Contrat à durée déterminée d’usage : 6 juillet 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-16.089

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Contrat à durée déterminée d’usage : 6 juillet 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-16.089
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SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 833 F-D

Pourvoi n° X 21-16.089

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022

M. [M] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-16.089 contre l’arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l’opposant à la société Nomad, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [K], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Nomad, après débats en l’audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 février 2021) M. [K] a été engagé par la société Saint-Laurent gastronomie, aux droits de laquelle vient la société Nomad, qui exerce une activité de traiteur et d’organisateur de réceptions, selon « contrats de travail d’extra temporaire par nature » à durée déterminée, à compter de juillet 2006, en qualité de maître d’hôtel extra.

2. Le 21 septembre 2015, le salarié a déclaré prendre acte de la rupture du contrat de travail au motif que son employeur ne lui fournissait plus de travail depuis septembre 2015.

3. Le 29 septembre 2015 le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein et de ses demandes subséquentes en paiement d’indemnités de requalification, de préavis et de congés payés afférents, légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire pour la période d’octobre 2012 à septembre 2015, alors « que la seule qualification conventionnelle de « contrat d’extra » n’établit pas qu’il peut être conclu dans le secteur de l’hôtellerie-restauration à des contrats à durée déterminée d’usage successifs pour ce type de contrats, pour tout poste et en toute circonstance ; qu’il appartient au juge de rechercher si, pour l’emploi considéré, il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, et de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ; qu’ayant constaté que le salarié était employé depuis juillet 2006 en tant que maître d’hôtel extra, qu’il avait travaillé 122 jours en moyenne entre 2010 et 2013, que l’activité réception représentait 17 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, que chaque année, des pics d’activité survenaient lors des mois de janvier, juin, septembre, octobre, suivis de périodes creuses en hiver, que sur les 19 salariés occupés à l’activité de réception, l’employeur avait recours à trois contrats à durée indéterminée contre 16 salariés employés dans le cadre de contrats à durée déterminée d’extras, ce dont il résultait que l’activité du salarié qui s’était renouvelée durant des années présentait un caractère répétitif et régulier et que son emploi était indispensable à l’activité normale et permanente de l’entreprise, peu important que le recours de contrats à durée déterminée d’usage dans une telle proportion ait été discontinu et variable au cours d’une même année civile, sans toutefois en déduire que, faute pour la société d’établir que le salarié exerçait un emploi par nature temporaire, la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée devait être prononcée, la cour d’appel a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1, 4° du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail, interprétés à la lumière des clauses 1 et 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 :

5. D’abord, la seule qualification conventionnelle de « contrat d’ extra » n’établit pas qu’il peut être conclu dans le secteur de l’hôtellerie-restauration des contrats à durée déterminée d’usage successifs pour ce type de contrats, pour tout poste et en toute circonstance.

6. Ensuite, s’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

7. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée l’arrêt retient que les contrats de travail mentionnent que l’employeur fait appel à un extra dont l’emploi est par nature temporaire, puisqu’il est engagé pour une durée de 6 ou 7 heures correspondant à la durée d’une réception. Il ajoute que l’employeur établit que sur un effectif total de soixante-douze salariés, dix-neuf sont affectés à l’activité de réception, seize sont des extras, et trois sont fixes. L’activité de réception occupe dix-neuf salariés, celle du laboratoire de fabrication des repas traiteur tente-huit, quatre sont affectés à la logistique et onze au fonctionnement de la structure. L’arrêt relève que la prestation d’organisateur de réception, pour laquelle l’employeur a recours à des maîtres d’hôtel extra, présente un caractère accessoire puisque cette activité représente 17 % de son chiffre d’affaires global, et par nature temporaire, sans que puisse être déterminés à l’avance la fréquence et le volume d’activité et d’effectif, ces paramètres étant variables en fonction de la demande, du type d’événement, de la nature de la prestation, du nombre de participants et de la saison. L’arrêt ajoute que ces variations d’activité nécessitent le recours à une main d’oeuvre ponctuelle d’emploi de maître d’hôtel et que les bulletins de paie produits par le salarié font apparaître qu’il travaillait de manière irrégulière selon les saisons et les besoins de l’employeur, avec des pointes d’activité en juin et janvier et des périodes creuses en hiver. L’arrêt retient qu’en 2010, il a travaillé 1 444 heures sur 131 jours, en 2011, il a travaillé 1 281 heures sur 111 jours, en 2012, 1 383 heures sur 127 jours, en 2013, 1 205 heures sur 122 jours, en 2014, 700 heures sur 67 jours et en 2015, 120 heures sur 13 jours.

8. L’arrêt déduit de ces éléments que l’employeur fournit les éléments objectifs établissant le caractère ponctuel et accessoire de son activité d’organisateur de réception pour laquelle il a recours à l’emploi d’extra qui est par nature temporaire pour les réceptions qu’il organise de manière irrégulière.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la durée réduite de chacun des contrats à durée déterminée, du caractère accessoire de l’activité et de sa variabilité, sans vérifier si, au regard des tâches confiées au salarié, le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. [K] de ses demandes au titre de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, au titre de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et en paiement d’un rappel de salaire pour la période courant d’octobre 2012 à septembre 2015, l’arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Nomad aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Nomad et la condamne à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.

 


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