard de traitement dans la distribution des courses demandées par les clients (‘) en cas de non réponse du chauffeur à une offre de course dans sa zone d’inscription, son inscription sera annulée avec impossibilité de s’inscrire à nouveau pendant une minute ».
L’impossibilité pour le chauffeur de se connecter est ainsi d’une durée quasi nulle et n’a vocation, selon les termes mêmes de la Charte, qu’à garantir au client de la société G7 la possibilité d’être transporté sans retard de prise en charge, et non à sanctionner le chauffeur ne répondant pas à l’offre de course située dans son périmètre, dès lors qu’il est en mesure, dans la foulée presque immédiate de son refus, de se réinscrire pour une nouvelle course dans sa zone d’inscription.
L’article 7 des conditions générales indique que « le chauffeur affilié facture au client le montant de la course tel qu’apparaissant au compteur et encaisse directement le montant des courses de taxi qu’il effectue pour sa clientèle. » , la société G7 ne fixant pas elle-même le prix des courses, tarifés de façon réglementaire.
L’obligation d’accepter de la part des clients transportés tout mode de règlement agréé par la société G7 ne constitue que l’une des obligations réciproques constitutives de tout contrat synallagmatique, et l’une des modalités d’exécution dudit contrat, mais non l’indice de l’existence d’un lien de subordination du chauffeur vis-à-vis de la société G7 dans le cadre d’un travail au sein d’un service organisé.
L’existence d’un système de géolocalisation constitue quant à elle la condition inhérente, et la contrepartie, de la possibilité, pour le chauffeur, d’être contacté pour assurer une course dans sa zone d’inscription, l’indication, à l’article 21.5 des conditions générales, selon laquelle la société se réserve la possibilité de conserver les informations relatives à la géolocalisation n’étant quant à elle assorties d’aucune conséquence pour le chauffeur affilié.
Cette géolocalisation permet en outre l’effectivité de l’article 6.3 des conditions générales qui prévoit qu’en cas de « non charge » c’est-à-dire le cas où un client G7 ne se présente pas dans les cinq minutes après l’arrivée du chauffeur, la société G7 s’engage auprès du chauffeur à le faire bénéficier d’une priorité de proposition d’une prochaine course dans la zone correspondante, ce qui correspond à une contrepartie pour le chauffeur de cette course non effectuée et donc non payée.
Contrairement aux allégations de M. [I], il était libre de ne pas recourir aux services du central radio de la G7 et de transporter une clientèle personnelle rencontrée dans la rue ou en station, dès lors que l’article 1.1 des conditions générales prévoit que « ainsi équipé de ces matériels, le chauffeur affilié peut à sa convenance s’identifier et s’inscrire sur une zone afin de recevoir et prendre en charge des offres de courses diffusées par G7 ».
Ainsi, le chauffeur est non seulement libre de choisir ses horaires de travail ou choisir de ne pas travailler, mais conserve également, lorsqu’il exerce son activité, la liberté du travailleur indépendant au profit d’une clientèle qui lui est propre tout en assumant les risques de son entreprise.
L’absence de choix du client transporté à la suite d’une mise en relation par le central radio de la société G7, en tant que tel, n’est ainsi pas déterminant au regard du lien de subordination dès lors qu’en parallèle de la mise en relation par le central radio G7, le chauffeur conservait la possibilité, par la fidélisation de clients, de créer sa propre clientèle alors qu’à l’opposé, la société G7 ne fait pas le choix du client mais est simplement un intermédiaire entre le chauffeur et l’usager transporté par ce dernier.
Le chauffeur fournit sa prestation non à la société G7 mais au client transporté, qui règle la course directement au chauffeur qui la réalise, et non la société G7, qui n’est que l’intermédiaire entre le prestataire et le donneur de d’ordre qu’est le client. Il n’est pas contesté que ce dernier désigne seul au chauffeur son lieu de destination, le temps imparti pour l’atteindre, et le cas échéant, les itinéraires qu’il souhaite lui voir emprunter, la société G7 n’intervenant nullement dans ces ordres et directives.
Par ailleurs, il apparaît que le chauffeur est libre d’abandonner en cours d’exécution la course proposée par la société G7, seul l’abandon « injustifié » entraînant un retrait de 2 points qualité, dont la cour relève ici que le capital de points est reconstituable (en un an en cas de retrait de points inférieurs à dix et en deux ans en cas de retrait de plus de dix points).
Il résulte de l’ensemble de ces constatations que la société G7 n’adressait pas au chauffeur de directives ou d’ordres quant aux modalités d’exécution de la course qu’il avait choisie de réaliser, mais exprimait de façon collective, dans le seul cadre des conditions générales du contrat d’affiliation et en aucune façon adressée de manière individualisée à M. [I] dans le cadre de telle ou telle course acceptée, des modalités de réalisation de la course effectuée par le chauffeur dans le cadre de son offre de course au central radio de la société G7.
Ainsi le chauffeur était libre d’abandonner en cours d’exécution la course proposée, ne recevait aucune instruction ou consigne lors de son exécution, la société ne disposant pas, pendant l’exécution de la course, du pouvoir de contrôler l’exécution de ses directives et d’en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des courses réalisées pour des clients G7 est l’objet d’une vérification par la société qui peut procéder au retrait de points qualité en cas d’exécution non conforme.
En outre la cour relève qu’il ne ressort d’aucune des clauses des conditions générales l’existence d’un système d’évaluation direct par les clients, qui peuvent seulement formuler des réclamations auprès de la société G7 sur la qualité de la prestation fournie par le chauffeur affilié.
La possibilité pour la société G7 de retirer des « points de qualité » en cas de non réalisation par le chauffeur de la course conformément aux conditions générales du contrat d’affiliation, et en cas de solde négatif de points qualité de procéder à la résiliation du contrat d’affiliation, notamment à la suite de réclamations de clients G7, ne saurait s’analyser en une sanction d’un employeur vis à vis de son salarié, mais en l’application d’une pénalité telle qu’elle existe dans tout contrat de prestations (de services comme de travaux), contrat de franchise ou même marché public, lorsque le co-contractant est défaillant dans l’exécution des prestations dont il a accepté les délais et conditions de réalisation.
Par ailleurs, en droit du travail, si certaines conventions collectives prévoient que le salarié ne peut, par exemple, être licencié qu’après deux avertissements, les salariés ne disposent pas d’un nombre de points à leur crédit au début de la relation contractuelle qui leur permettraient, dans la limite de ce nombre de points, dont au surplus le capital serait reconstituable, de manquer à leurs obligations contractuelles sans encourir l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire.
En l’espèce, M. [I] n’établit d’ailleurs pas que le contrat d’affiliation ait été résilié du fait de l’épuisement de son solde de points, la société G7 ayant en revanche fait usage de son droit de résiliation unilatérale prévu au contrat d’affiliation.
De même, il n’est pas contesté que le chauffeur disposait d’un droit réciproque de résiliation du contrat d’affiliation, figurant à l’article 17.2 des conditions générales prévoyant que « le chauffeur affilié peut cependant décider à tout moment et sans motif de mettre fin au contrat radio sans préavis par LRAR ou en se présentant dans les locaux de la société G7 pour procéder au démontage du matériel », un tel droit de résiliation unilatérale, sans délai ni motif ni formalités, n’existant pas en droit du travail au bénéfice du salarié comme de l’employeur.
Dès lors, l’existence d’une charte Qualité et d’un nombre de points qualité dont le retrait total est de nature à entraîner la résiliation du contrat d’affiliation ne peut s’analyser en un pouvoir de sanction, étant ici rappelé que l’existence d’un pouvoir de sanction et de contrôle n’est pas suffisant, à lui seul, à caractériser l’existence d’un lien de subordination, en l’absence de directives et ordres donnés par la société au chauffeur dans l’exécution des courses réalisées, dont il convient de rappeler que la société G7 ne fixait pas le prix, déterminé par voie réglementaire.
Enfin, la société G7 établit que l’appelant a perçu, au titre du prix des courses réalisées par l’intermédiaire de sa centrale, la somme totale de 107 389,41 euros du 13 décembre 2014 au 12 décembre 2017, soit en moyenne un revenu mensuel brut de 2 983 euros, que l’appelant a dû déclarer au titre des revenus perçus dans le cadre de son activité principale de chauffeur de taxi, ce montant n’étant pas contesté par l’intéressé.
Ce montant permet de retenir que l’activité effectuée dans le cadre des courses de taxi réalisées par l’intermédiaire du central radio G7, selon le tarif réglementé en vigueur, lui assurait un revenu net mensuel complémentaire à son activité principale, ne démontrant pas une dépendance économique vis-à-vis de la société G7.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que M. [I] échoue à établir l’exercice d’un travail pour la société G7 au sein d’un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par cette société, et le plaçant dans un lien de subordination juridique à l’égard de cette société.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement sauf en ce qu’il dit et juge le tribunal judiciaire de Nanterre compétent en matière de litige entre les parties contractantes, en application de l’article L. 7342-10 du code du travail, qui n’est pas applicable au litige, la société G7 n’étant pas une plateforme au sens de ces dispositions, mais une centrale de réservation au sens de l’article L. 3141-1 du code des transports, de sorte que le tribunal de commerce de Nanterre est compétent en matière de litige entre l’appelant et la société G7.
Sur la demande reconventionnelle de la société G7 en restitution du prix des courses
Compte tenu de l’issue du litige, cette demande de la société, qui est subsidiaire, est dès lors sans objet.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens d’appel sont à la charge de M. [I], partie succombante.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il dit et juge le tribunal judiciaire de Nanterre compétent en matière de litige entre les parties contractantes,
Statuant à nouveau de ce seul chef infirmé, et y ajoutant,
DIT que le tribunal de commerce de Nanterre est compétent en matière de litige entre la société G7 et M. [I],
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [I] aux dépens d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président