Contrat à durée déterminée d’usage : 29 juin 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/04373

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Contrat à durée déterminée d’usage : 29 juin 2022 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/04373
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ARRET

S.A.S. HOTESECURITE

C/

[B]

copie exécutoire

le 29/06/2022

à

Me PAPPO

Selarl DORE

LDS/IL/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 29 JUIN 2022

*************************************************************

N° RG 21/04373 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IGT7

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 27 JUILLET 2021 (référence dossier N° RG F 20/00167)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. HOTESECURITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Juliette PAPPO, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Pauline PHELIPPEAU, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [W] [B]

né le 06 Avril 1985 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté, concluant et plaidant par Me Christophe DORE de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Edith DIAS FERNANDES, avocat au barreau d’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 25 mai 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

– Madame Laurence de SURIREY en son rapport,

– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 29 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 29 juin 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [B] a été embauché par la société Hôtesecurité (la société ou l’employeur), par contrats à durée déterminée d’usage à temps partiel, en qualité d’agent de sécurité entre le 1er décembre 2018 et le 8 décembre 2019.

La société a pour activité la sécurité événementielle et sportive. Elle emploie plus de 10 salariés.

Elle applique la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 13 mai 2020 afin d’obtenir notamment la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 27 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le salarié était recevable et bien fondé en ses demandes,

– requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à la date du 1er décembre 2018,

en conséquence,

– condamné la société à payer au salarié la somme de 1 624,11 euros à titre d’indemnité de requalification,

– dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée en date du 8 décembre 2019 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– condamné la société à payer au salarié les sommes suivantes :

– 3 248,22 euros soit deux mois de salaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 624,11 euros, soit 1 mois de salaire à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 162,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 415,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– attribué à M. [B] le coefficient 150 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité,

– dit que les heures de travail contractuellement fixées n’étaient pas intégralement réglées,

– en conséquence condamné la société à payer au salarié les sommes de 90,95 euros à titre de rappel de salaire et 9,09 euros au titre des congés payés y afférents,

– condamné la société à payer au salarié la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au SMIC,

– condamné la société à payer au salarié les sommes de 169,84 euros au titre de la majoration des heures de travail réalisées et non prévues contractuellement et 16,98 euros au titre des congés payés y afférents,

– débouté M. [B] de sa demande au titre du travail dissimulé,

– ordonné à la société de remettre au salarié les documents de rupture conformes à sa décision (attestation pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte et des bulletins de paie) et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 31e jour de la notification du jugement,

– dit que le conseil se réservait le droit de liquider l’astreinte,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement au visa des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile pour toutes les sommes non prévues par les dispositions de l’article R. 1245-1 et R. 1454- 28 du code du travail,

– dit que l’intégralité des sommes versées au salarié serait consignée auprès de la caisse des dépôts et consignations, sous 30 jours à compter de la notification du jugement, en application des dispositions de l’article 517 et 519 du code de procédure civile,

– débouté la société de ses demandes,

– condamné la société à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par ses dernières conclusions remises le 5 avril 2022, demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

– a dit que le salarié était recevable et bien fondé en ses demandes,

– a requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à la date du 1er décembre 2018,

en conséquence,

– l’a condamnée à payer au salarié la somme de 1 624,11 euros à titre d’indemnité de requalification,

– dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée en date du 8 décembre 2019 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– l’a condamnée à payer au salarié les sommes suivantes :

– 415,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 3 248,22 euros soit deux mois de salaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 624,11 euros, soit 1 mois de salaire à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 162,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives au SMIC,

– 169,84 euros au titre de la majoration des heures de travail réalisées et non prévues contractuellement et 16,98 euros au titre des congés payés y afférents,

– a attribué à M. [B] le coefficient 150 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité,

– a débouté M. [B] de sa demande au titre du travail dissimulé,

– lui a ordonné de remettre au salarié les documents de rupture conformes à sa décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 31e jour de la notification du jugement,

– dit que le conseil se réservait le droit de liquider l’astreinte,

– a ordonné l’exécution provisoire du jugement au visa des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile pour toutes les sommes non prévues par les dispositions de l’article R. 1245-1 et R. 1454- 28 du code du travail,

– dit que l’intégralité des sommes versées au salarié serait consignée auprès de la caisse des dépôts et consignations, sous 30 jours à compter de la notification du jugement.

Statuant à nouveau,

– à titre principal, débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes,

– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée :

– fixer le salaire de référence du salarié à la somme de 290,17 euros correspondant à la moyenne de sa rémunération réelle calculée sur les trois derniers mois travaillés,

en conséquence,

– la condamner à lui payer les sommes suivantes : 290,17 euros à titre d’indemnité de requalification, 72,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, 290,17 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 29,01 euros au titre des congés payés afférents, 290,17 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement,

– débouter le salarié du surplus de ses demandes,

En tout état de cause, le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 2 mai 2022, M. [B] demande à la cour de :

– Dire et juger la société mal fondée en son appel,

– En conséquence,

– Dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes,

– En conséquence,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à la date du 1er décembre 2018,

– En conséquence,

– Requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter de la date du 1er décembre 2018,

– En conséquence,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à lui payer la somme de 1 624,11 euros, soit 1 mois de salaire, à titre d’indemnité de requalification,

– En conséquence,

– Condamner la société à lui payer la somme de 1 624,11 euros, soit 1 mois de salaire, à titre d’indemnité de requalification,

– Confirmer également le jugement en ce qu’il a dit et jugé que la rupture du contrat de travail à durée déterminée en date du 8 décembre 2019 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– En conséquence,

– Dire et juger que la rupture du contrat de travail à durée déterminée en date du 8 décembre 2019 est sans cause réelle et sérieuse,

– En conséquence,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

– 3 248,22 euros, soit 2 mois de salaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-1 624,11 euros, soit 1 mois de salaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

-162,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

-415,04 euros à titre d’indemnité de licenciement.

– En conséquence,

– Condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

– 3 248,22 euros, soit 2 mois de salaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 624,11 euros, soit 1 mois de salaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 162,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 415,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– Confirmer le jugement en ce qu’il lui a attribué le coefficient 150 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité,

– En conséquence,

– Lui attribuer le coefficient 150 issu de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité,

– Confirmer également le jugement en ce qu’il a dit et jugé que les heures de travail contractuellement fixées n’étaient pas intégralement réglées et en ce qu’il a condamné la société à lui payer les sommes de :

– 90,95 euros au titre des heures de travail contractuellement fixées et non payées par la société,

– 9,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

– En conséquence,

– Condamner la société à lui à payer les sommes suivantes :

– 90,95 euros au titre des heures de travail contractuellement fixées et non payées,

– 9,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

– Réformer le jugement en ce qu’il n’a condamné la société qu’à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au SMIC,

– En conséquence,

– Condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au SMIC,

– Confirmer par ailleurs le jugement en ce qu’il a condamné la société à lui payer la somme de 169,84 euros au titre de la majoration des heures de travail réalisées et non prévues contractuellement et la somme de 16,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

– En conséquence,

– Condamner la société à lui payer la somme de 169,84 euros au titre de la majoration des heures de travail réalisées et non prévues contractuellement et la somme de 16,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

– Réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

– En conséquence,

– Condamner la société à lui payer la somme de 9 744,66 euros, soit 6 mois de salaire, à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la société d’avoir à lui remettre les documents de rupture conformes,

– En conséquence,

– Ordonner à la société la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la signification de l’arrêt à intervenir des attestations Pôle emploi pour chaque contrat de travail à durée déterminée,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Statuant à nouveau en cause d’appel,

– Condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et ses conséquences :

M. [B] soutient que la société ne pouvait avoir recours au contrat à durée déterminée d’usage, ni aux termes du code du travail, ni aux termes de la convention collective, que le fait que le service titre emploi sécurité entreprises (TESE) n’ait pas relevé d’anomalie à propos de ces contrats de travail ne lui conférait aucun droit et que rien ne permet de s’assurer que l’inspecteur du travail ait particulièrement vérifié la légalité des contrats de travail à durée déterminée d’usage.

La société reconnaît que la sécurité ne figure pas à la liste de l’article D. 1242-1 du code du travail mais affirme que la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité a prévu la possibilité d’embauche de salariés en CDD si l’emploi de l’agent est par nature très temporaire, que son activité principale qui est d’assurer la sécurité événementielle est en lien avec certains secteurs figurant au texte précité notamment le spectacle, que les missions qu’elle propose sont nécessairement limitées dans le temps, avec un début et une fin, que le service titre emploi service entreprises n’a jamais relevé d’anomalie concernant le type d’emploi et de contrats qu’elle concluait, pas plus que l’inspecteur du travail qui a pourtant signé les registres des salariés le 21 janvier 2021. Elle en conclut qu’elle était en droit de conclure des CDD d’usage, que la fin du contrat de travail à durée déterminée ne saurait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que le salarié doit être débouté de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail.

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise et que, selon l’article L.1242-2 du même code, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas déterminés, notamment pour remplacer un salarié absent, en cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ou dans le cas d’emploi à caractère saisonnier ou pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée déterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en ‘uvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

La détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au CDD d’usage ne dispense pas le juge de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné. Le seul fait que les différents emplois occupés en CDD par un salarié aient été de courte durée ne suffit pas à l’établir.

La charge de la preuve incombe à l’employeur.

L’article 6.01 7 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité dispose que des contrats à durée déterminée et/ou à temps partiel pourront être conclus en cas de nécessité ou en raison de services limités dans le temps (salons, foires, expositions etc.) et des périodes d’inactivité des établissements surveillés pendant lesquelles les prestations sont nécessairement renforcées, ainsi que pendant les périodes d’aggravation des risques.

Par application de l’article L.1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Ce plancher s’apprécie au regard du dernier salaire mensuel perçu par le salarié avant la saisine de la juridiction, incluant dans son assiette les accessoires de salaire et les heures supplémentaires mais excluant l’indemnité de fin de mission et les congés payés.

Au cas d’espèce, ainsi que le reconnaît la société, le secteur de la sécurité ne figure pas dans la liste de l’article D. 1242-1 et il est indifférent à cet égard qu’elle assure la sécurité de certains événements tels que les spectacles ou les matchs sportifs qui relèvent de secteurs inclus dans la liste.

De plus, la convention collective précitée ne permet pas expressément le recours aux CDD d’usage.

La société insiste également sur le fait qu’elle a pour activité principale la sécurité événementielle et sportive de sorte qu’il entre dans ses missions habituelles d’assurer la sécurité des spectacles et matchs sportifs. Elle ne démontre pas qu’il est d’usage de recourir aux CDD pour pourvoir des postes d’agents de sécurité dans l’événementiel, les petites annonces n’étant pas un gage de légalité des emplois offerts.

Or, de l’analyse des CDD, il ressort qu’ils ont été conclus pour pourvoir les mêmes emplois (agent de sécurité et SSIAP), pour assurer dans la quasi totalité des cas la sécurité de trois types de spectacles situés à [Localité 4]. Ces événements sont récurrents et, s’agissant de Chroma, se produisent tous les ans à la même époque pendant plusieurs semaines d’affilée.

Leur surveillance constituait une activité qui, même intermittente, entrait dans les missions qui étaient confiées habituellement à la société or, la cour constate que celle-ci ne produit pas d’élément permettant d’apprécier si M. [B] était recruté à l’occasion d’un surcroît d’activité de l’entreprise.

Par ailleurs, le silence du service TESE délivrant le certificat d’enregistrement et l’attestation de déclaration préalable à l’embauche valant contrat de travail et le visa du registre du personnel par l’inspecteur du travail ne garantissent pas la légalité des contrats conclus avec M. [B].

Compte tenu des diverses tâches occupées successivement par le salarié pendant un an, comme agent de sécurité ou SSIAP, la société ne démontre pas que le recours à des contrats à durée déterminée successifs était justifié par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

C’est également par de justes motifs que la cour adopte que le conseil de prud’hommes a dit que la rupture du CDD requalifié en CDI s’analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [B] n’invoquant pas s’être tenu en permanence à la disposition de l’employeur, c’est néanmoins à tort que les premiers juges ont implicitement requalifié le contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet et calculé les sommes dues au titre de la requalification et de la rupture du contrat de travail sur la base d’un salaire pour un temps plein.

La société sera condamnée à verser à M. [B] à titre d’indemnité de requalification la somme précisée au dispositif.

M. [B] est en droit de prétendre, au titre de la rupture du CDI, à une indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, à une indemnité de licenciement ainsi qu’à des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’article R. 1234-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, dispose que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Aux termes de l’article R.1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

En l’espèce, la société sera condamnée à payer la somme de 72,54 euros au titre de l’indemnité de licenciement, retenant la moyenne mensuelle des 3 derniers mois de salaire précédant le licenciement plus favorable au salarié.

Elle devra également lui verser la somme de 290,17 euros à titre d’indemnité de préavis et 29,01 euros au titre des congés payés y afférents.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail en sa version applicable en l’espèce, au regard du nombre de salariés habituellement employés dans l’entreprise, M. [B] peut prétendre à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire.

Ce dernier ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieure à son licenciement.

En considération notamment de son âge et de l’ancienneté de ses services, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation qui lui est due à la somme mentionnée au dispositif.

2/ Sur les demandes en matière de rémunération :

– Sur le coefficient applicable :

M. [B] expose qu’il s’est vu octroyer au cours des relations contractuelles différents coefficients issus de la convention collective alors que les tâches confiées étant toujours similaires, qu’il aurait dû être placé au coefficient 150 et percevoir la rémunération afférente.

La société répond que les coefficients attribués dépendaient de la demande du client de sorte que le salarié pouvait être embauché en qualité d’agent de sécurité coefficient 120 ou 130 (le plus souvent), soit en qualité d’agent SSIAP coefficient 140 ou 150 et qu’il n’a été embauché que deux fois au coefficient 150 en novembre 2019.

La qualification professionnelle d’un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu’il requiert au regard de la convention collective applicable.

En l’espèce, M. [B] a bénéficié de coefficients différents en fonction des emplois occupés et ne produit aucun élément quant aux fonctions effectivement exercées qui justifierait de lui accorder le coefficient le plus élevé de sorte que sa demande ne peut qu’être rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.

– Sur le non respect du SMIC :

La société reconnaît qu’en décembre 2018 elle a rémunéré 43 heures de travail à 9,77 euros alors que le SMIC était de 9,88 euros et proteste de sa bonne foi en faisant remarquer que dès le mois de janvier 2019 elle a procédé à une augmentation de salaire.

Le salarié, qui ne fait pas de demande de rappel de salaire, affirme que ce manquement de l’employeur lui a nécessairement causé un préjudice.

Le non-respect du SMIC constituant une violation d’un droit fondamental du salarié par ailleurs pénalement sanctionné, le manquement de l’employeur a causé au salarié un préjudice qui sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 200 euros.

– Sur les heures non rémunérées et/ou non majorées :

Le salarié fait valoir que l’employeur lui a à deux reprises payé moins d’heures que celles prévues au contrat.

La société lui répond qu’elle lui a réglé le nombre d’heures effectivement travaillées au vu des fiches de pointage.

La cour rappelle que l’employeur est tenu de fournir du travail au salarié et de le rémunérer selon les modalités prévues au contrat. Il ne peut donc réduire la rémunération du salarié au motif que celui-ci a travaillé un nombre d’heures inférieur à celui qui était contractuellement prévu.

En l’espèce, il est établi par la production des contrats de travail et des bulletins de paie, qu’aux termes du contrat du 16 juillet 2019 la durée du travail prévue était de 9 heures et que seules 2h30 ont été rémunérées et qu’aux termes du contrat du 16 août 2019 la durée du travail était de 24 heures 30 et que seules 22h30 ont été payées.

C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur au paiement de la somme correspondant à la différence entre le salaire qu’aurait dû percevoir M. [B] et celui qui lui a été effectivement versé.

– Sur les heures « supplémentaires » :

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, la cour observe que le salarié invoque le paiement d’heures supplémentaires alors que, étant sous le régime du temps partiel, les heures de travail effectuées au-delà de celles prévues au contrat constituent des heures complémentaires ainsi que le fait remarquer à raison l’employeur.

M. [B] produit ses contrats de travail, ses bulletins de paie et un décompte des sommes qu’il réclame.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

Ce dernier ne conteste pas l’accomplissement d’heures complémentaires mais le taux de majoration appliqué par le salarié estimant qu’il ne doit pas être de 25 % mais de 10 %.

En application de l’article L. 3123- 29 du code du travail, à défaut de stipulation conventionnelle prévue à l’article L. 3123 -21, le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.

Au regard de ces dispositions et au vu des heures complémentaires accomplies, il apparaît que c’est à tort que M. [B] a systématiquement appliqué une majoration de 25% mais également à tort que l’employeur a systématiquement appliqué un taux majoré de 10%.

Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que M. [B] a bien effectué des heures complémentaires non rémunérées à hauteur de 164,42 euros, somme à laquelle s’ajoute 16,44 euros au titre des congés payés y afférents.

3/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d’heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l’espèce, il ne peut être déduit du seul fait que la société s’est soustraite à certains égards à ses obligations en matière de rémunération l’existence de l’élément intentionnel caractérisant l’infraction de travail dissimulé.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a débouté le salarié de cette demande.

4/ Sur les demandes accessoires :

Le salarié soutient que l’employeur ne lui a pas remis à l’issue de chaque contrat l’attestation Pôle emploi.

La société le conteste, affirmant les avoirs envoyés par courrier.

Le conseil de prud’hommes a omis de reprendre à son dispositif la condamnation prononcée dans ses motifs.

L’article L. 1234-9 du code du travail dispose que l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2.

Au cas d’espèce, le document versé aux débats par la société, intitulé « suivi attestation Pôle emploi », établi par ses soins, ne suffit pas à rapporter la preuve de l’envoi par courrier du 14 mars 2020 de l’ensemble des attestations Pôle emploi pour la période 2018/2019.

Il y a lieu par conséquent de condamner l’employeur à remettre les attestations Pôle emploi relatives à chaque fin de contrat à durée déterminée.

La société devra également remettre à M. [B] les documents de fin de contrat rectifiés pour tenir compte de la solution du présent arrêt.

Il n’est pas justifié de la nécessité d’assortir ces obligations d’une astreinte.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimé les frais qu’il a engagés en cause d’appel, la société sera par conséquent condamnée à lui verser la somme précisée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

Elle devra en supporter les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

infirme le jugement en ce qu’il a accordé à M. [B] le coefficient 150 de la convention collective et a condamné la société Hôtesécurité à payer à M. [B] les sommes de :

1 624,11 euros à titre d’indemnité de requalification,

3 248,22 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 624,11 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 162,41 euros au titre des congés payés y afférents,

415,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,

1 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect des dispositions relatives au SMIC,

169,84 euros au titre de la majoration des heures de travail réalisées et non contractuellement prévues et 16,98 euros au titre des congés payés y afférents,

le confirme pour le surplus,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

condamne la société Hôtesécurité à payer à M. [B] les sommes de :

300 euros à titre d’indemnité de requalification,

72,54 euros à titre d’indemnité de licenciement,

290,17 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis plus 29,01 euros au titre des congés payés y afférents,

500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

200 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatif au SMIC,

164,42 euros au titre des heures complémentaires outre 16,44 euros au titre des congés payés y afférents,

1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamne la société Hôtesécurité à remettre à M. [B] les attestations Pôle emploi relatives à chaque fin de contrat à durée déterminée,

ordonne à la société de remettre à M. [B] les documents de fin de contrat rectifiés pour tenir compte de la solution du présent arrêt,

rejette les demandes d’astreinte,

condamne la société Hôtesécurité aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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