Contrat à durée déterminée d’usage : 3 février 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-19.394

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Contrat à durée déterminée d’usage : 3 février 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-19.394
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SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 février 2021

Rejet non spécialement motivé

M. CATHALA, président

Décision n° 10148 F

Pourvoi n° Y 19-19.394

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021

La société d’édition de Canal plus, dont le nom commercial est Canal +, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° Y 19-19.394 contre l’arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d’appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. G… C…, domicilié […] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société d’édition de Canal plus, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. C…, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article L. 431-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société d’édition de Canal plus aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d’édition de Canal plus et la condamne à payer à M. C… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société d’édition de Canal plus

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la SOCIETE D’EDITION DE CANAL+ à payer à Monsieur C… les sommes de 174.150 € à titre de rappel de salaires, 17.415 € à titre de congés payés sur rappel de salaires avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur, de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, et 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR ordonné la communication de son arrêt à POLE EMPLOI ;

AUX MOTIFS QU’«à titre liminaire, il convient de rappeler que la cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 7 juin 2016, a, notamment, dans un premier temps requalifié la relation de travail entre la société d’édition de Canal+ et M. C… en contrat à durée indéterminée puis, dans un deuxième temps, dit que le contrat de travail à durée indéterminée est un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein depuis le 29 octobre 1991. La cour de cassation a cassé cet arrêt « mais seulement en ce qu’il condamne la société d’édition de Canal+ à verser à M. C… des rappels de salaires au titre des périodes interstitielles » ; Par voie de conséquence, la cour, statuant dans le champ de la cassation, doit tenir pour acquis que la relation entre M. C… et la Société d’édition de Canal+ s’analyse comme un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Reste seule à examiner la question du paiement des salaires pendant les périodes interstitielles. M. C… expose qu’il s’est tenu à la disposition permanente de son employeur pendant les périodes interstitielles. Il soutient que son activité au sein de la société consistant à monter les sujets et reportages et que la société diffusant 365 jours par an et 24 heures sur 24 par le biais des nombreuses chaînes de son bouquet, il y avait matière à l’employer à plein temps tout au long de l’année ; qu’il a travaillé pendant 22 ans en continu pour la société tous les mois de l’année ; que ses modalités d’exercice caractérisent la disponibilité permanente à laquelle il était assujetti ; qu’en effet : il était tenu de contacter son employeur le vendredi après-midi et que le responsable du planning lui indiquait oralement quels jours de travail il allait effectuer la semaine suivante sans indication du nombre d’heures à effectuer ; qu’en outre, ses dates étaient constamment modifiées voire annulées par un simple appel téléphonique ou par texto du service planning ; qu’il n’a jamais eu aucun planning écrit pendant ses 22 années de collaboration, il était parfois contacté par téléphone — à n’importe quel moment — par les opérationnels de production (directeur de production ou journalistes) pour lui demander de venir travailler souvent la veille pour le lendemain, il lui arrivait également, tandis qu’il était au sein de Canal+, que le responsable du planning ou les opérationnels viennent le voir dans la salle de montage pour lui indiquer qu’il était requis le lendemain ou ]es prochains jours. M. C… déduit de ce qui précède qu’il ne savait jamais combien de fois par mois il serait contacté, combien de jours de travail il allait effectuer, quels étaient ses horaires, quel était le nombre d’heures par jour de travail qu’il devait réaliser ; que dès lors, il se tenait à la disposition de la Société d’édition de Canal+ 365 jours sur 365 et ce, depuis l’origine de la collaboration ; qu’en outre, il savait que s’il ne se montrait pas prêt à travailler dans l’instant, il ne serait plus contacté par Canal+. M. C… fait aussi valoir que la société produit ses lettres d’engagement comme autant de preuves qu’il était informé à l’avance de ses dates de travail ; que cependant, ses lettres d’engagement étaient établies par la société systématiquement après la fin de sa prestation de travail ; qu’à cet égard, il met en évidence plusieurs exemples montrant que, comme il le soutient, ses lettres d’engagement étaient effectivement établies a posteriori et, notamment l’exemple de son contrat du 3 juin 2008 comportant une majoration pour heures supplémentaires et plus généralement, le fait que sur 57 bulletins de salaire établis par la société entre 2008 et 2013 (période de la demande de rappel de salaire non couverte par la prescription), 45 bulletins de paie mentionnent des majorations pour dépassement du forfait 8h00 et pour heures supplémentaires, cette mention ne pouvant être réalisée qu’après que la prestation de travail a été effectuée. Le salarié indique enfin que la Société d’édition de Canal+ était son employeur exclusif, ce que montrent les déclarations de revenus et avis d’imposition qu’il verse aux débats pour la période comprise entre 2008 et 2012. En réplique, la Société d’édition de Canal+ conteste le fait que M. C… se serait tenu à sa disposition permanente et fait observer que sur la période non-prescrite (15 juin 2008 – 22 mai 2013) de sa demande de rappel de salaire, il a travaillé : 64 jours du 15 juin 2008 au 31 décembre 2008 (soit une moyenne de 6 jours par mois), 34 jours sur l’année 2009 (soit une moyenne de 3 jours par mois), 84 jours sur l’année 2010 (soit une moyenne de 7 jours par mois) 66 jours sur l’année 2011 (soit une moyenne de 5,5 jours par mois), 71 jours sur l’année 2012 (soit une moyenne de 6 jours par mois), 11 jours du 1er janvier 2013 au 22 mai 2013 (soit une moyenne de 2,2 jours par mois), soit une moyenne globale de 6 jours par mois. La Société d’édition de Canal+ estime que M. C… ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu’il était à la disposition permanente de son employeur, cette thèse n’étant que pure fiction. Elle ajoute que c’est faussement que M. C… allègue que ses engagements étaient signés en fin de mois et que les attestations qu’il verse en ce sens sont clairement mensongères. Au contraire, la Société d’édition de Canal+ affirme que la totalité des engagements conclus sur la période retenue (15 juin 2008 — 22 mai 2013), à l’instar des fiches de paie, font clairement apparaître que les jours de travail et le temps de travail de M. C… sont systématiquement renseignés ; qu’ainsi, chaque lettre d’engagement fait mention du nombre de jours de collaboration, leurs dates d’exécution et leur volume d’heures journalier ; que ces engagements et fiches de paie témoignent de l’état de la collaboration de M. C… soit une collaboration à hauteur d’environ 6 jours par mois en moyenne, ce qui est loin de correspondre à un temps plein. La Société d’édition de Canal+ fait par ailleurs observer que M. C… a consenti sans réserve à chaque engagement conclu et n’a jamais émis en son temps la moindre observation ou réserve sur ses interventions ; qu’il avait donc tout le loisir de s’organiser et n’était jamais pris au dépourvu ; que chaque lettre d’engagement communiquée en témoigne. La Société d’édition de Canal+ précise que le fait que M. C… n’ait pas eu d’autres employeurs n’implique pas qu’il était à sa disposition permanente ; que cette situation correspond à un choix de vie de M. C…. L’employeur rappelle à cet égard que M. C… a perçu de l’antenne Spectacle du Pôle emploi des indemnisations couvrant la perte de son emploi ; que pendant cette période de prise en charge, le salarié est à la recherche d’un emploi et assurément pas à la dispositions permanente d’un employeur en particulier, mais à la disposition de tout nouvel employeur qui pourrait répondre favorablement à la recherche d’emploi du salarié concerné. La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles sur la durée du travail. En l’espèce, le contrat a été requalifié en contrat à durée indéterminée en temps complet. Sous couvert d’une demande de requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, M. C… tente en réalité d’obtenir le paiement des rappels de salaire pour les périodes d’inactivité consécutivement à la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée d’usage en un contrat de travail à durée indéterminée. Or, en cas de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée (ce qui est le cas en l’espèce comme il a été vu plus haut), il appartient au salarié d’établir qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles pour en obtenir le paiement. Cela conduit à l’examen de la question, débattue entre les parties, de la remise des plannings à M. C…. M. C… produit en pièce 30 l’attestation détaillée d’un autre salarié de la Société d’édition de Canal+ désormais retraité — l’attestation de M. A…, chef monteur, comme M. C… dont il ressort que « le principe de base était de contacter le planning par téléphone et de découvrir la charge de travail proposée pour la semaine à venir » ; qu’« aucune régularité d’une semaine sur l’autre » n’était instaurée ; que le personnel ainsi employé « n’était pas à l’abri d’une prolongation en heures supplémentaires qu’il était impossible de refuser sous peine de prendre le risque que vos propositions de travail soient diminuées. C’est également pour cela que l’on ne refusait jamais un travail imprévu proposé la veille pour le lendemain quand ce n’était pas le matin pour l’après-midi (…). Inversement, les annulations dé dernière minute étaient fréquentes qui nous laissaient désoeuvrés sans pouvoir retrouver un contrat de remplacement dans un délai aussi court. Nous ne savions donc jamais au début du mois combien de jours nous allions travailler car les journées s’ajoutaient au fur et à mesure des semaines, nous signions le contrat en fin de mois quand le récapitulatif des jours du mois avait été fait par la responsable du planning montage ». Cette dernière version est continuée par un salarié de Canal+ qui atteste de façon circonstanciée de ce que « à la fin du mois, il y avait un récapitulatif des jours travaillés du mois écoulé et un contrat était établi a posteriori.* N… J… établissait ce contrat avant qu’M… S… (responsable du planning montage) le contrôle et le valide en apposant sa signature avant de le remettre au salarié. Si G… C… souhaitait continuer de manière régulière chez Canal+, il n’avait pas le choix que d’accepter ces conditions » ; M. C… verse au dossier l’attestation d’un autre collègue de travail — M. W… comme lui chef monteur vidéo chez Canal+ — qui témoigne de ce qu’un « planning était établi le vendredi soir pour la semaine suivante qui débutait le lundi. Les changements de planning et donc d’horaires,parfois à la dernière minute, étaient récurrents, comme les ajouts ou suppressions de vacations. Des appels téléphoniques ou en période de repos (comme le week-end en famille) de jours comme de nuits, pour ii-former d’un changement d’horaire ou de vacation le lendemain étaient fréquents. Les vacations et horaires changeaient tous les jours et toutes les semaines. » (pièce 32).n Le salarié produit encore l’attestation de M. X… (pièce 31), qui déclare avoir habité 18 ans avec M. C…. De l’attestation de M. X…, il ressort que M. C… avait un « emploi du temps de travail décousu, ne sachant jamais comment allait se composer sa semaine de travail ». Le témoin ajoute que M. C… « était habitué à travailler la nuit, week-ends et jours fériés, obligé de contrôler son répondeur en permanence car les piges tombaient au dernier moment et du jour au lendemain » ; M. C… produit encore plusieurs témoignages de proches (sa fille en pièce 33, des amis en pièces 34 et 35) dont il ressort en substance que M. C… travaillait pour Canal+, qu’il se rendait disponible pour Canal+ qui le contactait très fréquemment de façon inopinée de telle sorte, ainsi qu’en atteste M. P… (pièce 35), qui« à de nombreuses reprises, [le témoin a vu M. C…] être appelé le matin pour un travail l’après-midi, arriver en retard à un RDV parce que son temps de travail avait été rallongé pour les besoins du service ». Ledit témoin ajoute : «A cette époque, notre vie amicale ne pouvait avoir lieu qu’à la condition d’accepter qu’à tout moment, G… C… pouvait être appelé par Canal+ pour un travail à réaliser dans les heures qui suivaient cet appel ». Ces multiples témoignages sont concordants. Ils rendent compte de ce que M. C… devait prendre l’initiative d’appeler Canal+ le vendredi pour connaître son emploi du temps de la semaine suivante. Ils rendent encore compte du manque de fiabilité de l’emploi du temps qui lui était alors oralement communiqué de telle sorte que son service pouvait être annulé ou qu’au contraire, d’autres tâches pouvaient lui être assignées. Ils rendent en outre compte de ce qu’il était particulièrement difficile pour le salarié de refuser un travail qui lui était proposé inopinément, puisque, loin de consacrer l’idée soutenue par l’employeur d’un choix de vie, un refus risquait d’inciter Canal-f- à ne plus faire appel à lui de façon régulière. Ils rendent compte enfin de ce que les lettres d’engagement que l’employeur verse aux débats en pièce 1, sur lesquelles figurent des plannings précis, n’étaient en réalité pas communiquées au salarié en début de mission mais seulement une fois que la mission avait été réalisée, de telle sorte que ces lettres d’engagements ne peuvent être considérées comme valant planning mais comme un simple récapitulatif des horaires effectués par le salarié pour évaluer sa rémunération. Il importe peu que le salarié ait, en réalité, travaillé à raison d’une moyenne de 6 jours par mois pour Canal+ dès lors qu’il établit que durant les périodes interstitielles, il ne pouvait adjoindre ses services à un autre employeur et qu’il se tenait bien à la disposition permanente de la Société d’édition de Canal+ laquelle était son unique employeur durant toute la période litigieuse. Dès lors, M. C… établissant qu’il s’était tenu à la disposition permanente de la Société d’édition de Canal+, il convient, infirmant le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, de faire droit à sa demande de rappel de salaire. Il s’ensuit que la Société d’édition de Canal+ sera condamnée à payer à M. C… les rappels de salaire qu’il sollicite et qui ne sont pas utilement critiqués par l’employeur. Ainsi, la Société d’édition de Canal+ sera-t-elle condamnée à payer à M. C… la somme de 174 150 euros à titre de rappel de salaires, outre celle de 17 415 euros à titre de congés payés sur rappel de salaires avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur, de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt. La présente décision sera en outre communiquée à Pôle emploi» ;

ALORS QUE le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu’en l’espèce, pour condamner l’exposante à payer à Monsieur C…, dont les contrats à durée déterminée avec cette dernière avaient été requalifiés en un contrat durée indéterminée, les sommes de 174.150€ à titre de rappel de salaires et de 17.415 € au titre de congés payés afférents, la cour d’appel a retenu que son emploi du temps, «communiqué oralement», manqu[ait] de fiabilité», que «Monsieur C… devait prendre l’initiative d’appeler Canal+ le vendredi pour connaître son emploi du temps de la semaine suivante», «qu’il était particulièrement difficile de refuser un travail», que les plannings «n’étaient pas communiqués au salarié en début de mission mais seulement une fois que la mission avait été réalisée», et que la «société d’édition de Canal+ était son unique employeur durant toute la période litigieuse» ; qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, quand il revenait à Monsieur C… d’établir qu’il s’était tenu à la disposition de l’exposante durant les périodes séparant les contrats à durée déterminée, la cour d’appel a violé les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 alors applicables du code du travail, ensemble les articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du code civil.

 


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