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N° RG 19/04898 – N° Portalis DBV2-V-B7D-ILTW
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 07 JUILLET 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE DIEPPE du 15 Novembre 2019
APPELANTE :
Madame [S] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Stéphane BARBIER de la SELARL BARBIER VAILLS, avocat au barreau de DIEPPE substituée par Me Philippe DUBOS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMES :
Maître [U] [B], Mandataire liquidateur de la SARL PATADIEPPE
[Adresse 2]
[Localité 3]
n’ayant pas constitué avocat
régulièrement assigné le 26/02/2020
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Karine MAUREY-THOUOT, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 01 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 01 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé le 07 Juillet 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [S] [L] a été engagée en qualité de serveuse par la société Patadieppe par contrats de travail à durée déterminée du 10 au 31 octobre 2017, puis du 1er au 30 novembre 2017, et enfin, du 1er au 31 décembre 2017.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des hôtels, cafés, restaurants et elles se sont interrompues le 23 décembre 2017.
Par jugement du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce de terre et de mer de Dieppe a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Patadieppe et M. [U] [B] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par requête du 30 juillet 2018, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Dieppe en requalification de sa relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2017 ainsi qu’en contestation de la rupture et paiement de rappels de salaire et indemnités.
Par jugement du 15 novembre 2019, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [L] de l’intégralité de ses demandes, constaté que les demandes de l’AGS CGEA de [Localité 3] n’avaient pas lieu d`être compte tenu du débouté de Mme [L], débouté M. [B], ès qualités, de l’ensemble de ses demandes, en ce compris de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [L] aux entiers dépens.
Mme [L] a interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2019 et a signifié sa déclaration d’appel à M. [B], ès qualités, le 26 février 2020.
Par conclusions remises le 10 juin 2020, et signifiées à M. [B], ès qualités, le 30 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [L] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a constaté que les demandes de l’AGS CGEA n’avaient pas lieu d’être, et, statuant à nouveau, de :
– dire qu’elle a été embauchée par la société Patadieppe sans contrat écrit à compter du 1er octobre 2017,
– requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2017 et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Patadieppe à la somme de 1 837,21 euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée,
– requalifier son contrat de travail en contrat à temps plein, dire que son salaire mensuel s’élève à la somme de 1 837,21 euros à compter du 1er octobre 2017 et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Patadieppe à la somme de 1 801,47 euros, outre 180,14 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférent, au titre des arriérés de salaires impayés entre le 1er octobre 2017 et le 23 décembre 2017,
– dire son licenciement oral intervenu le 23 décembre 2017 abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– à titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas l’existence d’un licenciement oral en date du 23 décembre 2017, dire que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une démission non équivoque de la salariée, ni d’une quelconque faute grave et que le contrat a pris fin le 31 décembre 2017 sans que l’employeur n’ait procédé à une procédure de licenciement et qu’en conséquence, la rupture de son contrat de travail doit s’analyser en un licenciement abusif,
– à titre infiniment subsidiaire, si la cour retenait l’existence d’une démission, dire que cette démission est équivoque et requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– en conséquence, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Patadieppe aux sommes suivantes :
dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 1 837,21 euros,
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 837,21 euros
indemnité de préavis : 459,30 euros
congés payés afférents : 45,93 euros
-en tout état de cause, débouter M. [B], ès qualités, de l’ensemble de ses demandes, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Patadieppe à la somme de 1 500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dire que l’ensemble des sommes auxquelles la société Patadieppe sera condamnée porteront intérêts au taux légal à compter de la date de dépôt de la présente requête, dire que les intérêts porteront anatocisme et condamner M. [B], ès qualités, aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 11 mars 2020, et signifiées à M. [B], ès qualités, le 13 mars 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, l’AGS-CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :
-confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et, à titre subsidiaire, si la cour requalifiait les contrats d’extra conclus entre Mme [L] et la société Patadieppe en contrat à temps plein à durée indéterminée, fixer au passif de la société Patadieppe une somme de 1 euro symbolique et en tout état de cause au maximum de 1 256,04 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en déboutant intégralement Mme [L] de ses autres demandes,
– en toute hypothèse, lui déclarer la décision à intervenir opposable dans les limites de la garantie légale, lui donner acte de ses réserves et statuer ce que de droit quant à ses garanties,
– dire que la garantie de l’AGS n’a qu’un caractère subsidiaire et lui déclarer la décision opposable dans la seule mesure d’insuffisance de disponibilités entre les mains du mandataire judiciaire,
– dire que la demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile n’entre pas dans le champ d’application des garanties du régime,
– dire que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-18, L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail et qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail,
– dire que son obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
– statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’association concluante.
M. [B], ès qualités, n’a pas constitué.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’existence d’une relation contractuelle entre le 1er et le 10 octobre 2017
Mme [L] soutient avoir été engagée dès le 1er octobre 2017, avant même la signature du contrat à durée déterminée du 10 octobre 2017 et produit pour en justifier le bulletin de salaire du mois d’octobre qui fait état d’une entrée dans l’entreprise et d’une date d’ancienneté au 1er octobre 2017 mais aussi l’attestation Assedic remplie par l’employeur à l’issue de ce contrat à durée déterminée qui mentionne, là aussi, une date d’embauche au 1er octobre 2017.
S’il n’existe pas de contrat écrit, les documents apportés par Mme [L] sont cependant constitutifs d’un contrat de travail apparent et il appartient en conséquence au CGEA de rapporter la preuve de l’absence de tout contrat de travail sur cette période du 1er au 10 octobre 2017.
Pour ce faire, il produit la déclaration préalable à l’embauche en date du 10 octobre 2017 et le registre unique du personnel qui mentionne également cette date mais surtout, les feuilles de pointage mensuel de Mme [L], lesquelles permettent de relever qu’elle n’ont été remplies par cette dernière qu’à compter du 10 octobre, sans que Mme [L] puisse sérieusement faire valoir que ce document ne lui aurait pas été présenté antérieurement à cette date alors même que les informations mentionnées sur ces feuilles d’heures sont conformes à celles apparaissant sur les bulletins de salaire d’octobre et novembre, qu’il s’agisse du nombre de paniers payés ou du nombre d’heures exécutées, sachant que pour celles-ci, le 31 octobre figure sur la fiche de pointage du mois de novembre.
Aussi, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que Mme [L] n’avait pas été liée par un contrat de travail à la société Patadieppe entre le 1er et le 10 octobre 2017 malgré les mentions erronées apparaissant sur ses bulletins de salaire et son certificat de travail.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Mme [L] sollicite la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en faisant valoir qu’ils ont été signés pour pourvoir un emploi durable et permanent, sans qu’il ne soit établi le moindre caractère temporaire de cet emploi, rappelant que s’il était retenu que son contrat conclu en décembre 2017 avait pour objet de remplacer une salariée embauchée en contrat à durée indéterminée démissionnaire, il serait précisément conclu pour pallier une carence sur un emploi durable et permanent. Par ailleurs, elle considère que la qualification d’extra donnée à ses contrats de travail, lesquels ont porté sur une durée de trois mois, est erronée à défaut de mission précise, sachant qu’en tout état de cause, au regard des dispositions de la convention collective, ils ne peuvent qu’être requalifiés en contrat à durée indéterminée pour avoir duré plus de soixante jours.
En réponse, le CGEA considère qu’au regard du domaine d’activité de la société Patadieppe, celle-ci pouvait recourir aux contrats à durée déterminée, d’autant qu’au moment de leur signature, elle changeait d’enseigne pour devenir Bistrot Régent, ce qui ne lui permettait pas de déterminer précisément l’affluence future de la clientèle et donc de connaître précisément l’effectif nécessaire, étant au surplus relevé qu’une salarié a démissionné au 30 novembre 2017 nécessitant la signature du contrat à durée déterminée de décembre 2017.
Il résulte de l’article L. 1244-1 du code du travail que les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est notamment conclu pour les emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, sachant que l’hôtellerie et la restauration font partie de ces secteurs d’activité selon l’article D. 1242-1.
Par ailleurs, selon l’article 14 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, l’emploi d’extra qui, par nature, est temporaire est régi par les dispositions légales en vigueur. Il est précisé que l’extra est engagé pour la durée nécessaire à la réalisation de la mission et qu’il peut être appelé à être occupé dans un établissement quelques heures, une journée entière ou plusieurs journées consécutives dans les limites des durées définies par l’article 21.2.c. Il est enfin prévu qu’un extra qui se verrait confier par le même établissement des missions pendant plus de 60 jours dans un trimestre civil pourrait demander la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.
S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, dont font partie l’hôtellerie et la restauration, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
Par ailleurs, la seule qualification conventionnelle de “contrat d’extra” n’établit pas qu’il peut être conclu dans le secteur de l’hôtellerie-restauration des contrats à durée déterminée d’usage successifs pour ce type de contrats, pour tout poste et en toute circonstance, aussi, convient-il de rechercher si pour l’emploi considéré, il est effectivement d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et s’il était justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de recourir à de tels contrats.
En l’espèce, si chacun des contrats à durée déterminée conclus entre les parties mentionne qu’il s’agit d’un contrat d’extra, il résulte néanmoins des feuilles de pointage que Mme [L] a, en réalité, travaillé durant près de trois mois chaque jour de la semaine à l’exception de ses jours de repos hebdomadaires, et ce, sur des horaires de service classiques, midis et soirs, ce qui, manifestement ne répond pas aux conditions d’emploi des extras prévues par la convention collective en son article14 dont il ressort que l’extra est engagé pour la durée nécessaire à la réalisation d’une mission.
Il résulte d’ailleurs des conclusions mêmes du CGEA que Mme [L] n’était pas engagée pour répondre à des missions mais bien pour faire face à l’activité habituelle du restaurant, puisqu’il est évoqué le remplacement d’une salariée démissionnaire et le changement d’enseigne engendrant un aléa sur le volume futur de l’activité, étant relevé que ces motifs ne sauraient constituer un motif valable de recours au contrat à durée déterminée et qu’il n’est en tout état de cause nullement justifié d’un accroissement temporaire d’activité.
Aussi, et alors qu’il n’est apporté aucun justificatif quant aux circonstances particulières ayant pu justifier le recours à un contrat par nature temporaire, il convient de requalifier les contrats à durée déterminée conclus entre Mme [L] et la société Patadieppe en contrat à durée indéterminée et ce, dès le premier contrat irrégulier, soit dès le 10 octobre 2017.
Surabondamment, il résulte de l’article 14 de la convention collective qu’un extra auquel est confié par le même établissement des missions pendant plus de soixante jours dans un trimestre civil peut demander la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée, aussi, et alors que Mme [L] a travaillé plus de soixante jours, sa demande de requalification est également fondée sur cette disposition.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée à temps partiel en contrat à temps plein
Mme [L] sollicite la requalification de ses contrats à temps partiel en contrat à temps plein en exposant qu’aucun des contrats ne contient la durée exacte de travail ou la répartition hebdomadaire ou mensuelle du travail, sans qu’il ne soit apporté la preuve de la durée exacte du travail convenu, ni davantage qu’elle n’aurait pas été placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’était pas dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l’employeur, aucune preuve d’un quelconque affichage trois semaines à l’avance des plannings produits n’étant apportée.
Le CGEA soutient qu’il peut être dérogé aux mentions obligatoires prévues par le code du travail, ce qui est le cas en l’espèce puisque la convention collective contient des stipulations relatives à la modification de la répartition de la durée et des horaires de travail, à la prise en compte des absences des salariés pour leur rémunération ou encore aux délais de prévenance en cas de changements d’horaires, étant au surplus relevé que la Cour de cassation a jugé que les horaires de travail eux-mêmes n’avaient pas à figurer obligatoirement dans le contrat de travail et que les plannings étaient affichés trois semaines à l’avance, ce qui permettait à Mme [L] de ne pas se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
Selon l’article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat.
Contrairement à ce que soutient le CGEA, les dispositions de la convention collective qu’il invoque n’ont nullement pour objet de déroger aux obligations listées à l’article L. 3121-6 du code du travail puisqu’il y est simplement précisé les règles d’affichage des horaires de travail, ou encore celles relatives au contrôle de la durée du travail, au lissage de la rémunération ou aux modalités de prévenance en cas de modification des horaires, sachant qu’au contraire il est expressément prévu en son article 15 que le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit et qu’il est régi par les dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Par ailleurs, les carences des contrats de travail invoquées par Mme [L] ne portent pas sur les horaires de travail mais bien sur l’absence de toute mention quant au temps de travail puisqu’il n’est précisé ni la durée mensuelle ou hebdomadaire du travail, ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, aussi, il est présumé que l’emploi est à temps complet et il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
Or, si le CGEA produit des plannings pour chacune des journées travaillées, il n’est nullement justifié qu’ils auraient été affichés dans des délais permettant à Mme [L] de ne pas se tenir constamment à la disposition de l’employeur mais bien plus, il n’est pas justifié la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire qui aurait été convenue, sachant que celle-ci a varié chaque mois travaillé et que, contrairement à ce que soutient le CGEA, Mme [L] avait des horaires très variables, ses jours de congés n’étant pas systématiquement les mêmes, pas plus que les matinées ou après-midi travaillés.
Aussi, si ce n’est qu’elle débutait son service à 11h45 les midis et à 18h45 les soirs travaillés, elle ne pouvait cependant prévoir son rythme de travail à défaut de savoir quels jours et quels services elle devrait assurer.
Il convient en conséquence de requalifier ses contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et, alors qu’il ressort de la convention collective que le temps plein des salariés autres que les cuisiniers correspond à 43 heures, soit 186,33 heures mensuelles, il y a lieu de retenir les calculs opérés par Mme [L] sur la base d’un taux horaire de 9,86 euros tant pour la période du 1er au 30 novembre que du 1er au 23 décembre, soit respectivement 526,30 euros et 433,84 euros.
Au contraire, pour le mois d’octobre, il convient de retenir une période de travail du 10 au 31 octobre et non du 1er au 31 octobre et, en proratisant, il doit être retenu que Mme [L] aurait dû être payée 126,22 heures, qu’elle n’a été payée que 101 heures, soit une différence de 25,22 heures, aussi, lui est-il dû pour cette période 248,66 euros.
Il convient en conséquence de fixer au passif de la société Patadieppe la somme de 1 208,80 euros, outre 120,88 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l’indemnité de requalification
Compte tenu du montant du salaire résultant de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein, il convient de fixer l’indemnité due au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à la somme de 1 837,21 euros.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [L] soutient qu’elle a fait l’objet d’un licenciement verbal le 23 décembre 2017 et qu’à défaut pour le CGEA de justifier qu’elle aurait démissionné, ce qui ne saurait résulter du seul fait qu’elle a trouvé un autre emploi, il doit être considéré qu’il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En tout état de cause, sa démission ne pourrait qu’être équivoque dans la mesure où elle faisait part à cette époque sur Facebook des différends qui l’opposaient à son employeur.
Le CGEA relève que Mme [L] a cessé de se rendre sur son lieu de travail le 23 décembre 2017, ce qui au regard des déclarations qu’elle a pu faire tant à ses collègues que sur les réseaux sociaux, est constitutif d’une démission non équivoque.
La démission qui, si elle peut être orale ne se présume pas et ne peut résulter du seul comportement du salarié, est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture.
La prise d’acte produit les effets d’un licenciement si les faits allégués sont établis par le salarié et suffisamment graves pour la justifier, dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.
En l’espèce, trois salariés de la société Patadieppe certifient que Mme [L] les a avisés courant décembre de son départ de l’entreprise pour travailler au service de l’ADMR, Mme [M] précisant qu’elle leur a révélé qu’elle arrêtait son travail au restaurant pour travailler à l’ADMR de [Localité 5] à partir du 23 décembre, ce qui est pleinement corroboré par un message posté par Mme [L] le 12 décembre 2017 sur les réseaux sociaux aux termes duquel elle indique ‘Je repars à ladmr il mon rapeler se matin j’arrête le régend le 23″ et en réponse à un message lui disant qu’elle doit être contente, elle répond ‘Ho que oui enfin je pard’.
Il ressort ainsi suffisamment des circonstances de l’espèce que l’absence de Mme [L] à compter du 23 décembre 2017 résultait d’une volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail pour travailler au sein d’une autre société.
Il convient néanmoins d’apprécier si cette démission s’analyse en une prise d’acte de la rupture, sachant qu’il ressort des messages échangés sur le réseau social précité que dès le 4 janvier 2018, Mme [L] indiquait à une personne voulant postuler dans le restaurant qu’on leur fait faire de la ‘merde’, plein de fermetures pour 1 093 euros par mois, que les repas sont pris même lorsqu’on ne mange pas au restaurant et que c’est pour cela que tout le monde s’en va.
Si les griefs sont ainsi énoncés postérieurement à la démission, ils en sont néanmoins contemporains compte tenu de la proximité de cet échange avec la démission et ce, d’autant plus qu’ils sont mentionnés pour expliquer son départ.
Néanmoins, il doit être relevé que Mme [L] ne justifie pas du moindre courrier de réclamation antérieurement à sa démission, sachant que si des sommes lui ont été allouées au titre de la requalification du temps partiel en temps plein, il résulte des pièces du dossier que toutes ses heures ont été rémunérées sans qu’elle n’apporte aucun élément sur le fait qu’elle n’aurait pas pu bénéficier des avantages en nature ressortant de ses bulletins de salaire.
Aussi, et alors qu’au 4 janvier 2018, elle ne remettait nullement en cause son temps partiel, ni la signature de contrats à durée déterminée, il ne peut être considéré que les griefs invoqués, contemporains à la démission, étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et il convient en conséquence de dire que la prise d’acte de la rupture s’analyse en une démission et de la débouter de l’intégralité de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail.
Surabondamment, il doit être relevé que les requalifications ordonnées au titre des contrats à durée déterminée et temps partiel, outre qu’il ne s’agit pas de griefs invoqués de manière contemporaine à la démission, ne sauraient davantage être considérés comme étant de nature à empêcher toute poursuite du contrat de travail à défaut de toute réclamation préalable à la démission.
Sur la garantie de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 3]
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l’AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Sur les intérêts
Les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt pour les dispositions infirmées.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus produiront intérêts dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière et ce, à compter de l’arrêt.
Il convient néanmoins de préciser que le jugement d’ouverture de la procédure arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner M. [B], ès qualités, aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, et de le condamner à payer à Mme [L] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [S] [L] de sa demande de reconnaissance d’un contrat de travail à compter du 1eroctobre 2017 et de l’ensemble de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Ordonne la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 10 octobre 2017 ;
Ordonne la requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter du 10 octobre 2017 ;
Dit que la rupture intervenue le 23 décembre 2017 s’analyse en une démission ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Patadieppe la créance de Mme [S] [L] aux sommes suivantes :
indemnité de requalification : 1 837,21 euros
rappel de salaire au titre de la requalification du
contrat à temps partiel en contrat à temps plein
pour la période du 10 octobre au 23 décembre 2017 : 1 208,80 euros
congés payés afférents : 120,88 euros
Déclare l’UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 3] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles ;
Y ajoutant,
Dit que les sommes allouées en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt pour les dispositions infirmées ;
Dit que les intérêts échus produiront intérêts dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière et ce, à compter de l’arrêt.
Précise que le jugement d’ouverture de la procédure arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;
Condamne M. [B], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Patadieppe, à payer à Mme [S] [L] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [B], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Patadieppe, aux entiers dépens.
La greffièreLa présidente