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SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 septembre 2021
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1072 F-D
Pourvoi n° W 19-25.257
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021
La commune de [Localité 1], représentée par son maire, domiciliée en cette qualité [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 19-25.257 contre l’arrêt rendu le 10 octobre 2019 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [U] [S], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la commune de [Localité 1], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], après débats en l’audience publique du 30 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 10 octobre 2019), M. [S] a été engagé en qualité de choriste par la commune de [Localité 1] (la commune) suivant plusieurs contrats à durée déterminée de droit public, conclus entre le 14 juin 2007 et le 17 juin 2016, puis des contrats à durée déterminée de droit privé à compter du 2 novembre 2016.
2. Le 3 août 2017, le salarié a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée à temps complet et le paiement de rappels de salaire et d’indemnités diverses.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches
Enoncé du moyen
3. La commune fait grief à l’arrêt d’ordonner la requalification des contrats à durée déterminée d’usage du salarié en contrat à durée indéterminée à temps plein, avec une certaine rémunération mensuelle brute et reprise d’ancienneté au 27 mai 2008, et de la condamner au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire du fait de la requalification, d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité de requalification, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnité pour dissimulation d’emploi salarié, alors :
« 1°/ qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; que des contrats à durée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié ; que l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la irective n° 1999/ 70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté, d’abord, que l’activité d’opéra-théâtre de la commune était dans un secteur d’activité dans lequel il était possible de conclure des contrats à durée déterminée d’usage en vertu de l’article D. 1242-1 6° du code du travail, ensuite que le salarié n’avait pas participé à l’ensemble des oeuvres programmées au sein de l’opéra-théâtre, puisque toutes ne nécessitaient pas la présence d’un choeur (par exemple, les ballets, concerts de variétés, récital de piano, etc ) ; qu’en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que l’emploi de choriste présentait une nature temporaire et ne participait pas à l’activité normale et permanente de l’opéra, la cour d’appel a violé les textes précités ;
2°/ qu’après avoir constaté que l’activité d’opéra-théâtre de la commune était dans un secteur d’activité dans lequel il était possible de conclure des contrats à durée déterminée d’usage en vertu de l’article D.1242-1 6° du code du travail, la cour d’appel qui, pour écarter l’existence d’un usage constant autorisant l’employeur à ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée pour l’emploi d’artiste de choeur dans son secteur d’activité, s’est bornée à relever que le salarié produisait des annonces d’emplois d’artistes de choeur émises par des opéras français (Dijon, Avignon, Metz…), inopérante pour exclure l’usage dont se prévalait l’Opéra de [Localité 1], pour recourir à un contrat à durée déterminée, sans avoir recherché si cet usage ne résultait pas de la nature de l’activité d’artiste de choeur exercée par nature temporaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail ;
3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu’en retenant qu’à compter du 27 mai 2008, le salarié avait été embauché suivant cinquante-deux contrats à durée déterminée pour participer à la production d’opéras précisément dénommés en qualité d’artiste de choeur et que la mention du cas légal n’a pas été précisée pour les contrats antérieurs au 2 novembre 2016, sans répondre aux conclusions de la commune rappelant qu’il s’agissait de contrats de droit public jusqu’au jugement du tribunal des conflits du 17 juin 2013, de sorte que la commune n’avait pas à appliquer le code du travail, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu’est suffisamment précis le contrat à durée déterminée qui recrute un artiste pour un spectacle mentionné explicitement et des représentations déterminées ; qu’en ne recherchant pas, ainsi qu’elle y était invitée par la commune, si les contrats à durée déterminée conclus par le salarié, mentionnant son embauche en qualité d’artiste de choeur, pour une oeuvre précise, avec les dates de représentations et répétitions, ne répondaient pas aux exigences de l’article L. 1242-2 du code du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte. »
Réponse de la Cour
4. La cour d’appel a, d’abord, retenu à bon droit que, le salarié ayant été embauché en qualité d’artiste de choeur en vue d’assurer des représentations à l’opéra-théâtre de la commune et l’article 47 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, s’agissant des contrats conclus avant son entrée en vigueur, étant inapplicable, les dispositions de l’article L. 762-1, devenu les articles L. 7121-2 et L. 7121-3 du code du travail, qui présument l’existence d’un contrat de travail, sont applicables et ont pour effet de soumettre la relation de travail au droit privé.
5. Elle a, ensuite, relevé que si l’activité d’opéra-théâtre se trouvait dans le secteur d’activité dans lequel il était possible de conclure des contrats à durée déterminée d’usage, il y avait lieu de rechercher si un usage constant autorisait l’employeur à ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée pour l’emploi concerné d’artiste de choeur et, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve versés aux débats, en particulier les annonces d’emploi à durée indéterminée d’artiste de choeur émises par d’autres opéras du territoire français, a retenu que n’en ressortait pas l’existence d’un tel usage.
6. Elle a, également, constaté qu’à compter du 27 mai 2008, le salarié avait été engagé suivant cinquante-deux contrats à durée déterminée en vue de participer à la production d’oeuvres d’opéras en qualité d’artiste de choeur et que la mention du cas légal de recours au contrat à durée déterminée n’avait pas été précisé pour les contrats antérieurs au 2 novembre 2016.
7. Elle a, encore, ajouté que le salarié avait participé à la quasi-totalité des spectacles lyriques et à d’autres spectacles requérant un choeur entre 2010 et 2017 (soit cinquante-quatre sur cinquante-sept).
8. Elle a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions ni de procéder à une recherche invoquées par le moyen pris en ses troisième et quatrième branches que ses constatations rendaient inopérantes, que les contrats à durée déterminée conclus entre le salarié et la commune ne répondaient pas aux conditions légales autorisant à y recourir et qu’ils avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’opéra-théâtre de la commune.
9. Le moyen qui, pris en sa première branche, manque en fait, n’est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
10. La commune fait le même grief à l’arrêt, alors :
« 5°/ que lorsque le contrat de travail à temps partiel ne mentionne pas la répartition des horaires de travail, le salarié bénéficie d’une présomption simple de contrat de travail à temps plein et que l’employeur, qui se prévaut d’un contrat de travail à temps partiel, peut démontrer que le salarié a travaillé pour la durée contractuellement convenue sans être à la disposition permanente de l’employeur ; que n’est pas à la disposition permanente de l’employeur, le salarié embauché pour des spectacles déterminés s’il connaît à l’avance les dates de représentation ; qu’en l’espèce, en s’étant bornée à relever que les contrats de travail conclus par les parties prévoyaient des engagements pour des périodes (par exemple du 10 avril 14h30 au 29 avril 2012 inclus, du mercredi 14 juin 2017 à 17 h et jusqu’au samedi 24 juin 2017) sans préciser la durée exacte du travail, ce qui était de nature à faire présumer un travail à temps plein, sans avoir recherché, ainsi qu’elle y était invitée par la commune, qui faisait valoir qu’à chaque fois le salarié était recruté pour un spectacle et des dates de représentation déterminées, que chaque année, elle lui demandait s’il souhaitait participer aux programmations pour la saison suivante, qu’il était libre d’accepter, de sorte qu’il connaissait son planning prévisionnel en amont, si ces circonstances n’impliquaient pas que l’intéressé travaillait sans être à la disposition permanente de l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail ;
6°/ que si les heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement, il incombe au salarié embauché à temps partiel de rapporter la preuve de l’exécution d’heures complémentaires ayant porté la durée du travail au niveau de la durée légale ; qu’en s’étant bornée à énoncer qu’il ressort de l’article L. 3123-17 du code du travail que les heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement, sans avoir constaté en quoi l’intéressé rapportait la preuve que le recours par l’employeur à des heures complémentaires avait eu pour effet de porter, de manière effective, la durée de travail du salarié, employé à temps partiel, au niveau de la durée légale, la cour d’appel a violé l’article L. 3123-17 du code du travail. »