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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 09 MARS 2023
N° 2023/
MS
Rôle N° 20/06121
N° Portalis DBVB-V-B7E-BF7Y4
[Z] [R] DIT [G]
C/
Association [3]
Copie exécutoire délivrée
le : 9/03/23
à :
– Me Jocelyne ROCHE, avocat au barreau de TOULON
– Me Diane DUBRUEL-MOTTE, avocat au barreau de LILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 10 Mars 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00959.
APPELANT
Monsieur [Z] [R] DIT [G], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jocelyne ROCHE, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Association [3], sise [Adresse 1]
représentée par Me Diane DUBRUEL-MOTTE, avocat au barreau de LILLE substituée par Me Alexis FLAMENT, avocat au barreau de LILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [Z] [R] dit [R] [S] a été engagé par l’association Edhec entre 2001et 2014, en qualité de chargé de cours par une succession de contrats à durée déterminée à temps partiel, à raison de deux contrats par année, soit 22 contrats à durée déterminée sur13 années .
Son dernier contrat à durée déterminée est arrivé à échéance le 5 mai 2014.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’enseignement, écoles supérieures d’ingénieurs et de cadres- FESIC du 5 décembre 2006.
Le 29 juillet 2016, M. [Z] [R] dit [G] a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir principalement, la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée et la condamnation subséquente de l’association Edhec au paiement de diverses sommes à titre de rappel de rémunérations diverses, et aux fins d’indemnisation de la rupture du contrat de travail, s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au dernier état de la procédure, il demandait à bénéficier du statut de cadre à compter du premier contrat à durée déterminée, et sollicitait la reconnaissance d’une rupture d’égalité dans la rémunération horaire des professeurs de l’établissement, outre de manquements de l’employeur à ses obligations, notamment en matière d’organisation des visites médicales obligatoires.
Subsidiairement, il formait une demande de requalification des contrats à durée déterminée à temps partiel en contrats à durée déterminée à temps complet et d’indemnisation de pertes de salaires et avantages divers subséquents.
Par jugement rendu le 10 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Nice, après avoir prononcé la radiation de l’instance, a déclaré l’action de M. [Z] [R] dit [G] prescrite et l’a condamné aux dépens ainsi qu’à payer à l’association Edhec une somme de 300€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il a débouté l’association Edhec de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
M. [Z] [R] dit [G] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
Par ordonnance du 14 avril 2022, le conseiller de mise en état a rejeté les demandes de l’association Edhec tendant à voir prononcer la péremption de l’instance et à déclarer irrecevables comme prescrites la demande de requalification des contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée , la demande de reconnaissance du statut de cadre, la demande de dommages-intérêts afférente aux visites médicales, la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 décembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2022, M.[R] [S] appelant demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel, d’infirmer le jugement, de débouter l’intimé de son appel incident, et, statuant à nouveau de:
1/ Juger que l’action en requalification, des CDD en CDI, introduite à l’encontre de l’Edhec le 29 juillet 2016, n’était pas prescrite ;
2/ Requalifier les 22 contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
En conséquence,
Juger le licenciement de [Z] [G] sans cause réelle et sérieuse ;
Juger que le salaire de référence de l’appelant est de 975,00 €;
Condamner l’association Edhec à payer à M. [Z] [G] :
‘ l’indemnité de requalification: 1 500€
‘ l’indemnité pour non-respect de la procédure légale: 2 500€
‘ l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse :5 850 €
‘ des dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire: 3 250 €
‘ l’indemnité de licenciement conventionnelle :2 506 €
‘ l’indemnité compensatrice de préavis de deux mois 1 950 €
‘ l’indemnité compensatrice de congés payés: 250 €
‘ dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct:13 000 €
3/ Constater que l’article R1452-7 (version en vigueur du 01 mai 2008 au 01 août 2016) est applicable en l’espèce, la saisine du CPH ayant eu lieu le 29 juillet 2016 ; subsidiairement, en tant que de besoin, que les demandes relatives à la discrimination salariale horaire ne sont pas
nouvelles en appel en application de l’article 565 du code de procédure civil.
4/ Constater la discrimination salariale horaire pour des enseignements identiques et la rupture du principe d’égalité de rémunération horaire des enseignements ;
Pour ce faire,
Ordonner, sous astreinte, la production, par l’Edhec :
‘ des syllabus de chacun des 5 cours concernés et le nom des enseignants en ayant la charge
‘ des 13 contrats de travail de l’année 2013-2014 pour les enseignants cités ci-dessus
‘ des 13 « Mercati » des années 2001-2002 à 2013-2014 ;
En conséquence,
Condamner l’association Edhec à payer à [Z] [G] des dommages et intérêts en réparation intégrale du préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée, soit la somme de :330 070€.
5/ Requalifier le statut de chargé de cours, catégorie 4.B, en statut cadre, niveau F, à compter
du 1 er CDD conclu pour l’année 2001-2002 ;
En conséquence,
Condamner l’association Edhec à :
‘ rectifier les bulletins de paie au vu de l’application du statut de cadre ;
‘ remettre les bulletins de paie rectifiés sous 15 jours à compter du jugement à intervenir, au-delà sous astreinte journalière de 100 € ;
‘ payer les cotisations aux caisses de cadres correspondantes sur la base des bulletins de paie rectifiés ;
‘ Justifier du versement des cotisations aux caisses de cadres sous 30 jours à compter du jugement à intervenir, à défaut, sous astreinte journalière de 100 € ;
6/ Constater que M. [Z] [R] dit [G] a effectué des heures complémentaires
En conséquence,
Condamner l’association Edhec à :
‘ régulariser les bulletins de paie ;
‘ remettre les bulletins de paie rectifiés sous 15 jours à compter du jugement à intervenir, à
défaut, sous astreinte journalière de 100 € ;
Condamner l’association Edhec à payer à [Z] [R] [S] :
‘ les heures complémentaires effectuées soit la somme : Huit Mille Huit Cent Trente Cinq
euros et Trente Trois cents (8 835,33 €) majorées de l’intérêt légal ayant couru depuis la
date de saisine du conseil des prud’hommes de Nice soit le 02/10/2019.
‘ l’indemnité compensatrice de congés payés sur ces heures complémentaires, soit : Huit Cent
Quatre Vingt Trois euros et Cinquante Trois cents (883,53 €) ;
‘ le rappel de salaire sur participation au jury des concours PASS, soit Mille Cinquante euros
(1 050,00 €) ;
‘ l’indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire, soit : Cent Cinq euros
(105,00 €) ;
7/ Constater que l’association Edhec n’a pas satisfait à son obligation légale de fond relative aux 22 visites médicales d’embauche
En conséquence,
Condamner l’association Edhec à réparer le préjudice pour les 3 années non prescrites (soit 6
CDD) par le versement de dommages et intérêts, soit : Neuf Cents euros (900,00 €).
8/ Constater l’absence de faute caractérisée dans l’usage, par l’appelant, du droit fondamental
d’ester en justice ;
En conséquence,
Débouter l’association Edhec de sa demande incidente de ce chef.
En tout état de cause,
o Débouter l’association Edhec de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus
amples ou contraires,
o Condamner l’association Edhec à majorer les condamnations prononcées à son encontre de l’intérêt légal qui commencera à courir à compter de la signification de la décision à intervenir.
o Condamner l’association Edhec au paiement de la somme de cinq Mille euros (5.000,00 €) sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance distrait au profit de Me J. Roche sur son affirmation de droit en application des articles 695 et 696 du Code de procédure civile,
o Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.
L’appelant après avoir rappelé que l’exception de péremption de l’instance soulevée par l’intimé a déjà été rejetée par le conseiller de mise en état, fait essentiellement valoir que :
Sur l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée:
– cette action se prescrit par deux ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ; en l’espèce, alors que les contrats à durée déterminée lui ont toujours été adressés au mois de septembre ou octobre 2014, il n’a reçu aucune réponse malgré ses cinq demandes réitérées formées jusqu’au 12 janvier 2015, de sorte que le délai de prescription expirait au plus tôt le 12 janvier 2017 d’où il suit que son action introduite le 26 juillet 2016 n’est pas prescrite,
– le conseil de prud’hommes n’a pas examiné ses demandes de paiement d’un rappel de salaire , d’octroi du statut de cadre, de discrimination salariale, d’indemnisation de l’absence de visites médicales alors qu’elles n’étaient pas soumises au même délai de prescription,
-au fond, la requalification s’impose dès lors que :
1°/ les trois conditions prescrites pour au recours systématique au contrat à durée déterminée d’usage ne sont pas remplies: (1)l’employeur ,ne démontre pas que pour l’emploi concerné, il était d’usage de ne pas recourir à un tel contrat, même en cas de détermination par accord collectif de la liste des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat à durée déterminée d’usage, (2)l’employeur n’est pas dispensé de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissement le caractère par nature temporaire de l’emploi, (3) en tant que professeur vacataire, il avait une activité toujours calquée sur le même rythme, enseignait toujours les mêmes matières pour une durée d’intervention non limitée à 240h incluant diverses activités parallèles de correction de copies participation aux examens suivi d’une liste d’élèves en ayant une qualification équivalente à celle des professeurs permanents et un horaire de travail plus important, tous éléments traduisant le caractère permanent de l’emploi occupé; il en découle que son embauche en contrat à durée déterminée avait pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise,
2°/ l’absence d’énonciation précise du motif du recours au contrat à durée indéterminée dans les 22 contrats signés caractérise le contrat à durée indéterminée,
-la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée entraîne de facto la classification du salarié dans la catégorie cadre de niveau F,
Sur la rupture du contrat de travail:
-elle se manifeste par l’absence de réception de son nouveau contrat pour le premier semestre de l’année scolaire 2014/2015,
– cette rupture sans qu’ait été respectée la procédure de licenciement s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit aux indemnités de rupture et à des dommages-intérêts tant pour licenciement injustifié qu’irrégulier, ainsi qu’à des dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct découlant pour lui de la rupture brutale de son contrat de travail ,
– le salaire de référence doit être calculé sur une période de paye n’incluant pas le mois de juin 2014, il s’élève à 975 € par mois,
Sur la discrimination salariale:
– l’action en discrimination salariale se prescrit par 5 ans, elle est recevable, la révélation de cette discrimination dans toute sa nature et son ampleur marquant le point de départ du délai de prescription,
– il a été victime d’une discrimination salariale par rapport aux enseignants permanents, cette discrimination consistant en une inégalité de rémunération de l’heure d’enseignement :
* la demande n’est pas nouvelle en cause d’appel, au sens de l’article 566 du code de procédure civile, s’agissant d’une demande accessoire à sa demande principale, et dès lors que que, si le décret n°2016-660 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a abrogé les règles, spécifiques à la matière prud’homale, de l’unicité de l’instance, permettant de présenter des demandes nouvelles en cause d’appel, cette abrogation n’a d’effet que pour les instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016,
* alors qu’il assurait le même enseignement et la correction d’un nombre de copies avec un nombre de cours deux fois supérieur, en participant à la rédaction commune des sujets d’examen, en ayant une ancienneté doublée d’une expérience de treize années et surtout la responsabilité durant 5 ans , à lui seul, notamment du Bachelor 3 « Les Entreprises en difficulté » il était moins bien rémunéré que Mme [T] entrée le 2 septembre 2002 et que M. [J] le 9 novembre 2006 ; le Mercato 2014 démontre en effet, que le coût horaire des deux seules enseignantes permanentes est de 237 € au lieu de 87€ alors qu’ils assurent le même enseignement ; il n’existe entre les trois enseignants aucune différence de situation en raison des travaux de recherche publiés
* il s’agit d’une inégalité de rémunération entre femmes et hommes qui s’analyse en une discrimination fondée sur le sexe, et il appartient à l’association Edhec de démontrer que la différence de rémunération repose sur des éléments objectifs à toute discrimination, le fait invoqué par l’employeur qu’il existe une présomption jurisprudentielle de justification de cette inégalité , attachée aux conventions collectives ne saurait s’appliquer,
*il subit un préjudice constitué d’une perte de salaire, d’une perte de droits à la retraite du fait du différentiel de revenus non versés, d’une perte de prime d’intéressement et d’une perte de chance d’abondement de l’employeur à hauteur de 5000€,
* il sera fait injonction à l’employeur de produire un certain nombre d’éléments en sa possession.
Sur les autres demandes afférentes à l’exécution du contrat de travail:
– les demandes de rappel de salaire au titre des heures complémentaires de correction et de participation aux concours Pass accomplies et non rémunérées sont soumises à la prescription quinquennale; ces demandes à les supposer soumises à la prescription triennale, sont recevables,
– il subit un « préjudice renouvelé 22 fois» pour n’avoir été soumis à aucune visite médicale.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 décembre 2022 , l’association Edhec intimée, formant appel incident demande à la cour de
‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la prescription, l’exception d’irrecevabilité et débouté M. [Z] [R] dit [G] de toutes ses demandes, et l’a condamné au paiement de 300 euros au titre de l’article 700 cpc,
En tout état de cause :
‘ Déclarer prescrite la demande de requalification des CDD en CDI,
‘ Déclarer prescrite la demande de statut cadre,
‘ Déclarer prescrite la demande de dommages-intérêts afférentes aux visites médicales,
‘ Constater, dire et juger que la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est infondée,
‘ Constater, dire et juger que la demande de rappels de salaires au titre d’une prétendue discrimination est infondée
‘ Constater, dire et juger que la demande de dommages et intérêts au titre d’une prétendue discrimination est infondée
‘ Constater, dire et juger que la demande de rappels de salaires au titre de prétendues heures complémentaires est infondée
‘ Constater, dire et juger que la demande de statut cadre est infondée
‘ Constater, dire et juger que la requalification des contrats à temps partiel en contrat à temps plein est infondée,
‘ Constater, dire et juger que les demandes de rappel de salaire sont infondées,
Par conséquent,
‘ Débouter M. [Z] [R] dit [G] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre incident,
‘ Condamner M. [Z] [R] dit [G] à payer à l’association Edhec
o 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
o 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
‘ Condamner M. [Z] [R] dit [G] aux entiers frais et dépens de la présente instance.
L’intimé répond que,
Sur la recevabilité de l’action:
-le délai de prescription de l’action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu’en revanche en cas d’action fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée , c’est le terme du contrat qui constitue le point de départ pertinent ou, en cas de succession de contrat à durée déterminée, le terme du dernier contrat ;
-le défaut de réception par M. [Z] [R] dit [G] d’un nouveau contrat à durée déterminée en septembre 2014, n’est pas un fait générateur permettant d’exercer une action contentieuse ;
– l’action est en conséquence prescrite dès lors que le dernier contrat arrivait à échéance le 5 mai 2014, que le délai de prescription expirait le 5 mai 2016 et que M. [Z] [R] dit [G] a saisi la juridiction prud’homale le 29 juillet 2016 ;
– par voie de conséquence, les demandes indemnitaires qui en sont l’accessoire sont prescrites,
– les demandes de reconnaissance du statut de cadre, d’allocation de dommages-intérêts pour défaut de visites médicales, sont irrecevables comme prescrites,
Sur l’action en requalification des contrats à durée déterminée:
– la conclusion de contrats à durée déterminée entre les parties est expressément prévue par la convention collective,
– il s’agit d’un usage constant dans la profession de l’enseignement lequel dispense d’indiquer le motif du recours dans le contrat,
– l’activité d’enseignement n’est pas une activité continue, et plusieurs mois séparent chaque période d’enseignement, qui sont des périodes d’inactivité, chaque fraction d’année scolaire est inférieure à 23 semaines consécutives, le nombre d’heures d’enseignement est pour chaque période très inférieur à 240 heures,
– les modalités de gestion du corps des professeurs permanents sont différentes,
– M. [Z] [R] dit [G] exerçait une activité indépendante en parallèle et a toujours considéré qu’il était vacataire,
Sur la discrimination salariale:
– cette demande tend à l’octroi de dommages-intérêts et non plus un rappel de salaire pour inégalité de traitement, comme formée en première instance, et ce afin de contourner les règles de la prescription triennale des salaires; en conséquence, elle est irrecevable comme nouvelle en cause d’appel,
– les accords collectifs bénéficient d’une présomption d’absence de discrimination, en l’espèce, l’article 20 alinéa 1er de la convention collective dispose que : « En raison de la spécificité de l’emploi des chargés d’enseignement, le calcul de la rémunération s’appuie sur des principes différents de ceux retenus pour les enseignants permanents. »,
– M. [Z] [R] dit [G] ne peut pas se comparer aux deux professeurs permanents qu’il cite,
– le document mercato qu’il présente est dénué de valeur probante alors qu’il incombe au salarié et non à l’employeur de soumettre des éléments de fait au soutien de sa demande
Sur les autres demandes afférentes à l’exécution du contrat de travail:
– les heures complémentaires effectuées pour la correction de copies ou la dispense de cours ont toutes été payées au taux de 58 € et elles figurent sur les bulletins de paie les contrats à durée déterminée conformément aux articles 18 et 20 de la convention collective relatifs aux attributions et rémunération des chargés d’enseignement-non permanents,
– la participation aux jurys et aux réunions pédagogiques fait l’objet d’une rémunération selon un taux horaire spécifique de 70 €,
– l’appelant ne peut prétendre au statut de cadre prévue par les dispositions de l’raticle 21 de la ccn dont il ne remplis pas les quatre critères cumulatifs et notamment celui d’une charge de travail dans l’établissement correspondant au minimum à 350 heures de face-à-face,
– l’appelant abandonne sa demande subsidiaire de requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein, de lus la répartition des horaires de travail et le planning horaire figure bien sur les plannings affichés dans l’établissement, de sorte que le salarié ne se trouvait pas à disposition permanente de son employeur,
– le salaire de référence de M. [Z] [R] dit [G] sur les trois derniers mois est de 661€,
Sur la rupture du contrat de travail:
– la rupture du contrat de travail est intervenue à l’échéance du dernier contrat à durée déterminée,
– le salarié sollicite le versement de dommages-intérêts sans justifier de la réalité ni de l’étendue de son préjudice, dont la réparation n’est plus automatique,
– il ne peut prétendre à des dommages-intérêts pour procédure irrégulière lesquels ne se cumulent pas avec des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure
1- Sur la demande formée par l’appelant de rejet des écritures tardives de l’intimé
Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Selon l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
En vertu de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
En l’espèce, l’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 décembre 2022.
L’appelant, le 9 décembre 2022, a notifié de nouvelles conclusions et de nouvelles pièces.
Compte tenu de la proximité de cette transmission avec le prononcé de la clôture de l’instruction dont les parties ont été avisées par le greffe le 29 aôut 2022, il convient de considérer que la notification par l’intimé de conclusions et de deux pièces, en réplique à cette transmission, intervenue le 26 décembre 2022, soit avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, n’est pas tardive
En conséquence, la demande de rejet des écritures n’est pas fondée.
2- Sur la péremption de l’instance
L’article 907 du code de procédure civile relatif aux pouvoirs du conseiller de la mise en état renvoie aux articles 780 à 807 du même code.
L’article 794 du code de procédure civile dispose que « les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789 ».
Conformément au I de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, les présentes dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020 et sont applicables aux instances en cours à cette date.
Selon l’article 389 du même code, la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir .
Il résulte de ces dispositions que la péremption ayant la nature d’un incident qui met fin à l’instance, la décision du conseiller de la mise en état emporte le dessaisissement de la cour des éléments sur lesquels il a été statué lors de la mise en état.
Dès lors, la péremption de l’instance n’est pas acquise comme l’a retenu le conseiller de mise en état dans sa décision du 14 avril 2022 rappelant que les dispositions de l’article R.1452-8 du du code du travail s’appliquent à la présente instance, introduite devant le conseil de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016, soit le 29 juillet 2016.
Sur le fond
Les articles 18 à 20 de la Convention collective nationale de l’enseignement, écoles supérieures d’ingénieurs et de cadres- FESIC du 5 décembre 2006 applicable à la relation contractuelle sont relatifs aux attributions et rémunération des chargés d’enseignement-non permanents:
Article 18 :
Le chargé d’enseignement-intervenant non permanent, contrairement à l’enseignant permanent visé à l’article 17 ci-dessus, effectue à l’intérieur de l’établissement une activité pédagogique limitée aux seuls actes pédagogiques interactifs, tels que définis à l’article 17.3.1. et correspondant au temps passé en face à face, devant un auditoire d’étudiants, d’apprentis, de stagiaires, promotion entière ou sous-ensemble.
Ces interventions pourront, le cas échéant, être assurées par toute autre forme d’enseignement à caractère interactif, tel que multimédia, enseignement à distance, etc.
De ce fait, le chargé d’enseignement ne participe pas à l’activité dénommée « vie de l’établissement » du titre II, article 17.3.2, et aux activités qui incombent aux enseignants permanents, et notamment la recherche, la participation aux études-conseil, l’international, la promotion et le recrutement des élèves.
Le chargé d’enseignement-intervenant non permanent doit assurer en outre la transmission des connaissances, l’exposé et la résolution des exercices proposés, les réponses aux interrogations des étudiants et l’évaluation des connaissances effectuée hors API.
Dans le cadre de l’évaluation des connaissances, le chargé d’enseignement-intervenant non permanent est amené notamment à procéder à la correction des copies. La transmission des résultats et des documents concernant les évaluations est faite à l’établissement dans le respect des délais qui lui auront été communiqués.
La préparation de l’API, y compris les mises à jour et l’articulation des connaissances dispensées, celle des exercices et des interrogations, ainsi que l’évaluation des connaissances effectuée hors API, ne constituent pas du temps de travail effectif. La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (art. L. 3121-1 du code du travail).
Toutefois, le chargé d’enseignement pourra être amené à accomplir des interventions au-delà des heures d’API au titre notamment de la participation aux réunions de coordination pédagogique, jurys et réunions pédagogiques liés à son enseignement. Ce temps de travail sera considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel.
La présence du chargé d’enseignement au sein de l’établissement ne pourra être requise que pour l’exécution de l’API et pour les réunions visées ci-dessus.
Toutes autres missions non définies au présent article pourront être convenues d’un commun accord entre les parties ; un avenant au contrat de travail sera établi à cet effet dans le respect des dispositions légales et conventionnelles.
Article 19. 3. 1. Contrat de travail à durée déterminée:
Conformément aux usages dans la profession et aux dispositions légales en vigueur visées aux articles L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail, des contrats à durée déterminée peuvent être conclus notamment :
– dès lors qu’il s’agit d’actions d’enseignement limitées dans le temps, requérant l’intervention de chargés d’enseignement dont les qualifications ne sont pas normalement mises en oeuvre de manière continue ;
– pour une période correspondant à une fraction d’année scolaire inférieure à 23 semaines consécutives, hors périodes de vacances scolaires, et pour une durée d’intervention limitée à 240 heures API-TD non répétées ;
– pour la création de cours supplémentaires liés à un surcroît passager d’effectif ;
– pour des enseignements optionnels ou de nouveaux cours qui ne sont pas encore habilités par les instances d’évaluation externes ou internes.
Ce dernier cas correspond notamment à la situation où un établissement teste un nouvel enseignement durant 1 ou 2 années académiques à l’issue desquelles cet enseignement peut être supprimé.
Dans ce cas, il sera possible de recourir au contrat à durée déterminée afin d’assurer la continuité de l’enseignement au bénéfice des élèves concernés, éventuellement jusqu’à la dernière année du cursus ou des cursus engagés pour cet enseignement.
Article 20
Rémunération
En raison de la spécificité de l’emploi des chargés d’enseignement, le calcul de la rémunération s’appuie sur des principes différents de ceux retenus pour les enseignants permanents.
La rémunération du chargé d’enseignement sera établie sur la base d’un taux horaire de référence, déterminé d’un commun accord entre les parties et qui ne pourra pas être inférieur aux minima conventionnels.
Ce taux horaire sera appliqué au nombre d’heures de face à face prévu au contrat de travail ou dans le dernier avenant.
La préparation de l’API, y compris les mises à jour et l’articulation des connaissances dispensées, celles des exercices et des interrogations et l’évaluation des connaissances, bien que ne constituant pas du temps de travail effectif, est incluse dans le taux horaire de référence appliqué aux heures de face à face.
Le taux horaire, lorsque le cours n’est pas répété, est appliqué par référence à la forme pédagogique utilisée, à savoir, cours magistral, interactif, travaux dirigés, travaux pratiques.
La participation aux jurys et aux réunions pédagogiques auxquels le chargé d’enseignement-intervenant non permanent pourra être convoqué fait l’objet d’une rémunération selon un taux horaire spécifique.
Il appartient à chaque employeur d’identifier le taux horaire à appliquer au nombre d’heures de face à face pédagogique. Ce taux horaire d’intervention ne peut être inférieur, pour chaque type d’intervention (cours magistral, cours interactif, TD, TP, jury et réunion pédagogique), au minimum conventionnel figurant en annexe II B.
Un chargé d’enseignement-intervenant non permanent peut assurer des enseignements relevant de types d’interventions différents et donc se voir appliquer différents taux horaires.
Deux catégories d’enseignement doivent être distinguées :
– enseignement donné dans une des disciplines correspondant au coeur de métier de l’établissement (sciences de l’ingénieur dans une école d’ingénieurs, sciences de gestion dans une école de commerce et de gestion) ;
– enseignement donné dans une discipline complémentaire ne correspondant pas au coeur de métier de l’établissement (langues, sport, communication, culture générale, etc.).
Les grilles fixant les minima conventionnels des taux horaires de référence par type d’intervention feront l’objet d’une négociation annuelle en CPN. Ces minima incluent les congés payés.
Article 21
Statut
Du fait de leur implication limitée dans la vie de l’établissement, les chargés d’enseignement-intervenants du titre III n’ont par principe pas le statut de cadre. Cependant, sans que cela ne puisse remettre en cause la distinction de la convention collective entre le titre II et le titre III, qui définit deux catégories distinctes de salariés, le statut de cadre est attribué à un chargé d’enseignement-intervenant du titre III dès lors qu’il satisfait aux quatre critères cumulatifs ci-dessous :
1° La possession nécessaire d’un diplôme ou d’un titre de niveau minimum de type M1 ou expérience professionnelle équivalente pour exercer son enseignement ;
2° Une expérience d’enseignement d’au minimum 3 années scolaires complètes dans l’établissement ;
3° Une charge de travail dans l’établissement correspondant au minimum à 350 heures de face-à-face ;
4° L’initiative et la liberté d’agir et de faire définies par un niveau de compétences reconnu soit en pédagogie, soit dans la matière enseignée, qui lui permette d’avoir la possibilité d’adapter le programme de son enseignement.
1- Sur l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
1-1 Sur la prescription de l’action
Selon l’article L1471-1, alinéa 1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
M. [Z] [R] dit [G] fait valoir que pour la rentrée 2014-2015, semestre 1 et semestre 2, il n’a reçu aucun contrat, sans réponse, ni explication de l’association Edhec malgré ses demandes réitérées, formées en dernier lieu, par courrier du 12 janvier 2015, alors que durant toute la période contractuelle, soit entre 2001 et 2013, ses contrats lui étaient habituellement envoyés en septembre ou octobre de l’année ( pièce n° 3). Le délai de prescription de l’action en requalification expirant donc selon lui le 12 janvier 2017, son action introduite le 29 juillet 2016 ne serait pas prescrite.
Cependant, le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification court à compter du contrat, ( Soc 23 novembre 2022).
En cas d’action fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, et dans l’hypothèse d’une succession de contrats à durée déterminée, c’est le terme du dernier contrat qui constitue le point de départ du délai de prescription.
En l’espèce, le terme du dernier contrat est le 5 mai 2014.
Le point de départ du délai de prescription, se situe à cette date. Il ne se situe pas à la date à laquelle le salarié s’attendait à recevoir son prochain contrat à durée déterminée, soit en septembre 2014 et au plus tard en janvier 2015, date de sa dernière réclamation.
M. [Z] [R] dit [G] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 29 juillet 2016, il disposait d’un délai jusqu’au 5 mai 2016 pour le faire, d’où il suit que son action est prescrite.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il constate la prescription de l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
1-2- Sur l’irrecevabilité des demandes subséquentes à la demande de requalification
La demande de condamnation de l’association Edhec à payer à M. [Z] [G] une indemnité de requalification, qui est l’accessoire de la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est, par voie de conséquence, irrecevable.
S’agissant de la demande de M. [Z] [R] dit [G] de reconnaissance du statut de cadre, cette demande étant l’accessoire de la demande de requalification des contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée , elle se trouve prescrite par voie de conséquence et est donc irrecevable.
Selon l’article L1471-1 du code du travail, en sa version applicable au litige: Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
En l’espèce, en application de ce texte, la demande d’indemnisation du préjudice découlant du défaut de visite médicale d’embauche est également irrecevable comme prescrite.
2- Sur la demande au titre de la discrimination salariale
2-1- Sur la recevabilité de la demande
Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l’article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel , demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016. L’abrogation du principe de l’unicité de l’instance ne vaut que pour les instances postérieures à cette date.
En conséquence, la présente instance ayant été introduite le 29 juillet 201, la demande au titre de la discrimination salariale est recevable.
2-2- Sur le bien-fondé de la demande
Selon l’article L.1132-1 du code du travail, ‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.’
Et aux termes de l’article L.1134-1 du code du travail, ‘Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’
Il résulte de ces dispositions qu’il n’appartient pas au salarié d’établir la discrimination dont il se plaint, mais seulement de présenter des faits laissant supposer qu’elle existe, à charge alors pour l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination propres à justifier ses décisions.
L’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.
En l’espèce, M. [Z] [R] dit [G] demande de constater l’existence au sein de l’établissement Edhec d’une discrimination salariale horaire entre les enseignants permanents et vacataires pour des enseignements identiques ainsi que la rupture du principe d’égalité de rémunération horaire des enseignements.
Il présente les éléments de fait suivants:
-alors qu’il assurait le même enseignement et la correction d’un nombre de copies avec un nombre de cours deux fois supérieur, en participant à la rédaction commune des sujets d’examen, en ayant une ancienneté doublée d’une expérience de treize années et surtout la responsabilité durant 5 ans , à lui seul, notamment du Bachelor 3 « Les Entreprises en difficulté » il était moins bien rémunéré que Mme [T] entrée le 2 septembre 2002 et que M. [J] le 9 novembre 2006 ;
-le Mercato 2014 démontre en effet, que le coût horaire des deux seules enseignantes permanentes est de 237 € au lieu de 87€ alors qu’ils assurent le même enseignement ; et qu’ il n’existe entre les trois enseignants aucune différence de situation notamment en raison des travaux de recherche publiés,
– il s’agit d’une inégalité de rémunération entre femmes et hommes qui s’analyse en une discrimination fondée sur le sexe,
– il appartient donc à l’association Edhec de démontrer que la différence de rémunération repose sur des éléments objectifs à toute discrimination,
– le fait, invoqué par l’employeur, qu’il existerait une présomption jurisprudentielle ‘de justification de cette inégalité’ attachée à la convention collective ne saurait s’appliquer.
Sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction ni la production sous astreinte par l’association Edhec de documents en sa possession , il convient de considérer que M. [Z] [R] dit [G] présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.
Cependant, c’est justement et sans contradiction opérante que l’association Edhec y réplique en faisant valoir:
-que les accords collectifs bénéficient d’une présomption d’absence de discrimination, et qu’ en l’espèce, les dispositions de la convention collective ci-dessus rappelées posent le principe qu’ en raison de la spécificité de l’emploi des chargés d’enseignement, le calcul de la rémunération s’appuie sur des principes différents de ceux retenus pour les enseignants permanents.
-que le statut de M. [Z] [R] dit [G] est spécifique et différent de celui des professeurs permanents,
– que contrairement à ce qu’affirme l’appelant, le taux journalier ( et non horaire) des enseignants était de 188,12 € pour un professeur permanent coordinateur de filière avec une ancienneté de 12 ans travaillant 206 jours par an, et de 197,03 € pour un professeur permanent avec une ancienneté de 22 ans travaillant 165 jours par an, alors que le taux horaire de M. [Z] [R] dit [G] était de 58€,
-que ceci s’explique notamment par le fait que l’activité d’enseignement de M. [Z] [R] dit [G] n’est pas une activité continue en ce que: plusieurs mois séparent chaque période d’enseignement, qui sont des périodes d’inactivité, chaque fraction d’année scolaire est inférieure à 23 semaines consécutives, et le nombre d’heures d’enseignement est sauf exception, pour chaque période inférieur à 240 heures,
– que Mesdames [T] et [J] ont un taux journalier respectivement de 230 € et de 300€, que ces deux professeurs permanents, ne sont pas dans une situation identique à celle de M. [Z] [R] dit [G]; que celà découle notamment de leurs expérience et de leur responsabilité respective de responsable de cours ou de département et de recherche ainsi que de l’examen de leur CV faisant apparaître diverses publications et leur activité.
Ces justifications sont convaincantes, l’association Edhec apporte des éléments objectifs étrangers à toute discrimination propres à justifier ses décisions.
La cour écartera en conséquence la qualification de discrimination alléguée par l’appelant dont les demandes indemnitaires sur ce fondement seront rejetées.
3- Sur la demande en paiement d’un rappel de salaire
3-1- Sur la prescription de l’action
Selon l’article L3245-1 du code du travail:
L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La rupture du contrat est intervenue en l’espèce le 5 mai 2014, M. [Z] [R] dit [G] ayant introduit son action le 29 juillet 2016, il est recevable à réclamer un rappel de salaire au titre des heures complémentaires réalisées et non rémunérées depuis la date du 5 mai 2011.
3-2-sur le bien-fondé de la demande
Il appartient à l’employeur de prouver le paiement du salaire qu’il invoque, notamment par la production de pièces comptables.
La remise de bulletins de salaire ne dispense pas l’employeur de faire la preuve qu’il a effectivement payé les salaires correspondants.
1°- sur la demande au titre de la correction des copies
La convention collective applicable, en son article 18 dispose:
« Le chargé d’enseignement-intervenant non permanent doit assurer en outre la transmission des connaissances, l’exposé et la résolution des exercices proposés, les réponses aux interrogations des étudiants et l’évaluation des connaissances effectuée hors API (temps passé en face à face avec les étudiants).
Dans le cadre de l’évaluation des connaissances, le chargé d’enseignement-intervenant non
permanent est amené notamment à procéder à la correction des copies. »
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
En l’espèce, a produit au soutien de sa demande en pièce n° 38 un décompte des heures complémentaires de correction, ainsi que les listes des élèves qui lui ont été confiés en 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014, avec les notes obtenues par les élèves à la suite de ses corrections, celle-ci étant manuscrite, soit 839 copies d’examen outre 75 copies de rattrapage, toutes années et toutes promotions confondues.
Il chiffre le montant du rappel de salaire, à raison de 6 copies par heures, à la somme de 8 835,33€ 152 heures et 20 minutes de correction au taux horaire de 58,00 €, outre la somme de 883,53€ à titre de congés payés y afférents.
L’association Edhec à qui il incombe de justifier des horaires effectivement réalisées par M. [Z] [R] dit [G] ne satisfait pas à l’offre probatoire.
Ni la circonstance que le salarié dispose d’une large autonomie, ni la tardiveté de sa réclamation ne sont de nature à empêcher l’employeur de répondre à la demande précise du salarié
L’employeur n’apporte aucun justificatif des horaires de travail effectivement réalisés.
En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera infirmée en ce qu’elle a débouté M. [Z] [R] dit [G] de sa demande en paiement d’heures complémentaires et, faisant droit à la demande, la cour condamne l’association Edhec à lui payer les sommes sus visées.
2°- = sur la demande au titre de la participation aux concours Pass
Le temps de travail consacré à la participation au jury de concours est selon l’article art. 18, §7 de la convention collective considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel:
Toutefois, le chargé d’enseignement pourra être amené à accomplir des interventions au-delà des heures d’API au titre notamment de la participation aux réunions de coordination pédagogique, jurys et réunions pédagogiques liés à son enseignement. Ce temps de travail sera considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel.
En rémunérant de temps de travail par le versement de sommes forfaitaires d’un montant de 70 €, l’association Edhec n’a pas fait une application exacte de ces dispositions, d’où il suit que l’association Edhec sera condamnée à payer à M. [Z] [R] dit [G] à titre de rappel de salaire la somme ci-dessus réclamée, que l’association Edhec ne justifie pas avoir payée, par voie d’infirmation du jugement déféré.
Les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La cour ordonne à l’association Edhec de remettre un bulletin de salaire conforme à la présente décision.
Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
4-Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
La requalification des contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’étant pas prononcée par la cour la rupture de la relation contractuellet intervenue à l’échéance du terme du dernier contrat à durée déterminée, le 5 mai 2014, ne peut s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, M. [Z] [R] dit [G] doit être débouté de ses demandes en paiement :
-d’une indemnité pour non-respect de la procédure légale
-d’ une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
-de dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire
-d’une indemnité de licenciement conventionnelle
-d’une indemnité compensatrice de préavis de deux mois 1 950 € et les congés payés y afférents 195€
-de dommages-intérêts pour préjudice distinct.
5-Sur la demande indemnitaire au titre du caractère abusif de la procédure,
L’appel étant pour partie fondé, aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de M. [Z] [R] dit [G] . La demande formée par l’intimée en paiement d’une indemnité pour abus procédure abusive doit être rejetée.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, l’association Edhec sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Constate que le conseiller de mise en état a définitivement rejeté l’exception de péremption de l’instance
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il juge l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée prescrite et en ce qu’il déboute M. [Z] [R] dit [G] de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes,
Le confirme en ce qu’il déboute l’association Edhec de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Déclare prescrites les demandes de M. [Z] [R] dit [G] en reconnaissance du statut cadre, et aux fins d’indemnisation du préjudice découlant du défaut de visites médicales,
Déboute M. [Z] [R] dit [G] de ses demandes tendant à voir condamner l’association Edhec à lui payer :
-une indemnité pour non-respect de la procédure légale
-une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
-des dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire:
-une indemnité de licenciement conventionnelle
-une indemnité compensatrice de préavis de deux mois
-une indemnité compensatrice de congés payés
– des dommages-intérêts pour préjudice distinct
Déclare recevable l’action de M. [Z] [R] dit [G] fondée sur une discrimination salariale,
Au fond, la déclare non-fondé et le déboute de sa demande tendant à voir condamner l’association Edhec à lui payer des dommages et intérêts de ce chef,
Condamne l’association Edhec à payer à [Z] [R] [S] :
‘ 8 835,33 € au titre des heures complémentaires effectuées et 883,53 € à titre de congés payés y afférents,
‘ 1 050,00 € à titre de rappel de salaire sur participation au jury des concours Pass, et 105 € de congés payés y afférents,
Dit que ces créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne à l’association Edhec de remettre à M. [Z] [R] dit [G] un bulletin de salaire, rectifié conforme au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Déboute l’association Edhec de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne l’association Edhec aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître J. Roche sur son affirmation de droit,
Condamne l’association Edhec à payer à M. [Z] [R] dit [G] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute l’association Edhec de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT