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AFFAIRE : N° RG N° RG 21/00203 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FP7X
Code Aff. :
ARRÊT N° A.P.
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint-Pierre en date du 17 Novembre 2020, rg n° 19/00287
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 28 AVRIL 2022
APPELANT :
Monsieur [Z] [D]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Judith BAUMONT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2020/8311 du 03/02/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)
INTIMÉ :
Maître [W] [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL
LA CROISETTE D’ABORD
[Adresse 4]
[Localité 5]
Non représenté
PARTIE INTERVENANTE :
ASSOCIATION POUR LA GESTION DU REGIME DE GARANTIE DES
CREANCES DES SALARIES
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentant : Me Nathalie JAY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Clôture : 6 décembre 2021
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 février 2022 devant la cour composée de :
Président :M. Alain LACOUR
Conseiller :M. Laurent CALBO
Conseiller :Mme Aurélie POLICE,
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 28 avril 2022.
ARRÊT : mis à disposition des parties le 28 AVRIL 2022
greffier lors des débats : Mme Nadia HANAFI
* *
*
LA COUR :
Exposé du litige :
Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL La Croisette d’Abord (la société), la date de la cessation des paiements ayant été fixée au 15 février 2019, et a désigné M. [W] [T] en qualité de mandataire liquidateur.
M. [D] sollicitait auprès du liquidateur judiciaire le paiement de neuf mois de salaires, au titre de contrats à durée déterminée d’usage, dont le dernier aurait pris fin le 14 février 2019.
Par courrier du 15 mai 2019, le liquidateur a informé M. [D] que sa qualité de salarié n’était pas reconnue.
Sollicitant la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre de demandes en paiement de diverses sommes à titre d’indemnités de licenciement, rappels de salaires du 4 juin 2018 au 14 février 2019 et d’heures supplémentaires.
Par jugement contradictoire du 17 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a débouté M. [D] de l’intégralité de ses demandes, a exclu de la garantie du CGE AGS les créances éventuellement inscrites au titre des frais irrépétibles et dépens et a condamné M. [D] aux dépens.
M. [D] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 février 2021.
Vu les conclusions notifiées par M. [D] le 12 mai 2021, valablement signifiées à Maître [W] [T], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL La Croisette d’Abord, le 28 mai 2021 ;
Vu les conclusions notifiées par l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Saint-Denis (AGS) le 11 août 2021, valablement signifiées à Maître [W] [T], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL La Croisette d’Abord, le 27 août 2021 ;
Maître [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL La Croisette d’Abord, ne s’est pas constitué.
Vu l’ordonnance de clôture du 6 décembre 2021 ;
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce :
Vu les articles 1353 du code civil et L.1221-1 du code du travail ;
M. [D] invoque l’existence de contrats de travail successifs à durée déterminée d’usage ‘extra’. Produisant lesdits contrats, il considère que la société ne démontre pas leur caractère fictif. Il soutient avoir effectué réellement un travail pour le compte de la société dont il demande désormais le paiement et une indemnisation pour la rupture de la relation contractuelle.
A titre principal, l’AGS demande de voir reconnaître le caractère fictif des contrats de travail communiqués et la fraude destinée à conférer des droits salariés indus à M. [D].
En produisant trente-sept contrats à durée déterminée signés par l’employeur et par lui-même, M. [D] établit une apparence de contrat de travail.
En présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque le caractère fictif d’en rapporter la preuve.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité.
Il convient de rappeler que le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à mettre personnellement son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération. Le lien de subordination résulte de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Interrogée par l’AGS, Mme [E], gérante de la SARL La Croisette d’Abord, conteste toute relation salariale avec M. [D], toute relation de subordination moyennant une rémunération.
Il est constant que M. [D] et Mme [E] étaient concubins aux dates auxquelles M. [D] dit avoir été embauché par la société. Mme [E] soutient que son ancien compagnon, frappé par une interdicition de gérer, n’a pu être désigné co-gérant de la société mais qu’il était fréquemment présent au sein du restaurant pour apporter une aide ponctuelle, toutefois sans qu’aucun contrat de travail ou lien de subordination ne soit établi. Elle fait valoir que M. [D] se comportait comme le gérant de fait et que les contrats de travail produits sont des faux.
Il convient tout d’abord de relever que les contrats de travail versés aux débats sont des originaux, les heures accomplies étant remplies manuellement ainsi que la signature du salarié. Pour autant, la signature de l’employeur est photocopiée et identique sur chacun des contrats, ainsi que le lieu d’établissement du contrat.
Ces contrats de travail ne sont étayés par aucun autre document susceptibles de démontrer une quelconque relation salariale.
En revanche,l’AGS produit plusieurs attestations, notamment celle de M. [X], père de Mme [E], qui indique que M. [D] ‘apportait une aide ponctuelle à ma fille en tant que compagnon et s’est vite approprié le rôle de gérant sans qu’il en ait les compétences, ni le titre. Sous l’emprise perpétuelle de l’alcool dès les premières heures de la matinée, JS [D] a largement contribué à la mauvaise réputation de l’établissement et à la fuite d’une clientèle choquée par son comportement.’
Mme [N] [E]-[X], fille de Mme [E], atteste également être allée ‘plusieurs fois chez ma mère et son compagnon de l’époque Mr [Z] [D]. En octobre 2018, j’ai passé sur place 5 semaines et je me suis rendue tous les jours au restaurant de ma mère. J’ai constaté que Mr [D], alors sans activité professionnelle, venait sans cesse sur place (au restaurant) et se comportait mal avec les clients et l’équipe du fait de son alcoolisme […]. Il était sous l’emprise du pastis du matin au soir et quand il prenait l’initiative titubant de servir les clients cela se voyait beaucoup.’
Mme [C] [G] épouse [I], cousine germaine de Mme [E], atteste être ‘venue deux fois à la Réunion, 3 semaines durant chez Mme [E] et son compagnon, Mr [Z] [D], avant et après l’ouverture du restaurant La Croisette d’Abord. […] J’ai bien vu que Monsieur [D] avait un terrible penchant pour l’alcool et que Mme [E] ne souhaitaitplus qu’il vienne, ce dont il ne tenait absolument pas compte, s’entêtant à être sur place sans cesse.’
Les constatations des proches de Mme [E] sont également confirmées par des clients du restaurant. En effet, M. [K] atteste ‘avoir été client du restaurant ‘La Croisette’. J’ai constaté les quelques fois où M. [D] était présent qu’il était en état d’ébriété avancée et qu’il se comportait comme le patron de l’établissement.’. M. [J] indique s’être ‘rendu à 3 reprises dans le restaurant La CROISETTE, [Adresse 3]. A chaque fois, j’ai pu remarquer que celui que je prenais pour le patron était complètement ivre, à tel point que je me suis demandé comment ce restaurant pouvait tenir.
A cause de cela, j’ai fini par ne plus fréquenter cet établissement. Les fois où j’étais servi par l’apprenti, pas de souci mais à chaque fois que Monsieur [D] intervenait, cela était catastrophique. Par la suite, j’ai compris que Mme [E] avait peur de lui, puisqu’elle est venue habiter à côté de chez moi. Je l’ai d’ailleurs accompagné par 2 fois au domicile de Monsieur [D], pour tenter de récupérer ses affaires personnelles.’.
De surcroît, l’AGS produit deux devis de rénovation et une commande de deux volets roulants établis au profit de la société ‘La Croisette’. Il apparaît que les devis ont été sollicités par M. [D] et que la commande a été signée par celui-ci, ce qui relève de prérogatives du gérant.
Ainsi, il ressort de ces différentes attestations et pièces que la présence de M. [D] au sein de l’établissement était davantage subie que souhaitée par la gérante de la société et qu’aucune relation juridique d’autorité et de subordination n’est établie entre la société et M. [D].
Enfin, il y a lieu de noter que durant la période litigieuse, M. [D] a perçu le revenu de solidarité active. M. [D] apparaît particulièrement mal fondé d’une part à se déclarer sans ressource auprès des organismes compétents et d’autre part à solliciter la reconnaissance de son statut de salarié.
Il résulte de ces différents éléments que l’AGS démontre le caractère fictif des contrats de travail d’usage produits aux débats.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions et M. [D] sera débouté de l’intégralité de ses demandes de requalification, indemnitaires et de rappel de salaires.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [D] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamne M. [D] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Hanafi, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,