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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2023
N° 2023/
NL/FP-D
Rôle N° RG 19/12767 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXB7
[V] [C]
C/
SARL JESTA THEATRE [Adresse 2]
Copie exécutoire délivrée
le :
29 JUIN 2023
à :
Me Dominique CESARI, avocat au barreau de NICE
Me Laurence DE SANTI, avocat au barreau D’AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 06 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 16/00386.
APPELANT
Monsieur [V] [C], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Dominique CESARI, avocat au barreau de NICE,
INTIMEE
SARL JESTA THEATRE [Adresse 2], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laurence DE SANTI, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
et par Me Virginie GARCIA BARQUEROS, avocat au barreau de MONTPELLIER
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Jesta Théâtre [Adresse 2] (la société) exerce une activité d’exploitation de salle de spectacles à [Localité 3].
Suivant contrat à durée déterminée à temps partiel de 80 heures au total, la société a engagé M. [C] (le salarié) en qualité d’agent d’organisation du 17 au 26 mai 2012 moyennant un taux horaire de 17 euros pour un surcroît temporaire d’activité.
Hors ce contrat à durée déterminée, le salarié a travaillé pour le compte de la société qui a établi des bulletins de paie du 23 octobre 2011 au 2 avril 2016 pour un emploi de contrôleur selon des durées mensuelles de travail variables moyennant un taux horaire en dernier lieu de 9.67 euros.
Un débat s’instaure sur la conclusion entre les parties:
– de lettres d’engagement pour des contrats à durée déterminée d’usage afférents à ces bulletins de paie durant les saisons 2011/2012, 2012/2013, 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016;
– d’un contrat à durée déterminée du 14 au 22 mai 2015 pour un surcroît temporaire d’activité visant un emploi de chef contrôleur de 08h00 à 16h00 moyennant un taux horaire de 15 euros.
Le 26 juillet 2016, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Cannes pour obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et pour obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement rendu le 6 juin 2019, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes, a débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et a condamné le salarié aux dépens.
°°°°°°°°°°°°°°°°°
La cour est saisie de l’appel formé le 26 juillet 2016 par le salarié.
Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 30 avril 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:
1.DIRE ET JUGER Monsieur [V] [C] recevable et bien fondé en son appel total ;
2.INFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de CANNES le 6 juin 2019 ;
PAR SUITE ET STATUANT A NOUVEAU,
3.CONSTATER que Monsieur [C] exerçait en réalité des fonctions de Chef contrôleur du 5 octobre 2013 au 1er mai 2016 ;
4.ECARTER des débats les lettres d’engagement communiquées par l’employeur ;
5.A DEFAUT ET AVANT-DIRE DROIT, DESIGNER sur le fondement des dispositions des articles 144, 232 et suivants, 287 et 288 du CPC et dans un souci bien compris de bonne justice, tel Expert judiciaire Graphologue, avec pour mission d’établir de manière la plus certaine possible, si Monsieur [C] a bel et bien signé les contrats de travail à durée déterminée des, 23 octobre 2011, 08 janvier 2012 (sans signature de l’employeur), 20 janvier 2013 (sans signature de l’employeur), 03 janvier 2014 (sans signature de l’employeur) et, 14 mai 2015 ;
6.DESIGNER pour ce faire et aux frais partagés entre les parties, tel Expert qu’il plaira à Madame ou Monsieur le Conseiller de la Mise en état avec pour mission de,
– se faire communiquer les originaux des documents soumis à expertise à savoir notamment les CDD des, 23 octobre 2011, 08 janvier 2012 (sans signature de l’employeur), 20 janvier 2013 (sans signature de l’employeur), 03 janvier 2014 (sans signature de l’employeur) et, 14 mai 2015,
-procéder à une vérification des écritures et des signatures de ces documents afin de permettre d’établir leur authenticité ;
-donner toutes explications sur les surcharges, rajouts et autres anomalies relevés sur ces documents;
-donner tous éléments sur d’éventuels changements d’écriture et/ou de signature relevés sur ces documents au regard d’autres écrits antérieurs ;
DIRE que, pour exécuter sa mission, l’expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du Code de procédure civile ;
DIRE que l’expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple ou par courriel ;
DIRE que l’expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l’éclairer ;
DIRE que l’expert devra :
-en concertation avec les parties, dès la première réunion, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai, en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées et en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ou son projet de rapport ;
-adresser dans le même temps au magistrat chargé du contrôle de l’expertise le montant prévisible de sa rémunération et solliciter le cas échéant le versement d’une consignation complémentaire ;
-adresser aux parties un pré-rapport et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations en fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront pour ce faire d’un délai de 3 à 4 semaines à compter de la transmission du rapport, et en rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu’il fixe ;
DIRE que l’expert pourra, s’il le juge nécessaire, se faire assister d’un sapiteur d’une autre spécialité que la sienne, pris sur la liste des experts de la cour ;
DIRE que l’expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif ;
DIRE que l’original du rapport définitif sera déposé au greffe de la Cour d’Appel d’Aix-enProvence dans le délai de 6 mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé par le Greffe du versement de la provision, sauf prorogation dûment autorisée, et qu’il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause et un second original à la juridiction mandante;
DIRE qu’au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport ;
DIRE qu’en cas d’empêchement, refus ou négligence, l’expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente au conseiller de la mise en état de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
DESIGNER le magistrat de la mise en état de la chambre pour contrôler les opérations d’expertise ;
7.DIRE ET JUGER en tout état de cause que Monsieur [C] percevait un salaire mensuel brut de 1.768 € ;
8.CONSTATER que la rupture de la relation de travail entre Monsieur [C] et la société JESTA THEATRE [Adresse 2] doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
9.En conséquence de tout ce qui précède, CONDAMNER la société JESTA THEATRE [Adresse 2] à verser à Monsieur [C],
-43.639,00 € à titre de rappels de salaire sur la base de 2.567 heures non proposées du 21 juillet 2013 au 1er mai 2016,
-2.690,11 € à titre de régularisation de taux horaire sur 367 heures travaillées sur la base d’un emploi de Chef Contrôleur du 4 octobre 2013 au 1er mai 2016,
-144,00 € à titre de régularisation de taux horaire sur 72 heures travaillées en 2015 sur la base d’un emploi de Chef Contrôleur du 4 octobre 2013 au 1er mai 2016,
-3.536,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
-5.000,90 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
-1.591,20 € à titre d’indemnité de licenciement,
-10.608,00 € à titre d’indemnité de travail dissimulé,
-10.608,00 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10.ORDONNER la délivrance sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
-des bulletins de salaire modifiés couvrant la période allant du 21 juillet 2014 au 30 juin 2016,
-du certificat de travail portant mention de la période allant du 21 juillet 2014 au 30 juin 2016,
-de l’attestation employeur destinée à Pôle emploi portant mention de la période allant du 21 juillet 2014 au 30 juin 2016,
11.DEBOUTER la société JESTA THEATRE [Adresse 2] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d’appel ;
12.CONDAMNER la société JESTA THEATRE [Adresse 2] à verser à Monsieur [C] 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC en cause d’appel ainsi qu’à devoir supporter les entiers dépens.
Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 28 avril 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:
-DIRE et JUGER que la relation contractuelle l’a été par une succession de contrats à durée déterminée parfaitement régulier ;
-DIRE et JUGER qu’il ne saurait y avoir aucune requalification de la relation contractuelle à durée déterminée en une relation contractuelle à durée indéterminée ;
-REJETER la demande d’expertise graphologique des contrats de travail à durée déterminée des 23 octobre 2011, 8 janvier 2012, 20 janvier 2013, 3 janvier 2014 et 14 mai 2015 cette demande particulièrement tardive et non légitime et d’ores et déjà rejetée par l’ordonnance d’incident du 26 janvier 2023 ;
-DIRE et JUGER que Monsieur [C] ne saurait prétendre à un rappel de salaire sur la base d’une durée de 24 heures hebdomadaire ;
-DIRE et JUGER que la société a respecté le taux horaire contractuel convenu et correspondant aux fonctions effectivement occupées par Monsieur [C]
-DIRE et JUGER que la rupture du contrat de travail est intervenue à l’initiative de Monsieur [C] et qu’elle n’est pas abusive
En conséquence,
-DEBOUTER Monsieur [C] de l’intégralité de ses demandes
-REJETER la demande de l’exécution provisoire du jugement de Monsieur [C]
-CONDAMNER Monsieur [C] à verser à la société 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 2 mai 2023.
MOTIFS
1 – Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Le salarié demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement déféré, de requalifier le contrat à durée déterminée conclu du 17 au 26 mai 2012 en un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 104 heures par mois, en vertu de la durée minimum légale, à compter du 17 mai 2012.
Il invoque à l’appui deux moyens qu’il convient d’examiner successivement.
1.1. Sur le dépassement du terme
Le contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme.
Aux termes des articles 287 et 288 du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres. Il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écriture. Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux.
En l’espèce, le salarié fait valoir que le contrat à durée déterminée du 17 au 26 mai 2012 s’est poursuivi au-delà du terme prévu le 26 mai 2012.
Pour s’opposer au moyen, la société soutient que le salarié a travaillé en-dehors du contrat à durée déterminée en cause dans le cadre d’une part de contrats à durée déterminée d’usage résultant de lettres d’engagement durant les saisons 2011/2012, 2012/2013, 2013/2014 et 2014/2015, et d’autre part d’un contrat à durée déterminée du 14 au 22 mai 2015.
En réponse, le salarié déclare que les signatures apposées sous son nom sur les lettres d’engagement et sur le contrat à durée déterminée du 14 au 22 mai 2015 n’ont pas été tracées de sa main.
Il sollicite avant-dire-droit une mesure d’expertise graphologique pour déterminer l’authenticité des signatures litigieuses.
La cour constate d’abord que la société verse aux débats des lettres d’engagement pour des contrats à durée déterminée d’usage en raison d’un surcroît temporaire d’activité conclues comme suit:
– le 23 octobre 2011 pour la saison 2011/2012 au poste de contrôleur-ouvreur-hôte vestiaire-chef contrôleur avec des vacations de 3 heures au taux horaire de 9 euros;
– le 8 janvier 2012 pour la saison 2012/2013 au poste de contrôleur-ouvreur-hôte vestiaire-chef contrôleur avec des vacations de 3 heures au taux horaire de 9.43 euros;
– le 20 janvier 2013 pour la saison 2013/2014 au poste de contrôleur-ouvreur-hôte vestiaire-chef contrôleur avec des vacations de 3 heures au taux horaire de 9.43 euros;
– le 3 janvier 2014 pour la saison 2014/2015 au poste de contrôleur-ouvreur-hôte vestiaire-chef contrôleur avec des vacations de 3 heures au taux horaire de 9.53 euros.
Ces lettres d’engagement présentent toutes une signature apposée en-dessous du nom du salarié.
La société ne produit pas de lettre d’engagement pour la saison 2015/2016.
S’agissant de l’authenticité des signatures du salarié apposées sur les documents précités, la cour dispose d’éléments pour procéder à la vérification d’écriture qui lui revient d’effectuer.
Ces éléments comportent tous la signature non contestée du salarié et se présentent comme suit:
– la carte nationale d’identité du salarié délivrée le 10 mai 2007;
– deux courriers adressés à Reunica qu’il a établis les 26 juillet 2010 et 20 juin 2011;
– la carte électorale du salarié pour les scrutins de l’année 2014;
– le courrier de notification par Pôle Emploi en date du 27 avril 2016 portant actualisation du projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Force est de constater après comparaison des signatures que celles qui se trouvent apposées par le salarié sur les documents ci-dessus sont en tout point identiques à celles qui ont été apposées sur les lettres d’engagement pour des contrats à durée déterminée d’usage et qui sont en cause.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le salarié a signé les lettres d’engagement pour des contrats à durée déterminée d’usage durant les saisons 2011/2012, 2012/2013, 2013/2014 et 2014/2015.
Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le contrat à durée déterminée du 14 au 22 mai 2015, ni d’ordonner l’expertise sollicitée, la cour est en mesure de dire que la relation de travail postérieure au terme du contrat à durée déterminée, soit après le 26 mai 2012, ne s’analyse pas en un dépassement du terme mais s’inscrit dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage conclus régulièrement suivant des lettres d’engagement.
La cour relève au surplus que le salarié a produit en pièce n°30 un contrat à durée déterminée qu’il a conclu avec la société du 9 au 28 octobre 2012 et dont il ne discute pas ici l’authenticité de sa signature, ce dont il résulte que le salarié n’ignorait pas qu’il n’a pas été engagé par la société dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée pour dépassement du terme le 26 mai 2012.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
1.2. Sur le motif
Selon l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié (1°), l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).
L’exécution d’une tâche occasionnelle précisément définie et non durable relève de la notion d’accroissement temporaire d’activité et non de l’activité normale de l’entreprise.
Il résulte de l’article L.1245-1 du code du travail qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des principe précités.
En l’espèce, le salarié soutient que le contrat à durée déterminée a eu pour objet de pourvoir un emploi permanent.
La cour relève que le contrat à durée déterminée stipule:
‘(…) Ce contrat est lié à un surcroît temporaire d’activité résultant de la production, au sein du Théâtre de la Société, lors du Festival du Film QUINZAINE DES RÉALISATEURS du 17 au 26 mai 2012 (…)’.
Au vu de cet énoncé, il convient de dire que la tâche occasionnelle est non durable et se trouve précisément définie et que cette tâche ne relève pas de l’activité normale de la société.
En conséquence, le moyen n’est pas fondé.
En définitive, le salarié n’est fondé en aucun de ses moyens de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
2 – Sur la nouvelle classification
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
En l’espèce, le salarié a accompli sa prestation de travail dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage pour un emploi de contrôleur-ouvreur-hôte vestiaire-chef contrôleur.
Le salarié demande par voie d’infirmation du jugement déféré de juger qu’il a occupé uniquement les fonctions de chef contrôleur du 5 octobre 2013 au 1er mai 2016.
Après analyse des pièces produites par le salarié à l’appui de sa demande, la cour relève que:
– l’attestation établie par Mme [F] se borne à indiquer que le salarié a été son collaborateur pendant plusieurs années au sein de la société (sans précision toutefois sur la nature des tâches accomplies), qu’il a assuré l’interim de la directrice du théâtre durant l’automne 2013 et qu’il a participé à la préparation de l’événement ‘la quinzaine des réalisateurs’ au début de l’année 2014;
– le salarié n’explique pas en quoi les échanges de courriels, qu’il verse aux débats en pièces n°5 et 9, sans les expliciter dans ses écritures, permettent de justifier la classification alléguée;
– les plannings le mentionnant comme chef contrôleur vise seulement la période du 15 au 24 mai 2014 et ne se trouvent corroborés par aucun élément objectif;
– la liste de l’équipe des contrôleurs avec la mention chef pour ce qui concerne le salarié ne concerne que l’année 2015 et ne se trouve corroboré par aucun élément objectif, étant précisé que seul le bulletin de salaire du mois d’avril 2015 mentionne un emploi de chef contrôleur;
– le courriel qu’il a établi le 3 mars 2016 pour indiquer qu’il a occupé le poste de chef contrôleur ne se trouve étayé par aucun élément objectif.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le salarié ne rapporte pas la preuve de ce qu’il a assuré de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de l’emploi de chef contrôleur.
En conséquence, la cour dit que la demande de nouvelle classification n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée et en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire sur la base d’un taux horaire de 17 euros au titre d’un emploi de chef contrôleur.
3 – Sur les rappels de salaire au titre du plancher de la durée du travail
Il ressort de l’article L.3123-14-1 du code du travail, applicable aux contrats de travail conclus après le 1er juillet 2014, qu’un contrat de travail à temps partiel doit prévoir une durée minimale de travail de 24 heures par semaine.
La durée mensuelle minimale s’établit donc à 104 heures.
Aux termes de l’article 12 VIII la loi du 14 juin 2013 ces dispositions sont entrées en vigueur au 1er juillet 2014.
Pour les contrats de travail en cours à cette date, et jusqu’au 1er janvier 2016, sauf convention ou accord de branche conclu au titre de l’article L. 3123-14-3 du même code, la durée minimale prévue à l’article L. 3123-14-1 est applicable au salarié qui en fait la demande, sauf refus de l’employeur justifié par l’impossibilité d’y faire droit compte tenu de l’activité économique de l’entreprise. »).
En l’espèce, les lettres d’engagement ont prévu que le salarié a été soumis à des vacations de trois heures.
Le salarié fait valoir à l’appui de sa demande de rappel de salaire par voie d’infirmation du jugement déféré que la société aurait du le rémunérer pour 104 heures par mois du 21 juillet 2013 au 1er mai 2016.
La société s’oppose à la demande en soutenant qu’elle a régulièrement dérogé au plancher de la durée du travail à temps partiel.
La cour relève qu’il n’est pas discuté que le salarié a accompli, dans la limite de la prescription, des heures comme suit:
– 54 heures en 2013;
– 256 heures en 2014;
– 195 heures en 2015;
– 24 heures en 2016.
Force est de constater que les contrats à durée déterminée d’usage ont été conclus suivant lettres d’engagement avant le 1er janvier 2016 et que le salarié ne justifie par aucun élément qu’il a demandé à la société, en concluant ces contrats à durée déterminée, à être soumis au plancher de la durée du travail à temps partiel.
En conséquence, la cour dit que la demande de rappel de salaire fondée sur le plancher de la durée du travail à temps partiel n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
4 – Sur le rappel de salaire de mai 2015
Par voie d’infirmation du jugement déféré, le salarié sollicite un rappel de salaire pour le mois de mai 2015 durant lequel il a travaillé 72 heures moyennant un taux horaire de 15 euros alors qu’il a été contractuellement prévu un taux horaire de 17 euros.
La cour relève d’abord que la demande concerne le contrat à durée déterminée conclu du 14 au 22 mai 2015 pour un surcroît temporaire d’activité visant un emploi de chef contrôleur, ce dont il résulte que la validité de ce contrat n’est plus ici discutée.
Or, il n’est pas discutable que ce contrat a prévu un taux horaire de 15 euros et que le salarié n’explique pas en quoi il a été contractuellement prévu un taux horaire de 17 euros.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
5 – Sur la rupture du contrat de travail
Par voie d’infirmation du jugement déféré, le salarié demande à la cour de lui allouer les indemnité de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (une indemnité compensatrice de préavis; une indemnité de licenciement; des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) sans toutefois présenter aucune demande relative à la rupture de la relation de travail, le ‘constater’ ne s’analysant pas en une prétention.
La cour dit qu’il lui revient donc au préalable de se prononcer sur la nature de la rupture de la relation de travail.
Comme il a été précédemment dit, les parties n’ont pas été liées par un contrat à durée indéterminée.
En outre, il n’est pas discuté que la relation de travail a pris fin après que le salarié a refusé le 7 avril 2016 la proposition de la société portant sur un poste de contrôleur dans le cadre de la ‘quinzaine des réalisateurs’ pour l’année 2016, arguant de ce qu’il souhaitait occuper un poste de chef contrôleur comme en 2015.
En l’état de ces éléments, la cour ne voit pas en quoi la rupture de la relation de travail pourrait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant précisé que l’argumentation du salarié consiste seulement à soutenir que le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée et que le fait que la société soit à l’initiative de la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
6 – Sur le travail dissimulé
Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes des dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
– de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l’embauche,
– de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli,
– de se soustraire intentionnellement à l’obligation de délivrer un bulletin de paie,
– de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Il résulte de l’article L. 8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé par voie d’infirmation du jugement déféré que la relation de travail étant réputée à durée indéterminée, il y a de fait un cas de travail dissimulé.
Force est de constater que la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne constitue pas un élément matériel du travail dissimulé.
Et au surplus il convient de rappeler que le contrat à durée déterminée du 17 au 26 mai 2012 n’a pas été requalifié en contrat à durée indéterminée.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
7 – Sur la remise des documents de fin de contrat rectifiés
En l’état du rejet des demandes du salarié, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de remise des documents de fin de contrat rectifiés.
8 – Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a mis à la charge du salarié les dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le salarié est condamné aux dépens d’appel.
L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel,
CONDAMNE M. [C] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT