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ARRET N° 22/254
R.G : N° RG 21/00193 – N° Portalis DBWA-V-B7F-CIGD
Du 25/11/2022
[K]
C/
S.A. CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL LA BATELIERE
S.C.P. BR ET ASSOCIES
S.E.L.A.R.L. AJA ASSOCIES
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 25 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 27 Juillet 2021, enregistrée sous le n°
APPELANTE :
Madame [C] [H] [K]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Georges-emmanuel GERMANY, avocat au barreau de MARTINIQUE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/004328 du 09/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de FORT DE FRANCE)
INTIMEES :
S.A. CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL LA BATELIERE PRISE EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL EN EXERCICE
[Adresse 1]
[Localité 3] (MARTINIQUE)
Représentée par Me Ferdinand EDIMO NANA, avocat au barreau de MARTINIQUE
S.C.P. BR ET ASSOCIES Représentée par Maître [P] [I], mandataire judiciaire de la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL LA BATELIERE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
S.E.L.A.R.L. AJA ASSOCIES REPRESENTEE PAR ME [S] [X], Commissaire à l’exécution du plan
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2] (MARTINIQUE)
Représentée par Me Ferdinand EDIMO NANA, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 septembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
– Madame Anne FOUSSE, Conseillère
– Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Rose-Colette GERMANY,
DEBATS : A l’audience publique du 16 septembre 2022,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 25 novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour.
ARRET : Contradictoire
**************
EXPOSE DU LITIGE :
Madame [C] [K] a travaillé en qualité de commis pâtissière pour la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à compter du mois de juillet 2002, à temps partiel ou à temps plein suivants les mois.
Elle a ensuite signé avec son employeur un contrat à durée déterminée «accroissement temporaire d’activité» pour la période du 12 décembre 2002 au 31 janvier 2003. Son contrat a été renouvelé du 1er février 2003 au 30 avril 2003 en raison d’un surcroit exceptionnel et temporaire d’activité.
Au regard des éléments contenus dans ses bulletins de salaire, Mme [K] a encore travaillé pour la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE, en qualité de commis de pâtisserie pour les périodes suivantes :
du 01/05/2003 au 31/05/2003
du 19/08/2003 au 31/08/2003
du 01/10/2003 au 31/10/2003
Au titre de contrats à durée déterminée d’usage signés chaque mois, Mme [K] a été embauchée par la même société, en qualité de pâtissière du 21/05/2012 au 28 mai 2012, du 27/09/2012 au 30/11/2013 puis du 1er mars 2014 au 31 août 2014. Il ressort d’un bulletin de paye de septembre 2014 que la salariée a travaillé pour la société ce mois-là.
Aux termes d’un même contrat d’usage, elle a encore travaillé pour le même employeur du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2015.
Enfin, la salariée a signé avec la société un contrat à durée déterminée saisonnier pour la période du 1er octobre 2015 au 30 juin 2016 inclus à raison d’un accroissement d’activité liée à la haute saison touristique.
Le 7 septembre 2014, Mme [K] a été victime d’un accident de travail occasionnant différents arrêts de travail successifs entre le 8 septembre et le 30 septembre 2014.
Au 16 décembre 2014, le médecin a préconisé une reprise partielle de l’emploi.
La salariée a encore été en arrêt de travail du 20 février 2015 au 31 mars 2015.
Il est intéressant de noter que, par jugement du 7 décembre 2010, la SA CARAIBES INVESTISSEMENT HOTEL BATELIERE a fait l’objet d’un plan de redressement sur 10 ans. La Délégation AGS UNEDIC a versé, au profit de Mme [K], une somme totale de 60 149,13 euros.
Le 6 mars 2017, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour obtenir la requalification de ses CDD en CDI et le paiement de différentes indemnités au titre de la requalification, du non-respect de la procédure de licenciement et du licenciement.
Par jugement contradictoire du 27 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Fort de France a :
– dit son jugement commun et opposable à la DELEGATION UNEDIC CGEA/AGS de [Localité 2], conformément aux dispositions de l’article L3253-6 du code du travail,
– débouté Madame [C] [H] [K] de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’y avoir pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Madame [C] [H] [K] aux dépens.
Le conseil a, en effet considéré que la rupture du contrat à durée déterminée saisonnier ne peut être considérée comme abusive, que la demande de requalification des CDD en CDI de Mme [K] est irrecevable, la prescription s’appliquant pour la période antérieure au 6 mars 2015 et la salariée ayant refusé un contrat à durée indéterminée en juin 2016.
Par déclaration électronique du 23 août 2021, Mme [K], a relevé appel du jugement dans les délais impartis.
Aux termes de ses conclusions d’appel notifiées par la voie électronique le 25 novembre 2021, Mme [K] demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau de :
– requalifier les CDD en CDI pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles,
– condamner la société CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à lui payer la somme de 2 416,46 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
– condamner la société CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à lui payer la somme de 6 838,58 euros à titre d’indemnités de licenciement,
– condamner la société CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à lui payer la somme de 4 832,92 euros à titre d’indemnité de préavis,
– condamner la société CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à lui payer la somme de 483,29 euros à titre d’indemnités sur congés payés,
– condamner la société CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE aux entiers dépens,
Au soutien de ses demandes, Mme [K] fait valoir que son dernier contrat de travail a été conclu du 1er octobre 2015 au 30 juin 2016. Elle rappelle avoir saisi le conseil de prud’hommes le 6 mars 2017, et affirme qu’elle peut agir sur la période de 2002 à 2016.
Elle affirme avoir a été embauchée pour occuper un emploi à caractère permanent et pour pourvoir durablement à l’activité normale de l’entreprise. Elle explique avoir travaillé plus de 60 jours sur 7 trimestres civils (de janvier à décembre 2013 et de janvier à septembre 2014) et qu’elle doit bénéficier des dispositions de l’article 12 de la Convention Collective Nationale des Hôtels, Cafés et Restaurants. Selon elle, il appartient à l’employeur de prouver qu’elle a travaillé à raison de 8 heures par jour.
L’appelante ajoute qu’elle a travaillé au sein de la société, parfois sans contrat écrit ou au moyen de CDD d’usage, notamment pendant les périodes de décembre 2013, janvier et février 2014 et septembre 2015. A ce titre elle indique qu’elle peut obtenir la requalification des relations contractuelles en CDI et le paiement de différentes indemnités pour non-respect de la procédure de licenciement, indemnités de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et des congés payés et dommages et intérêts.
Aux termes de ses conclusions d’appel notifiées par la voie électronique le 22 décembre 2021, la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE, la société AJ ASSOCIES, es qualités de commissaire à l’exécution du plan et la SCP BR & ASSOCIES, es qualités de mandataire judiciaire, demandent à la cour, à titre principal de débouter Mme [K] de toutes ses demandes et de confirmer le jugement entrepris.
A titre subsidiaire, elles sollicitent de la cour :
– dire qu’il y a prescription pour la demande en requalification portant sur les périodes contractuelles de 2002 à 2003 puis 2012 à 2014,
– dire n’y avoir lieu à requalification du contrat contrats de travail à durée déterminée signés le 11 septembre 2015 et le 1er octobre 2015,
– débouter Mme [K] de toutes ses demandes.
A titre très subsidiaire, elles demandent à la cour de :
– dire que le salaire mensuel brut de Mme [K] est de 1 688,82 euros par mois,
– dire que l’ancienneté de Mme [K] qui s’entend comme la présence ininterrompue du salarié dans l’entreprise, dans le cadre de la dernière relation contractuelle précédant la saisine du conseil de prud’hommes est de 10 mois,
– dire en conséquence qu’il ne peut être fait droit aux demandes de Mme [K],
– dire en cas de requalification du contrat que :
o l’indemnité de préavis ne saurait excéder la somme de 1 688,82 euros
o les dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder la somme de 1 688,82 euros
– débouter Mme [K] de toutes ses autres demandes comme non fondées,
En tous les cas, elles demandent à la cour la condamnation de l’appelante au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
A l’appui de leurs prétentions, les sociétés intimées font valoir qu’il n’y a pas une succession de contrats à durée déterminée, mais trois relations contractuelles distinctes dans le temps. Elles ajoutent que les deux premières relations contractuelles sont prescrites, la première s’étant terminée en octobre 2003, et la seconde le 31 septembre 2014.
Selon elles, le recours aux contrats d’usage était parfaitement valable dans le domaine d’activité de l’hôtellerie-restauration.
Les intimés sollicitent que la demande en requalification de Mme [K] ne soit faite que sur la base des éléments les ayant liés entre le 11 septembre 2015 et le 30 juin 2016.
Elles affirment que Mme [K] n’a jamais travaillé par trimestre civil plus de 60 jours, et que son emploi était par nature temporaire lié à la fluctuation de l’activité.
Elles exposent que, les deux contrats signés en septembre et octobre 2015 sont parfaitement valables car comprenant un CDD d’usage et un CDD saisonnier n’excédant pas 9 mois.
Elles soutiennent donc que Mme [K] n’a droit à aucune indemnité car il n’y a pas eu de licenciement, ni de requalification encourue et que cette dernière ne fait la preuve d’aucun préjudice.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 avril 2022.
MOTIFS DE L’ARRET :
Sur la recevabilité de l’action en requalification :
Selon les dispositions de l’article L1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Ces dispositions légales s’appliquent, dans leur version en vigueur avant le 23 Septembre 2017, l’instance ayant été introduite le 6 mars 2017.
Le délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD en CDI fondée sur le motif du recours au CDD énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat.
Mme [K] a travaillé au sein de la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE, en qualité de commis pâtissière, suivant de très nombreux contrats à durée déterminée, contrats à durée déterminée d’usage ou saisonniers. Après analyse de l’ensemble de la relation contractuelle liant les deux parties, il est effectif que Mme [K] a cessé de travailler pour le compte de la société intimée du 1er novembre 2003 au 21 mai 2012, du 1er décembre 2013 au 1er mars 2014 et du 1er septembre 2014 au 1er septembre 2015 et postérieurement au 30 juin 2016. La relation de travail n’a donc pas été continue comme se plait à le dire la salariée, les périodes travaillées étant séparées de plusieurs années ou de plusieurs mois (au minimum quatre mois).
Au regard de la prescription de son action, la cour doit donc se placer à la date du terme de chaque dernier CDD d’une période travaillée pour déterminer si la demande de requalification des CDD en CDI est, ou non, prescrite.
Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes, le 6 mars 2017.
Il est évident que sa demande est prescrite, s’agissant des CDD signés en 2002 et 2003, le dernier CDD s’achevant le 31 octobre 2003. De même, la période travaillée au titre de différents CDD d’usage entre 2012 et 2013 est prescrite, le dernier contrat se terminant le 30 novembre 2013.
Il est démontré que Mme [K] a ensuite travaillé pour le compte de la société du 1er mars 2014 au 30 septembre 2014. En effet, différents contrats d’usage sont produits jusqu’au 31 août 2014 et il résulte encore du bulletin de paye de septembre 2014 et de l’arrêt de travail à compter du 7 septembre 2014 que Mme [K] était encore à son poste. L’absence de contrat de travail pour le mois de septembre 2014 aurait pour conséquence la requalification automatique du CDD en CDI si la prescription n’était pas acquise, au regard de la date de fin de contrat du 30 septembre 2014 (date non-contestée par la salariée et conforme aux indication du bulletin de salaire).
En fin, Mme [K] a travaillé dans la société à compter du 1er septembre 2015 et jusqu’au 30 juin 2016, au titre d’un CDD d’usage puis d’un CDD saisonnier. Sa demande de requalification des CDD en CDI est ici recevable puisque non-prescrite, un délai de deux ans ne séparant pas la date du terme de son dernier contrat de celle de la saisine du conseil de prud’hommes.
Les premiers juges ont donc, à tort, considéré que le point de départ du délai de prescription était la date de la conclusion du dernier contrat.
Ensuite, les sociétés intimées ne peuvent valablement poser en postulat que la demande de requalification des CDD et CDI concerne la période de 2002 à 2016.
Enfin il est rappelé que ce n’est qu’à la condition où la demande de requalification est déclarée bien fondée que le salarié peut se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.
Ainsi, suite à l’application de la prescription biennale, Mme [K] ne serait fondée à prétendre à une ancienneté remontant au 1er septembre 2015 qu’à supposer sa demande en requalification bien fondée.
2- Sur le bien-fondé de la demande de requalification :
Aux termes de l’article L1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Selon les dispositions de l’article L 1242-2 du même code, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tache précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants (‘)
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les taches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Le recours au contrat à durée déterminée d’usage est prévu par la Convention Collective Nationale hôtellerie-restauration du 6 décembre 2012, applicable à l’espèce. Celle-ci précise cependant qu’un salarié embauché en CDD d’usage qui se verrait confier par le même établissement des missions pendant plus de 60 jours dans un trimestre civil pourra demander la requalification de son contrat en CDI. Elle précise qu’un contrat de travail devra être établi pour chaque vacation. Toutefois, si plusieurs vacations sont effectuées au cours d’un mois civil, l’employeur pourra établir un seul bulletin de paye récapitulatif qui devra préciser toutes les vacations.
Il résulte que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée d’usage impose de vérifier qu’il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de ce que le recours au contrat à durée déterminée constitue l’un des cas prévus à l’article précité.
Mme [K] a ainsi été embauchée suivant un contrat d’usage du 1er septembre au 30 septembre 2015. Cette pièce produite aux débats par l’employeur contredit utilement l’allégation d’absence de contrat de travail écrit tenue par la salariée. Ce contrat est valable en sa forme. Il précise qu’il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de l’emploi. Aux termes du bulletin de paye correspondant, la salariée a travaillé 117h50 ce mois-là.
Mme [K] a ensuite signé un contrat à durée déterminée saisonnier, le 1er octobre 2015 pour la période allant de cette date au 30 juin 2016 inclus. Le contrat spécifie que le contrat est consenti pour répondre à l’accroissement d’activité directement liée à la haute saison de l’hôtellerie d’affaires qui s’étend d’octobre à fin juin. Les fiches de paye de Mme [K] d’octobre 2015 à juin 2016 établissent qu’elle a travaillé à temps plein.
S’agissant d’un contrat de travail saisonnier les dispositions de l’article 12 de la convention collective relative à l’embauche en qualité d’extra ne s’appliquent pas.
La cour constate cependant que l’employeur justifie l’emploi de Mme [K] au titre d’un contrat d’usage au regard de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de l’emploi puis se fonde sur une activité saisonnière d’hôtellerie d’affaire d’octobre à juin, de sorte que tout au long de l’année, il est tiré argument de l’appartenance au secteur de l’hôtellerie et de la restauration pour justifier de l’utilisation soit du CDD d’usage, soit du CDD saisonnier, pour employer Mme [K] en qualité de pâtissière. L’emploi de celle-ci n’est donc pas par nature temporaire.
La société ne produit aux débats aucun autre élément que le contrat de travail pour apporter la preuve de ses affirmations.
L’employeur allègue encore, sans le démontrer, de ce que Mme [K] aurait refusé de signer un contrat à durée indéterminée fin juin 2016. La cour ne saurait tirer quelque conséquence de ce fait non-établi.
Au surplus, cette offre d’emploi en CDI, dont l’existence est soutenue par l’employeur, tend à laisser présumer que le contrat de travail de Mme [K] avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise.
Ainsi, faute pour l’employeur d’apporter des éléments objectifs et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de Mme [K], la cour ordonne la requalification des CDD en CDI sur la période concernée du 1er septembre 2015 au 30 juin 2016.
Au regard de ce qui a déjà été dit sur le caractère discontinu de la relation de travail liant les parties, et particulièrement de l’interruption d’un an de la relation contractuelle entre 2014 et 2015, il convient de faire remonter l’ancienneté de la salariée au 1er septembre 2015.
Sur les conséquences de la requalification et les demandes en paiement de la salariée:
La rupture du contrat de travail à durée indéterminée de Mme [K] au 30 juin 2016 sans respect de la procédure de licenciement s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [K] sollicite le paiement de différentes indemnités dont il appartient à la cour d’examiner la pertinence.
Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement :
Aux termes de l’article L1235-2 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
A contrario, ces dispositions légales interdisent l’octroi d’une indemnité pour non-respect de la procédure en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui est le cas en l’espèce.
Cette demande est donc rejetée.
Indemnité de licenciement :
Aux termes de l’article L 1234-9 du code du travail dans sa version applicable au litige, Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
Mme [K] ne comptait que 10 mois d’ancienneté dans la société. Elle ne peut donc percevoir d’indemnité de licenciement.
Sa demande est donc encore rejetée.
Indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés payés sur préavis :
Suivant les dispositions de l’article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit (‘)
2° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois (‘).
Comptant une ancienneté de 10 mois, Mme [K] a droit à une indemnité égale à un mois de salaire.
Il ressort des bulletins de paye que le salaire mensuel brut moyen de la salariée est égal à 1 688,82 euros.
Il convient de lui octroyer cette somme au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 168,88 euros, au titre des congés payés afférents.
Indemnité de requalification :
Aux termes de l’article L 1245-2 alinéa 2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
Il convient d’octroyer à Mme [K] la somme de 1 688,82 euros, à titre d’indemnité de requalification.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Il appartient à Mme [K] de justifier de l’existence d’un préjudice distinct de celui né de l’absence de proposition d’un CDI, déjà réparé par l’octroi de l’indemnité de requalification et du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle fait valoir qu’elle a enchainé plus d’une trentaine de CDD, qu’elle n’a pu bénéficier des avantages liés à la signature d’un CDI, qu’elle se trouve sans emploi à l’âge de 47 ans et qu’il a été porté préjudice à ses droits à la retraite.
Elle n’apporte, par contre, aucun élément à l’appui de ses propos.
Dîplomée d’un CAP, Mme [K] ne justifie pas de l’impossibilité pour elle de bénéficier de conditions d’emploi plus stables et plus favorables dans le bassin d’emplois que constitue la Martinique.
Faute de démontrer l’existence d’un préjudice, sa demande de dommages et intérêts est rejetée.
4- Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
La SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE est condamnée aux entiers dépens et à verser à Mme [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de requalification, rejeté la demande en paiement de l’indemnité de requalification, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
Et, statuant à nouveau de ces chefs,
Dit la demande de requalification de Mme [C] [K] prescrite s’agissant des périodes travaillées en CDD antérieures au 1er septembre 2015,
Dit la demande de requalification de Mme [C] [K] pour la période travaillée au titre d’un CDD d’usage et d’un CDD saisonnier du 1er septembre 2015 au 30 juin 2016 recevable et non-prescrite,
Ordonne la requalification du CDD d’usage signé le 1er septembre 2015 et du CDD saisonnier signé le 1er octobre 2015 en contrat à durée indéterminé,
Dit que la rupture du contrat de travail de Mme [C] [K] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à verser à Mme [C] [K] les sommes suivantes :
Indemnité de requalification : 1 688,82 euros,
Indemnité compensatrice de préavis : 1 688,82 euros
Indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis : 168,88 euros,
Confirme le jugement en ses autres dispositions par substitution de motifs,
Y ajoutant,
Condamne la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE à payer à Madame [C] [H] [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA CARAIBES INVESTISSEMENTS HOTEL BATELIERE aux dépens.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,