Contrat à durée déterminée d’usage : 6 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03007

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Contrat à durée déterminée d’usage : 6 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03007
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 06 FEVRIER 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03007 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNR2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° 18/03565

APPELANTE

S.A.S. ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane HASBANIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P398

INTIME

Monsieur [J] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me François BRUNEL, avocat au barreau de BAYONNE, toque : 130

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] [V] a été engagé par la SAS ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT à compter du 12 novembre 2004 par divers contrats de travail à durée déterminée d’usage, en qualité de technicien d’exploitation audiovisuel. La relation de travail a cessé au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée le 6 décembre 2017. Le dernier salaire mensuel brut de l’intéressé s’élevait à 2.197,91 euros.

La convention collective des Entreprises techniques au service de la création et de l’évènement est applicable aux relations entre les parties.

M. [V] a saisi la juridiction prud’homale le 5 décembre 2018 aux fins de faire condamner la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT à lui payer une indemnité de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que des indemnités de rupture du contrat de travail (Indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement nul), et à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 19 février 2021, le conseil des prud’hommes de Bobigny, statuant en formation de départage, a requalifié les contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée, a jugé que la rupture de la relation de travail entre les parties est un licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu à la date du 6 décembre 2017, et a condamné la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT à verser à M. [V] les sommes suivantes :

– 13.062,48€ brut à titre d’indemnité de requalification ;

– 4.354,16 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 435,41€ brut ;

– 10.156,07 € brut à titre d’indemnité de licenciement ;

– 18.505,18 € brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a condamné la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT à remettre à M. [V] des documents sociaux sous astreinte de 50 € ainsi qu’à lui verser 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT en a relevé appel.

Par conclusions récapitulatives du 23 juin 2021 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT demande à la cour d’infirmer le jugement, de débouter M. [V] de ses demandes et de le condamner à lui payer 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une confirmation de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT demande de juger que M. [V] ne peut revendiquer une ancienneté antérieure au 13 janvier 2015 et de limiter les condamnations susceptibles d’être prononcées à l’encontre de la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT aux sommes suivantes :

– A titre d’indemnité de requalification : 2.177,08 €

– A titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6.531,24 €.

Par conclusions récapitulatives du 21 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [V] demande de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, de l’infirmer sur le quantum de l’indemnité de requalification accordée, et de condamner la société au paiement de 28.302,04 euros (13 mois de salaire) à titre d’indemnité de requalification sur le fondement de l’article L.1245-2 du code du travail ;

Sur la rupture, M. [V] demande d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement, de juger que le licenciement est nul et de condamner la société au paiement des sommes suivantes :

– Indemnité compensatrice de préavis : 4354,16 euros

– Congés payés afférents : 435,41 euros

– Indemnité de licenciement : 10.156,07 euros

– Indemnité pour licenciement nul : 34.833 euros

A titre subsidiaire, M. [V] demande de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société au paiement des sommes suivantes :

– Indemnité compensatrice de préavis : 4354,16 euros

– Congés payés afférents : 435,41 euros

– Indemnité de licenciement : 10.156,07 euros

Il demande d’infirmer le jugement sur le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle à la somme de 25.036,42 euros

Il sollicite 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et demande d’ordonner la remise des bulletins de paie et documents sociaux rectifiés et de condamner la société aux dépens et aux intérêts légaux avec anatocisme.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions développées lors de l’audience des débats.

****

MOTIFS

Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée

Principe de droit applicable

L’article L1242-2 3° du code du travail prévoit que, sous réserve des dispositions de l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déteminée peut être conclu pour 1’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans le cas d’emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité défmis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L’article D1242-1 du même code énumère, en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Cet article vise au 6° ‘ Les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique’.

Cependant, aux termes de l’article L1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Application du droit à l’espèce

La société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT fait valoir que M. [V] a travaillé pour la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT à temps très partiel, soit en moyenne 81,34 jours par an, et au maximum pendant 127 jours sur une même année, sans qu’il soit possible de connaître la répartition de ces jours sur chaque mois et que, de 2009 à 2011, M. [V] déclare n’avoir travaillé que 25,5, 25,5 et 39,5 jours pour la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT, soit un cumul de seulement 90,50 jours sur 3 ans. La société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT ajoute que M. [V] est malvenu à prétendre n’avoir quasiment travaillé que pour la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT pendant 14 années et avoir retiré pendant cette période l’essentiel de ses revenus de cette collaboration. Elle conteste le fait que M. [V] aurait occupé un emploi permanent et durable dès son premier jour de collaboration avec la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT. La société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT en conclut que les demandes de M. [V] visant à se faire reconnaître une ancienneté antérieure au 13 janvier 2015 doivent être déclarées irrecevables, faute pour lui de justifier, année par année, de l’ensemble de ses activités, revenus et employeurs avant cette date.

En l’espèce, les parties relèvent de la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement du 21 février 2008.

Aux termes de son article 4.3 : ‘ Le secteur de la prestation technique au service de la création et de l’événement est un secteur dans lequel il est d’usage constant de recourir au contrat à durée déterminée dans le cadre des dispositions de l’article L. 1242-2-3 du code du travail.

Toutefois, les employeurs entendent réserver le recours au contrat à durée déterminée d’usage aux seuls cas où les particularités et les nécessités de l’activité le justifient.

4.3.1 Conditions de recours au contrat à durée déterminée d’usage

Le présent article précise les circonstances et fonctions pouvant justifier du recours à ce contrat (…).

Les employeurs s’engagent à ne pas recourir au contrat à durée déterminée d’usage afin

* de pourvoir à des emplois sans lien avec la conception, lafabrication de contenus, l’apparition à l’image et, ou au son d’oeuvres ou de programmes ;

* pourvoir durablement à des emplois permanents au sens de l’article L. 1242-1 du code du travail.

* de remplacer un salarié en grève lors d’un conflit du travail.

(…)

D’une manière générale, il est convenu que le CDD d’usage suppose que l’activité principale de l’entreprise relève des secteurs de l’audiovisuel, des spectacles et de l’action culturelle ;

* qu’une entreprise du champ de la prestation technique audiovisuelle soit titulaire de la certification sociale et qu’une entreprise relevant du champ de la prestation technique du spectacle vivant ou de l’événement soit titulaire du label « Prestataire de service du spectacle vivant », distincte, le cas échéant de la licence d’entrepreneur de spectacle. A contrario, les entreprises non titulaires des certifications précitées n’ont pas la faculté de conclure des CDD dits d’usage. LesCDD contractéspar ces entreprises seront ainsi de droit commun, conformément aux dispositions des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail.

(…)

4.3.3 Certification sociale de l’entreprise et contrat de travail du salarié

4. 3.4 Modalités de transformation des CDDU d’usage en CDI

Sur la base des contrats exécutés à partir du 1er janvier suivant l’extension de la présente convention, tout salarié, employé régulièrement sous CDD d’usage dans les filières ci-après dénommées « spectacle vivant et événement ” et « audiovisuelle », qui aura effectué auprès d’une même entreprise un volume moyen annuel de 152 jours et 1 216 heures constaté sur une période de référence de 2 années consécutives se verra proposer un contrat de travail à durée indéterminée. (…).

La société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT est une société spécialisée dans le développement de systèmes interactifs et multimédia ainsi que dans les activités et prestations de services se rapportant à la production de films et d’émissions audiovisuelles. Elle fournit et met notamment en place des écrans vidéo ainsi que des appareils permettant la comptabilisation de votes électroniques au profit principalement de sociétés de production audiovisuelle.

Les premiers bulletins de salaire du salarié pour les années 2004 et 2005 mentionnent seulement pour cette société une activité de vente et location de matériel informatique. Il n’est cependant pas contesté que la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT fait partie du secteur de la prestation technique au service de la création et de l’événement au sens de la convention collective susvisée qui permet de recourir au contrat à durée déterminée d’usage sous réserve du respect des conditions imposées par la loi et la convention collective.

Il n’est pas contesté que la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT a recruté M. [V] en novembre 2004 en qualité de technicien vidéo, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée et que le dernier contrat qui a pris fin le 6 décembre 2017. Il n’est pas non plus contesté que l’intéressé a effectivement effectué des prestations pour cette société pendant 13 ans.

Les pièces produites pour les années 2004 et 2005 sont des bulletins de salaires mensuels qui mentionnent un emploi de technicien vidéo, mais aucune contrat n’est produit pour cette période. Pour la période entre entre 2006 et 2015, le salarié produit 9 bulletins de salaire correspondant à 9 piges d’une durée de un à quatre jours et aucun contrat. Pour la période de janvier 2015 à décembre 2017, les bulletins de salaires sont produits par le salarié qui a aussi communiqué ses contrats allant du 2 mars au 12 juillet 2017.

S’agissant du volume d’activité déployé par M. [V], l’employeur se limite à produire un tableau montrant que le salarié a effectivement travaillé tous les ans au service de la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT de 2004 à 2017 sur la base de 1139 contrats. En l’absence d’autre élément produit par l’employeur sur les prestations effectuées par M. [V], l’ancienneté à retenir dans l’hypothèse d’une confirmation de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée se situe bien à la date d’embauche de M. [V] en 2004, et non en 2015.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au débat que M. [V] a travaillé au service de la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT pendant 13 ans sur la base de 1139 contrats représentant au total 9112 heures de travail. Il a toujours exercé les mêmes fonctions techniques de technicien vidéo. Il ressort par ailleurs de plusieurs courriels émanant de l’assistante administrative et logistique de la société que celle-ci faisait aussi appel à des salariés permanents de l’entreprise pour occuper des fonctions de technicien vidéo.

Au vu du volume d’activité déployé par l’intéressé, M. [V] n’a pas atteint le nombre d’heures prévu par la convention collective pour générer la procédure conventionnelle obligatoire de proposition d’un CDI en lieu et place d’un CDDU (volume moyen annuel exigé de 152 jours et 1 216 heures constaté sur une période de référence de 2 années consécutives).

Cependant, les éléments versés au débat montrent que l’emploi de M. [V] n’était pas temporaire et le fait de ne pas atteindre ce volume n’autorise pas pour autant l’employeur à embaucher un salarié sur la base d’une succession de contrats à durée déterminée pendant de nombreuses années dès lors qu’il s’agit de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

La société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT fait valoir que son activité dépend des commandes qui lui sont passées, principalement, par des producteurs audiovisuels pour les besoins de leurs émissions, et que même les émissions récurrentes peuvent être déprogrammées à tout moment par le diffuseur en fonction des résultats d’audience. Elle fait valoir qu’elle est confrontée à une incertitude et une variation permanente de son activité. Elle invoque une gestion difficile des effectifs qui, selon elle, nécessite le recours à des contrats à durée déterminée et exclue la conclusion de contrats à durée déterminée à temps partiel, lesquels supposeraient de pouvoir convenir par avance d’un nombre fixe de jours et de leur répartition sur l’année.

La société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT indique qu’elle emploie en contrats à durée indéterminée le maximum de techniciens vidéo qu’elle peut se permettre de compter dans ses effectifs pour satisfaire son besoin permanent et durable et complète ce besoin minimum pour la partie volatile de son activité, non permanente , ni durable, par des intermittents du spectacle.

Cependant, la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT ne produit aucune pièce sur ces points à l’appui de ses écritures, qu’il s’agisse notamment du caractère fluctuant de l’activité, ou encore du nombre d’emplois permanents et non permanents de techniciens vidéo. Ainsi, l’employeur ne justifie pas d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, et ce, dès l’embauche de l’intéressé en 2004, étant précisé que les émissions récurrentes étaient traitées indifféremment par les techniciens vidéo employés en contrat à durée indéterminée ou par un intermittent.

Ainsi, au vu des éléments versés aux débats en cause d’appel, il apparaît que le conseil de prud’hommes, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, a à bon droit retenu que l’emploi de M. [V] aurait dû être pourvu par un contrat à durée indéterminée, éventuellement sous la forme d’un temps partiel, assorti le cas échéant en cas de nécessité d’heures complémentaires, puisqu’il n’est pas démontré que le besoin de M. [V] correspondait à un temps plein.

La relation de travail entre M. [V] et la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT entre 2004 et 2017 doit par conséquent être requalifiée en un contrat à durée indéterminée.

Sur l’évaluation du montant de de l’indemnité de requalification :

En application de l’article L1245-2 du code du travail, lorsqu’il est fait droit à la demande du salarié, il lui est accordé une indemnité de requalification, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette indemnité s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Il y a lieu de retenir le salaire mensuel moyen de 2.177,08 € brut correspondant au montant sur lequel les parties se sont accordées en première instance.

En l’espèce, au vu des 13 années d’activité à temps partiel de M. [V] au service de la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT sur la base de 1.139 ‘piges’ et du préjudice occasionné par l’instabilité de M. [V] dans son emploi pendant ces années avec des périodes de diminution d’activité importante au cours de certaines années (en particulier 2009, 2010 et 2011, le conseil de prudhomes a procédé à une juste évaluation du préjudice de M. [V] en retenant 6 mois du salaire de référence à titre d’indemnité de requalification.

Le jugement sera donc confirmé en ce que la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT SAS a été condamnée à payer à M. [J] [V] la somme de 13.062,48 € brut au titre de l’indemnité de requalification.

Sur la rupture de la relation de travail

A la fin de l’année 2017, la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT annonçait qu’une nouvelle grille de rémunération serait appliquée aux intermittents à compter du mois de janvier 2018, soit 210€ par jour au lieu de 250€ en 2017, ce qui correspondait à une importante baisse de salaire. La relation de travail entre M. [V] et la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT a alors cessé au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée le 6 décembre 2017, le salarié n’ayant pas accepté de travailler aux nouvelles conditions avec une rémunération amputée de 16%.

Au soutien de sa demande tendant à faire prononcer la nullité du licenciement, M. [V] soutient que la rupture de la relation de travail est liée à au fait qu’il a exprimé son souhait de continuer à travailler avec la même rémunération, il en veut pour preuve la chronologie des événements, puisqu’après son courriel il n’a plus été fait appel à lui. Il fait valoir qu’il s’agit d’une atteinte à une liberté fondamentale, en l’espèce son droit d’expression dans l’entreprise.

En réalité, il ressort du débat que la cessation de la relation de travail n’est pas en relation avec le droit du salarié de s’exprimer au sein de l’entreprise mais au désaccord existant entre les parties au sujet de la rémunération du travail. Elle est dès lors imputable à l’employeur qui a cessé de faire appel à l’intéressé compte tenu du refus de celui-ci de voir sa rémunération baisser.

C’est à tort que la société ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT SAS soutient qu’elle n’est pas à l’origine de la rupture de la relation de travail intervenue entre les parties car c’est bien sa décision de baisser unilatéralement le taux journalier de M. [V] qui a mis un terme à la relation de travail, à l’exclusion de tout autre facteur.

Il s’ensuit que la nullité de la rupture de la relation de travail n’est pas encourue, mais le refus de l’intéressé d’accepter la baisse de sa rémunération, soit une modification unilatérale, conduit à considérer que la rupture intervient en l’espèce à l’initiative de l’employeur, et doit être analysée comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la date du terme du dernier contrat, soit le 6 décembre 2017.

Evaluation du montant des condamnations

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [V], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences de la rupture de la relation de travail à son égard, le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail en retenant la somme de 18.505, 18 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient par ailleurs de confirmer le montant des sommes suivantes accordées à M. [V] en première instance au vu des explications et pièces versées aux débats,:

– 4.354,16 € au titre de l’indernnité compensatrice de préavis,

– 435,41 € pour les congés payés afférents.

– 10.156,07 €, à titre d’indemnité de licenciement.

Sur la demande de remise de documents :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit. Le jugement est confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

– AUTORISE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

– ORDONNE la remise par la SAS ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT à M. [J] [V] de bulletins de paye, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT à payer à M.[J] [V] en cause d’appel la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

CONDAMNE la SAS ALTERNATIVE DEVELOPPEMENT.

La greffière, La présidente.

 


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