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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 JUIN 2022
N° RG 19/03974 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TRFL
AFFAIRE :
[P] [W]
C/
SA METROPOLE TELEVISION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Septembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : 18/01559
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Georges SITBON
Me Laurent CARRIE
le : 1er Juillet 2022
Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 1er Juillet 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant,fixé au 16 Juin 2022,puis prorogé au 30 Juin 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Madame [P] [W]
née le 08 Mai 1972 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par : Me Georges SITBON de la SCP PEREZ SITBON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0198
APPELANTE
****************
SA METROPOLE TELEVISION
N° SIRET : 339 012 452
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par : Me Laurent CARRIE de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0221
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Métropole Télévision, qui appartient au groupe M6, édite la chaîne de télévision M6. Elle emploie plus de dix salariés et relève d’un accord d’entreprise Métropole Télévision.
Mme [P] [W], née le 8 mai 1972, a été employée par la société Métropole Télévision en qualité de journaliste pigiste selon plusieurs contrats de travail à durée déterminée d’usage. Le premier contrat a été signé le 23 juillet 2013 et le dernier le 1er juillet 2017, prenant fin le 2 juillet 2017.
Par requête reçue au greffe le 25 mai 2018, Mme [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir requalifier ses contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) en un contrat à durée indéterminée (CDI) et de voir juger que la cessation des relations contractuelles doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement rendu le 16 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– débouté Mme [W] de l’intégralité de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Métropole Télévision de l’intégralité de ses demandes,
– ordonné à la société Métropole Télévision la remise des documents suivants conformes :
* bulletins de paie,
* certificat de travail,
* attestation Pôle emploi,
– prononcé l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile.
Mme [W] a interjeté appel de la décision par déclaration du 30 octobre 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 15 mars 2022, elle demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel,
– rejeter l’exception d’irrecevabilité de ses demandes,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il affirme que Mme [W] bénéficie d’un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 23 juillet 2013,
– infirmer le jugement entrepris pour le reste de ses dispositions,
en conséquence,
– fixer la rémunération moyenne mensuelle de Mme [W] à la somme de 3 294,83 euros,
– condamner la société Métropole Télévision à payer à Mme [W] une somme de 3 294,83 euros au titre de l’indemnité prévue à l’article L. 1245-2 du code du travail,
– condamner la société Métropole Télévision à payer à Mme [W] une somme de 16 474,15 soit 5 mois de salaire au titre de l’indemnité prévue à l’article L. 1235-2 du code du travail,
– dire et juger que la rupture intervenue doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Métropole Télévision à payer à Mme [W] les sommes suivantes :
‘ rappel de salaire : 121 898,21 euros,
‘ congés payés afférents : 12 197,62 euros,
‘ indemnité compensatrice de préavis : 6 589,66 euros,
‘ congés payés sur préavis : 658,96 euros,
‘ indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 000 euros,
‘ indemnité de licenciement conventionnelle : 13 179,32 euros,
‘ indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 3 296 euros,
‘ dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire : 5 000 euros,
En tout état de cause,
– rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusions de l’intimé,
– condamner la société Métropole Télévision au paiement d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions adressées par voie électronique le 5 avril 2022, la société Métropole Télévision demande à la cour de :
– dire l’appel de Mme [W] recevable en la forme,
– le déclarer mal fondé,
In limine litis,
– déclarer irrecevables les demandes additionnelles suivantes :
‘ rappel de salaires : 121 898,21 euros,
‘ congés payés afférents : 12 197,62 euros,
‘ dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire : 5 000 euros,
‘ prime d’ancienneté,
Sur le fond,
A titre principal,
– donner acte aux parties de la remise le 6 janvier 2020 à Mme [W], à sa demande, d’une copie de l’ensemble des bulletins de salaire, attestation Pôle emploi et certificats de travail des contrats à durée déterminée d’usage conclus entre 2013 et 2017 et que plus aucune demande n’est formée à ce titre par Mme [W],
– confirmer le jugement pour le surplus,
en conséquence,
– débouter Mme [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Mme [W] à verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [W] aux dépens éventuels,
A titre subsidiaire,
– fixer la moyenne des salaires de Mme [W] à la somme de 688 euros bruts,
– limiter l’indemnité de requalification à la somme de 688 euros,
– limiter l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1 376 euros,
– limiter l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 2 752 euros,
– limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 4 128 euros,
– débouter Mme [W] pour le surplus de ses demandes.
Par ordonnance rendue le 6 avril 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 avril 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur la requalification de la relation de travail en un CDI
Mme [W] expose qu’elle est journaliste et titulaire d’une carte de presse depuis 2004, qu’elle a travaillé pour de nombreuses chaînes de télévision et dispensé des cours en école de journalisme, qu’entre juillet 2013 et juillet 2017, elle a été employée par la chaîne M6 en qualité de pigiste – journaliste reporter image (JRI) dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée d’usage dits CDDU, à la plus grande satisfaction de la société Métropole Télévision, qu’elle a continué sa formation professionnelle et s’est investie dans l’utilisation d’outils propres à cette société, finançant sur ses deniers personnels une formation au logiciel de montage Avid, qu’elle s’est montrée disponible, efficace et très souple face aux exigences croissantes d’un employeur finalement ingrat, qui l’a évincée sans ménagements au motif qu’elle aurait tenu des propos méprisants à l’encontre de la société Métropole Télévision et de ses deux responsables de planning, ce qu’elle conteste.
Elle soutient que la juridiction prud’homale a reconnu à juste titre que la relation contractuelle doit s’analyser en un CDI, sans cependant en tirer les conséquences au plan salarial et indemnitaire.
Elle énonce en premier lieu que les contrats litigieux ne mentionnent jamais l’objet de la mission confiée.
Elle invoque en second lieu l’existence d’une présomption de salariat, telle que visée à l’article L. 7112-1 du code du travail, présomption dont elle doit bénéficier en tant que journaliste professionnel.
Elle fait ensuite valoir que le recours au CDD dans le milieu du journalisme a pour objectif de tester les compétences professionnelles d’un journaliste, qu’ayant largement fait ses preuves entre 2013 et 2017, le recours au contrat à durée déterminée est abusif, qu’elle réalisait des tâches pérennes liées à l’activité normale et permanente de l’entreprise, le journal télévisé répondant à des besoins constants et prévisibles, tant sur les reportages à diffuser que sur le nombre de journalistes mobilisés.
Elle conclut que l’ensemble de ces éléments doit conduire à la requalification de la relation de travail en un CDI à compter du 23 juillet 2013.
La société Metropole Télévision s’oppose à la demande de requalification et fait observer que Mme [W] tente de s’appuyer sur une erreur matérielle contenue dans le jugement de première instance pour prétendre que le conseil de prud’hommes aurait reconnu l’existence d’un CDI alors même qu’elle a été déboutée de l’intégralité de ses demandes.
Elle ne conteste nullement que plusieurs CCDU ont été conclus avec la salariée de sorte que les développements de l’appelante portant sur la présomption de salariat applicable aux journalistes professionnels sont selon elle sans objet.
Elle soutient que Mme [W] confond le motif de recours au CDD et l’objet du CDD, que le motif du recours est très expressément visé dans tous les CDDU conclus par la salariée, outre que ces contrats sont intitulés ‘Contrats à durée déterminée d’usage’, qu’ils mentionnent le statut de journaliste pigiste de Mme [W], ses fonctions de reporter/cameraman, la date de la prestation et le nombre d’heures travaillées.
Elle fait en outre valoir qu’en droit, les textes législatifs, réglementaires et conventionnels propres au domaine de l’audiovisuel et du journalisme ainsi que la jurisprudence autorisent le recours aux CDDU, que dans le secteur de l’audiovisuel auquel appartient M6, il existe un usage constant, en particulier pour le poste de journaliste pigiste, de ne pas recourir au CDI, l’ensemble des diffuseurs français de programmes de télévision, publics ou privés, ayant effectivement recours aux CDDU, que chaque contrat conclu avec Mme [W] n’avait ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise mais avait pour but la réalisation d’une mission temporaire, dont la durée a été à chaque fois précisée dans le CDDU, que l’activité de la salariée était fluctuante et ne pouvait avoir lieu dans un cadre permanent, les besoins d’une chaîne en la matière étant variables, que M6 a recours aux journalistes pigistes lorsque les journalistes permanents, sans être absents, sont en déplacement pour des reportages plus ou moins longs, afin d’assurer les besoins quotidiens de la rédaction nationale et préparer le contenu des journaux quotidiens (le ’12h45′ et le ’19h45′), que sur une année complète M6 emploie environ 90 journalistes permanents et 22 journalistes pigistes.
Elle énonce qu’au cours de sa collaboration, Mme [W] n’a réalisé mensuellement que quelques piges voire aucune, que les CCDU étaient conclus pour des durées très brèves (la plupart du temps entre un et deux jours), que les périodes d’interruption entre deux contrats étaient la plupart du temps plus longues que les périodes de travail, que les contrats étaient conclus à des intervalles qui variaient très fortement, que Mme [W] n’était pas à la disposition de la société Métropole Télévision et qu’elle a travaillé régulièrement pour cinq sociétés en parallèle de sa collaboration chez M6.
L’article L. 1242-12 du code du travail dispose’:
«’Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Il comporte notamment :
1° Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l’article L. 1242-2 ;
2° La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ;
3° La durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis ;
4° La désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l’article L. 4154-2, la désignation de l’emploi occupé ou, lorsque le contrat est conclu pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié au titre du 2° de l’article L. 1242-3, la désignation de la nature des activités auxquelles participe le salarié dans l’entreprise ;
5° L’intitulé de la convention collective applicable ;
6° La durée de la période d’essai éventuellement prévue ;
7° Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s’il en existe ;
8° Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l’organisme de prévoyance’».
Il est rappelé que le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage (CDDU) ne dispense pas l’employeur de motiver le recours qu’il y fait.
En l’espèce, Mme [W] a été engagée par la société Métropole Télévision par plusieurs CDDU successifs à compter du 23 juillet 2013, en qualité de journaliste pigiste – reporter/cameraman.
La cour constate que, comme le soutient la salariée, aucun des CDD, rédigés sur un imprimé identique comportant d’ailleurs une rubrique «’objet du recours’», ne mentionne le motif de recours au CDD.
Le seul fait pour ces contrats de mentionner qu’ils sont conclus « dans le cadre des dispositions des articles L. 1242-2, 3ème alinéa et D. 1242-1 du code du travail » ne permet pas de retenir que le motif précis du recours y est énoncé.
Dès lors, en application des dispositions de l’article L. 1242-12 du code du travail rappelées ci-dessus, ces contrats sont réputés conclus pour une durée indéterminée.
Le recours à une succession de CDD irréguliers, emporte requalification du contrat de travail en CDI, depuis le début des relations contractuelles, soit le 23 juillet 2013.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mme [W] tendant à voir requalifier l’ensemble des CDD en un contrat à durée indéterminée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés par la salariée, le jugement entrepris étant ainsi infirmé dès lors que contrairement à ce qu’elle prétend, la salariée a bien été déboutée de cette demande par les premiers juges.
Sur les conséquences de la requalification
Conséquence de la requalification de la relation contractuelle en un CDI, Mme [W] peut prétendre au versement de diverses sommes, lesquelles seront calculées sur la base d’une ancienneté de 4 ans.
– sur le rappel de salaire au titre des périodes intercalaires
La requalification de la relation contractuelle en un CDI a pour conséquence le versement d’un rappel de salaire au titre des périodes intercalaires, sous réserve que le salarié démontre qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes.
Mme [W] sollicite un rappel de salaire d’un montant de 121 898,21 euros, déduction faite des paiements déjà intervenus, en soutenant qu’elle s’est tenue à la disposition de la société Métropole Télévision, y compris pendant les vacances scolaires, qu’elle travaillait à titre exclusif pour cette société et ne pouvait prendre d’engagements auprès d’autres employeurs, au risque de voir une mission ponctuelle se chevaucher avec ses missions pérennes au sein de la rédaction de la société Métropole Télévision.
La société Métropole Télévision s’y oppose, au motif que cette demande, qui ne figurait pas dans la requête introductive d’instance enregistrée le 25 mai 2018, laquelle mentionnait uniquement des demandes portant sur la rupture du contrat de travail, est irrecevable en application des articles R. 1452-2 du code du travail et 54 du code de procédure civile.
Elle conteste que Mme [W] se soit tenue à sa disposition pendant les périodes séparant deux CDD.
Il sera tout d’abord constaté que la demande de rappel de salaire se rattache par un lien suffisant à la demande de requalification en CDI de ses CDD formulée par la salariée dans sa requête initiale, conformément aux termes de l’article 70 du code de procédure civile, ce qui doit conduire à écarter le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société intimée.
Etant rappelé que la requalification d’un CDD en CDI ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles, notamment la durée du travail, la demande de la salariée de voir calculer son salaire de référence sur la base de la rémunération annuelle prévue par la grille des salaires de la convention collective des journalistes pour un journaliste reporter cameraman travaillant à plein temps, outre prise en compte d’une prime d’ancienneté, ne saurait prospérer.
En outre, Mme [W] ne démontre pas qu’elle se tenait à la disposition permanente de la société Métropole Télévision, et ce tandis que cette dernière fait justement observer que selon son profil LinkedIn (manifestement à jour jusqu’à tout le moins l’année 2018), l’intéressée a travaillé pour la chaîne TF1 de 2012 à 2014, pour la chaîne France 2 de 2010 à 2014, pour la chaîne France 3 depuis 2010, pour la Radio Télévision Suisse (RTS) depuis 2012, pour la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) depuis 2013, qu’en outre des courriels établissent que la salariée a annulé à plusieurs reprises des piges pour lesquelles elle avait été programmée.
Au vu de ces éléments, Mme [W] sera déboutée de sa demande de rappel de salaire, par confirmation du jugement entrepris.
– sur l’indemnité de requalification
En application de l’article L. 1245-2 du code du travail, la société Métropole Télévision sera condamnée à payer à Mme [W] la somme de 910,30 euros, correspondant à un mois du salaire moyen de référence, calculé sur la base des douze derniers bulletins de salaire et incluant la prime d’ancienneté et la prime de 13ème mois.
– sur les demandes liées à la rupture du contrat
La rupture de la relation contractuelle étant intervenue le 2 juillet 2017 du seul fait de la survenance du terme du dernier des CDD, requalifiés en CDI, elle s’analyse en un licenciement, nécessairement sans cause réelle et sérieuse, en l’absence de lettre de licenciement énonçant la cause de la rupture.
Compte tenu de son ancienneté, Mme [W] peut prétendre, par infirmation du jugement entrepris, au versement d’une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit la somme de 1 820,60 euros, outre 182,06 euros au titre des congés payés afférents.
En sa qualité de journaliste professionnel, titulaire de la carte de presse depuis mars 2004, ainsi qu’elle en justifie, elle a droit également, par infirmation du jugement entrepris, à une indemnité légale de licenciement de 11 833,90 euros, correspondant à 13 mois de salaire, en application de l’article L. 7112-3 du code du travail aux termes duquel cette indemnité ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements.
Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son âge, de son ancienneté, de sa perception d’allocations Pôle emploi dans les termes des pièces produites aux débats et des conséquences de la rupture à son égard, la société Métropole Télévision sera en outre condamnée à lui régler, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 5 500 euros à titre indemnitaire.
S’agissant d’une salariée justifiant d’une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise employant plus de dix salariés, l’indemnité pour irrégularité de la procédure prévue par l’article L. 1235-2 du code du travail n’est pas due, ce qui doit conduire à confirmer le jugement entrepris sur ce point et à rejeter en outre l’indemnité réclamée sur le fondement de l’article L. 1235-2 du code du travail.
Il convient en outre d’ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage effectivement versées à Mme [W] dans la limite de trois mois conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
La demande de remise sous astreinte des documents de fin de contrat, qui ne figure pas dans le dispositif des conclusions de l’appelante, n’a pas lieu d’être examinée, étant rappelé qu’en vertu de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et que l’employeur énonce, sans être contredit, qu’il a remis le 6 janvier 2020 à Mme [W], à sa demande, une copie de l’ensemble des bulletins de salaire, attestation Pôle emploi et certificats de travail des contrats à durée déterminée d’usage conclus entre 2013 et 2017.
– sur la demande de dommages-intérêts pour procédure vexatoire
Mme [W] sollicite le versement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait du caractère vexatoire de la rupture, faisant valoir qu’elle a été atteinte dans sa dignité, que la rupture ayant provoqué chez elle un traumatisme, elle peine à reprendre ses fonctions de journaliste, qu’aujourd’hui âgée de 50 ans, elle rencontre en outre des difficultés à retrouver un emploi.
Cette demande de dommages-intérêts se rattache par un lien suffisant aux demandes afférentes à la rupture de la relation contractuelle formulées par la salariée dans sa requête initiale, conformément aux termes de l’article 70 du code de procédure civile, ce qui doit conduire à écarter le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société intimée.
Mme [W] ne justifie cependant pas d’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.
Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles
La société Métropole Télévision supportera les dépens en application des dispositions de l’article’696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [W] une indemnité sur le fondement de l’article’700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 16 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre sauf en ce qu’il a débouté Mme [P] [W] de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents ainsi que de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et en ce qu’il a ordonné la remise à Mme [P] [W] des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi conformes ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
REQUALIFIE les contrats à durée déterminée d’usage conclus par Mme [P] [W] avec la société Métropole Télévision en contrat à durée indéterminée à compter du 23 juillet 2013 ;
DIT que la rupture du contrat le 2 juillet 2017 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Métropole Télévision à verser à Mme [P] [W] les sommes suivantes :
– 910,30 euros au titre de l’indemnité de requalification,
– 1 820,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 182,06 euros au titre des congés payés afférents,
– 11 833,90 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 5 500 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE Mme [P] [W] de sa demande de condamnation de la société Métropole Télévision à lui verser la somme de 16 474,15 au titre de l’indemnité prévue à l’article L. 1235-2 du code du travail ;
DÉBOUTE Mme [P] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire ;
ORDONNE le remboursement par la société Métropole Télévision à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de Mme [P] [W] dans la limite de trois mois et dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail ;
CONDAMNE la société Métropole Télévision à verser à Mme [P] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Métropole Télévision de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE la société Métropole Télévision aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,