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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 07 NOVEMBRE 2023 à
Me Hyvette MOUSSAVOU-DJEMBI
la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS
FCG
ARRÊT du : 07 NOVEMBRE 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/03178 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GPP7
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 17 Novembre 2021 – Section : Encadrement
APPELANT :
Monsieur [X] [Z] [G] Connu sous le nom de scène, [V] [G].
Metteur en scène ; Artiste Lyrique ; Chef d’Orchestre. Actuellement sans emploi.
né le 09 Avril 1983 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparant, représenté par Me Hyvette MOUSSAVOU-DJEMBI, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
Association OGEC [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 24 août 2023
Audience publique du 12 Septembre 2023 tenue par Mme Florence CHOUVIN,, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN, a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 07 Novembre 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
L’Association Ogec [6] est responsable de la gestion économique, financière et sociale d’un établissement d’enseignement privé.
Cet établissement propose aux élèves qui le souhaitent des modules à vocation artistique, les projets consistant à monter une pièce de théâtre, organiser un concert de musique, se rendre à une pièce d’opéra, se rendre à l’étranger dans le cadre d’une tournée musicale.
M. [X] [Z] [G], exerçant une activité artistique sous le nom de [V] [G], a été engagé entre le 17 décembre 2012 au 29 mai 2019 par l’Association Ogec [6] selon une succession de contrats de travail à durée déterminée entrecoupés par des périodes d’interruption.
Par requête reçue au greffe le 29 juillet 2020, M. [X] [Z] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours aux fins de voir requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, de voir ordonner sa réintégration ou à défaut de voir qualifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation de l’association Ogec [6] à lui verser diverses sommes au titre de la requalification, un rappel de salaire, des sommes au titre de l’adaptation des ‘uvres, des dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à ses obligations, pour défaut de remise de documents, pour manquement à l’obligation de formation professionnelle, pour travail dissimulé.
L’association Ogec [6] a demandé au conseil de prud’hommes de débouter M. [X] [Z] [G] de ses demandes de requalification, de réintégration, de rappel d’heures supplémentaires et de dire et juger que les prétentions salariales sont prescrites ainsi que la demande en contestation des circonstances du licenciement.
Le 17 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Tours a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige :
– Juge M. [X] [Z] [G] mal fondé en ses demandes relatives à la conclusion, l’exécution et à la clôture des relations de travail avec l’association Ogec [6] international school et le déboute de toutes ses demandes ;
– Dit l’association Ogec [6] déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit les dépens de l’instance à la charge de Monsieur [X] [Z] [G].
Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour du 16 décembre 2021, M. [X] [Z] [G] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 24 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [X] [Z] [G] demande à la cour de:
Annuler la Décision du Conseil de Prud’hommes de Tours du 17 Novembre 2021.
Statuer à nouveau,
Déclarer les demandes de Monsieur [G] [X] [Z] ([V]) recevables et bien fondées ;
Déclarer recevable la demande de Monsieur [G] [X] [Z] ([V]) de voir les contrats à durée déterminée requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;
Requalifier les différents contrats à durée déterminée de Monsieur [G], signés avec l’association Ogec [6] en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, avec effet au 17 décembre 2012 ;
Ordonner la réintégration de Monsieur [G] au sein de l’Ogec [6]. En cas de refus, comme c’est le cas, qualifier la rupture de la relation de travail de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Fixer le salaire mensuel de base à 4 967,52 € brut soit un taux horaire de 30,23 € brut
Allouer à Monsieur [G] [X] [Z] ([V]) les sommes suivantes, au besoin condamner l’association Ogec [6] à les lui verser :
– L’indemnité de requalification : 14 902,56 €
– L’indemnité de précarité : 12 208,63 €
– Au titre du rappel des salaires :
2016 : 27 260 € brut, outre 2 726 € des congés payés afférents
2017 : 32 894 € brut, outre 3 289,4 € des congés payés afférents
2018 : 32 455 € brut, outre 3 245,5 € des congés payés afférents
2019: 12 882,60 € brut, outre 1 288,26 € des congés payés afférents
– Au titre d’heures supplémentaires :
Cours et activités diverses :
Année scolaire 2015/2016 : 2 686,11 €
Année scolaire 2016/2017 : 13 831 €
Adaptation des ‘uvres :
2012/2013 : 10 098 €
2013/2014 : 15 147 €
2014/2015 : 15 147 €
2015/2016 : 10 098 €
2016/2017 : 10 098 €
2017/2018 : 10 098 €
2018/2019 : 10 098 €
– Indemnités suite à la rupture du contrat:
Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 4967,52 €
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 39 740,16 €
Indemnité légale de licenciement : 7968,73 €
Indemnité compensatrice de préavis : 14 902,56 € Indemnité des congés payés sur préavis : 1490,26 €
– Dommages et intérêts
Pour défaut de remise de documents : 9000 €
Pour manquements aux obligations contractuelles : 32 000 €
Pour manquement à l’obligation de formation professionnelle : 10 000 €
– Indemnité pour travail dissimulé : 29 805,12 €
Sur la remise des documents :
Condamner l’association Ogec [6] à établir des bulletins de salaire
conformes au jugement à intervenir ;
La condamner à délivrer : la lettre de licenciement, le certificat de travail , l’attestation pôle emploi, le reçu pour solde de tout compte ;
L’association Ogec [6] sera déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment de sa demande de dommages et intérêts.
L’association Ogec [6] sera condamnée à payer à Monsieur [G] [X] [Z] ([V]) la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 22 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles l’association Ogec [6] demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Tours du 17 novembre 2021, et en conséquence, débouter M. [X] [Z] [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
En toute hypothèse,
Déclarer irrecevables les demande de M. [X] [Z] [G] tendant à la requalification des différents contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, et ce alors-même que dans ses premières écritures notifiées dans le délai de trois mois suite à l’appel interjeté du jugement dont s’agit, M. [X] [Z] [G] a expressément demandé à ce que cette requalification des différents contrats de travail à durée déterminée, s’entendent un contrat de travail à durée déterminée.
S’il n’était pas fait droit à ce moyen d’irrecevabilité, débouter M. [X] [Z] [G] de sa demande tendant à la requalification des différents contrats de travail à durée déterminée dont s’agit en un contrat de travail à durée indéterminée.
Débouter M. [X] [Z] [G] de sa demande de réintégration dans son poste de travail.
Débouter M. [X] [Z] [G] de sa demande tendant au paiement d’un quelconque rappel de salaire ou autre paiement d’heures supplémentaires.
Dire et juger que les prétentions salariales de M. [X] [Z] [G] sont d’ailleurs très largement prescrites.
Débouter M. [X] [Z] [G] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires et, plus généralement, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Dire et juger que les relations contractuelles ont pris fin par l’arrivée du terme du dernier contrat de travail à durée déterminée.
Constater, en toute hypothèse, que la demande en contestation des circonstances du licenciement est prescrite pour n’avoir pas été introduite dans l’année de la rupture des relations contractuelles.
Et en toute hypothèse, dire et juger que si les relations contractuelles n’ont pas repris, c’est exclusivement du fait de M. [X] [Z] [G].
Subsidiairement,
Dans l’hypothèse extraordinaire où le conseil estimerait devoir requalifier les relations contractuelles en un contrat de travail à durée indéterminée, dire et juger que les indemnités dues à M. [X] [Z] [G] au titre de la rupture du contrat de travail seraient les suivantes :
– 6669,15 € brut à titre d’indemnité de licenciement,
– 13 338,30 € brut à titre d’indemnité de préavis, outre 1333,83 € au titre des congés payés afférents,
– 13 338,30 € brut au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4446,10 € brut à titre d’indemnité de requalification en contrat de travail à durée indéterminée ,
Débouter M. [X] [Z] [G] du surplus de ses demandes.
En tout état de cause,
Condamner M. [X] [Z] [G] à verser à l’association Ogec [6] la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [X] [Z] [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’irrecevabilité des demandes ne figurant pas dans les premières conclusions d’appelant
Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond (pour une application récente : 1ère Civ., 16 mars 2022, pourvoi n° 20-20.334).
Dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives n° 2 du 24 août 2023, M. [X] [Z] [G] demande notamment à la cour de :
« – Déclarer recevable la demande de Monsieur [G] [X] [Z] ([V]) de voir les contrats à durée déterminée requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;
– Requalifier les différents contrats à durée déterminée de Monsieur [G], signés avec l’association Ogec [6] en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, avec effet au 17 décembre 2012 ».
Le terme de « indéterminée » ne figurait pas dans le dispositif de ses premières conclusions, remises au greffe le 16 mars 2022, M. [X] [Z] [G] demandant à la cour de :
« Déclarer les demandes de Monsieur [G] [X] [Z] ([V]) recevables et bien fondées ;
Requalifier les différents contrats à durée déterminée de Monsieur [G], signés avec l’association Ogec [6] en contrat de travail à durée déterminée à temps complet, avec effet au 17 décembre 2012 ».
Il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’une simple erreur de plume, l’appelant ayant entendu dans ses premières conclusions demander la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Par conséquent, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’employeur.
Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
L’action en requalification du contrat à durée déterminée est soumise au délai de deux ans applicable aux actions en exécution du contrat de travail prévu par l’article L. 1471-1 alinéa un du code du travail (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.359, FS, P + B + I).
La requalification en contrat à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d’inactivité, ces dernières n’ont pas d’effet sur le point de départ du délai de prescription (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-12.271, FS, B).
Si l’action est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.359, FS, P+B+I).
La relation de travail a pris fin le 29 mai 2019. Par conséquent, l’action en requalification, introduite par requête reçue au greffe le 29 juillet 2020, n’est pas prescrite, le salarié ayant agi dans le délai imparti de 2 ans à compter du terme du dernier contrat.
Il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par l’association Ogec [6].
Sur le fond
Sur l’application du régime d’entrepreneur de spectacles vivants à titre accessoire
M. [X] [Z] [G] soutient avoir été employé pendant près de sept années au titre de contrats à durée déterminée irréguliers pour une activité d’artiste mais également en qualité d’enseignant, ce qui justifie la requalification de ses contrats en un contrat de travail à durée indéterminée.
L’association Ogec [6] réplique que le statut « d’intermittent », prévu aux articles L. 7122-22 et suivants du code du travail, s’applique à M. [X] [Z] [G]. Dans le secteur du spectacle et de l’enseignement notamment, il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée conformément à l’article L. 1242-2 du code du travail.
L’article L. 7122-24 du code du travail dispose que l’employeur qui remet au salarié et qui adresse à l’organisme habilité par l’État, les éléments de la déclaration prévue à l’article L. 7122-23 qui leur sont respectivement destinés, est réputé satisfaire aux obligations relatives : (‘) 3° à l’établissement, au contenu et à la transmission du contrat de travail à durée déterminée, prévus par les articles L. 1242-12 et L. 1242-13.
Les parties ont signé quarante-deux formulaires de « déclaration unique des cotisations sociales et contrat de travail » établis par le GUSO (guichet unique pour l’emploi d’artistes ou de techniciens par des organisateurs de spectacles vivants) et prévoyant l’engagement de M. [G] par l’association Ogec [6] pour des emplois d’artiste lyrique, de metteur en scène ou de chef d’orchestre. Ces contrats, conclus pour la période du 17 décembre 2012 au 29 mai 2019, prévoient la date de début et de fin du contrat de travail, le nombre d’heures effectuées pendant la période d’emploi et/ou le nombre de cachets ainsi que la rémunération.
M. [X] [Z] [G] doit être considéré comme un artiste du spectacle au sens des articles L. 7121-2 et L. 7122-23 du code du travail. Il se présente lui-même comme artiste en résidence, artiste lyrique, chef d’orchestre, metteur en scène. L’association Ogec [6] a une activité accessoire d’entrepreneur de spectacles vivants au sens de l’article L. 7122-19 1° du code du travail.
Ces contrats relèvent des dispositions particulières des articles L. 7122 -22 et suivants du code du travail. La déclaration unique et simplifiée est de nature à satisfaire aux obligations relatives à la forme, au contenu et à la transmission du contrat de travail à durée déterminée prévus aux articles L. 1242-12 et L. 1242-13 du code du travail.
Cependant, il y a lieu de relever tout d’abord que la déclaration relative à la période du 17 décembre 2012 au 28 février 2013 n’a été faite par l’employeur que le 27 mars 2013 et contresignée par le salarié le 3 avril 2013.
Surtout, il apparaît que si, à l’origine de la relation de travail en 2013, l’objectif était de mettre en scène une comédie musicale puis de diriger une série de représentations aux Etats-Unis dans le cadre d’une tournée universitaire pendant 15 jours, M. [X] [Z] [G] a par la suite été salarié de l’association Ogec [6] durant toute les années scolaires.
A cet égard, l’activité de M. [X] [Z] [G] était fonction de l’année scolaire même si le salarié n’intervenait pas pendant de longues périodes. Ainsi, le nom de M. [G] figure sur les emplois du temps de l’établissement.
Au cours de ces années, il ressort des différentes pièces versées aux débats (emplois du temps, SMS, attestations d’anciens élèves, attestation de M. [L] ancien collègue) qu’en dehors des activités liées à la comédie musicale, M. [X] [Z] [G] avait des fonctions d’enseignement de musique, qu’il notait les élèves, assistait au conseil de classe, était membre du jury sur l’épreuve d’histoire des arts au brevet des collèges, surveillait les examens ou encore était destinataire de courriels demandant des volontaires pour remplacer le directeur adjoint, qu’il était élu au CHSCT dont il assurait le secrétariat, son mandat ayant pris fin en décembre 2019….
Ainsi, M. [U] [L], enseignant en mathématiques et physique chimie au collège-lycée [6], relate que M. [G] a assuré un rôle d’enseignement au sein de l’établissement, qu’il a assisté à différents conseils de classe (probatoire, seconde, première et terminale) en tant que professeur de musique pour la préparation de l’option musique au baccalauréat ou en tant que professeur d’arts de la scène. Dans ce cadre, il mettait des notes et des appréciations aux élèves, surveillait les examens, participait aux journées pédagogiques et aux journées portes ouvertes (pièce n° 138 du salarié)
Il importe peu que M. [G] n’ait pas été déclaré auprès du rectorat, cette déclaration incombant à l’employeur et non au salarié. De même il importe peu que le salarié ne se soit jamais plaint de sa situation durant la relation contractuelle et se soit toujours qualifié d’artiste en résidence. Cette absence de réclamation ne vaut pas renonciation à se prévaloir d’un droit.
Les contrôles URSSAF qui n’ont rien relevé d’illégal sur l’application de la législation et de la réglementation relative au GUSO et les courriels du GUSO sont sans incidence sur la qualification de la relation de travail liant M. [X] [Z] [G] à l’association Ogec [6]. En effet, l’URSSAF exerçait un contrôle sur les cotisations sociales et le GUSO n’est qu’un service de simplification administrative permettant aux employeurs et aux artistes de remplir leurs obligations légales en matière de cotisations sociales. L’employeur ne peut utilement se prévaloir de la réponse de l’URSSAF à ses interrogations selon laquelle « aucune anomalie n’a été constatée concernant la législation applicable aux contributions recouvrées par le GUSO », cette réponse ne portant que sur les contributions et non sur la nature juridique du contrat le liant au salarié.
Aucune conséquence ne saurait être tirée du courriel du 30 novembre 2012 rédigé par M. [X] [Z] [G] à destination du service administratif de l’association Ogec [6] dans lequel il affirme que son poste est bien un poste « d’intermittent du spectacle » qui peut être pris en charge par les services du GUSO, ajoutant « s’il y a eu une confusion lors de la prise de renseignements par le directeur, c’est que le poste doit être un poste d’artiste lyrique et ou metteur en scène, pas d’intervenant ou éducateur » (pièce 8 de l’employeur).
L’employeur s’est placé en dehors du cadre des dispositions dérogatoires des articles L. 7122-23 et L. 7122-24 du code du travail en employant M. [X] [Z] [G] en qualité d’enseignant.
L’article L.1242-1 du code du travail pose en principe qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Selon l’article L.1242-2 du même code, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans un certain nombre de cas qu’il énumère, parmi lesquels ceux précisés au 3°, soit les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. L’article D. 1242-1 du même code énumère les secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée dits d’usage, parmi lesquels figurent les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique et l’enseignement.
Selon l’article L.1245-1 du même code est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance, en particulier, des dispositions de l’article L.1242-2 du code du travail.
Le contrat à durée déterminée d’usage est, à l’instar des autres contrats à durée déterminée, soumis à un formalisme précis prévu à l’article L.1242-12 du code du travail, et à ce titre doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, faute de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Les formulaires de « déclaration unique des cotisations sociales et contrat de travail » versés aux débats ne mentionnent pas le motif de recours au contrat à durée déterminée. Ils ne sauraient servir de cadre à l’engagement de M. [X] [Z] [G] à des fonctions d’enseignement de la musique.
Dès lors, la relation de travail entre M. [G] et l’association Ogec [6] doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée avec effet au 17 décembre 2012.
Sur l’indemnité de précarité
Selon l’article L. 1243-8 du code du travail, l’indemnité de précarité, qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification d’un contrat à durée déterminée (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.949).
Les contrats conclus entre les parties ayant été requalifiés en un contrat à durée indéterminée, l’indemnité de précarité, qui n’avait pas été versée par l’employeur, n’est pas due.
M. [X] [Z] [G] est débouté de sa demande d’indemnité de précarité.
Sur la demande de requalification des contrats de travail en contrat à temps plein
Il résulte de l’article L. 1245-1 du code du travail que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il résulte de la combinaison des articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.
La relation de travail a pris fin le 29 mai 2019.
Par requête enregistrée au greffe le 29 juillet 2020, M. [X] [Z] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours de demandes tendant notamment à la condamnation de son employeur au paiement d’un rappel de salaire.
Sa demande peut remonter jusqu’à trois années avant la rupture du contrat de travail, soit jusqu’au 29 mai 2016 (en ce sens, Soc., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-16.623, FS, P et Soc., 15 mars 2023, pourvoi n° 21-16.057, FS, P).
Il y a donc lieu de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de rappel de salaire portant sur la période antérieure.
Sur le bien-fondé de la demande de requalification
L’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur (Soc., 9 janvier 2013, pourvoi n° 11-16.433, Bull. 2013, V, n° 5 et Soc., 8 avril 2021, pourvoi n° 19-24.194).
Les formulaires de « déclaration unique des cotisations sociales et contrat de travail » versés aux débats ne mentionnent ni la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Pour chacun des contrats, l’emploi est donc présumé à temps complet.
L’association Ogec [6], à laquelle il appartient de renverser cette présomption, ne rapporte pas la preuve de la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle convenue, se limitant à soutenir que le salarié revendique un statut qui n’est pas le sien et que ses calculs ne reposent sur rien.
L’employeur ne rapporte pas la preuve de ce qu’à l’intérieur de chaque période de travail prévue par les contrats, le salarié pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas obligé de se tenir constamment à sa disposition. Il importe peu à cet égard qu’il ne se soit pas plaint de la situation.
Chaque contrat de travail doit donc être requalifié en un contrat de travail à temps plein.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de paiement d’un rappel de salaire au titre des contrats requalifiés, dans la limite de la prescription.
Sur la demande de rappel de salaire
M. [X] [Z] [G] forme une demande de rappel de salaire de mai 2016 à mai 2019 en produisant ses avis d’imposition et en faisant ses calculs à partir des salaires déclarés.
Cependant, ainsi qu’il a été précédemment exposé, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat.
Par ailleurs, il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.
Si le salarié rapporte cette preuve, il convient de fixer le rappel de salaire auquel il a droit en prenant en compte la réalité de la situation de chaque période interstitielle telle que résultant de chacun des contrats à durée déterminée l’ayant précédée (Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 19-16.183, FS, P).
Il ressort des attestations mensuelles d’emploi se substituant à la remise du bulletin de paie prévue par l’article L. 3243-2 du code du travail conformément à l’article L. 7122-26 du même code que le salarié était payé au cachet.
Comme le relève M. [X] [Z] [G], son employeur a appliqué un taux horaire très variable de 12,47 € à 49,31 €.
M. [X] [Z] [G] demande que lui soit appliqué un taux horaire de 30,23 €. Pour les raisons précédemment exposées, cette demande ne peut prospérer.
Il convient en effet de vérifier d’une part si le salarié s’est tenu à disposition pendant chacune des périodes interstitielles, d’autre part de prendre en compte la réalité de la situation de chacune de ces périodes.
Au soutien de sa demande, M. [X] [Z] [G] produit ses emplois du temps, des courriels, des attestations mais aucun récapitulatif quotidien, hebdomadaire ou mensuel.
M. [G] verse aux débats des emplois du temps pour les années scolaires 2015/2016, 2016/ 2017, 2017/2018 et 2018/2019.
Il apparaît sur ces emplois du temps que le salarié, en plus des prestations de travail prévues par les contrats de travail, assurait des heures d’enseignement et animait des activités durant toute l’année scolaire, notamment pour les élèves de la classe de « seconde probatoire », ce qui est confirmé par plusieurs attestations de ses anciens élèves (pièces n° 130, 132, 134, 136).
Il y a lieu d’en déduire qu’il était tenu de se tenir à disposition de son employeur pendant toutes les périodes intercalaires entre les contrats, à l’exception des vacances scolaires. Les 2 juillet 2016, 6 juillet 2017 et 7 juillet 2018 ont marqué la fin d’année scolaire, la reprise pour les enseignants s’étant effectuée les 31 août 2016, 1er septembre 2017 et 31 août 2018. Les éléments versés aux débats par le salarié ne permettent pas d’établir qu’il était tenu d’être à disposition de l’employeur pendant ces périodes les jours pour lesquels aucun contrat n’avait été conclu.
Il a été payé à M. [X] [Z] [G], comme indiqué sur les attestations de période d’activité se substituant aux bulletins de paie :
– en mai 2016 pour une prestation de comédien le 1er avril, de chef d’orchestre artiste lyrique du 18 avril au 29 avril : 100 + 218 + 200 + 100 + 1355,93 € = 1973,93 € brut ;
– en juin 2016 pour une prestation de chef d’orchestre du 2 au 9 mai, artiste lyrique le 10 et 11 mai et de chef d’orchestre du 12 mai au 31 mai : 400+ 200+ 200+ 1130 € = 1930 € brut ;
– en novembre 2016 pour une prestation de metteur en scène du 1er septembre au 20 octobre : 4090 € brut ;
– en janvier 2017 pour une prestation de metteur en scène du 7 novembre 2016 au 30 juin 2017 et pour une prestation de metteur en scène le 3 avril, de chef d’orchestre le 4, de metteur en scène les 5 et 6 avril : 14’966,75 + 150 + 150 + 150 + 150 = 15’566,75 euros brut ;
– en février 2017 pour une prestation d’artiste lyrique le 31 janvier : 150 € brut ;
– en novembre 2017 : pour une prestation d’artiste lyrique du 1er septembre 2017 au 19 octobre 2017 soit 30 jours 147 heures : 3117,80 € brut ;
– en février 2018 : 120 € brut pour une prestation d’artiste lyrique du 16 janvier 2018 soit un jour/ un cachet ;
– en mai 2018 : 150 € brut pour une prestation de chef d’orchestre du 16 avril 2018 soit un jour /un cachet ;
– en mai 2018 : 150 € brut pour une prestation d’artiste lyrique du 17 avril 2018 soit un jour/ un cachet ;
– en mai 2018 : 150 € brut pour une prestation d’artiste lyrique du 18 avril 2018 ;
– en mai 2018 : 150 € brut pour une prestation d’artiste lyrique du 19 avril 2018 soit un jour un cachet ;
– en juin 2018 : 13’475 € brut pour une prestation de metteur en scène du 6 novembre 2017 au 31 mai 2018 soit 78 jours 387 heures ;
– en octobre 2018 : 3077,91 € brut pour une prestation de metteur en scène du 30 août 2018 au 27 septembre 2018 soit 89 heures ;
– en novembre 2018 : 1668,73 € brut pour une prestation de metteur en scène du 1er octobre 2018 au 19 octobre 2018 soit 49 heures ;
– en décembre 2018 : 2166,60 € brut pour une prestation de metteur en scène du 6 novembre 2018 au 29 novembre 2018 soit 63 heures ;
– en janvier 2019 : 1874,86 € brut pour une prestation de metteur en scène du 3 décembre 2018 au 21 décembre 2018 soit 55 heures ;
– en février 2019 : 2510,47 € brut pour une prestation de chef d’orchestre du 7 janvier 2019 au 31 janvier 2019 soit 73 heures ;
– en mars 2019 : 700,65 € brut pour une prestation de chef d’orchestre du 25 février 2019 au 28 février 2019 soit 19 heures ;
– en avril 2019 : 2616,81 € brut pour une prestation de chef d’orchestre du 4 mars 2019 au 28 mars 2019 soit 76 heures ;
– en mai 2019 : 1430 € brut pour une prestation de chef d’orchestre du 1er avril 2019 au 30 avril 2019 soit 29 heures ;
– en juin 2019 : 1980,50 € brut pour une prestation de metteur en scène du 2 mai 2019 au 29 mai 2019 soit 160 heures.
Il y a lieu de fixer le rappel de salaire dû au salarié en prenant en considération la rémunération convenue pour chacune des périodes pour lesquelles un contrat de travail a été conclu et, pour chaque période interstitielle, la situation résultant de chacune des périodes l’ayant précédée.
Il y a lieu de prendre en compte les rémunérations perçues telles qu’elles résultent de ces attestations de période d’activité et du tableau récapitulatif produit par l’employeur.
Il y a donc lieu de condamner l’Association Ogec [6] à payer à M. [G] les sommes de 42’534,80 euros brut à titre de rappel de salaire suite à la requalification et de 4 253,48 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I ).
M. [X] [Z] [G] sollicite un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qu’il motive par le fait qu’en dehors des emplois du temps, il avait des heures d’adaptation et préparation des ‘uvres, des cours particuliers de chant, des cours de musique, des tournées lors des voyages aux États-Unis, des sorties scolaires, des rencontres parents / professeurs, des surveillances d’épreuves, des journées pédagogiques, des journées portes ouvertes, des semaines de pré-rentrée, des émissions de radio, des publications d’articles, des réunions’ Selon lui, ces heures de travail n’ont jamais été déclarées par l’employeur ni rémunérées.
Il est relevé que dans le dispositif de ses conclusions, M. [X] [Z] [G] sollicite le paiement d’heures supplémentaires pour l’année scolaire 2015 / 2016 ainsi que pour l’année scolaire 2016 /2017 puis différentes sommes au titre de l’adaptation des ‘uvres.
Il n’est donc formé aucune demande pour l’année 2018/ 2019 au titre des heures supplémentaires hors l’adaptation des oeuvres.
Au soutien de sa demande, M. [X] [Z] [G] produit des emplois du temps, des courriels, des attestations.
Il affirme que :
– pour l’année scolaire 2015/2016, l’emploi du temps comportait 35 heures 15 par semaine,
– pour l’année scolaire 2016/ 2017, emploi du temps comportait 42 heures 45 par semaine ;
– pour l’année scolaire 2017/2018, l’emploi du temps comportait 24 heures 15 par semaine.
En ce qui concerne les heures qu’il aurait employé à adapter des ‘uvres, il ne produit aucun élément, soutenant uniquement qu’il faisait ce travail durant l’été.
Les éléments produits par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle de la durée du travail, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
L’employeur se borne à critiquer les pièces produites par le salarié. Il ne verse aux débats aucun élément objectif permettant de déterminer les heures de travail effectivement accomplies par le salarié.
Cependant, compte tenu de la requalification intervenue, et après analyse des pièces produites par le salarié relatives notamment aux heures passées durant les festivals, les voyages, les sorties scolaires, les journées de répétition et en les confrontant aux mentions apposées sur les emplois du temps, la cour a la conviction que le salarié n’a pas accompli d’heures au-delà de la durée légale hebdomadaire de travail.
Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté M. [X] [Z] [G] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires non rémunérées, incluant les heures invoquées au titre du travail d’adaptation des oeuvres.
Sur la demande d’indemnité de requalification
Selon l’article L.1245-2 du code du travail lorsqu’il est fait droit à la demande du salarié de requalification du contrat du travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il est accordé au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Lorsque la requalification porte sur une série de contrats à durée déterminée, le salarié ne peut prétendre qu’à une seule indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire.
Il y a lieu de condamner l’association Ogec [6] à payer à M. [X] [Z] [G] la somme de 5 000 euros net à titre d’indemnité de requalification.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié. Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Il apparaît que M. [G] s’est, pour partie de son temps, vu confier des fonctions d’enseignant alors que les contrats à durée déterminée conclus par l’Association Ogec [6] ne pouvaient porter que sur les emplois mentionnés à l’article L. 7122-23 du code du travail.
M. [G] n’a pas été rémunéré de l’ensemble des heures travaillées et a effectué des heures de travail au cours de périodes pour lesquelles aucun contrat n’avait été conclu.
Il y a lieu de considérer qu’en agissant de la sorte, et notamment en plaçant le salarié sous un statut non applicable à des activités d’enseignement qui ne peuvent donner lieu à une rémunération au cachet, l’employeur a entendu sciemment se soustraire à ses obligations déclaratives et s’est, en toute connaissance de cause, abstenu de rémunérer des heures de travail dont il savait qu’elles avaient été accomplies.
L’élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé.
Il y a lieu d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 17 novembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [X] [Z] [G] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé. Il y a lieu de condamner l’Association Ogec [6] à lui verser la somme de 26’676,60 euros net à ce titre.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action portant sur la rupture du contrat de travail
Aux termes de l’article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 6 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Les relations de travail ont pris fin le 29 mai 2019.
Par conséquent, le salarié disposait d’un délai qui aurait dû expirer le 29 mai 2020 pour saisir la juridiction prud’homale d’une action au titre de la rupture.
En application de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, le délai imparti à M. [G] pour agir en justice a expiré le 23 août 2020.
L’action du salarié a été engagée le 29 juillet 2020. Elle n’est donc pas prescrite.
Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur la demande d’indemnité de licenciement
En application de l’article L. 1234-9 du code du travail, M. [G] peut prétendre à une indemnité légale de licenciement.
Lorsqu’il est fait droit à la demande en requalification fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, le salarié peut se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier (Soc., 29 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.359, FS, P + B + I). L’indemnité de licenciement doit donc être calculée sur la base d’une ancienneté remontant au 17 décembre 2012.
Pour fixer le montant de l’indemnité, il convient prendre en compte les dispositions contractuelles relatives à la rémunération prévues par chacun des contrats entrant dans la période de calcul, en intégrant les rappels de salaire dus au titre de la requalification ainsi que ceux dus au titre des périodes interstitielles (Soc., 2 juin 2021, pourvoi n°19-18.080, FS, P). Ces périodes interstitielles doivent ainsi être prises en compte, qu’elles aient ou non donné lieu à un rappel de salaire.
Il y a lieu de fixer le montant de l’indemnité de licenciement à 6 669,15 euros net et de condamner l’employeur au paiement de cette somme.
Sur la demande d’indemnité compensatrice de préavis
Selon l’article L.1234-5 du code du travail, l’inexécution du préavis n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnités de congés payés comprises.
Il convient de fixer le montant de l’indemnité de préavis en considération de la rémunération perçue par le salarié au cours de la période qui a précédé la fin de la relation contractuelle (Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 20-10.141, FS, P).
La durée du préavis étant de trois mois en application de l’article VII.6 de la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012, il y a lieu de condamner l’Association Ogec [6] à payer à M. [G] les sommes de 13 338,30 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 1 333,83 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
M. [G] a acquis une ancienneté de six années complètes au moment de la rupture dans une association employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre trois et sept mois de salaire brut.
Pour fixer le montant de l’indemnité, il convient prendre en compte les dispositions contractuelles relatives à la rémunération prévues par chacun des contrats entrant dans la période de calcul, en intégrant les rappels de salaire dus au titre de la requalification ainsi que ceux dus au titre des périodes interstitielles. Ces périodes interstitielles doivent ainsi être prises en compte, qu’elles aient ou non donné lieu à un rappel de salaire.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du refus de la réintégration par l’employeur, de l’âge du salarié, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences de la rupture à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l’employeur à payer à M. [G] la somme de 14 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement
M. [X] [Z] [G] sollicite le paiement de la somme de 4967,52 € à ce titre.
L’indemnité prévue par l’article L. 1235-2 du code du travail ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
M. [X] [Z] [G] est donc débouté de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de remise de documents
Le salarié demande la somme de 9 000 € à ce titre.
M. [X] [Z] [G] ne justifie pas du préjudice qu’il invoque.
Il y a lieu de le débouter de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement aux obligations contractuelles
M. [X] [Z] [G] reproche à son employeur de l’avoir sollicité pour des tâches étrangères à sa qualité de metteur en scène comme celles de remplacement d’un professeur absent, participation aux réunions de professeurs, aux sorties scolaires et aux conseils de classe. M. [X] [Z] [G] établit avoir accompli les tâches qu’il invoque. Il ne justifie cependant pas du préjudice dont il se prévaut.
En revanche, il établit n’avoir bénéficié que d’un seul entretien professionnel pendant toute la durée de la relation contractuelle, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 6315-1 du code du travail.
Il y a lieu de condamner l’association Ogec [6] à payer à M. [G] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation professionnelle
Le salarié en contrat à durée déterminée bénéficie d’un droit à la formation.
L’employeur n’ayant pas rempli son obligation de ce chef, il sera condamné à verser à M. [X] [Z] [G] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de remise des documents de fin de contrat
Il convient d’ordonner à l’association Ogec [6] de remettre à M. [X] [Z] [G] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt.
Aucune circonstance ne justifie d’assortir ce chef de décision d’une mesure d’astreinte pour en garantir l’exécution.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de l’Association Ogec [6], partie succombante.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure de première instance et d’appel. Il y a lieu de débouter l’employeur de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Tours sauf en ce qu’il a débouté M. [X] [Z] [G] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d’indemnité de précarité, de dommages-intérêts pour défaut de remise de documents ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Rejette la fin de non-recevoir sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile soulevée par l’association Ogec [6] ;
Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription des demandes au titre de la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et de la rupture du contrat de travail soulevées par l’association Ogec [6] ;
Requalifie la relation de travail entre M. [X] [Z] [G] et l’association Ogec [6] en un contrat de travail à durée indéterminée ;
Dit que les demandes de rappel de salaire en tant qu’elles portent sur la période antérieure au 29 mai 2016 sont irrecevables comme prescrites ;
Condamne l’association Ogec [6] à payer à M. [X] [Z] [G] les sommes suivantes :
– 42’534,80 euros brut à titre de rappel de salaire ;
– 4 253,48 euros brut au titre des congés payés afférents ;
– 5 000 euros net à titre d’indemnité de requalification ;
– 26’676,60 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
– 6 669,15 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;
– 13 338,30 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 333,83 euros brut au titre des congés payés afférents ;
– 14 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation professionnelle ;
– 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement aux obligations contractuelles ;
Ordonne à l’association Ogec [6] de remettre à M. [X] [Z] [G] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte;
Condamne l’association Ogec [6] à payer à M. [X] [Z] [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne l’association Ogec [6] aux dépens de première instance et d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID