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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 9 juin 2022 à
la SELARL CM&B ‘COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET-DRUJONT ET ASSOCIES
Me Philippe PREVEL
– AD –
ARRÊT du : 9 JUIN 2022
MINUTE N° : – 22
N° RG 19/03617 – N° Portalis DBVN-V-B7D-GB3S
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 24 Octobre 2019 – Section : ACTIVITÉS DIVERSES
APPELANT :
Monsieur [Y] [J]
14 rue Eugène Pottier
37700 SAINT PIERRE DES CORPS
représenté par Me Nicolas SONNET de la SELARL CM&B ‘COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET-DRUJONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
Association ASSOCIATION LE RIRE MEDECIN
64/70 rue de Crimée
75019 PARIS
représentée par Me Philippe PREVEL, avocat au barreau de LILLE
Ordonnance de clôture : 1er mars 2022
Audience publique du 15 Mars 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 9 JUIN 2022 (délibéré initalement prévu le 24 Mai 2022), Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
L’association Le rire médecin a été fondée en 1991. Sa mission est de permettre aux enfants hospitalisés, souvent pour des pathologies graves, de mieux supporter les séjours en hôpital. Elle est présente dans 46 services pédiatriques en région parisienne et en province.
Elle recrute des comédiens, clowns professionnels, qui interviennent en duo afin d’offrir des spectacles aux enfants hospitalisés.
Elle applique la convention collective des entreprises artistiques et culturelles.
Elle a engagé M. [Y] [J], en qualité d’artiste dramatique, selon contrats à durée déterminée d’usage successifs.
Parallèlement, l’association Ecole internationale du rire médecin a engagé le salarié le 30 janvier 2017, selon contrats à durée déterminée d’usage successifs, afin d’assurer des formations aux clowns et aux internes en médecine.
Estimant que M. [J] portait un chapeau perruque de forme phallique, et donc inadapté au public concerné, l’association Le rire médecin a décidé courant avril 2017 de ne plus faire appel au salarié.
Il en a été de même pour l’association Ecole internationale du rire médecin, la présidente étant la même pour les deux associations.
Par requête reçue au greffe le 8 juin 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours de deux actions contre ces deux associations afin, s’agissant de l’instance dirigée contre l’association Le rire médecin, que :
-les contrats à durée déterminée soient requalifiés en contrat à durée indéterminée et que l’association Le rire médecin soit condamnée à lui payer les sommes de :
. 3000 € d’indemnité de requalification,
. 15’209,12 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3808,28 € d’indemnité de licenciement,
. 3808,28 € d’indemnité de préavis et 380,82 € de congés payés afférents,
. 43’724,11 € de rappel de salaires pour un temps plein d’avril 2014 au 4 avril 2017 et 4372,24 € de congés payés afférents,
. 3000 € ,au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
De son côté, l’association a conclu au débouté de toutes ces demandes et à la condamnation de M. [J] à lui régler :
. 2000 € sur le fondement de l’article 32’1 du code de procédure civile et
. 3000 € sur celui de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Tours a :
-requalifié les contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée,
-condamné l’association Le rire médecin à verser à M. [J] les sommes de :
. 300 € d’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
. 1500 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
. 570 € bruts d’indemnité de préavis et 57 € de congés payés afférents,
. 285 € d’indemnité de licenciement,
. 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonné la remise d’une attestation Pôle emploi, d’un certificat de travail et d’ un bulletin de salaire conforme au jugement et sous astreinte de 15 € par jour de retard et par document à compter du 15e jour de retard, après la notification du présent jugement, en se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,
-rappelé que l’exécution provisoire était de droit en matière de créances salariales et a fixé à 285 € la moyenne mensuelle brute prévue par l’article R 1454-28 du code du travail,
-débouté M. [J] du surplus de ses demandes,
-débouté l’association Le rire médecin de ses demandes reconventionnelles,
-condamné cette association aux entiers dépens et aux frais éventuels d’exécution et émoluments d’huissier, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Le 22 novembre 2019, M. [J] a interjeté appel de ce jugement, par voie électronique, au greffe de cette cour.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 21 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Y] [J], demande à la cour :
– L’infirmation du jugement attaqué sur les chefs de dispositif suivants :
-sur la condamnation de l’association à lui verser
. 300 € d’indemnité de requalification,
. 1500 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
. 570 € d’indemnité de préavis et 57 € de congés payés afférents,
. 285 € d’indemnité de licenciement,
. 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-sur le débouté de sa demande de requalification en contrat de travail à temps plein et de rappel des heures correspondantes,
-de statuer à nouveau sur les chefs infirmés, et de prononcer la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein et de dire et juger que la cessation brutale des relations de travail d’avril 2017 s’analyse en un licenciement abusif,
-de condamner l’association à lui payer les sommes de :
. 3000 € d’indemnité de requalification,
. 3808,28 € indemnité de préavis et 380,82 € de congés payés afférents,
. 3802,28 € d’indemnité de licenciement,
. 15’209,12 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
– ordonner la délivrance de l’ensemble des documents de rupture dûment complétés, sous astreinte de 100 € par jour de retard,
– débouté de toutes ses demandes l’employeur,
– de le condamner à lui payer une somme de 3000 € pour les frais engagés au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en première instance et en appel.
M. [J] rappelle que son embauche et son éviction se sont effectuées en toute illégalité, d’une part sans rédaction d’un contrat de travail obligatoire pour les contrats à durée déterminée et, d’autre part, sans la procédure protectrice du licenciement.
Sur sa demande de requalification des contrats en contrat à durée indéterminée à temps plein, il fait valoir que la prescription de la signature d’un contrat à durée déterminée par les parties présente le caractère d’une prescription d’ordre public, en sorte que son absence entraîne, de plein droit, la requalification en contrat à durée indéterminée.
L’absence d’indication de la durée exacte du travail convenue génère également la requalification en temps plein.
Il s’agit d’une présomption irréfragable qui ne peut être écartée par la preuve contraire.
Les conséquences de cette requalification s’étendent au salaire minimum qui a été porté de 1882,27 € à 1901,14 € comme précisé dans la convention collective, au montant de l’indemnité de requalification et à ceux de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Il insiste sur son préjudice matériel et moral, à la suite de cette brusque rupture qui l’a laissé très affecté.
Il a été contraint, par la suite, de se lancer dans la création d’une compagnie de théâtre qui n’est devenue rentable qu’après cinq ans de développement.
Enfin, il s’indigne que cette association ait pu solliciter une somme au titre d’une procédure abusive alors qu’elle-même a bafoué ses droits les plus élémentaires.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 21 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’association Le rire médecin, relevant appel incident, demande à la cour :
– la confirmation du jugement qui a débouté son adversaire d’une partie de ses demandes,
– le constat que les demandes antérieures au 8 juin 2016 sont prescrites,
– l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses propres demandes,
– le constat que M. [J] était lié par des contrats à durée déterminée à temps partiel,
– le débouté de toutes les demandes du salarié,
-en tout état de cause, la fixation à 289 € du salaire de référence ou, à titre subsidiaire à 472 €,
-à titre reconventionnel, la condamnation de M. [J] à lui payer 2000 € au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile et 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la prescription, et en raison des dispositions de l’article L. 1471-1 du code du travail alinéa premier, elle fait valoir que l’action est prescrite dans les deux ans de la saisine du conseil des prud’hommes pour la contestation du contrat de travail et dans les trois ans pour les salaires de la requalification à temps plein, selon l’article L3245-1 du code du travail.
Sur la requalification en contrat à durée indéterminée, elle remarque que le salarié ne lui a jamais demandé de lui remettre un contrat écrit, ni ne l’a mise en demeure à cet égard, en sorte qu’il ne saurait prétendre à la réparation du moindre préjudice, puisqu’en l’occurrence il tente de s’enrichir au détriment des enfants hospitalisés, alors qu’il dissimule, en outre, certaines pièces.
En fait, il a travaillé 55 jours d’avril 2016 à avril 2017 soit une moyenne de 4,5 jours par mois en sorte que son salaire doit être calculé sur la base de 25 % du SMIC, soit 289 € mensuels.
L’indemnité de préavis ne pouvait être supérieure à 289 € puisque pour moins de deux ans d’ancienneté ,elle ne dépasse pas un mois de salaires.
Il en est de même pour l’indemnité de requalification et pour les dommages-intérêts selon la formule nouvelle de l’article L. 1235-3 du code du travail.
Quant à l’indemnité de licenciement, comme le salarié a travaillé l’équivalent de moins de 10 mois depuis la période non prescrite postérieure au 8 juin 2016, il ne peut y prétendre sur le fondement de l’article 5-1-1 de la convention collective et de l’article L. 1234-9 alinéa premier du code du travail.
Sur la requalification en temps plein, elle rappelle qu’aux termes de l’article L. 3123-14 du code du travail, l’indication exacte des horaires quotidiens n’est pas exigée, l’essentiel étant que les périodes de travail soient déterminées et déterminables .
En fait, elle planifiait ses missions avec suffisamment de précision pour que M. [J] puisse exercer d’autres emplois, alors qu’il avait d’autres employeurs si bien qu’il ne pouvait être à la disposition permanente de l’association.
Sur les 12 derniers mois travaillés, du 7 avril 2016 au 6 avril 2017 alors qu’il était payé au SMIC, il a travaillé au total 55 jours ,ce qui représente une moyenne de 4,6 jours travaillés par mois soit 25 % de 218 jours par an. Comme le salaire de référence est le SMIC, il devrait être fixé à 25 % du SMIC, soit 289 € mensuels.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2022, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 15 mars suivant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La notification du jugement est intervenue le 28 octobre 2019, en sorte que l’appel principal de M. [J], régularisé le 22 novembre 2019, dans le délai légal d’un mois, s’avère recevable en la forme, comme l’appel incident de l’employeur, sur le fondement des dispositions de l’article 550 du code de procédure civile.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
L’article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans, à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
M. [Y] [J] a saisi le conseil de prud’hommes par requête enregistrée au greffe le 8 juin 2018.
Il soutient que l’association Le rire médecin a eu recours à des contrats à durée déterminée d’usage successifs pour pourvoir un emploi permanent.
Dès lors, le point de départ du délai de prescription est le terme du dernier contrat, soit le 6 avril 2017 (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n°’18-15.359, FS, P+B+I).
Il y a donc lieu d’écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Selon l’article L.1242-1 du code du travail, le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi (Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-23.176, Bull. 2014, V, n° 295 et Soc., 4 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.989, FR, P + B).
En l’espèce, l’association Le rire médecin ne produit aux débats aucun élément concret et précis de nature à établir que le salarié exerçait un emploi par nature temporaire.
Il y a donc lieu de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
A titre superfétatoire, l’article L. 1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
L’association Le rire médecin verse aux débats des contrats à durée déterminée conclus entre 2014 et 2017 revêtus de la seule signature de l’employeur.
Pour ce motif, la requalification est également encourue.
Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein
La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat (Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 19-16.183, FS, P).
Il en résulte que le salarié n’est pas fondé à solliciter la requalification de l’ensemble de la relation de travail en contrat de travail à temps complet. A cet égard, M. [Y] [J] ne forme aucune demande de requalification contrat par contrat. Il n’excipe d’aucune irrégularité d’un des contrats qu’il a signés au regard des dispositions du code du travail relatives au temps partiel.
Sa demande s’analyse par conséquent en une demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles.
M. [Y] [J] forme une demande de rappel de salaire au titre de la période comprise entre avril 2014 et 2017. Cette demande est recevable puisque le salarié a agi dans le respect du délai de prescription de l’article L. 3245-1 du code du travail.
Il convient de relever que M. [Y] [J] demande que sa rémunération mensuelle soit fixée conformément aux minima conventionnels applicable aux artistes dramatiques et chorégraphiques. Tous les contrats à durée déterminée versés aux débats et relatifs à la période objet de la demande prévoient une rémunération au cachet.
M. [Y] [J] ne verse pas aux débats les contrats conclus pendant la période litigieuse. Il ne produit pas non plus son planning de travail.
Il ne résulte ni des contrats et plannings produits par l’employeur, ni des déclarations et avis d’impôt sur le revenu produits par le salarié que M. [Y] [J] était tenu d’être à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles.
A cet égard, il sera relevé que M. [Y] [J] intervenait en qualité de comédien devant un public d’enfants malades. Ses interventions étaient nécessairement programmées à l’avance pour recueillir la convenance des services médicaux et celle des enfants hospitalisés, en fonction de leurs divers traitements, en sorte qu’il connaissait, en temps opportun, ses rythmes de travail et qu’il n’était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l’association, d’autant plus qu’il devait coordonner ses temps de travail avec ses autres employeurs, dont l’association Ecole internationale du Rire Médecin.
Les contrats de travail produits aux débats révèlent le caractère ponctuel des interventions de M. [Y] [J]. Ainsi, ses contrats prévoyaient le versement de 5 cachets en février 2017 et 5 cachets en mars 2017.
Faute pour lui de rapporter la preuve de ce qu’il avait à se ternir à disposition de l’employeur, le salarié est débouté de sa demande de rappel de salaire.
Sur les demandes pécuniaires de M. [Y] [J]
Le calcul de l’indemnité de requalification et des indemnités de rupture doit être effectué en prenant en compte les stipulations contractuelles de chacun des contrats entrant de la période de calcul et permettant, selon le mode de calcul déterminé par les dispositions légales applicables à chacune de ces indemnités, d’en fixer le montant (Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 19-16.183, FS, P et Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 20-10.141, FS, P).
Ainsi que le relève l’association Le rire médecin (conclusions, p. 3), M. [Y] [J] ne justifie d’engagements qu’à compter du 8 janvier 2013. Le terme du dernier contrat à durée déterminée est le 6 janvier 2017. Les indemnités de rupture doivent être calculées sur cette base.
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, aucun rappel de salaire n’est dû au titre des périodes interstitielles.
Sur l’indemnité de requalification
L’employeur doit être condamné à verser au salarié l’indemnité prévue à l’article L. 1245-2 du code du travail qui dispose que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié concernant la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il lui accorde une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de condamner l’association Le rire médecin à payer à M. [Y] [J] la somme de 1500 € net à titre d’indemnité de requalification.
Sur le bien-fondé de la rupture
Le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse (Soc., 20 octobre 2015, pourvoi n° 14-23.712, Bull. 2015, V, n° 197).
Dans un premier temps, l’association Le rire médecin a pris la décision de ne plus faire appel à M. [Y] [J] pendant la période comprise entre le 2 mai et le 30 septembre 2017.
Mme [I] [B], présidente de l’association, a adressé le courriel suivant au salarié le 26 avril 2017 :
« Cher [Y], comme je viens de te confirmer par téléphone ce jour et compte tenu de nos entretiens et de nos réunions, je t’ai demandé de prendre un break des interventions à l’hôpital et des réunions formations mensuelles avec le Rire Médecin du 2 mai au 30 septembre 2017, y compris les rencontres nationales de mai 2017.
L’équipe Tours Orléans est bien informée de ce processus. [C] va te contacter pour prendre rendez-vous début septembre avec moi et [T] pour faire le point. Je vais également contacter chaque comédien de l’équipe pour avoir leur avis. Ensuite en concertation avec [T], je prendrai ma décision.
Je te demande de donner tes disponibilités deux mois l’avance pour le cas ou tu reviendrais dès le 1er octobre 2017, sous réserve des entretiens de septembre. Je t’embrasse. [I] ».
Ensuite, dans un second temps, l’association Le rire médecin a pris la décision de ne plus faire travailler M. [Y] [J], ainsi qu’il ressort d’un courriel adressé le 27 septembre 2017 par Mme [B] :
« depuis un bon moment, il y a eu des tensions relationnelles et parfois artistiques dans l’équipe de Tours Orléans’ j’ai demandé à [Y] [J] le 21 décembre 2016 de faire un break de ses activités au Rire Médecin à partir du 2 mai 2017. J’ai accepté qu’il assure ses dates jusqu’au 30 avril 2017 et qu’il puisse faire quelques formations. Je lui ai dit que je prendrai ma décision quant à son retour ou non dans l’équipe en septembre 2017.
Entre-temps j’ai mis en place un processus assez long pour décider s’il revenait ou non dans l’équipe et pour lui donner un temps de réflexion sur son comportement :
-rendez-vous début septembre avec tous les membres de l’équipe,
-un entretien individuel avec [Y] le 8 septembre 2017 en présence de [U] [M] représentante des délégués du personnel,
-j’ai pris ma décision au début de la semaine du 11 septembre 2017,
-j’ai eu [Y] au téléphone pour lui annoncer qu’on ne le solliciterait plus pour intervenir à l’hôpital avec le Rire Médecin ni pour participer au projet Annonce.
sachez que ce n’était pas une décision facile à prendre. Je fais de mon mieux avec 26 ans d’expérience au Rire médecin afin de rester dans la bienveillance et être à l’écoute des uns et des autres. Je suis triste que nos démarches n’aient pas abouti à un happy end’ ».
Aucun de ces deux courriels n’énonce de motif précis et matériellement vérifiable de rupture. En tout état de cause, les pièces du dossier ne permettent pas d’établir les reproches faits par l’association Le rire médecin à M. [Y] [J].
Il s’ensuit que la rupture s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité de préavis
Le montant de l’indemnité de préavis, dont l’assiette correspond au salaire qui aurait dû être perçu si le salarié avait travaillé au cours de la période de préavis, doit être calculé en considération de la situation qui a précédé la fin de la relation contractuelle (Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 20-10.141, FS, P).
En application des dispositions conventionnelles, la durée du préavis est de deux mois.
L’indemnité de préavis doit être fixée au regard de la durée de travail de M. [Y] [J] et en considération de la rémunération qu’il percevait, calculée en dernier lieu sur la base de cachets de 190 euros. Il y a lieu de retenir, au regard des contrats et plannings versés aux débats, que le salarié aurait perçu cinq cachets par mois s’il avait travaillé durant le préavis.
Il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de condamner l’association Le rire médecin à payer à M. [Y] [J] les sommes de 1 900 € brut à titre d’indemnité de préavis, outre 190 € brut au titre des congés payés afférents.
Sur l’indemnité de licenciement
Au regard des dispositions conventionnelles, plus favorables que les dispositions légales, il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de condamner l’association Le rire médecin à payer à M. [Y] [J] la somme de 1 900 € net à titre d’indemnité de licenciement.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [Y] [J] comptant plus de deux ans d’ancienneté dans l’association au jour de la rupture et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s’appliquer les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner l’association Le rire médecin à verser à M. [Y] [J] la somme de 6 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Il y a lieu d’ordonner à l’association Le rire médecin de remettre à M. [Y] [J] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision et ce, dans un délai d’un mois à compter de sa signification.
Il n’y a pas lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
L’association Le rire médecin ne rapporte pas la preuve de ce que M. [Y] [J] aurait fait un usage abusif de son droit d’agir en justice ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d’appel.
Il y a dès lors lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner l’association Le rire médecin, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu, entre les parties, le 24 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Tours, mais seulement en ce qu’il a condamné l’association Le rire médecin à payer à M. [Y] [J] les sommes de 300 € à titre d’indemnité de requalification, 1500 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 570 € brut à titre d’indemnité de préavis, de 57 € au titre des congés payés afférents, 285 € à titre d’indemnité de licenciement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Condamne l’association Le rire médecin à payer à M. [Y] [J] les sommes de :
– 1500 € net à titre d’indemnité de requalification ;
– 1 900 € brut à titre d’indemnité de préavis, outre 190 € brut au titre des congés payés afférents ;
– 1 900 € net à titre d’indemnité de licenciement ;
– 6 000 € brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne à l’association Le rire médecin de remettre à M. [Y] [J] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision et ce, dans un délai d’un mois à compter de sa signification ;
Dit n’y avoir lieu à assortir cette obligation d’une astreinte ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’association Le rire médecin aux dépens de l’instance d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Alexandre DAVID