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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 SEPTEMBRE 2023
N° RG 21/02240 –
N° Portalis DBV3-V-B7F-UUFM
AFFAIRE :
[E] [Y]-[D] épouse [A]
C/
Association FONDATION ITSRS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE –
BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 18/00671
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Elodie DUMONT
Me Philippe BERRY de la SELARL CABINET PHILIPPE BERRY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 06 juillet 2023 et prorogé au 28 septembre 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Madame [E] [Y]-[D] épouse [A]
née le 16 Février 1970 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Isabelle PINTO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1417 – Représentant : Me Elodie DUMONT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 490
APPELANTE
****************
Association FONDATION ITSRS
N° SIRET : 785 406 513
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Philippe BERRY de la SELARL CABINET PHILIPPE BERRY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0292, substitué à l’audience par Me Vincenza ARNAO OLLIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI
EXPOSE DU LITIGE
Mme [E] [Y]-[D] épouse [A] a été engagée par la Fondation Institut de Travail Social et de Recherches Sociales, dite ci-après Fondation ITSRS, par contrat à durée déterminée d’usage du 20 octobre 2004 jusqu’au 21 mars 2005.
A compter du 1er décembre 2008, Mme [A] a intégré la fonction publique territoriale, elle a été titularisée puis a sollicité une mise en disponibilité sans traitement du 30 juin 2009 jusqu’au 30 décembre 2010 pour convenances personnelles.
Par contrat à durée indéterminée du 15 avril 2010 à effet au 3 mai 2010, Mme [A] a été réengagée par la Fondation ITSRS en qualité de formateur, au statut cadre à l’indice 850 de la grille « cadre classe 2 niveau 1 », à temps partiel à raison de 28 heures hebdomadaires puis elle a signé un avenant à son contrat de travail pour un passage à temps plein à compter de janvier 2012. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable des formations de niveau 3 au statut cadre, classe 1, niveau 1, indice 948,30, à temps plein moyennant une rémunération brute mensuelle de base de 3 208,49 euros à laquelle s’ajoutait 366,61 euros d’indemnité RTT et 754 euros d’indemnité responsabilité.
Par courrier du 7 décembre 2017, Mme [A] a sollicité l’accord de la Fondation ITSRS quant au renouvellement de son détachement arrivant à échéance au 31 mars 2018. Par lettre du 21 décembre 2017, la Fondation a informé la salariée de la non-reconduction de son détachement en raison de la réorganisation des services, puis par courrier du 31 mars 2018, de la fin de son contrat de travail.
La salariée n’a pas souhaité réintégrer son administration d’origine et a fait une demande de mise en disponibilité sans traitement à compter du 1er avril 2018 pour 6 mois puis a retrouvé un travail à compter du mois de mai 2018.
Le 18 mai 2018, la salariée a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, afin d’obtenir la remise d’une attestation Pôle Emploi et de divers documents. Par ordonnance du 6 juillet 2018, celle-ci l’a déboutée de ses demandes en retenant dans ses motifs, d’une part, que « Mme [A] n’a subi aucune période de chômage suite à l’arrêt de ses activités pour la fondation ITSRS dans la mesure où elle a été réintégrée dans la fonction publique avec versement de sa rémunération et où elle indique à l’audience, occuper actuellement un emploi », et, d’autre part, qu’il existait une contestation sérieuse sur la qualification de la rupture.
Le 18 mai 2018, Mme [A] a également saisi au fond le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’obtenir la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le versement de diverses sommes et la remise de documents de fin de contrat.
Par jugement du 10 juin 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– constaté la régularité de la fin du détachement à l’échéance du terme ;
– constaté l’absence de manquement de la Fondation ITSRS a ses obligations à l’égard de Mme [A] ;
– dit que la Fondation ITSRS n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ;
– débouté en conséquence Mme [A] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la fondation ITSRS de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– mis les dépens à la charge de Mme [A].
Par déclaration au greffe du 9 juillet 2021, Mme [A] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions d’incident remises au greffe le 10 octobre 2022, la Fondation ITSRS a demandé au conseiller de la mise en état de prononcer la nullité de la déclaration d’appel. Par ordonnance d’incident du 14 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de la Fondation ITSRS.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 8 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [A] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement du 10 juin 2021 du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt
– Condamner la Fondation ITSRS à lui payer les sommes suivantes :
* 34.632 € d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (8 mois) ;
* 25.974 € pour dommages et intérêts (violation des articles L 4121-1 et suivants du Code du travail) (6 mois) ;
* 17.316 € au titre du préavis (4 mois) ;
* 1.731,60 € au titre des congés payés sur préavis ;
* 34.632 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
– Condamner la Fondation ITSRS à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Ordonner la remise d’un certificat de travail, de l’attestation Pôle Emploi et du dernier bulletin de salaire conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
– Se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– Condamner la Fondation ITSRS aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 6 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Fondation ITSRS demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu le 10 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
– Condamner Mme [E] [A] au paiement de la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
En toutes hypothèses,
– Condamner Mme [E] [A] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
Mme [A] sollicite l’allocation de la somme de 25 974 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail.
En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés, prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Selon l’article L. 4121-2 du même code,
« L’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »
Selon l’article L. 4121-3 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, et l’article R. 4121-1 du même code ensemble, compte tenu de la nature des activités de l’établissement l’employeur évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, transcrit et met à jour au moins chaque année ces risques dans un document unique puis met en ‘uvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.
A l’appui de sa demande de dommages-intérêts pour violation des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, Mme [A] invoque une surcharge de travail, des risques psychosociaux démontrés et dénoncés par différents acteurs institutionnels, un règlement intérieur non mis à jour depuis 2004, une absence de formation et une absence de dispositif de contrôle de l’activité et du temps de travail des salariés.
Elle insiste sur son ressenti d’injustice relatif à la rupture de son contrat de travail à l’échéance de son détachement alors qu’elle s’est investie tout au long de sa relation de travail et qu’elle donnait pleine et entière satisfaction, ainsi qu’il ressort notamment, selon elle, des courriels échangés avec sa hiérarchie, des attestations de Mme [P], Mme [I], M. [W], Mme [H], Mme [R] [S] et des procès-verbaux du comité d’entreprise versés aux débats.
La Fondation ITSRS qui administre deux instituts de travail social et des recherches sociales, l’un situé à [Localité 4] au sein duquel travaille Mme [A], l’autre à [Localité 5], se défend de tout manquement à ses obligations d’employeur.
A l’appui de ses allégations concernant les risques psychosociaux au sein de l’entreprise, la salariée produit notamment :
– un diagnostic de qualité de vie au travail réalisé entre les mois d’avril et de juin 2016 par le cabinet Eléas à la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) exposant que cette institution représentative du personnel a souhaité entreprendre une démarche de diagnostic sur la thématique de la prévention des risques psychosociaux (RPS) pour disposer d’un état des lieux objectivé de la situation afin de travailler sur la mise en ‘uvre d’un plan d’actions équilibrant prévention des risques psychosociaux et amélioration continue de la qualité de vie au travail puis pour mettre à jour le document unique d’évaluation des risques sur le volet RPS, rappelant que les RPS sont une problématique multidimensionnelle pouvant menacer la santé des salariés lorsque des facteurs de risque, tel que la charge de travail, l’autonomie au travail, le soutien au travail, le sens du travail, la reconnaissance au travail, le contenu du travail, se cumulent sur une période prolongée et constatant que « le climat de l’ITSRS apparaît globalement dégradé » sur les items des rapports sociaux au travail, de l’intensité du travail et de la sécurité de l’emploi et du travail.
Ce diagnostic réalisé par le cabinet Eléas sur la base d’entretiens individuels confidentiels, fait état :
* « dans le fonctionnement de l’Institut, il semble bien que les éléments structurants de l’organisation soient profondément dégradés :
1 ‘ l’organisation est peu claire et il n’est pas possible de se rapporter à un organigramme ni à des objectifs définis, notamment pour savoir qui fait quoi ;
2 ‘ l’absence de RH nuit au fonctionnement normal (‘): des fiches de postes généralement absentes, une gestion des congés chaotique, une gestion des salariés et des intervenants extérieurs laissés au bon vouloir des responsables de filière ;
3 ‘ des relations sociales avec les IRP et une communication interne fortement dégradées ;
4 ‘ il en résulte une absence d’impulsion cohérente de l’institution avec une régression des inscriptions ».
* « le management exercé pour l’essentiel par les responsables de filière et de services, parait manquer d’assertivité :
1 ‘ les responsables de filière, à certaines exceptions près, (‘) n’ont pas de mission d’encadrement ni d’appétence au management, ce qui ne facilite pas la régulation de l’organisation ;
2 ‘ l’accompagnement des salariés se fait de façon informelle et par certains collègues qui le veulent bien ;
3 ‘ le manque de reconnaissance est d’autant plus douloureusement ressenti qu’on descend dans la hiérarchie, d’autant qu’il est parfois conjugué avec des attitudes de mépris, voire de discrimination ;
4 ‘ la charge de travail pèse parfois sur certains plus que d’autres ;
5 ‘ un point positif cependant : la désignation des directeurs de centres aux qualités complémentaires. »
* « Concernant le climat relationnel, le diagnostic relève que de l’avis de la majorité (53,2%), le climat relationnel s’est dégradé depuis 3 à 6 ans selon les interlocuteurs entraînant des effets négatifs, qui touchent encore plus certaines populations que d’autres :
1 ‘ la solidarité s’estompe et libère la place aux tensions, peu de services y échappent en dehors de la direction. La cause doit en être recherchée dans la régression de la solidarité conjuguée au délitement du cadre ;
2 ‘ Les incivilités se multiplient : ces tensions donnent parfois lieu à des vifs esclandres publics particulièrement à [Localité 5] où règne un climat susceptible d’aller jusqu’à la violence. Il semble que ces incivilités soient tolérées ou, à tout le moins, que la Direction soit impuissante à les résorber. En tout cas, elles se répandent par contamination ;
3 ‘ Certaines catégories se trouvent plus exposées, notamment les assistantes pédagogiques et le personnel administratif. »
* « La sécurité de l’emploi et du travail est le facteur le plus dégradé de l’enquête quantitative (64,6%), et est lié aux résultats économiques négatives de ces dernières années et au constat de perte d’effectifs dans certaines formations. Les cadres pédagogiques sont la catégorie la plus sensible à cette inquiétude avec un résultat de 77,2%. »
* Concernant les effets sur la santé : « A travers les entretiens, nous pouvons relever trois causes principales de souffrance : l’épuisement professionnel du fait d’une charge importante et mal gérée qui peut aller jusqu’à des syndromes dépressifs, les tensions relationnelles qui engendrent de l’agressivité et des mécanismes anxieux (boule au ventre, altération du sommeil ‘), un management parfois dysfonctionnant et regardé par les personnes qui en sont victimes comme focalisé sur elles-mêmes ».
– un courrier de l’inspecteur du travail du 4 décembre 2017 relative à la souffrance au travail des salariés du site de [Localité 5] et à une enquête sur les risques psychosociaux réalisée par ses soins les 17 et 28 novembre 2017 sur ledit site à la suite d’un incident, qui relève :
*que « les salariés confirment tous, mis à part ceux embauchés après le mois de juin 2016, le diagnostic des risques psychosociaux (RPS) mis en ‘uvre à la suite d’une demande du CHSCT et effectué du mois d’avril 2016 au mois de juin 2016, par le cabinet ELEAS, ainsi que la réception par courriel des résultats du diagnostic qui confirme l’état dégradé du climat professionnel au sein de l’Institut, plus particulièrement à [Localité 5] », ce qui n’exclut cependant pas le site de [Localité 4], d’autant qu’il ajoute qu’ « en ce qui concerne les mesures prises à l’issue de ce diagnostic par la direction de l’ITSRS et notamment de la mise en place d’un plan de prévention officiel, les salariés estiment dans leur quasi-totalité d’une part, qu’il n’a pas été porté à leur connaissance l’existence d’un tel dispositif et d’autre part quand bien même ce dispositif aurait existé (‘), ils n’en ont pas été informés sous quelques forme que ce soit et n’en ont pas ressenti les effets. Bien au contraire, une majorité des salariés estiment que le climat professionnel dégradé et les RPS se sont accentués depuis septembre 2016 » ;
*concernant l’antériorité de cette situation de RPS : « j’ai également consulté les comptes rendus des CHSCT (‘) depuis l’année 2014. Il en ressort qu’au cours de réunions du CHSCT de l’ITSRS et depuis la fin décembre 2014, il été évoqué de manière régulière, c’est-à-dire, quasi trimestriellement, un climat social dégradé et des RPS sur les 2 sites, sans pour autant que des solutions appropriées soient actées et donc mises en place, mise à part le diagnostic RPS décidé et finalisé en juin 2016 ou des bouleversements dans les services, par le biais de déplacement de salariés, sans pour autant que la situation ne s’améliore ou encore moins, ne se règle. »
Si Mme [A] produit également un jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 11 juin 2020, retenant que la Fondation ITSRS avait manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Mme [B] [C], victime d’un accident du travail le 20 juin 2019 et la condamnant à payer à cette salariée la somme de 18 242,16 euros, cette pièce est inopérante puisqu’elle concerne un autre site que celui sur lequel Mme [A] travaillait et une salariée dans une situation autre que la sienne.
Mme [A] fait valoir en ce qui la concerne :
1- l’absence de fiche de poste que ce soit celle relative à ses fonctions de formatrice à son arrivée en contrat à durée indéterminée ou celle qui lui a fait défaut en mars 2012 lorsqu’elle a accepté le poste en pleine évolution de responsable de l’équipe des formateurs de la filière des éducateurs spécialisés ou celle relative aux fonctions prises en août 2016, de responsable des formations de niveau III d’autant qu’elle a dû palier à l’absence du directeur du site de [Localité 4] d’octobre 2016 à février 2017 et qu’elle a été contrainte de s’organiser seule dans sa prise de nouvelles missions pour répondre aux besoins des équipes en ne rencontrant qu’une fois par semaine le directeur général par intérim qui était à la fois son N+2, M. [G], qui gérait de ce fait, les deux sites.
Elle affirme qu’au mois d’avril 2017, elle a sollicité un entretien avec M. [G] pour évoquer le poste qu’elle occupait, sa surcharge de travail et ses inquiétudes sur la posture du directeur du site de [Localité 4], M. [F], alors en période d’essai puis qu’en mai 2017, elle a demandé à M. [G], en vain, de revoir le périmètre de son poste et de réorganiser sa charge de travail mais ne verse aucun élément venant corroborer ces allégations.
Néanmoins, l’absence de fiches de poste de Mme [A] est établie illustrant un manque d’organisation structurante de ses missions sur tous les postes tenus durant la relation contractuelle.
2- une surcharge de travail induite par le flou autour de ses missions illustrée par :
* un compte-rendu d’entretien du 15 juin 2011 rédigé par M. [Z], directeur général, qui mentionne que « Comme beaucoup de ses collègues, Mme [Y] évalue sa charge de travail comme très conséquente avec une difficulté majeure pour gérer correctement son emploi du temps. Sans regret, elle constate cependant que son emploi du temps n’a pas d’espace vide. (‘) En conclusion, il est tout à fait possible de conclure que Mme [Y] est d’ores et déjà parfaitement intégrée au sein de l’équipe de [Localité 4] et qu’elle ne rencontre pas de difficulté particulière dans son métier si ce n’est d’apprendre à aménager mieux son temps pédagogique » ;
* un courrier collectif du 11 décembre 2012 par lequel les formateurs ayant accepté les missions de responsables de filière, dont Mme [A] faisait partie, ont attiré l’attention du directeur général, suite à la mise en ‘uvre du nouveau projet pédagogique de l’ITSRS, sur leur charge de travail importante et les difficultés à exercer leurs missions dans les termes suivants : « Nous souhaitons aujourd’hui attirer votre attention sur les conditions d’exercice de nos missions.(‘) A ce jour, nous constatons que nos fonctions dépassent largement le cadre institutionnel énoncé initialement. Auparavant formateurs, nous avons accepté avec intérêt ces nouvelles missions de responsables de filières. Or, la prise de ces responsabilités a occasionné la perte d’au moins un demi-poste par filière. Et ces non-remplacements nous obligent à assumer des activités pédagogiques qui ne sont pas relayées en interne dans l’institution. Par ailleurs, comme vous le savez, la mise en place du projet pédagogique nécessite davantage de travail en transversalité que ce soit au niveau des domaines de compétence, des filières et des licences. De ce fait, les temps de réunions se sont largement démultipliés non seulement au niveau pédagogique, universitaire mais aussi administratif. Les épreuves de certification dont nous avons la responsabilité demandent un investissement conséquent et une grande vigilance. En outre, le travail d’élaboration de la mise en ECTS qui nous incombent par les textes requiert vivement notre attention, mais vient s’ajouter à une activité à flux tendu. De même l’évolution des parcours individualisés (VAE, allégement, dispense) implique davantage de disponibilité de notre part, sans oublier les engagements supplémentaires dans le dispositif « classe prépa ». » ;
* un courriel du 29 mai 2017 dans lequel M. [G] écrit aux membres du comité de direction dont Mme [A] fait partie, à propos d’un nouveau projet pédagogique prioritaire : « Afin de mettre en ‘uvre une plus grande fluidité des services entre les deux sites, et de faciliter l’organisation globale de l’ITRS, il a été décidé par le Bureau que les fonctions des membres appartenant au Comité de Direction devront revêtir une dimension transversale. Pour ce faire, un certain nombre de missions a été défini pour chacun d’entre eux. Celles-ci sont les suivantes : (‘) [E] [A] aura pour mission d’harmoniser et élaborer un projet pédagogique commun au sein de l’ITRS en lien avec les responsables de filière. (‘) Ces missions prendront effet au premier juillet 2017. (‘) »
*son courriel en réponse du 30 mai 2017, rédigé en ces termes : « Ma réserve réside toutefois dans le temps à consacrer à mon niveau à cette mission transversale (et celles des responsables de filière aussi par voie de conséquence), ainsi que les déplacements géographiques entre les deux sites. J’ai bien en tête que ce projet s’étalerait sur 3 ou 4 ans, mais la ré architecture va aussi être un travail important je suppose à mettre en ‘uvre, tout comme la qualité. Être responsable d’une mission n’enlève en rien la contribution nécessaire à d’autres missions transversales, ni au quotidien du site et des équipes. Concrètement, à ce jour, la période actuelle reste très active en termes de charge de travail, je souhaite revoir avant la fermeture d’été le périmètre de mon poste avec toi [V], et avec [O] bien sûr car je n’envisage pas de vivre une nouvelle année avec une telle charge de travail, à laquelle s’ajouterait ce travail captivant mais conséquent à initier autour du projet pédagogique. » ;
* le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise du 13 février 2018 indiquant qu’en réponse à la question des élus sur ce que devenait le poste de Mme [A] au regard de la réorganisation en cours, « le directeur du site de [Localité 4] précise qu’elle avait un ensemble de tâches et de missions assez diverses (VAE, université, etc’) de sorte que le poste était assez difficile à cerner et pouvait mettre en difficulté la personne qui l’occupait. Il était donc difficile de bien identifier l’apport spécifique de ce poste dans cette multitude de choses. On peut parler de coordination générale et cela a pu répondre à un besoin à un moment donné » ;
Au regard de ce qui précède, il est établi que Mme [A] a dû faire face à une surcharge durable de travail, à un flou sur ces dernières missions qui a pu la mettre en difficulté.
3- des tensions relationnelles fortes, y compris au niveau de l’équipe de direction, illustrées par le courriel qu’elle a reçu le 21 septembre 2017 de Mme [J], membre du comité de direction, en ces termes : « je tenais à te présenter à nouveau mes excuses pour mon attitude d’hier matin, je pense vraiment qu’il y avait une autre manière de dire les choses. Je crois nécessaire de faire place à l’apaisement plutôt qu’au conflit. Comptant sur ta compréhension (‘) ».
Ce courriel vient corroborer l’affirmation de la salariée selon laquelle à compter de septembre 2017, la pression exercée sur elle a été importante dans un contexte de réorganisation des services.
4- une insécurité concernant son poste compte tenu de la réorganisation en cours en 2017
Mme [A] expose que la Fondation souhaitait se séparer d’elle mais que dans le même temps, elle lui a fait croire de façon déloyale qu’elle voulait la conserver à son service par une réflexion menée conjointement sur sa fiche de poste.
Il est établi :
– que par courriel du 25 septembre 2017, Mme [U] a adressé à la salariée et au directeur du site de [Localité 4], le projet de fiche de poste de « responsable de projet pédagogique et du réseau des sites qualifiants » travaillé ensemble pour avis et modification le cas échéant avant transmission au directeur général ;
– que par courriel du 9 octobre 2017, Mme [A] a relancé son directeur de site sur la mise en place de sa nouvelle fiche de poste, visiblement validée compte tenu du commentaire de celui-ci du matin selon lequel le délégué général souhaitait une mise en place de la nouvelle répartition des missions contenue dans cette fiche, dès que possible ; qu’elle l’a interrogé sur le retour du délégué général sur l’analyse qu’elle avait réalisée de l’activité de son poste actuel sur 2016/2017; qu’elle lui a fait part de sa surprise et de son désaccord à propos de la décision de ce dernier de ne pas la faire participer au comité de pilotage du 13 octobre avec l’université.
– que lors de la réunion du comité d’entreprise du 3 avril 2018, le directeur du site de [Localité 4] a exposé la situation de Mme [A] comme suit : « Le directeur du site de [Localité 4] précise qu’au départ de la décision de faire évoluer le poste [de Mme [A]], deux diagnostics se sont rencontrés : d’une part, [E] [A], très mobilisée sur son poste, faisait état elle-même et en avait fait part au directeur du site de [Localité 4], d’une difficulté à se situer face à un grand nombre de dossiers sur lequel elle intervenait de manière partielle, avec un besoin de déterminer le périmètre de ses responsabilités. Elle était sur ce poste depuis environ un an. D’autre part, le directeur du site de [Localité 4], et la direction reconnaissaient que la position du poste dans l’organigramme ne convenait pas (‘) Le poste ne paraissait pas pertinent d’un point de vue organisationnel voire, contre-productif. Suite à ce constat, de nombreux échanges par oral et par écrit ont eu lieu entre [E] [A] et la direction pour imaginer autre chose tout en tirant partie de ses compétences bien réelles. (‘) il s’agissait d’accompagner la personne vers un autre poste. (‘) Le directeur du site de [Localité 4] ajoute que, selon lui, elle avait une grande difficulté à se projeter concrètement sur autre chose, même si elle exprimait le souhait de faire autrement. Tout ceci s’est déroulé avec également des périodes d’absences de diverses natures (congés, formation, maladie). Il affirme que le fait que le poste allait être amené à disparaître à été clairement énoncé. [E] [A] s’est trouvée en situation d’arrêt maladie en octobre, après une période de six mois d’échanges marquée par des avancées et des reculades en continu. La Direction a décidé de lui faire savoir qu’il fallait être lucide et qu’elle-même ne semblait pas se projeter dans une évolution de l’organisation de l’ITSRS et la Direction en voyait plus comment travailler autrement avec elle sur les missions évoquées. Le travail sur la fiche de poste n’a pas abouti. »
Il est établi en conséquence que Mme [A] a été maintenue, outre la surcharge et le flou entourant ses missions, dans une incertitude quant à l’évolution de son poste durant de nombreux mois.
5- des problèmes organisationnels persistants auxquels elle a dû faire face tel qu’il ressort du courriel de la salariée du 11 octobre 2017 où elle relate aux membres du comité de direction les conséquences d’un dysfonctionnement interne sur le dossier d’une étudiante, en espérant que leurs « manquements ne vont pas se répercuter sur cette étudiante », et à l’occasion duquel, elle écrit que « ces conditions de travail prouvent un manque cruel d’articulation sur les missions que sont les nôtres . C’est épuisant pour moi comme évoqué avec [O] [[F]] de vive voix ce matin et précédemment ».
6 – une dégradation de son état de santé qui a commencé au début de l’année 2017 qu’elle impute à sa surcharge de travail et à ses conditions de travail qu’elle qualifie de pathogènes.
Il est constant que Mme [A] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 15 juin au 2 juillet 2017 et du 12 octobre 2017 au 8 avril 2018.
Elle produit :
* un courriel du 20 janvier 2017 adressé à M. [K] pour l’informer de son absence du matin en raison de son dos bloqué ;
* une attestation de Mme [P] qui témoigne qu’à l’issue d’une réunion qui s’est tenue le 21 avril 2017, elle a échangé avec Mme [A] qui « a évoqué ce qu’elle vivait au travail et sa sensation de ne pas voir de solution ». Ce témoin a constaté « qu’elle était manifestement en souffrance, elle pleurait et semblait très inquiète de la situation. ». Elle relate l’avoir « invité et encouragé à évoquer en interne auprès de qui de droit ce qui la préoccupait afin de ne pas rester dans cette situation manifestement difficile » ;
* une copie de son dossier médical de la médecine du travail qui mentionne, concernant l’arrêt maladie du 12 octobre 2017 « fatigue +++ épuisement professionnel » et le suivi par la psychologue Mme [L] ;
* une attestation de Mme [L], psychologue du travail du réseaux « Souffrance et Travail » qui certifie le 20 mars 2018, suivre Mme [A] depuis le 7 octobre 2017 et qui relate que « cette patiente présente un tableau clinique anxiodépressif réactionnel centré sur une perte importante de l’estime de soi, un vécu de profonde dévalorisation, un sentiment d’inutilité et de culpabilité, et des ruminations mentales constantes portant sur son vécu professionnel. » Elle ajoute que « cette symptomatologie a toujours été rapportée au cours des séances à sa situation professionnelle et aux conditions de travail qu’elle dit avoir subies pendant plusieurs mois, symptomatologie ayant nécessité un arrêt maladie prolongé » ;
* une attestation de sa responsable hiérarchique au sein de la Fondation ITSRS jusqu’en juillet 2016. Ce témoin souligne qu’elle a eu l’occasion de rencontrer Mme [A] pendant son arrêt maladie et qu’elle l’a trouvé très affectée par ce qu’elle perçoit comme une injustice et qu’elle ne comprend pas. Elle témoigne l’avoir vue « très épuisée tant physiquement que psychologiquement et particulièrement fragilisée, doutant d’elle-même et de ses compétences. Elle vivait sa situation de façon très douloureuse. ».
La dégradation de l’état de santé de la salariée en lien avec sa situation professionnelle est établie.
7- Autres manquements de l’employeur allégués par la salariée
– sur l’absence de mise à jour du règlement intérieur
Mme [A] fait valoir qu’elle n’a pas eu accès au règlement intérieur de la Fondation ITSRS à jour puisque sa dernière version datait de 2004, qu’il ne contenait pas, à l’instar de son contrat de travail, la mention des détachements ou la mise en disponibilité liée à son contrat à durée indéterminée.
La Fondation ITSRS répond que les allégations de l’appelante relatives à l’absence de mise à jour du règlement intérieur ne sont pas pertinentes dès lors que Mme [A] ne se prévaut pas d’une obligation légale ou réglementaire mise à la charge de l’employeur dans la rédaction du règlement intérieur, que la rupture n’est pas intervenue pour un motif disciplinaire, justifiant par exemple, la vérification de l’échelle des sanctions, ajoutant qu’elle ne peut se prévaloir d’une pratique d’une autre entreprise consistant à insérer une clause relative aux détachements dans leur règlement intérieur.
Il est constant que la Fondation ITSRS a mis en place un règlement intérieur daté du 30 janvier 2004 entré en vigueur au 1er mars 2004, contenant un premier titre relatif aux obligations de service et devoirs professionnels reprenant les obligations en matière de respect des horaires de travail, d’absences et de retards, d’utilisation de l’informatique et d’internet sur le lieu de travail, des interdictions et des sanctions relatives au harcèlement moral et à la discrimination, un second titre relatif aux sanctions et droits de la défense des salariés et un troisième titre relatif à l’hygiène, la sécurité et à la prévention.
Les parties s’accordent sur le fait qu’il n’a pas été actualisé jusqu’à la fin de la relation de travail en mars 2018.
Selon l’article L. 1321-1 du code du travail, « le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement : 1° Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L. 4122-1 ; 2° Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu’elles apparaîtraient compromises ; 3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur. »
Aucune autre matière que celles qui sont limitativement prévues par l’article précité ne peut figurer dans le règlement intérieur, ce qu’a rappelé la circulaire ministérielle DSRT 5-83 du 15 mars 1983 de sorte que la salariée ne peut reprocher à la Fondation ITSRS l’absence d’insertion d’une clause relative au détachement dans son règlement intérieur.
La salariée n’explicite pas en quoi l’absence d’actualisation du règlement intérieur caractérise un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité.
Ce grief ne peut dès lors justifier l’allocation de dommages-intérêts pour violation des articles L 4121-1 et suivants du code du travail.
– sur l’absence de formation
Si la salariée reproche également à son employeur une absence de formation, elle n’explicite pas en quoi ce grief caractérise un manquement de celui-ci à l’obligation de sécurité.
Ce grief ne peut dès lors justifier l’allocation de dommages-intérêts pour violation des articles L 4121-1 et suivants du code du travail.
– sur le contrôle des activités et le décompte de la durée du travail
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 3171-4, L. 3171-2 alinéa 1er et L. 3171-3 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires ; qu’après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures complémentaires ou supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme [A] soutient avoir réalisé environ trois heures supplémentaires par semaine alors que son dernier avenant au contrat de travail en date du 20 juillet 2016 ne contient aucune disposition sur le temps de travail sauf l’indication de son temps plein à 151,67 heures, qu’il n’existe pas d’accord sur le temps de travail au sein de la fondation ou de dispositif sur le contrôle de l’activité des salariés, ni de modalité de calcul des heures supplémentaires permettant une visibilité des heures supplémentaires effectuées et qu’elle ne peut dès lors, « solliciter le paiement de ses heures supplémentaires, ni les conséquences qui en découlent (repos compensateur, indemnité pour travail dissimulé, etc) ».
La salariée, qui n’allègue pas avoir dépassé les durées maximales de travail, ne tire aucune conséquence de cet accomplissement d’heures supplémentaires, qui ne caractérise pas en lui-même un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité.
La salariée produit en pièce 39, des exemples de plannings hebdomadaires mis en place par son employeur, démontrant ainsi un suivi par ce dernier, du temps de travail réalisés par les salariés sur une base déclarative. La cour constate que les plannings versés, sont signés par la salariée et le cadre de direction, qu’ils contiennent l’indication d’un prévisionnel du temps de travail de la semaine et une rubrique dédiée au temps de travail réellement effectué par les salariés. Ils démontrent également que la salariée a bénéficié de jours de réduction du temps de travail (RTT).
Mme [A] verse également aux débats un courriel du 20 janvier 2017 par lequel elle avise son employeur de son absence et l’informe qu’elle notera sur la fiche hebdomadaire, cette absence en heures de récupération mentionnant « il faut que je regarde sur les dernières semaines ce qu’il en est des dépassements horaires », démontrant ainsi, un suivi du temps de travail de part et d’autre.
Le grief tenant à l’absence de contrôle des activités et de décompte de la durée du travail n’est pas établi. Il ne peut dès lors justifier l’allocation de dommages-intérêts pour violation des articles L 4121-1 et suivants du code du travail.
8 – Le préjudice subi
La Fondation ITSRS a manqué durablement à son obligation générale de préservation de la santé et de la sécurité de Mme [A] lui causant un préjudice que la cour fixe à la somme de 15 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de condamner la Fondation ITSRS à payer à Mme [A] la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef.
Sur la demande de requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Compte tenu des éléments produits par les parties, il est établi :
– que Mme [A] a été engagée le 20 octobre 2004 par la Fondation ITSRS dans le cadre d’un contrat de travail d’usage pour effectuer des vacations en tant qu’intervenante occasionnelle et que ce contrat a pris fin régulièrement le 21 mars 2005 ;
– qu’elle a été recrutée au poste d’assistante socio-éducative principale territorial titulaire au sein du Conseil général des Hauts-de-Seine et qu’à compter de cette date, sa relation de travail a été soumise aux dispositions applicables à la fonction publique territoriale ;
– qu’elle a demandé une mise en disponibilité sans traitement à compter du mois de mai 2009 jusqu’à fin décembre 2010 puis a sollicité un détachement annuel à compter du 1er avril 2011 ;
– qu’elle a été engagée de nouveau par la Fondation ITSRS, cette fois par contrat à durée indéterminée, à compter du 3 mai 2010 à temps partiel en qualité de formatrice puis elle a signé divers avenants, pour en fin de relation contractuelle, occuper le poste de responsable des formations de niveau 3 à temps plein ;
– qu’elle a sollicité chaque année par courrier la Fondation ITSRS pour obtenir son accord pour le renouvellement de son détachement qui lui a été accordé jusqu’en 2017 ;
– que chaque année un arrêté portant renouvellement de détachement auprès de la Fondation ITSRS a été établi par le département des Hauts-de-Seine dont le dernier est daté du 16 mai 2017 à effet rétroactif au 1er avril 2017 pour une durée d’un an expirant le 31 mars 2018 ;
– que la salariée, alors en arrêt maladie, a sollicité la Fondation ITSRS par courrier du 7 décembre 2017, pour le renouvellement de son détachement pour la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 ;
– que M. [F] l’a informée par courriel du 20 décembre 2017 puis par courrier du lendemain qu’avec l’accord du Président, il n’avait pas l’intention de répondre favorablement à sa demande de renouvellement de détachement au sein de la Fondation IRTS.
Mme [A] fait valoir que le fonctionnaire et l’organisme privé auprès duquel il est détaché sont liés par un contrat régi par les règles de droit privé et que lorsque le fonctionnaire est lié à l’organisme d’accueil par un contrat de travail et que ledit organisme met fin à la convention de mise à disposition, la rupture des relations de travail s’analyse en un licenciement à la suite duquel le fonctionnaire peut prétendre aux indemnités afférentes au licenciement. Elle souligne que lorsque l’organisme d’accueil est à l’initiative de la rupture, il ne peut décider que cette rupture ne relève pas des règles applicables à la rupture du contrat de travail.
La salariée soutient que la Fondation ITSRS a refusé le renouvellement de son détachement sur la seule motivation de l’évincer prétextant une prétendue réorganisation des services alors qu’elle n’a pas démérité, qu’elle s’est pleinement investie tout au long de sa relation contractuelle et qu’elle n’a commis aucune faute, caractérisant ainsi une exécution déloyale du contrat de travail par son employeur. Elle déplore également l’absence de lettre de convocation, d’entretien préalable, de lettre de licenciement et de réception de documents de sortie.
L’appelante précise que le non-renouvellement de son détachement est à l’initiative de la Fondation ITSRS, qu’il est fautif et s’analyse en conséquence, en licenciement sans cause réelle et sérieuse et que dès lors, elle aurait dû être convoquée à un entretien préalable puis être licenciée et qu’elle aurait dû percevoir les indemnités de rupture afférentes, sollicitant par suite, la condamnation de son employeur à lui verser les sommes de 34 632 euros à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 17 316 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1 731,60 euros de congés payés afférents et 34 632 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.
La Fondation ITSRS se prévaut des dispositions de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 et des décrets n°85-1081 du 8 octobre 1985 et n°86-68 du 13 janvier 1986 régissant la fin du détachement auprès de l’organisme d’accueil et soutient qu’il n’a fait qu’user de faculté à renonciation à l’échéance de la période de détachement de sorte que cette rupture de contrat ne peut s’analyser en un licenciement, peu importe que la salariée ait demandé le renouvellement de son détachement et que la Fondation s’y soit opposée et que cette dernière ait revu l’organisation des services au cours de l’année 2017 afin de regrouper les fonctions communes aux deux instituts avec le concours et l’implication de la salariée.
Il résulte :
– de l’article 64 de loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version modifiée par la loi n° 89-19 du 19 janvier 1989 applicable aux faits de la cause, que « le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son cadre d’emploi, emploi ou corps d’origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l’avancement et à la retraite. Il est prononcé sur la demande du fonctionnaire. Le détachement est de courte durée ou de longue durée. Il est révocable. Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu’il exerce par l’effet de son détachement. »
– de l’article 65 de la même loi dans sa version modifiée par la loi n°2007-1786 du 19 décembre 2007, que « le fonctionnaire détaché ne peut, sauf dans le cas où le détachement a été prononcé dans une administration ou un organisme implanté sur le territoire d’un Etat étranger ou auprès d’organismes internationaux ou pour exercer une fonction publique élective, être affilié au régime de retraite dont relève la fonction de détachement, ni acquérir, à ce titre, des droits quelconques à pensions ou allocations, sous peine de la suspension de la pension de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Le fonctionnaire détaché pour l’exercice d’un mandat parlementaire ne peut, pendant la durée de son mandat, acquérir de droits à pensions dans son régime d’origine.
Il reste tributaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et effectue les versements fixés par le règlement de cette caisse sur le traitement afférent à son grade et à son échelon dans le service dont il est détaché.
Dans le cas où le fonctionnaire est détaché dans un emploi conduisant à pension du régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, la retenue pour pension est calculée sur le traitement afférent à l’emploi de détachement.
L’organisme auprès duquel le fonctionnaire est détaché est redevable envers la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales d’une contribution pour la constitution des droits à pension de l’intéressé, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat.
Dans le cas de fonctionnaires détachés auprès de députés ou de sénateurs, la contribution est versée par le député ou le sénateur intéressé. »
– de l’alinéa 2 de l’article 66 de cette même loi, dans sa version modifiée par l’ordonnance n° 2017-543 du 13 avril 2017, prévoit que « le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu’il exerce par l’effet de son détachement, à l’exception des dispositions des articles L. 1234-9, L. 1243-1 à L. 1243-4 et L. 1243-6 du code du travail ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d’indemnité de licenciement ou de fin de carrière. »
– de l’article 67 de cette même loi, modifié par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, version applicable aux faits de l’espèce, dispose que : “A l’expiration d’un détachement de courte durée, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps ou cadre d’emplois et réaffecté dans l’emploi qu’il occupait antérieurement. A l’expiration d’un détachement de longue durée, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le cadre d’emplois ou corps de détachement, réintégré dans son corps ou cadre d’emplois et réaffecté à la première vacance ou création d’emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d’origine. Il est tenu compte, lors de sa réintégration, du grade et de l’échelon qu’il a atteint dans le corps ou cadre d’emplois de détachement sous réserve qu’ils lui soient plus favorables. Toutefois, cette disposition n’est pas applicable au fonctionnaire dont le détachement dans un corps ou cadre d’emplois pour l’accomplissement d’un stage ou d’une période de scolarité n’est pas suivi d’une titularisation. Lorsque le fonctionnaire détaché refuse l’emploi proposé, il ne peut être nommé à l’emploi auquel il peut prétendre ou à un emploi équivalent que lorsqu’une vacance est ouverte ou un poste créé. Il est, en attendant, placé en position de disponibilité d’office. Lorsqu’aucun emploi n’est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an dans sa collectivité d’origine dans les conditions prévues à l’article 97. Si, au terme de ce délai, il ne peut être réintégré et reclassé dans un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est pris en charge dans les conditions prévues à l’article 97 soit par le Centre national de la fonction publique territoriale pour les fonctionnaires relevant de l’un des cadres d’emplois de catégorie A auxquels renvoie l’article 45, soit par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l’établissement qui les employait antérieurement à leur détachement pour les autres fonctionnaires.
Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi correspondant à son grade de la collectivité ou de l’établissement d’origine. Le fonctionnaire détaché qui est remis à la disposition de sa collectivité ou de son établissement d’origine avant l’expiration normale de la période de détachement pour une cause autre qu’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions et qui ne peut être réintégré dans son corps ou cadre d’emplois d’origine faute d’emploi vacant continue d’être rémunéré par l’organisme de détachement au plus tard jusqu’à la date à laquelle le détachement devait prendre fin. Lorsque l’intéressé était détaché auprès d’une personne physique ou auprès d’une administration d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, il est obligatoirement réintégré dans son corps ou cadre d’emplois et réaffecté dans l’emploi qu’il occupait antérieurement. Lorsque cet emploi n’est pas vacant, le fonctionnaire est réintégré dans les conditions fixées par le troisième alinéa du présent article. Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans son emploi d’origine”.
La cour constate que l’arrêté de détachement n°2845 du 16 mai 2017 mentionne une date de fin de détachement au 31 mars 2018, que Mme [A] devait solliciter par écrit le renouvellement de son détachement auprès de la Fondation ITSRS Ile De France ou sa réintégration auprès du département des Hauts-de-Seine trois mois avant la période en cours, que la salariée détachée a sollicité la Fondation ITSRS par courrier du 7 décembre 2017 en vue d’obtenir son accord pour le renouvellement de son détachement, que cette dernière lui a répondu défavorablement par courriel du 20 décembre 2017 puis par courrier du 21 décembre 2017.
En application des articles 66 et 67 de la loi n° 84-53 du 26 janvier précités, il s’ensuit que le détachement de Mme [A] a pris fin régulièrement le 31 mars 2018 conformément à l’arrêté de détachement du 16 mai 2017 de sorte que la rupture de la relation de travail avec la Fondation ITSRS ne peut s’analyser en un licenciement soumis aux règles de droit privé, peu importe que la Fondation se soit opposée au renouvellement de son détachement et peu importe que la salariée ait choisit de son propre chef, de se mettre en disponibilité de 6 mois pour convenances personnelles sans rémunération de son administration d’origine à l’issue de cette période de détachement.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Les demandes subséquentes d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents seront par suite rejetées et le jugement confirmé de ces chefs.
Sur les intérêts
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la demande de remise des documents sociaux sous astreinte
Mme [A] sollicite la remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail, du dernier bulletin conformes à la décision à intervenir.
La cour constate que la Fondation ITSRS a régulièrement délivré un reçu pour solde de tout compte en deux exemplaires, une attestation de travail, un certificat de travail et un bulletin de paye récapitulatif, produits en pièce 37 par la salariée, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une remise de ces documents sous astreinte.
L’attestation Pôle Emploi n’a pas lieu d’être délivrée s’agissant d’une fin de détachement arrivée à son terme conformément à l’arrêté émis par la collectivité territoriale d’origine.
Compte tenu du cas d’espèce et en l’absence de créances salariales reconnues par le présent arrêt, il convient de confirmer le jugement entrepris de ces chefs.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
La Fondation ITSRS qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [A] la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en date du 10 juin 2021 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:
Condamne la Fondation ITSRS à payer à Mme [E] [A], la somme de 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
et y ajoutant
Condamne la Fondation ITSRS à payer à Mme [E] [A] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Déboute la Fondation ITSRS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Condamne la Fondation ITSRS aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,