Votre panier est actuellement vide !
ARRÊT DU
31 Mars 2023
N° 544/23
N° RG 21/00218 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOQ7
IF / SL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS
en date du
25 Janvier 2021
(RG 19/00435 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 31 Mars 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
S.A.R.L. DEMESERVICES
[Adresse 9]
représentée par Me François RABIER, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
M. [N] [B]
[Adresse 2]
représenté par Me Xavier BRUNET, avocat au barreau de BETHUNE substitué par Me Valentin GUISLAIN, avocat au barreau de BETHUNE
S.A.R.L. DEMENAGEMENTS VAN HULLEBUSCH
[Adresse 1]
intimé sur appel provoqué
représentée par Me François RABIER, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 31 Janvier 2023
Tenue par Isabelle FACON
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie DOIZE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
[Y] [D]
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par [Y] [D], Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10/01/2023
EXPOSÉ DU LITIGE
Au cours des années 2017 et 2018, Monsieur [N] [B] a travaillé successivement pour les sociétés Demeservices et Demenagements Van Hullebusch (les sociétés), en tant que aide-déménageur et déménageur dans le cadre de trois à quatre contrats à durée déterminée, soit par contrats d’usage journaliers, soit par contrats saisonniers.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport et particulièrement par l’accord du 22 septembre 2005 relatif aux temps de liaison, l’accompagnement et à la valorisation du métier par l’encadrement des contrat à durée déterminée d’usage en transport de déménagement.
Monsieur [N] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Lens aux fins d’obtenir, à titre principal, la requalification des contrats en un seul contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet et la condamnation in solidum des deux sociétés dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappels de salaire. A titre subsidiaire, il formait des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour chacun des contrats.
Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Lens a requalifié les contrats de travail à durée déterminée de Monsieur [N] [B] en un seul contrat de travail à durée indéterminée conclu auprès de la société Demeservices à effet du 2 Juin 2017 et à temps complet, sur une base de 35 heures par semaine et a jugé que la rupture de ce contrat de travail intervenue le 15 Juin 2018 est abusive.
Il a condamné la seule société Demeservices à payer à Monsieur [N] [B] les sommes suivantes :
– 1.535,20 euros nets à titre d’indemnité de requalification
-1.535,20 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
– 152,32 euros bruts au titre des congés payés sur préavis.
– 383,80 euros nets à titre d’indemnité de licenciement.
– 767,60 euros nets à titré de dommages et intérêts pour licenciement abusif
– 1.535,20 euros nets à titre de dommage set intérêts pour non respect de la procédure de licenciement
– 6.460,57euros brut de rappel de salaire.
– 646,06 euros bruts au titre des congés payés sur rappel de salaire.
– 1.500 euros nets au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre la charge des dépens
Il a débouté les parties de leurs autres demandes et a ordonné à la société Demeservices de transmettre à Monsieur [N] [B] l’ensemble des documents administratifs et ses bulletins de paie dûment rectifiés sous astreinte.
Les sociétés Demeservices et Van Hullebusch ont fait appel de ce jugement par déclaration du 18 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de leurs dernières conclusions communes, les sociétés demandent l’infirmation du jugement aux fins de débouté de Monsieur [N] [B] de l’ensemble de ses demandes et sa condamnation à leur payer à chacune la somme de 3000 euros, au titre de l’indemnité de procédure, outre la charge des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, Monsieur [N] [B], qui a formé appel incident, demande, à titre principal, la confirmation du jugement, excepté en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation in solidum des deux sociétés pour l’ensemble des sommes retenues, ainsi que sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont il réclame que le montant soit fixé à hauteur de la somme de 1.535,20 euros.
A titre subsidiaire, si la cour ne requalifiait pas les différents contrats à durée déterminée en un seul contrat à durée indéterminée, il formule les demandes suivantes :
– la condamnation de la société Demeservices à lui payer les sommes suivantes :
Au titre du contrat illicite du 2 juin 2017 :
– 1.752,26 euros nets à titre d’indemnité de requalification.
– 1.752,26 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1.752,26 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 153,10 euros à titre de rappels de salaires outre 15,31 euros au titre des congés payés
Au titre du contrat illicite du 1er juin 2018 :
– 1535,20 euros nets à titre d’indemnité de requalification
– 1535,20 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1535,20 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
– la condamnation de la société Demenagements Van Hullebusch à lui payer :
– 1.664,19 euros nets à titre d’indemnité de requalification
– 1.664,19 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1.664,19 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 1.664,19 euros à titre d’indemnité de préavis outre 166,42 euros au titre des congés payés y afférant,
– 6.307,47 € bruts à titre de rappel de salaire, outre la somme de 630,74, € au titre des congés payés afférents.
Il sollicite enfin leur condamnation à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 3 000 euros, outre la charge des dépens.
Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exposé des contrats de travail litigieux
Il est nécessaire d’exposer les données de chacun des contrats de travail litigieux, les sociétés appelantes estimant avoir eu recours à des contrats à durée indéterminée successifs pour des sociétés différentes, là où Monsieur [N] [B] estime n’avoir eu affaire qu’avec un même employeur donneur d’ordre, travaillant sur deux sociétés différentes pour des activités de même nature.
Les appelantes indiquent que la société Demeservices, dont le siège social est situé à [Localité 8], exerce une activité de déménagement de particuliers sur la région lilloise avec un effectif de 2 salariés et que la société Demenagements Van Hullebusch, dont le siège social est situé à [Localité 7], exerce sous l’enseigne Les déménageurs bretons une activité principale de transfert d’entreprise sur les secteurs de [Localité 6], [Localité 4] et [Localité 3], avec un effectif limité à 9 personnes.
Elles indiquent que Monsieur [V] [S] est devenu le gérant des deux sociétés en mai 2018, alors que précédemment Monsieur [I] [P] était le gérant de la société Demeservices et Monsieur [T] [P] était le gérant de la société Demenagements Van Hullebusch.
Les sociétés ne fournissent pour autant aucun extrait Kbis pour en justifier.
Il sera relevé d’emblée que les contrats de travail signés par chacune des deux sociétés prévoient un même point d’attache habituel, situé à [Localité 5], alors que Monsieur [N] [B] résidait au cours de la période litigieuse à [Localité 10].
Les pièces communiquées par les parties permettent de retenir les éléments suivants :
CDD saisonnier avec la société Demeservices, signé le 1er juin 2017
période de travail déclaré à Pôle Emploi : 2 juin 2017 – 29 septembre 2017
gérant de la société : Monsieur [I] [P], siège social : [Localité 8]
point d’attache habituel : [Localité 5]
emploi : aide-déménageur
salaire de juin 2017 : 1345.85 euros
salaire de juillet 2017 : 1812.42 euros
salaire d’août 2017 : 1727.62 euros
salaire de septembre 2017 : 1520.86 euros
CDD journalier avec la société Demenagements Van Hullebusch, signé le 29 septembre 2017
période de travail déclaré à Pôle Emploi : 2 octobre 2017 – 31 décembre 2017
gérant de la société : Monsieur [T] [P], siège social : [Localité 7]
point d’attache habituel : [Localité 5]
emploi : déménageur professionnel
salaire d’octobre 2017 :1897.84 euros – nombre de jours travaillés : 19
salaire de novembre 2017 : 1147.72 euros – nombre de jours travaillés : 12
salaire de décembre 2017 : 1207.77 euros – nombre de jours travaillés : 12
emploi sans signature de contrat auprès de la société Demenagements Van Hullebusch
période de travail déclarée à Pôle Emploi : 11 janvier 2018 – 29 mai 2018
La société Demenagements Van Hullebusch produit un contrat CDD journalier du 3 janvier 2018 de déménageur professionnel non signé de Monsieur [N] [B], la société étant représentée par Monsieur [V] [S]
salaire de janvier 2018 : 93.52 euros – nombre de jours travaillés : 1 (le 4 janvier 2018)
salaire de février 2018 : 539.51 euros – nombre de jours travaillés : 6
salaire de mars 2018: 556.42 euros – nombre de jours travaillés : 6
salaire de avril 2018 : 350.30 euros – nombre de jours travaillés : 4
salaire de mai 2018 : 557.80 euros – nombre de jours travaillés : 6
emploi sans signature de contrat auprès de la société Demeservices
un CDD saisonnier signé de l’employeur mais pas du salarié est produit par les deux parties
début et fin du contrat prévue : 1er juin 2018 – 30 septembre 2018
gérant de la société : [V] [S], siège social : [Localité 8]
point d’attache habituel : [Localité 5]
emploi : déménageur professionnel
période d’essai : 17 jours
dernier jour de travail déclaré à Pôle Emploi : 15 juin 2018
salaire de juin 2018 : 1028.40 euros
Sur la requalification du contrat de travail du 1er juin 2017 avec la société Demeservices
Aux termes de l’article L1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Aux termes de l’article L1243-1 du code du travail, lorsque la relation contractuelle se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée à déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
En application des articles L1242-2 3° et D1242-1 du code du travail, dans le secteur d’activité du déménagement, l’employeur peut recourir à un contrat à durée déterminée dit d’usage, en raison de la nature de l’activité exercée ou du caractère par nature temporaire des emplois.
En outre, dans le cadre de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport, les partenaires sociaux ont conclu l’accord du 22 septembre 2005 relatif aux temps de liaison, l’accompagnement et à la valorisation du métier par l’encadrement des contrat à durée déterminée d’usage en transport de déménagement.
Le contrat de travail se réfère expressément à ces deux textes, dans leur version en vigueur à sa date de signature.
L’article 6 de cet accord disposait que :
‘1. Définition (1).
Dans le cadre des contrats dits d’usage prévus aux articles L. 122-1-1 alinéa 3 et D. 121-2 du code du travail, il est substitué à l’actuel contrat journalier un nouveau contrat journalier, conclu sur un ou plusieurs jours et visant :
– à la réalisation d’une seule et même mission de déménagement ;
ou
– à la réalisation de plusieurs missions de déménagement dans le cadre d’un seul et même ” voyage de déménagement(s) “.
Ce contrat est conclu pour une durée minimale non fractionnable de 7 heures.
2. Formalisme.
Les partenaires sociaux s’engagent à demander la reconnaissance par voie d’un arrêté ministériel de ce nouveau contrat journalier dont le modèle, qui s’impose aux entreprises utilisatrices, (2) est annexé au présent accord.
Dans le cadre du renforcement du formalisme, les parties signataires conviennent de :
– l’obligation de rédaction d’un contrat par l’employeur ou son représentant à chaque nouvelle mission de déménagement ou à chaque voyage de déménagement(s) ;
– l’obligation de déclaration préalable à l’embauche à chaque nouvelle mission ;
– l’obligation d’établir une feuille de paie conforme (mentionnant les éventuelles majorations pour congés payés, le passage par une caisse de congés payés, le décompte du temps de travail à la semaine, la situation du salarié non mensualisé, le paiement des jours fériés compris dans une même mission ou voyage de déménagement…) ;
– l’obligation de prévoir une mention relative à la faculté de transformation à la demande du salarié du contrat en CDI à plein temps et à ses formalités ;
– l’obligation d’un suivi numéroté et chronologique des contrats successifs ;
– l’obligation de l’utilisation du carnet hebdomadaire pour contrôle des heures effectuées.’
L’article 7 dispose que :
‘Les partenaires sociaux s’engagent à limiter la possibilité de cumul des nouveaux contrats journaliers.
Dans ce sens, tout salarié dont le nombre de jours effectués dans le cadre de contrats dits d’usage (visant les nouveaux contrats journaliers et/ou les contrats saisonniers conclus dans le cadre de l’article L. 122-1-1 al 3 du code du travail) au cours des 12 derniers mois, est supérieur à 190 jours de temps de travail effectif peut prendre l’initiative de demander la transformation, qui est alors de droit, de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à plein temps (1).
Dans cette situation, l’ancienneté du salarié se détermine en tenant compte de la durée de ses contrats de travail dits d’usage successifs, accomplis dans la même entreprise, sous réserve que les interruptions de service n’excédent pas 12 mois.
Est alors assimilée à une année d’ancienneté toute période de 190 jours de temps de travail effectif au cours des 12 derniers mois.(…)’
Le conseil de prud’hommes a relevé, à juste titre, que le contrat de travail du 1er juin 2017 conclu pour effectuer une mission de déménagement d’une durée minimum de 7 heures en tant qu’aide déménageur s’est manifestement poursuivi au-delà de cette seule mission de déménagement puisqu’il a pris fin quatre mois plus tard, le 29 septembre 2017.
En outre, l’examen des bulletins de paie des mois de juin à septembre 2017, montre que l’employeur, qui qualifie le contrat de saisonnier, a fait bénéficier son salarié des règles relatives à un temps complet puisqu’en juillet, août et septembre 2017, les heures au-delà de la 152ème heure ont été rémunérées comme des heures supplémentaires.
Ainsi, la société Demeservices s’est affranchie de l’objet initial du contrat de travail signé avec Monsieur [N] [B], en l’espèce un contrat d’usage à durée déterminée journalier pour une mission de déménagement ponctuelle et a établi des feuilles de paie dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée saisonnier, à temps complet.
La société Demeservices argue que l’absence ou le caractère erroné de la désignation du poste de travail n’entraîne pas la requalification en contrat à durée indéterminée, lorsque l’emploi occupé est par nature temporaire et que, bien que l’employeur puisse regrouper les périodes de paie, les journaliers ne sont pas des salariés mensuels mais des intermittents.
Cependant, la sanction d’un contrat à durée déterminée qui présente un motif erroné de recours et qui a perduré au delà du terme prévu est sa requalification en contrat à durée indéterminée.
C’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes a requalifié le contrat de travail du 1er juin 2017 en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet.
Le jugement sera confirmé.
Sur la requalification du contrat de travail du 29 septembre 2017 avec la société Déménagements Van Hullebusch
Le même raisonnement est applicable au contrat d’usage de travail à durée déterminée journalier conclu avec la société Déménagements Van Hullebusch le 29 septembre 2017, qui présente le même support écrit que le précédent et qui s’est poursuivi, dans les mêmes conditions au delà du terme prévu.
La relation contractuelle avec la société Déménagements Van Hullebusch était également à durée indéterminée et sur la base d’un temps complet pour les mêmes raisons que pour le contrat précédent avec la société Demeservices.
Bien que la société Déménagements Van Hullebusch ait établi des documents de fin de contrat à destination de Pôle Emploi pour un dernier jour de travail le 28 décembre 2017, force est de constater que la relation contractuelle s’est poursuivie dès le 4 janvier 2018, selon le relevé des jours travaillés ou le 11 janvier 2018, selon l’attestation à destination de Pôle Emploi, sans signature d’un nouveau contrat de travail.
Il s’ensuit que Monsieur [N] [B] a travaillé pour la société Déménagements Van Hullebusch jusqu’au 29 mai 2018, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée et à temps complet
Sur la requalification du contrat de travail du 1er juin 2018 avec la société Demeservices
Aux termes de l’article L1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Le délai de huit mois écoulé depuis la rupture du précédent contrat avec la société Demeservices justifie de considérer qu’une nouvelle relation contractuelle s’est nouée.
Les parties s’opposent sur la nature de la relation contractuelle.
La société Demeservices indique que Monsieur [N] [B] a démissionné de son propre chef pendant la période d’essai et a refusé de signer le contrat proposé. Elle a indiqué ‘démission’ sur les documents de fin de contrat pour Pôle Emploi et elle produit un message de Monsieur [N] [B] du 15 juin montrant qu’il avait de bons rapports avec ses supérieurs.
Monsieur [N] [B] indique qu’il a refusé de signer le CDD, estimant se trouver en CDI et que son employeur lui a dit qu’il n’avait plus de travail pour lui le 15 juin 2018, rompant ainsi la période d’essai du contrat proposé.
La société Demeservices ne démontre pas que Monsieur [N] [B] a refusé de signer le contrat proposé de mauvaise foi, le message cordial pouvant s’interpréter de différentes façons.
En conséquence, la relation contractuelle qui a commencé le 1er juin 2018 sans signature d’un contrat de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée.
Aux termes de l’article L 1242-10 du code du travail, ‘le contrat de travail à durée déterminée peut comporter une période d’essai. Sauf si des usages ou des stipulations conventionnelles prévoient des durées moindres, cette période d’essai ne peut excéder une durée calculée à raison d’un jour par semaine, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initialement prévue au contrat est au plus égale à six mois et d’un mois dans les autres cas.’
Aux termes de l’article L 1243-2 du code du travail, ‘par dérogation aux dispositions de l’article L. 1243-1, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l’échéance du terme à l’initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie de la conclusion d’un contrat à durée indéterminée. Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de respecter un préavis dont la durée est calculée à raison d’un jour par semaine compte tenu :
1° De la durée totale du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, lorsque celui-ci comporte un terme précis ;
2° De la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis.
Le préavis ne peut excéder deux semaines.
Aux termes de l’article L1243-4 du code du travail, ‘la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.’
Comme le rappelle justement Monsieur [N] [B], il avait déjà fait ses preuves auprès de la société Demeservices sur le poste d’aide déménageur 8 mois auparavant, sur une durée de quatre mois.
Or, la Cour de cassation a jugé que la période d’essai n’était pas justifiée lorsque l’employeur avait déjà eu l’occasion d’apprécier les qualités professionnelles du salarié, dans le cadre de contrats successifs qui ont pour objet le même emploi (Soc. 5 octobre 2016, n° 15-16.384).
Dès lors, la période d’essai n’était pas justifiée.
Les parties s’opposent encore sur l’initiative de la rupture du contrat, la société Demeservices estimant que Monsieur [N] [B] a démissionné, Monsieur [N] [B] estimant que la société a mis fin brutalement et abusivement à son contrat que la cour a requalifié en contrat à durée indéterminée.
Sur le fondement de l’article L1237-1 du code du travail, la Cour de cassation pose l’exigence constante d’une volonté claire et non équivoque du salarié démissionnaire. La charge de la preuve de la démission claire et non équivoque du salarié incombe à l’employeur.
En l’espèce, la seule production d’un message téléphonique d’au revoir à la tonalité sans doute sympathique le 15 juin 2018 ne peut suffire à poser l’exigence de la volonté claire et non équivoque de Monsieur [N] [B] de démissionner.
Dès lors, la rupture du contrat au bout de 15 jours de travail alors que l’employeur avait pu apprécier les qualités professionnelles de Monsieur [N] [B] dans le précédent contrat de travail qui avait pris fin le 29 septembre 2017 est abusive et emportera les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de reconnaissance d’une situation d’emploi unique, dans le cadre d’une collusion frauduleuse des deux sociétés
Monsieur [N] [B] soutient que les deux sociétés se sont entendues pour partager le travail du concluant sans discontinuer afin notamment de l’empêcher de bénéficier des dispositions protectrices de l’accord des partenaires sociaux du 22 septembre 2005 lui permettant de bénéficier d’un contrat de travail à durée indéterminée au-delà de 190 jours de travail durant douze mois.
Ce faisant, Monsieur [N] [B] se réfère à la théorie du co-emploi sans pour autant la développer, de sorte que les quelques éléments qu’il invoque, en l’espèce, identité de gérant et travail sans discontinuer pour les deux sociétés soeurs ne suffisent pas pour abonder dans ce sens.
Au demeurant, le nombre de jours travaillés n’est pas suffisant pour caractériser la fraude aux droits du salarié, dès lors qu’une réponse sera apportée à la rupture de chacun des contrats, éventuellement après requalification.
En l’absence de co-emploi frauduleux, le principe de condamnation in solidum des deux sociétés, dans le cadre d’un partage de contrat à durée indéterminée ne sera pas retenu.
Le jugement sera confirmé.
Sur les demandes indemnitaires et salariales relatives au contrat de travail du 1er juin 2017 avec la société Demeservices
L’article L 1245-1 du code du travail prévoit que la requalification en contrat à durée indéterminée ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Monsieur [N] [B] qui expose s’être trouvé dans une situation précaire du fait d’un contrat qui s’est poursuivi au delà de la mission initialement prévue pendant 4 mois, sans bénéficier notamment des règles protectrice sur le temps de travail, a droit à une indemnité de requalification.
Le montant de 1752.26 euros de moyenne des salaires mensuels n’étant pas contesté, la société Demeservices sera condamnée à payer à Monsieur [N] [B] la somme de 1752.26 euros à ce titre.
Le jugement sera confirmé.
L’article L 1471-1 distingue les délais de prescription selon que l’action porte sur l’exécution du contrat ou sur sa rupture. Dans ce dernier cas, le délai de prescription est d’un an à compter de la notification de la rupture.
Les sociétés soutiennent à raison que l’action de Monsieur [N] [B] relative à la rupture du contrat du 2 juin 2017 est prescrite depuis le 30 septembre 2018, la société Demeservices ayant notifié la fin du contrat le dernier jour de travail, soit le 29 septembre 2017.
Dès lors, la requête de Monsieur [N] [B] au conseil de prud’hommes de Lens étant intervenue après cette date, ses demandes relatives à l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que pour le non-respect de la procédure de licenciement sont irrecevables, en ce qu’elles sont frappées par la prescription.
Le jugement sera infirmé.
Enfin, le contrat ayant été requalifié en contrat à temps complet, le salarié a droit à un rappel de salaire.
Seul le mois de juin 2017 a été rémunéré pour un temps inférieur à un temps complet. la société Demeservices sera condamnée à lui payer la somme de 153, 10 euros à titre de rappels de salaire, outre 10 % au titre des congés payés.
Le jugement sera infirmé.
Sur les demandes indemnitaires et salariales relatives au contrat de travail du 29 septembre 2017 avec la société Déménagements Van Hullebusch
En application de l’article L 1245-1 du code du travail et pour les mêmes raisons que celles développées pour le premier contrat, Monsieur [N] [B] a droit à une indemnité de requalification fixée au montant maximum d’un mois de salaire dont le montant moyen de 1664.19 euros n’est pas contesté.
La rupture du contrat de travail du 29 septembre 2017 requalifié en contrat de travail à durée indéterminée emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail, au jour de la rupture du 29 mai 2018, Monsieur [N] [B] disposait d’une ancienneté inférieure à un an, il a droit à une indemnité comprise entre 0 et 1 mois de salaire brut, dont la moyenne de 1664.19 euros n’est pas contesté.
Compte tenu notamment du montant de la rémunération de Monsieur [N] [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la cour retient que l’indemnité à même de réparer son préjudice doit être évaluée à la somme de 1664.19 euros.
Par ailleurs, en application de articles L. 1234-1 et L. 1234-2 du code du travail, le salarié a droit à un préavis dont la durée varie en fonction de l’ancienneté. Avec une ancienneté comprise entre six mois et un an, la durée du préavis est fixée à un mois.
La société Demenagements Van Hullebusch sera condamnée à payer à Monsieur [N] [B] une indemnité compensatrice de préavis sera fixée à la somme de 1664.19 euros, outre 10% au titre des congés payés.
En revanche, s’agissant de la demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, Monsieur [N] [B] propose une application inexacte de l’article L1235-2 du code du travail. En effet, cette disposition s’applique dans l’hypothèse d’un licenciement qui présente une cause réelle et sérieuse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Monsieur [N] [B] sera débouté de sa demande à ce titre.
Enfin, le contrat ayant été requalifié en contrat à temps complet, l’employeur est tenu au paiement d’un rappel de salaire et de congé payé sur la base d’un temps complet, la cour de cassation rappelant que le rappel de salaire est dû même si le salarié a exercé d’autres activités professionnelles (Soc 27 juin 2012, n° 10.28-048).
En l’espèce, quand bien même, comme le soutient la société Demenagements Van Hullebusch, Monsieur [N] [B] aurait suivi une formation au permis poids -lourds à compter de janvier 2018, le salaire à temps complet est dû, la requalification à temps complet venant sanctionner les manquements du contrat quant au temps de travail.
Les mois de novembre, décembre 2017, janvier, février, mars, avril, mai 2018 n’ont pas été rémunérés à temps complet.
Il s’ensuit que la société Demenagements Van Hullebusch sera condamnée à payer à Monsieur [N] [B] la somme de 6307.47 euros, outre 10 % au titre des congés payés.
Le jugement sera infirmé.
Sur les demandes indemnitaires et salariales relatives au contrat de travail du 1er juin 2018 avec la société Demeservices
L’article L 1245-1 du code du travail prévoit que la requalification en contrat à durée indéterminée ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Monsieur [N] [B] qui expose ne pas avoir obtenu, malgré ses demandes, un contrat à durée indéterminée plus protecteur a droit à une indemnité de requalification
Le salaire mensuel prévu est de 1535.20 euros, la société Demeservices sera condamnée à payer à Monsieur [N] [B] la somme de 1535.20 euros à ce titre.
Cette indemnité s’ajoute à la précédente déjà à la charge de la même société ;
Mais ce cumul est possible en l’absence de succession immédiate des contrats requalifiés ;
En l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail, au jour de la rupture du 15 juin 2018, Monsieur [N] [B] disposait d’une ancienneté inférieure à un an, il a droit à une indemnité comprise entre 0 et 1 mois de salaire brut.
Compte tenu notamment du montant de la rémunération de Monsieur [N] [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et en l’absence de tout élément sur sa situation actuelle, la cour retient que l’indemnité à même de réparer son préjudice doit être évaluée à la somme de 1 000 euros.
En revanche, s’agissant de la demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, Monsieur [N] [B] propose une application inexacte de l’article L1235-2 du code du travail. En effet, cette disposition s’applique dans l’hypothèse d’un licenciement qui présente une cause réelle et sérieuse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Le jugement sera infirmé.
Sur l’application de l’article L 1235-4 du code du travail
L’article L.1235-4 du code du travail dispose que « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».
Le licenciement de Monsieur [N] [B] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du Code du travail .
En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la société Demeservices aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [N] [B], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Sur les autres demandes
Il convient d’ordonner la remise par chacun des sociétés d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les sociétés, partie perdante, seront condamnées in solidum aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Le jugement sera infirmé sur les dépens, ainsi que sur l’indemnité de procédure qui en découle.
Compte tenu des éléments soumis aux débats, il est équitable de condamner in solidum les sociétés à payer à Monsieur [N] [B] la somme de 2000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a requalifié le contrat du 1er juin 2017 signé avec la société Demeservices en contrat à durée indéterminée et à temps complet,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Déclare les demandes de Monsieur [N] [B] relatives à la rupture du contrat du 2 juin 2007 irrecevables par l’effet de la prescription
Condamne la société Demeservices à payer à Monsieur [N] [B] les sommes suivantes :
– 1752.26 euros, au titre de l’indemnité de requalification
– 153.10 euros à titre de rappels de salaire
– 15.31 euros, au titre des congés payés.
Requalifie le contrat de travail signé le 29 septembre 2017 avec la société Déménagements Van Hullebusch en un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet,
Juge que la rupture du contrat de travail du 29 septembre 2017 avec la société Demeservices emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Demenagements Van Hullebusch à payer à Monsieur [N] [B] les sommes suivantes :
– 1664.19 euros, au titre de l’indemnité de requalification
– 1664.19 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1664.19 euros, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– 166.42 euros, au titre des congés payés afférents
– 6307.47 euros, à titre de rappels de salaire
– 630.75 euros, au titre des congés payés afférents
Requalifie la relation contractuelle commencée le 2 juin 2018 avec la société Demeservices en contrat de travail à durée indéterminée,
Juge que la rupture du contrat de travail du 2 juin 2018 avec la société Demeservices emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Demeservices à payer à Monsieur [N] [B] les sommes suivantes :
– 1535.20 euros au titre de l’indemnité de requalification
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Ordonne à la société Demeservices et à la société Demenagements Van Hullebusch de remettre les bulletins de salaire rectificatifs, ainsi que les certificats de travail et les attestations destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification,
Ordonne le remboursement par la société Demeservices et à la société Demenagements Van Hullebusch aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [N] [B], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et chacune pour la période d’emploi la concernant,
Déboute Monsieur [N] [B] du surplus de ses demandes,
Condamne in solidum la société Demeservices et la société Demenagements Van Hullebusch aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne in solidum la société Demeservices et la société Demenagements Van Hullebusch à payer à Monsieur [N] [B] une indemnité de 2 000 euros à titre d’indemnité de procédure.
LE GREFFIER
Séverine STIEVENARD
LE PRESIDENT
[Y] [D]