Contrat à durée déterminée d’usage : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01062

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Contrat à durée déterminée d’usage : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01062
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ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 1004/23

N° RG 20/01062 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S6GH

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVESNES SUR HELPE

en date du

03 Février 2020

(RG F 19/00044 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [D] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3] / FRANCE

représentée par Me Sylvie TEYSSEDRE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Eric MOUVEAU, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. OPTI-MIX ETUDES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Alexandre BARRIER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l’audience publique du 01 Février 2023

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 31 Mars 2023 au 30 Juin 2023 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 Janvier 2023

FAITS ET PROCEDURE

La SAS OPTI-MIX ETUDES a pour activité la réalisation d’études à destination de distributeurs et d’industriels. Elle applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils.

La SA centre européen de recueil de paramètres (le CERP) a engagé Mme [D] [N], née en 1959, selon contrat de travail du 13/03/2007 en qualité d’enquêteur marketing vacataire.

A la suite de la liquidation judiciaire du CERP, le tribunal de commerce de Versailles par jugement du 15/04/2011 a ordonné la cession de tous les éléments corporels et incorporels de la société CERP au profit de la société OPTI-MIX devenue OPTI-MIX ETUDES. Le contrat de travail de la salariée a été transféré à cette dernière société.

Par la suite, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée pour l’emploi d’enquêteur vacataire, statut ETAM, position 1.3.2, coefficient 230.

Une attestation Pôle emploi a été établie par l’employeur le 16/05/2018 au motif d’une fin de contrat à durée déterminée.

Mme [N] a indiqué à l’employeur par lettre du 06/08/2018 qu’elle considérait être toujours salariée de l’entreprise et a sollicité une rupture conventionnelle par lettre du 27/08/2018.

L’employeur a répondu par lettre en retour du 28/08/2018 que le dernier contrat avait pris fin le 09/04/2018, et le 09/11/2018 que la salariée n’avait travaillé que dans le cadre de contrats à durée déterminée.

Suivant requête reçue le 19/10/2018, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe d’une demande de rappel de salaire.

Par décision du 03/02/2020, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes, et l’a condamnée au paiement d’une indemnité de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration reçue le 06/03/2020, Mme [N] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Mme [N] ayant présenté des demandes nouvelles, le conseiller de la mise en état par ordonnance du 29/06/2022 a déclaré :

-irrecevables les prétentions formulées par Mme [D] [N] relatives à la rupture du contrat de travail ;

-recevables les prétentions relatives à une demande de rappel de salaire sur la base d’un temps plein.

Selon ses conclusions reçues le 06/01/2023, Mme [D] [N] demande de «dire bien appelé, mal jugé », et réformant, de :

-condamner la SAS OPTI-MIX ETUDES à lui payer les sommes suivantes :

-50.063 € à titre de rappel de salaire, et 5.006 € au titre des congés payés,

-à titre subsidiaire, la somme de 5.842,96 €, outre indemnité compensatrice de congés payés d’un montant de 584,29 €,

-1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe, et 4.000 € au titre au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d’appel de DOUAI,

-ordonner la communication par la SAS OPTI-MIX ETUDES des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir,

-débouter la SAS OPTI-MIX ETUDES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la SAS OPTI-MIX ETUDES en tous les frais et dépens de première instance et d’appel.

La SAS OPTI-MIX ETUDES selon ses conclusions reçues le 10/01/2023 demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes nouvelles présentées par Mme [N] en cause d’appel au titre d’une requalification à temps plein, à savoir :

-50.063,00 € brut à titre de rappel de salaire,

-5.006,00 € brut au titre des congés-payés afférents.

-à supposer recevables ces demandes nouvelles, les juger prescrites sur toute la période antérieure au 25 mai 2017,

-en toute hypothèse,

-juger mal fondées les demandes de Mme [N],

-débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 03/02/2020 par le conseil des prud’hommes d’Avesnes-sur-Helpe,

-y ajoutant, et à titre reconventionnel,

-condamner Mme [N] à lui payer une somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La clôture de la procédure résulte d’une ordonnance du 11/01/2023.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la recevabilité des demandes

La SAS OPTI-MIX ETUDES explique que la demande de requalification à temps complet est irrecevable, que l’ordonnance du conseiller de la mise en état n’est pas assortie de l’autorité de chose jugée, que la demande de rappel de salaire initialement fondée sur une sous évaluation de la rémunération est sans rapport avec celle faite au titre d’une requalification à temps plein.

Mme [N] indique que la question a été tranchée par le conseiller de la mise en état dont la décision n’a pas été frappée de déféré.

Sur quoi, l’article 914 in fine du code de procédure civile dispose que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.

Il est constant que le conseiller de la mise en état n’a statué que sur la recevabilité des prétentions de Mme [N], cette décision n’étant pas dès lors assortie de l’autorité de chose jugée.

Par ailleurs, la Cour de Cassation par avis du 11/10/2022 (n°22-70.010) a indiqué que les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d’appel.

En vertu de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En vertu de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la demande initiale de Mme [N] portait sur la somme de 5.842,96 €, son temps de travail n’ayant pas été rémunéré en totalité. La demande en cause d’appel, si elle repose sur un fondement juridique distinct, à savoir le paiement du salaire sur la base d’un temps complet, en est le complément nécessaire, ainsi que l’a retenu le conseiller de la mise en état. La SAS OPTI-MIX ETUDES sera déboutée de sa fin de non-recevoir.

Sur la demande de rappel de salaire à temps complet

Au préalable, la SAS OPTI-MIX ETUDES oppose la prescription tirée de l’article L3245-1 du code du travail.

-Sur la prescription

Selon l’article L3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

L’intimée indique que Mme [N] n’a formalisé sa demande que dans ses conclusions d’appelante du 25/05/2020. Toutefois, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes suivant requête reçue le 19/10/2018, en sorte que sa demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat (soit le 19/10/2015). La fin de non-recevoir sera rejetée.

-Sur la demande de rappel de salaire

L’appelante explique que les différents CDD d’enquêteurs vacataires prévoyant des tâches à des jours fixés s’inscrivent nécessairement pour l’employeur dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, qu’elle devait se tenir à la disposition de son employeur de manière constante, eu égard à la multiplicité des contrats établis par l’employeur, que sa demande consiste bien en un rappel de salaire peu important le fondement juridique dont elle se prévaut.

L’intimée explique que Mme [N] ne démontre pas avoir été à la disposition permanente de l’employeur, que Mme [N] était recrutée dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage, que son activité est imprévisible, que la salariée était consultée pour connaître ses disponibilités, qu’à défaut de contrat à durée indéterminée unique et de toute demande de requalification en ce sens, Mme [N] n’apporte pas la preuve qu’elle s’est tenue à la disposition de la société OPTI-MIX pour chacun des contrats à durée déterminée d’usage sur la période allant de 2015 à 2018 et encore moins durant les périodes interstitielles, que la requalification du contrat du 14/03/2007 n’est pas demandée, et qu’elle n’est pas tenue des obligations qui incombaient à l’ancien employeur.

Selon les dispositions de l’article L3123-14 du code du travail, devenues L3123-6, le contrat de travail du salarié à temps partiel, doit être écrit, et mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.

Les contrats de travail versés aux débats ne prévoient pas de répartition d’horaires mais la date de la vacation (exemple : du 03/08/2016 au 10/08/2016).

Le défaut de mention de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et d’autre part de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Toutefois, cette présomption de travail à temps complet ne peut valoir que pour les contrats à durée déterminée. Or, Mme [N] liquide sa demande sur la base d’un temps plein mensuel de 151,67 heures sur trois ans. Cette démarche implique pour Mme [N] de justifier qu’elle s’est tenue à disposition de l’employeur durant les périodes interstitielles ou inter-contrat. Sur ce point, Mme [N], bien qu’elle estime se trouver liée par un contrat à durée indéterminée, n’a pas demandé la requalification de la relation de travail. En effet, le contrat de travail du 13/03/2007 stipule que l’engagement est effectué pour une durée déterminée. Le contrat prévoit le paiement d’une prime de précarité de 4% et d’une indemnité compensatrice de congés payés. En revanche, le motif du recours n’est pas prévu, pas plus que le terme du contrat. Toutefois, Mme [N] n’ayant pas demandé la requalification de la relation de travail pour une durée indéterminée, sa demande de rappel de salaire ne peut s’inscrire que dans le cadre des contrats à durée déterminée versés aux débats, d’autant que l’appelante ne justifie pas s’être tenue à disposition de l’employeur durant les périodes interstitielles.

La SAS OPTI-MIX ETUDES ne justifie pas de la durée hebdomadaire convenue. Elle verse un tableau faisant apparaître que la salariée dépassait le planning imparti pour les enquêtes, ce qui ne permet cependant pas de déterminer précisément les heures de travail, et ce qui de plus démontre que le temps de travail indiqué dans les contrats n’a pas été respecté.

A titre d’exemple, pour le mois d’octobre 2016, il ressort des contrats de travail que Mme [N] a été engagée pour les périodes suivantes :

-11/10 au 20/10/2016 : 8 jours

-27/10 au 03/11/2016 : 5jours (pour le mois d’octobre).

Sur la base d’une journée de 7 heures, Mme [N] devait être rémunérée 91 heures. Or, le bulletin de paie du mois d’octobre 2016 mentionne un nombre de 20,73 heures.

Il convient donc, faute de justification de l’employeur des horaires de la salariée, d’accueillir la demande de rappel de salaire comme suit, étant précisé que Mme [N] ne produit pas les contrats de travail pour l’année 2015, et que les périodes suivantes étaient stipulées aux contrats de travail :

2016 : 156 jours soit 1.092 heures

2017 : 208 jours soit 1.456 heures

2018 : 11 jours soit 77 heures.

Compte-tenu des paiements effectués mentionnés aux bulletins de paie (2016 : 2.640,98 € ; 2017 : 1.655,29 € ; 2018 : 83,08 €), le rappel de salaire s’établit à la somme totale de 25.530,96 € soit, après imputation des paiements, la somme de 20.473,93 €.

Le jugement est infirmé.

La SAS OPTI-MIX ETUDES sera condamnée au paiement de cette somme, outre 2.047,40 € de congés payés afférents.

Sur les autres demandes

La cour n’étant pas saisie de demandes relatives à la rupture du contrat, la demande au titre de la remise des documents de fin de contrat est rejetée.

Les dispositions de première instance étant infirmées, la SAS OPTI-MIX ETUDES supporte les dépens de première instance et d’appel.

Par infirmation, il convient d’allouer à Mme [N] une indemnité globale pour ses frais irrépétibles, qui sera fixée en l’absence de facture et de convention d’honoraires à la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 3 février 2020 du conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe,

Statuant à nouveau, Y ajoutant,

Déboute la SAS OPTI-MIX ETUDES de ses fins de non-recevoir.

Condamne la SAS OPTI-MIX ETUDES à payer à Mme [D] [N] les sommes qui suivent:

-20.473,93 € de rappel de salaire à temps complet,

-2.047,40 € de congés payés afférents.

Déboute Mme [D] [N] de sa demande de remise des documents de fin de contrat sous astreinte,

Condamne la SAS OPTI-MIX ETUDES à payer à Mme [D] [N] la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

Condamne la SAS OPTI-MIX ETUDES aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

P/LE PRESIDENT EMPECHE

Le Conseiller

Muriel LE BELLEC

 


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