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SOC.
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juillet 2019 Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1182 F-D
Pourvoi n° H 18-20.778
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Universal Music France, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l’opposant à M. Z… B…, domicilié […] ,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 19 juin 2019, où étaient présents : M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Universal Music France, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. B…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2018), que M. B…, membre du groupe Superbus, a conclu le 17 novembre 2011, un contrat d’exclusivité avec la société Universal France Music (la société) pour l’enregistrement en studio de phonogrammes permettant la réalisation de trois albums fermes dont seul le premier a été réalisé ; que le 12 décembre 2014, la société, invoquant la décision des autres membres du groupe de continuer sans lui, a notifié à M. B… la rupture du contrat ; que ce dernier a saisi la juridiction prud’homale afin d’en contester la rupture et réclamer des sommes afférentes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à verser des sommes en suite de la rupture injustifiée du contrat à durée déterminée avant terme, alors, selon le moyen :
1°/ que la force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d’un contrat de travail s’entend de la survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution ; que la cour d’appel a énoncé, pour affirmer que la société Universal Music France n’avait pas eu à affronter un événement imprévisible, qu’elle avait produit un courrier dactylographié, signé des quatre autres membres du groupe, et daté du 1er décembre 2014, indiquant qu’ils n’avaient plus confiance dans M. B… dans la mesure où il avait développé un autre projet musical, ayant intégré un autre groupe, « The Dukes », qu’il avait été absent lors d’un certain nombre de concerts de promotion de l’album « Sunset » en 2012, qu’il s’était installé en Arizona en septembre 2014, et que l’ambiance au sein du groupe s’était par conséquence nettement dégradée au cours de la tournée en 2013 et que la société Universal Music France avait donc nécessairement été informée avant le 1er décembre 2014 de ces événements remontant à plusieurs mois, et notamment de ceux qui affectaient la promotion du premier album, qui entrait dans les obligations contractuelles du groupe ; qu’en statuant de la sorte, sans constater que l’éviction de M. B… par les autres membres du groupe Superbus était prévisible lors de la conclusion du contrat d’exclusivité, la cour d’appel a violé les articles L. 1243-1 du code du travail et 1218 du code civil (ancien article 1148 du même code) ;
2°/ qu’en se bornant à relever, pour écarter la force majeure, que l’éloignement géographique et la participation de M. B… à une autre formation musicale pouvaient certes traduire ou provoquer une dégradation des relations au sein de groupe, mais que la société Universal Music France ne justifiait pas avoir cherché à prendre contact avec M. B… pour évoquer ses projets musicaux pour l’avenir, ni à organiser une réunion avec les autres membres du groupe Superbus pour renforcer ou rétablir des liens entre eux, sans rechercher si ces derniers, par leur lettre du 1er décembre 2014, n’avaient pas manifesté leur refus irréversible de continuer à collaborer avec M. B…, rendant impossible la poursuite du contrat d’exclusivité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1243-1 du code du travail et 1218 du code civil (ancien article 1148 du même code) ;
Mais attendu que la force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d’un contrat de travail s’entend de la survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution ;
Et attendu, qu’ayant constaté, qu’informée des difficultés que rencontrait le groupe avant que ne soit rédigée la lettre du 1er décembre 2014 dans laquelle les autres membres du groupe annonçaient leur décision de continuer sans M. B…, la société n’avait ni pris attache avec l’artiste afin d’évoquer ses projets musicaux pour l’avenir, ni avait tenté d’organiser une rencontre avec les autres membres du groupe pour essayer de renforcer leurs liens, la cour d’appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendait inopérante, que l’événement invoqué par la société pour justifier la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ne présentait pas un caractère insurmontable, en sorte que ne pouvait être invoquée l’existence d’un cas de force majeure ; que le moyen, qui en sa première branche est irrecevable, comme contraire à la position soutenue devant les juges du fond, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à verser des dommages-intérêts au titre de la perte de chance de percevoir des revenus supplémentaires, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en matière de responsabilité contractuelle, les dommages-intérêts ne doivent comprendre que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention ; que, s’agissant de la rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée, le préjudice indemnisable ne peut comprendre que ce qui aurait été dû par le cocontractant fautif si le contrat avait été exécuté ; qu’en énonçant, pour inclure dans le préjudice économique de M. B… la perte de chance de percevoir des rémunérations au titre des droits d’auteur, des droits voisins et des prestations scéniques, qui n’auraient pas été dues par la société Universal Music France si le contrat d’exclusivité du 17 novembre 2011 avait été exécuté jusqu’à son terme, que l’indemnisation d’une perte de chance n’exige pas que la perte de revenus soit la conséquence directe et certaine de la rupture du contrat, mais seulement que cette rupture ait fait disparaître une probabilité de gains et qu’il est indifférent que le contrat liant les parties ne fixe ni droits d’auteur, ni droits dérivés ni revenus de prestations scéniques, la cour d’appel a violé l’article 1231-4 du code civil (ancien article 1151 du même code), l’article L. 1243-4 du code du travail et le principe de réparation intégrale ;
2°/ qu’en outre, l’indemnité réparant la perte de chance résultant d’une inexécution contractuelle se mesure à la chance perdue ; qu’elle correspond à une fraction de l’avantage qui était attendu du contrat, et non à son intégralité ; qu’en allouant à M. B… la somme de 125 000 euros en réparation de la perte de chance de percevoir des rémunérations complémentaires si le contrat d’exclusivité du 17 novembre 2011 avait été exécuté jusqu’à son terme, équivalant à la moyenne des gains réalisés sur les précédents albums, la cour d’appel, qui a réparé un préjudice certain au lieu d’une perte de chance, a violé l’article 1231-1 du code civil (ancien article 1147 du même code), l’article L. 1243-4 du code du travail et le principe de réparation intégrale ;
3°/ qu’en toute hypothèse, en s’abstenant de préciser l’avantage escompté de l’exécution du contrat d’exclusivité jusqu’à son terme et la fraction qu’elle retenait au titre de la perte de chance de M. B…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard l’article 1231-1 du code civil (ancien article 1147 du même code), de l’article L. 1243-4 du code du travail et du principe de réparation intégrale ;