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SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 novembre 2023
Cassation
M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 2103 F-D
Pourvoi n° M 22-16.911
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023
M. [I] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-16.911 contre l’arrêt rendu le 29 mars 2022 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à la société Via Storia, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [D], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Via Storia, après débats en l’audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Deltort, conseiller, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative , et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l’article L.431-3, alinéa 2 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 29 mars 2022), M. [D] a été engagé en qualité de “chef opérateur prise de vue-cameraman” par la société Via Storia (la société) du 16 janvier 2012 au 7 juillet 2016, suivant soixante-dix contrats à durée déterminée d’usage, étant précisé qu’il travaillait en équipe avec M. [M], qui occupait le poste de chef opérateur prise de son.
2. L’employeur est une société de production audiovisuelle qui réalise, à 80 %, des reportages et retransmissions d’événements pour les chaînes nationales et locales mais aussi pour le Parlement européen et, à 20 %, des films et spots pour les entreprises et les institutions.
3. Le 28 juillet 2017, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, alors « que s’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ; qu’en l’espèce, pour refuser de requalifier les 70 contrats à durée déterminée d’usage de M. [D] en contrat à durée indéterminée, la cour d’appel a retenu, d’une part, que “le marché relatif au prestations de service au sein du Parlement européen à [Localité 3], qui lui est confié par la société European Broadcast Partners dans le cadre de la sous-traitance et auquel était affecté M. [I] [D] et son coéquipier opérateur prise de son, reste très particulier, en ce que les sessions du Parlement se tiennent à [Localité 3] en l’équivalent de seulement trois jours regroupés sur une même semaine par mois, à savoir le lundi après-midi, le mardi, le mercredi et le jeudi matin de cette semaine, et en ce qu’il ne peut donc être considéré comme participant de l’activité normale et permanente de la société Via Storia” et, d’autre part, que si “la Sa Via Storia attribuait à M. [I] [D] et à son coéquipier des missions autres que celles au parlement européen, et ce auprès d’autres sociétés clientes”, “il s’agit aussi de missions irrégulières de seulement quelques jours par mois, ce qui établit le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par le salarié” ; qu’en statuant ainsi quand le caractère par nature temporaire de l’emploi de M. [D] ne pouvait être déduit du fait que le salarié ne travaillait que quelques jours par mois pour le Parlement européen et pour d’autres sociétés clientes et qu’il travaillait également pour d’autres employeurs dès lors que les missions du salarié n’avaient pas été ponctuelles mais renouvelées chaque mois, durant des années, la cour d’appel a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail, interprétés à la lumière des clauses 1 et 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 :
5. S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
6. Pour débouter le salarié de sa demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, l’arrêt retient que l’activité de la société, qui compte dix-neuf salariés permanents, consiste essentiellement en la fourniture de prestations d’assistance technique aux chaînes de télévision pour la retransmission d’événements ponctuels, notamment politiques, culturels et sportifs. Il ajoute que le marché relatif aux prestations de service au sein du Parlement européen auquel étaient affectés le salarié et son coéquipier opérateur prise de son restait très particulier en ce que les sessions du Parlement se tiennent à [Localité 3] en l’équivalent de seulement trois jours regroupés sur une même semaine par mois, à savoir le lundi après-midi, le mardi, le mercredi et le jeudi matin de cette semaine et en ce qu’il ne peut donc être considéré comme participant de l’activité normale et permanente de la société. L’arrêt précise que la société attribuait au salarié et à son coéquipier des missions autres que celles au Parlement européen auprès d’autres clientes et qu’il s’agissait de missions irrégulières de quelques jours.
7. L’arrêt déduit de ces éléments que l’employeur fournit les éléments objectifs établissant le caractère temporaire occupé par le salarié qui travaillait dans le même temps pour d’autres employeurs.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la durée réduite des missions et du caractère spécifique de l’activité exercée dans le cadre du Parlement européen, sans vérifier si, au regard des tâches confiées au salarié, le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.