Contrat à durée déterminée d’usage : 25 janvier 2024 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00379

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Contrat à durée déterminée d’usage : 25 janvier 2024 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00379

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00379 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E3JZ.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 25 Juin 2021, enregistrée sous le n° 20/00068

ARRÊT DU 25 Janvier 2024

APPELANTE :

Madame [U] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/008920 du 09/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

représentée par Me LE BECHNEC’H, avocat substituant Maître Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR – N° du dossier 19-337BC

INTIMEE :

S.A.S. ADOM49 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me TORDJMAN, avocat substituant Maître Bruno ROPARS de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 30210008

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Clarisse PORTMANN

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 25 Janvier 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Le18 mars 2018, Mme [U] [K] a été engagée par la Sas Adom 49 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de mission ponctuelle ou occasionnelle, sans terme fixe, pour une durée de travail de 60 heures par mois, en qualité d’assistante de vie auprès de Mme [T], statut employé, niveau 1 de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne.

Par avenant du 1er mai 2018, la durée mensuelle de travail de Mme [K] a été portée à 122 heures.

De juin à novembre 2019, Mme [K] a été placée en arrêt de travail au titre d’un accident de travail à la main gauche.

Lors de la visite médicale réalisée le 5 décembre 2019, Mme [K] a été déclarée apte à la reprise de son poste par le médecin du travail lequel a préconisé de ‘préférer un travail de nuit car moins de manipulation et de manutention pendant deux mois.’

Par avenant du 1er mars 2020, la durée mensuelle de travail de Mme [K] a été portée à 151,67 heures.

Le contrat de travail a pris fin le 21 octobre 2020 suite au placement de Mme [T] en Ehpad qui a mis fin à la relation avec la société Adom 49.

Par requête reçue le 10 novembre 2020, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Saumur aux fins de voir requalifier son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et ainsi se voir allouer une indemnité de requalification. Elle sollicitait également que la rupture de son contrat de travail intervenue le 21 octobre 2020 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société Adom 49 à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, une indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis. Enfin, elle demandait la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet pour la période de mai 2018 à février 2020 inclus, et la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaire à ce titre, un rappel de salaire pour les heures complémentaires réalisées en avril 2018 et les congés payés afférents, des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Adom 49 s’est opposée aux prétentions de Mme [K] sauf à la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein à compter du mois de mai 2018, et a sollicité sa condamnation au paiement de différentes sommes au titre de la répétition de l’indu et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 25 juin 2021, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société Adom 49 à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

– 847,47 euros incidence congés payés inclus au titre du rappel de salaire au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet ;

– 26,88 euros au titre du rappel de salaire pour les heures complémentaires effectuées incidence congés payés inclus pour le mois d’avril 2018 ;

– condamné la société Adom 49 à délivrer sous un mois à compter de la date de notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard à Mme [K] les documents de fin de contrat ;

– s’est réservé expressément compétence pour liquider l’astreinte ;

– débouté Mme [K] de sa demande d’indemnité de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, ainsi que de toutes ses autres demandes d’indemnités qui affèrent à cette demande de requalification ;

– débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité ;

– condamné Mme [K] à rembourser à la société Adom 49 les sommes de :

– 3 351,10 euros net au titre de la répétition de l’indu relatif à l’indemnité de précarité versée ;

– 150 euros net au titre de la répétition de l’indu relatif au virement bancaire automatique ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit en matière de rappel de salaire dans les limites posées par l’article R.1454-28 du code du travail ;

– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de l’intégralité de la décision au titre de l’article 515 du code de procédure civile ;

– rejeté la demande de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle au profit de Me Paul Cao ;

– débouté la société Adom 49 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Mme [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 6 juillet 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’elle énonce dans sa déclaration.

La société Adom 49 a constitué avocat en qualité d’intimée le 8 juillet 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers du 17 octobre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [K], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 3 décembre 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il :

– l’a déboutée de sa demande d’indemnité de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que de toutes ses autres demandes d’indemnités qui affèrent à cette demande de requalification ;

– l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité ;

– l’a condamnée à rembourser à la Sas Adom 49 la somme de 3 351,10 euros net au titre de la répétition de l’indu relatif à l’indemnité de précarité versée ;

– a rejeté la demande de la somme de 2 000 au titre des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle au profit de Me Cao ;

– a laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Statuant à nouveau :

– requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

– dire que la rupture du contrat de travail intervenue le 21 octobre 2020 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– par conséquent, condamner la société Adom 49 à lui verser les sommes suivantes :

– 1 783,78 euros au titre de l’indemnité de requalification ;

– 6 243,24 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail ;

– 1 152,04 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 3 924,31 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, incidence congés payés incluse.

– en tout état de cause, condamner la société Adom 49 à lui verser la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité ;

– condamner la société Adom 49 à lui délivrer les documents suivants sous astreinte de 50 € par jour de retard : bulletin de salaire rectifié relatif aux condamnations salariales et attestation Pôle emploi rectifiée ;

– se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte ;

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– condamner la société Adom 49 à lui verser la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique avec recouvrement direct au profit de Me Cao au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel ;

– condamner la société Adom 49 aux dépens de première instance et d’appel.

Mme [K] fait valoir que le contrat de travail à durée déterminée de ‘mission ponctuelle ou occasionnelle’ ne mentionne pas précisément le motif de recours, et notamment ni les activités de garde ou d’accompagnement, ni la qualité de la personne fragile. Elle sollicite par conséquent la requalification de ce contrat en un contrat de travail à durée indéterminée et en déduit que la rupture de ce contrat doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle soutient par ailleurs que son action n’est pas prescrite dans la mesure où sa demande de requalification est fondée sur le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée, et qu’elle a saisi le conseil de prud’hommes dans le délai de deux ans à compter de la fin du contrat de travail.

Elle fait ensuite valoir qu’elle n’a pas à rembourser la somme de 3 351,10 euros dans la mesure où celle-ci correspond à la prime de mission prévue par l’article 2.5 de la convention collective applicable.

Enfin, Mme [K] affirme que la société Adom 49 a manqué à son obligation de sécurité dans la mesure où elle n’a pas respecté les préconisations émises par le médecin du travail le 5 décembre 2019, lequel recommandait un travail de nuit pendant deux mois pour limiter les manipulations.

*

La société Adom 49, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 17 novembre 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– la recevoir en ses écritures, la dire bien fondée, lui en adjuger l’entier bénéfice :

– en conséquence, confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 25 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

– à titre principal, dire que la demande de requalification de CDD en CDI est prescrite et, en conséquence, débouter Mme [K] de ses réclamations salariales et indemnitaires qui en sont le corollaire ;

– à titre subsidiaire, dire que la demande de requalification de CDD en CDI est infondée et, en conséquence, débouter Mme [K] de ses réclamations salariales et indemnitaires qui en sont le corollaire ;

– débouter Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité ;

– condamner Mme [K] à lui rembourser la somme de 3 351,10 euros net au titre de la répétition de l’indu (indemnité de précarité payée par erreur) ;

– condamner Mme [K] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Adom 49 fait valoir que la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite en ce qu’elle porte sur le formalisme du contrat. Elle souligne que le contrat a été conclu le 18 mars 2018 et que la salariée a saisi le conseil de prud’hommes le 6 novembre 2020, soit au-delà du délai de prescription de deux ans.

Sur le fond, elle soutient que le contrat à durée déterminée est régulier dès lors qu’il mentionne qu’il s’agit d’un contrat de travail à durée déterminée d’usage ‘de mission ponctuelle ou occasionnelle’, ainsi que le nom de l’usager auprès de laquelle Mme [K] devait intervenir, à savoir Mme [T] dont elle précise qu’elle était sous tutelle, atteinte de la maladie d’Alzheimer et sur liste d’attente pour son placement en institution spécialisée. Elle estime que la convention collective ne lui imposait nullement de donner davantage de précisions.

En tout état de cause, elle fait observer que Mme [K] a refusé à deux reprises la signature d’un contrat de travail à durée indéterminée, une première fois le 10 octobre 2018 et une seconde fois lorsque Mme [T] a été placée en institution, que les trois autres auxiliaires de vie qui se relayaient auprès de Mme [T] ont toutes accepté un CDI, et que lors de son entretien annuel du 30 janvier 2020, la salariée a fait part de ce qu’elle n’aimait pas son métier et voulait devenir ambulancière.

À titre reconventionnel, la société Adom 49 soutient que Mme [K] est débitrice de la somme de 3 351,10 euros nette versée par erreur au titre de l’indemnité de précarité dans la mesure où cette indemnité n’est pas prévue pour les CDD d’usage, et où elle a refusé la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Enfin, elle conteste tout manquement à son obligation de sécurité soulignant que le médecin du travail a seulement demandé de préférer un travail de nuit sans pour autant l’imposer. Elle précise qu’elle a privilégié Mme [K] sur le travail de nuit, mais qu’elle ne pouvait la faire travailler seulement de nuit dans la mesure où cela aurait été discriminatoire vis-à-vis des autres auxiliaires de vie employées auprès de Mme [T] et aurait désorganisé le service.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour relève que Mme [K] n’a pas interjeté appel des dispositions du jugement l’ayant condamnée à rembourser à la société Adom 49 la somme de 150 euros à titre de répétition de l’indu relatif au virement bancaire automatique.

Il apparaît que de son côté, la société Adom 49 n’a pas formé appel incident sur les dispositions l’ayant condamnée à payer à Mme [K] les sommes de 874,47 euros à titre de rappel de salaire congés payés inclus au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet, et de 26,88 euros au titre des heures complémentaires congés payés inclus pour le mois d’avril 2018.

Ces dispositions sont donc considérées comme définitives.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

La société Adom 49 fait valoir que la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite en ce qu’elle porte sur le formalisme du contrat. Elle souligne que le contrat a été conclu le 18 mars 2018 et que la salariée a saisi le conseil de prud’hommes le 6 novembre 2020, soit au-delà du délai de prescription de deux ans.

Mme [K] soutient que son action en requalification n’est pas prescrite dans la mesure où sa demande est fondée sur le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée, et où elle a saisi le conseil de prud’hommes dans le délai de deux ans à compter de la fin du contrat de travail. Elle observe que le contrat de travail à durée déterminée de ‘mission ponctuelle ou occasionnelle’ ne contient pas précisément les mentions obligatoires prévues par l’article 2.5 de la convention collective, à savoir les activités de garde ou d’accompagnement et la qualité de la personne fragile ou dépendante du client.

L’article L.1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, et que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

La Cour de cassation rattache expressément l’action en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à l’exécution du contrat de travail. Elle déduit des dispositions précitées que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court :

– lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail ;

– lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat ;

– lorsqu’elle est fondée sur le motif de recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat. (Soc 15 mars 2023, n°20-21774)

En l’espèce, Mme [K] s’attache au formalisme du contrat à durée déterminée signé le 18 mars 2018, en comparant les mentions y figurant qu’elle estime insuffisantes avec celles qu’elle considère comme étant obligatoires et qui n’y apparaissent pas. Elle ne remet pas en cause le bien-fondé du recours à un tel contrat.

Elle avait donc connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’irrégularité dont elle se prévaut dès la conclusion de celui-ci, soit le 18 mars 2018.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de son action en requalification par requête du 6 novembre 2020 reçue au greffe le 10 novembre 2020.

Par conséquent, son action en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est prescrite.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification de Mme [K], et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande subséquente d’indemnité de requalification.

Il s’en suit qu’il est également confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’indemnités afférentes à la rupture d’un contrat à durée indéterminée, à savoir l’indemnité de licenciement, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement de la prime de précarité

La société Adom 49 soutient que Mme [K] est débitrice de la somme de 3351,10 euros nette versée par erreur au titre de l’indemnité de précarité dans la mesure où d’une part, celle-ci n’est pas due en cas de contrat à durée déterminée d’usage, et d’autre part, elle a refusé la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Mme [K] fait valoir qu’elle n’a pas à rembourser la somme de 3 351,10 euros dans la mesure où celle-ci correspond à la prime de mission prévue par l’article 2.5 de la convention collective applicable et que ces dispositions ne prévoient pas que celle-ci ne serait pas due en cas de refus d’un contrat à durée indéterminée.

En vertu de l’article L.1243-10 du code du travail, l’indemnité de fin de contrat de 10% prévue par l’article L.1243-8 destinée à compenser la précarité de la situation du salarié, n’est pas due, d’une part en cas de contrat à durée déterminée conclu au titre du 3° de l’article L.1242-2 sauf dispositions conventionnelles plus favorables, et d’autre part lorsque le salarié refuse d’accepter la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Aux termes de l’article 2.5 de la convention collective applicable intitulé ‘dispositions particulières à certains contrats de travail à durée déterminée dits de mission ponctuelle ou occasionnelle (art. L. 1242-2, 3°, du code du travail)’ :

‘Le contrat dit « de mission ponctuelle ou occasionnelle » est un contrat à durée déterminée dont l’usage est réservé à des activités non permanentes et d’une durée déterminée non prévisible dans un secteur qui est affecté par les aléas du donneur d’ordre et/ou des interventions limitées dans le temps. Le recours à ce contrat est limité aux activités de garde ou d’accompagnement auprès des personnes fragiles et/ou dépendantes et auprès des enfants. Le contrat doit mentionner la personne ou les personnes auprès de laquelle ou desquelles intervient le salarié. (…)

En contrepartie des contraintes ci-dessus définies et sous réserve de l’évolution des dispositions légales sur le sujet, l’employeur devra verser au salarié une prime de mission d’un montant égal à 10 % du montant de sa rémunération totale brute. Cette compensation ne sera pas due dans le cas de transformation du contrat de mission ponctuelle en contrat à durée indéterminée pour un poste et une durée équivalents, sans incidence sur l’ancienneté acquise par le salarié dans le cadre de ce type de contrat. (…)’

Ainsi, si la convention collective ne prévoit pas d »indemnité de fin de contrat’ ni d’ ‘indemnité de précarité’, elle prévoit toutefois une ‘prime de mission’ à laquelle Mme [K] est éligible au regard de la nature de son contrat de travail et dont la convention collective ne prévoit pas qu’elle ne serait pas due en cas de refus d’un contrat à durée indéterminée.

Il ressort du solde de tout compte (pièce 7 salariée) qu’à l’issue de son contrat de travail, Mme [K] n’a perçu aucune ‘prime de mission’, mais une indemnité intitulée ‘indemnité de précarité’ de 4 410 euros brut correspondant au montant de cette prime de mission, soit 10 % de sa rémunération totale brute. L’intitulé de cette indemnité figurant sur le solde de tout compte résulte manifestement d’une erreur matérielle.

Il convient en conséquence de dire n’y avoir lieu à restitution de cette indemnité, peu important que Mme [K] ait refusé la conclusion d’un contrat à durée indéterminée.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l’obligation de sécurité

En application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de moyen renforcée. Il appartient à l’employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles précités.

Selon l’article L.4624-6 du code du travail, ‘l’employeur est tenu de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4.’

Mme [K] soutient que la société Adom 49 n’a pas tenu compte de l’avis du médecin du travail du 5 décembre 2019 préconisant un travail de nuit pour limiter les manipulations pendant une durée de deux mois, au point qu’elle a alerté l’inspection du travail par courrier du 14 janvier 2020. Elle en déduit que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.

La société Adom 49 réplique qu’elle a privilégié un travail de nuit pour Mme [K], sans pour autant la faire travailler exclusivement la nuit afin, d’une part de ne pas discriminer les trois autres auxiliaires de vie qui se relayaient de la même manière auprès de Mme [T] dans la mesure où celle-ci nécessitait une prise en charge 24 heures sur 24, et d’autre part de ne pas désorganiser le service. Elle souligne que le médecin du travail n’a en aucun cas dit que le travail de nuit était obligatoire, mais qu’il a seulement édicté une préférence pour ce type de travail.

L’avis du médecin du travail du 5 décembre 2019 est libellé ainsi : ‘préférer un travail de nuit car moins de manipulation et de manutention pendant deux mois’. Il en ressort qu’il n’interdit pas le travail de jour.

La société Adom 49 justifie que Mme [K] a travaillé de nuit durant 27 heures en décembre 2019, 39 heures en janvier 2020, et 40 heures en février 2020 sur les 122 heures mensuelles prévues à son contrat de travail (pièces 8 et 24 employeur).

Pour autant, elle ne justifie pas avoir privilégié le travail de nuit pendant cette période dans la mesure où elle ne communique aucun élément de comparaison avec les horaires antérieurs effectués par Mme [K] et par ses collègues affectées au service de Mme [T], et qu’il ressort des bulletins de salaire de l’intéressée qu’elle a effectué des heures de nuit en nombre bien plus important sur la période postérieure lors de laquelle les préconisations du médecin du travail ne s’appliquaient plus, à savoir 70 heures en mars, 86 heures en avril, 87 heures en mai, 86 heures en juin, 117 heures en juillet, et 53 heures en août et septembre 2020, ce qui démontre que l’organisation du travail permettait de l’affecter davantage au travail de nuit.

Il s’en suit que la société Adom 49 ne démontre pas avoir respecté les préconisations du médecin du travail et partant, avoir respecté son obligation de sécurité.

Mme [K] en a subi un préjudice que la cour est en mesure d’évaluer à la somme de 1 000 euros qui lui sera allouée à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la capitalisation des intérêts

Rien ne s’oppose à ce que soit ordonnée la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l’article 1343-2 du code civil.

Sur les documents sociaux, les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux documents de fin de contrat sauf à préciser qu’ils seront conformes au présent arrêt et sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte.

Il en va de même quant à ses dispositions relatives à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l’article 700 du code de procédure civile.

La société Adom 49 qui succombe partiellement à l’instance est condamnée aux dépens de première instance et le jugement infirmé de ce chef.

Pour la même raison, elle est condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de Mme [K] pour sa demande présentée à ce titre en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saumur le 25 juin 2021 sauf :

– en ce qu’il a condamné Mme [U] [K] à rembourser à la société Adom 49 la somme de 3 351,10 euros net au titre de la répétition de l’indu relatif à l’indemnité de précarité ;

– en ce qu’il a débouté Mme [U] [K] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect de l’obligation de sécurité ;

– à préciser que les documents de fin de contrat seront conformes au présent arrêt et remis sans astreinte ;

– en ses dispositions relatives à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DEBOUTE la Sas Adom 49 de sa demande de remboursement de la somme de 3 351,10 euros net au titre de la répétition de l’indu intitulé ‘indemnité de précarité’ ;

CONDAMNE la Sas Adom 49 à payer à Mme [U] [K] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts année par année ;

DEBOUTE Mme [U] [K] de sa demande au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentée en appel ;

DEBOUTE la Sas Adom 49 de sa demande présentée en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sas Adom 49 aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Clarisse PORTMANN

 


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