Contrat à durée déterminée d’usage : 8 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15643

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Contrat à durée déterminée d’usage : 8 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15643
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2023

N° 2023/ 220

Rôle N° RG 19/15643 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7YN

SAS APGS SAP

C/

[Y] [H]

Copie exécutoire délivrée

le : 08/09/2023

à :

Me Christelle OUILLON, avocat au barreau de TOULON

Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 16 Août 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/01324.

APPELANTE

SAS APGS SAP, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christelle OUILLON, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Madame [Y] [H], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée le 08 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Y] [I] épouse [H] a été engagée en qualité d’assistante de vie pour le compte de la société APGS selon contrat à durée déterminée d’usage à temps partiel du 24 juillet 2017 au 24 janvier 2018; puis selon un second contrat à durée déterminée du 25 janvier 2018 au 25 janvier 2019.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Par jugement du 16 août 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a :

‘REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 13 novembre 2017

CONDAMNE1a société SAS APGS SAP à payer à Madame [H] les sommes suivantes :

1 504,57 € au titre de l’indemnité de requalification,

752,28 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

564,21 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

1 504,57 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

150,46 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,

12 182 39 euros brut au titre de rappel de salaire 13/11/2011 au 30/10/ 2018,

1 218,24 euros brut au titre de l’indemnité de congés payés sur rappel de salaire;

DEBOUTE Madame [H] de sa demande tendant à l’exécution provisoire

CONDAMNE la société à payer à Mme [H] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société APGS SAP a relevé appel du jugement le 9 octobre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la société APGS SAP demande à la cour de :

‘INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de TOULON en date du 16 août 2019 ;

Et statuant de nouveau :

A Titre Principal

DIRE ET JUGER qu’il n’y a pas lieu à requalification du contrat de travail tant en temps complet, ni requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.

DIRE ET JUGER que l’employeur démontre que Madame [Y] [H] n’était pas à la disposition de l’employeur

Par conséquent,

DEBOUTER Madame [Y] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Conseil prononçait la requalification du contrat de Madame [H] en contrat à durée indéterminée,

CONSTATER l’absence de démonstration d’un quelconque préjudice

RAMENER à de plus juste proportion les demandes indemnitaires

EN TOUT ETAT DE CAUSE

La CONDAMNER à payer à la société APGS SAP la somme de 2.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

La CONDAMNER aux entiers dépens’.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, Mme [Y] [I] demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement entrepr-is en ce qu’il a :

– REQUALIFIE le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

– REQUALIFIE le contrat de travail 6 temps partiel en temps complet

Et ainsi

– CONDAMNER la SAS APGS SAP au paiement des sommes suivantes :

– indemnite de requalification en CDI 1 1504,57€ bruts

– indemnite de preavis 1 mois 1 1504,57€ bruts

– indemnite compensatrice de conges payes sur preavis 1 150,45€ bruts

– rappel de salaire sur un temps complet 1 12 182,39€

– indemnité compensatrice de conges payes sur rappel de salaire : 1 218,24€

– REFORMER et statuer à nouveau

– CONDAMNER la SAS APGS SAP au paiement de la somme de 595,55€ au titre de I’indemnité légale de licenciement

– CONDAMNER SAS APGS SAP au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (2 mois) 1 3009,14€

– ORDONNER la remise des bulletins de salaire d’avril 6 juin 2018

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– CONDAMNER LA SAS APGS SAP au paiement de la somme de 3000€ au titre de |’article 700 du C.P.C, ainsi qu’aux entiers dépens’.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée

A titre liminaire, la cour relève que le conseil de prud’hommes qui a fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée a omis de reprendre cette décision dans le dispositif de son jugement. Les parties ne font cependant pas mention de cette omission, le salarié demandant la confirmation de la décision et la société son infirmation de ce chef.

Moyens des parties

La société soutient que le contrat de travail à durée déterminée qui l’a liée à Mme [I] a bien été signé dans les délais ; que la salariée ne démontre pas qu’il ne l’ait pas été dans les 48 heures et que le motif du recours était indiqué sur les planning, Mme [I] étant embauchée pour intervenir auprès de Mme [V] et Mme [E] de même qu’en 2018.

Mme [I] fait valoir qu’elle a travaillé du 24 juillet au 13 octobre 2017 sans contrat de travail écrit en dépit de ses nombreuses sollicitations et que ce n’est que lorsque son employeur a appris qu’elle démissionnait de l’emploi qu’elle occupait par ailleurs auprès de la société Fleurs de Lys qu’il lui a fait signer un contrat qu’il a antidaté.

Elle ajoute que le motif du recours n’est pas mentionné dans le contrat de travail qui indique seulement qu’il s’agit d’un contrat d’usage.

Réponse de la cour

L’article L 1245-1 du code du travail dispose qu’ est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L 1242-1 à L 1242-4, ces articles édictant que le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et que le contrat à durée déterminée ne peut intervenir que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas limitativement énumérés dont notamment l’accroissement temporaire d’activité.

L’article L. 1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En cas de litige sur le motif du recours à un contrat à durée déterminée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

En l’espèce, sont produits aux débats les deux contrats de travail qui ont lié Mme [I] à la société APGS SAP. Il ressort cependant des échanges de SMS entre Mme [M] et Mme [I] du 16 août 2017 puis du 13 octobre 2017 qu’à ces dates, cette dernière n’avait toujours pas signé de contrat de travail (16 août : ‘j’ai toujours pas reçu mon contrat de travail (…)’,;’ désolée dès que le contrat est fait, je vous appelle’; 13 octobre : ‘votre contrat est prêt au bureau, si vous pouvez passer au bureau la semaine prochaine’).

Il se déduit de cette seule absence d’écrit, que le contrat de travail est à durée indéterminée et doit être requalifié comme tel dès l’origine, soit depuis le 24 juillet 2017.

Sur la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet

L’article L.3123-6 du code du travail stipule que le contrat du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

A défaut d’écrit, le contrat de travail est présumé à temps complet.

Il s’agit d’une présomption simple à laquelle l’employeur peut apporter la preuve contraire, en démontrant la réunion des conditions de fond du contrat à temps partiel, à savoir d’une part que la durée exacte de travail est inférieure à la durée légale, d’autre part, que cette durée est répartie entre les jours de la semaine ou les semaines du mois afin que le salarié ne soit pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il travaille et qu’il ne soit pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Selon la convention collective des entreprises de service d’aide à la personne, pour un salarié à temps partiel, les modifications relatives à la répartition de son horaire de travail doivent lui être notifiées dans un délai qui ne peut être inférieur à 3 jours calendaires sauf dans les cas suivants :

– absence non programmées d’un collègue de travail,

– aggravation de l’état de santé du bénéficiaire du service,

– décès du bénéficiaire du service,

– hospitalisation en urgence médicale d’un bénéficiaire de service entraînant son absence,

– arrivée en urgence non programmée d’un bénéficiaire de service,

– maladie de l’enfant,

– maladie de l’intervenant habituel,

– carence du mode de garde habituel ou des services assurant habituellement cette garde,

– absence non prévue d’un salarié intervenant auprès d’un public âgé ou dépendant,

– besoin immédiat d’intervention auprès d’enfant dû à l’absence non prévisible de son parent.

En l’espèce à l’appui de sa demande de requalification en contrat en temps plein, la salariée invoque l’absence de mention dans le contrat relative à la durée, mensuelle ou hebdomadaire, du travail.

Elle ajoute que l’employeur ne respectait pas les délais de prévenance lorsqu’il lui communiquait ses plannings et lui faisait subir des variations d’horaires très importants pendant toute la période contractuelle.

La société le conteste en se prévalant de la communication à la salariée des plannings dans les délais conventionnels et en faisant valoir qu’à la lecture des plannings, il n’existait aucune variation dans la durée du travail qui puisse laisser la salariée dans l’incertitude quant à son rythme de travail.

Elle ajoute que les échanges avec la salariée démontrent qu’il arrivait fréquemment à Mme [I] de refuser des prestations de travail en raison de son autre emploi.

La cour relève que le contrat de travail du 24 juillet 2017, outre qu’il a été signé bien après que la salariée ait débuté son activité, ne donne aucune indication de la répartition des horaires de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ni des modalités selon lesquelles les horaires de travail sont communiqués par écrit au salarié, de sorte qu’il doit être considéré comme une absence d’écrit.

Pour justifier de la communication des plannings, la société ne produit aux débats que :

– un mail du 23 novembre 2018 relatif au planning du mois de décembre,

– un mail du 28 septembre 2018 relatif au planning du mois d’octobre.

Hormis ces quelques pièces, la société ne produit aucun élément de nature à justifier de la durée de travail de la salariée, de la stabilité et de la régularité de son emploi du temps en ayant à l’avance connaissance de ses jours et horaires de travail.

Le fait que Mme [I] fasse valoir auprès de son employeur, par SMS, ses indisponibilités ponctuelles est inopérant.

Dans ces conditions il s’impose de requalifier le contrat en contrat à temps complet à compter du 13 novembre 2017, tel que demandé par la salariée qui sollicite la confirmation du jugement.

La requalification en contrat à temps plein ouvre droit pour la salariée à un réajustement de son temps de travail sur la base d’un temps complet et au rappel de salaire correspondant.

Il convient de confirmer la condamnation au titre du rappel de salaire tel que détaillée en pièce 4 de l’intimé, non utilement contesté par l’appelant, soit la somme de 12 182,39 euros pour la période du 13 novembre 2017 au 30 octobre 2018, outre 1 218,24 euros à titre de congés payés afférents.

Sur l’indemnité de requalification

Selon l’article L.1245-2, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié en requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Compte tenu de la requalification en contrat à durée indéterminée, la salariée peut prétendre à une indemnité de requalification.

En l’espèce le dernier salaire perçu par la salariée tenant compte de la requalification en contrat à temps complet est de 1 504,57 euros.

Dans ces conditions il est fait droit à la demande de la salariée pour cette somme.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société à verser à la salariée la somme de 1 5 04,57 euros à titre d’indemnité de requalification.

Sur la rupture du contrat de travail

Il est de principe que la rupture du contrat de travail à durée déterminée en raison de l’arrivée du terme s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le contrat est par la suite requalifié à durée indéterminée et que l’employeur n’est pas en mesure de présenter une lettre de rupture valant lettre de licenciement et énonçant des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

– sur l’indemnité légale de licenciement:

Selon l’article L.1234-9 du code du travail, dans sa version applicable à la date des faits, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Mme [I] avait une ancienneté de 1 an et 7 mois à l’issue de son préavis, il convient par conséquent de faire droit à la demande à hauteur de 595,55 euros, non utilement contestée par l’intimé qui se borne à demander à titre subsidiaire, que les demandes indemnitaires soient réduites à de plus justes proportions en l’absence de préjudice.

– sur l’indemnité compensatrice de préavis:

Il convient de confirmer la décision qui a condamné la société à payer à la salariée la somme de 1 504,57 euros équivalent à un mois de salaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 150,45 euros, telle que réclamée, au titre des congés payés afférents et d’infirmer le jugement de ce chef.

– sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut prononcer sa réintégration dans l’entreprise. Si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau.

En l’espèce, Mme [I] réclame la somme de 3 000,14 euros, soit deux mois de salaire faisant valoir le dol de l’employeur qui l’a contrainte à signer un contrat à durée déterminée alors qu’elle pensait être engagée à durée indéterminée et ajoutant qu’elle a démissionné d’un autre emploi.

La cour relève que le préjudice lié à la perte de l’emploi sera intégralement réparé par l’allocation de la somme de 1 600 euros.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner à la société de remettre à la salariée un bulletin de salaire rectificatif conformé au présent arrêt.

Il y a lieu de condamner la société qui succombe au principal à verser à Mme [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement’

CONFIRME le jugement entreprise SAUF s’agissant du quantum des condamnations au titre de l’indemnité légale de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des congés payés afférents au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et Y AJOUTANT :

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 24 juillet 2017

CONDAMNE la société APGS SAP à payer à Mme [Y] [I] les sommes suivantes :

– 150,45 euros à titre de congés payés afférents sur l’indemnité compensatrice de congés payés,

– 595,55 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 1 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE à la société APGS SAP de remettre à Mme [I] un bulletin de salaire rectificatif conforme aux dispositions du présent arrêt,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société APGS SAP aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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