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C4
N° RG 21/00964
N° Portalis DBVM-V-B7F-KYO5
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP ALPAVOCAT
la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER
Me Catherine MOINEAU
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/00044)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GAP
en date du 08 février 2021
suivant déclaration d’appel du 23 février 2021
APPELANTE :
Madame [E] [X]
née le 17 Août 1961 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Elisabeth LECLERC MAYET de la SCP ALPAVOCAT, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,
INTIMEES :
ASSOCIATION CENTRE SOCIAL RURAL ‘[8]’, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Sabine LEYRAUD de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE,
ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Catherine MOINEAU, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 novembre 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 24 janvier 2023.
Exposé du litige :
L’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS (HAER) est une association intermédiaire dont l’objet est de mettre à disposition d’employeurs, des salariés connaissant des difficultés sociales d’insertion afin de les réinsérer dans la vie professionnelle.
Mme [X] a été mise à disposition du CENTRE SOCIAL RURAL [8] de [Localité 11] en qualité d’auxiliaire de puériculture par l’Association HAER du 14 février 2008 au 18 février 2008, puis le 14 mars 2008.
Mme [X] a ensuite été embauchée directement entre le 28 mars 2008 et le 28 août 2009, par le CENTRE SOCIAL RURAL [8] de [Localité 11] en contrat à durée déterminée en qualité d’éducatrice jeunes enfants en remplacement de plusieurs salariés absents pour différents motifs.
Entre le 20 janvier 2014 et le 4 juillet 2019, Mme [X] a de nouveau été mise à disposition par l’Association HAER du CENTRE SOCIAL RURAL [8] de [Localité 11] en qualité d’intervenante technique.
Mme [X] a saisi le conseil des prud’hommes de Gap à l’encontre du CENTRE SOCIAL RURAL [8] de [Localité 11] et l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS en date du 26 juin 2019 aux fins de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée au contrat de travail à durée indéterminée, requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein, poursuite de l’exécution de son contrat de travail et subsidiairement dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, condamner le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS à différentes indemnités dont des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement du 8 février 2021, le Conseil de prud’hommes de Gap a :
Dit que les demandes de Mme [X] sont revevables
Dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats de Mme [X] avec l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS en contrats à durée déterminée
Débouté Mme [X] de sa demande d’indemnité au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats à temps pleins
Débouté Mme [X] de sa demande de rappel de salaire et de ses demandes sur la rupture ou la poursuite du contrat de travail
Dit il y a eu exécution déloyale du contrat de travail de la part de l’association intermédiaire HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS
Condamné l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
6000 € à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail
2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire autre que de droit
Dit que chaque partie supportera ses dépens
Débouté le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS de leurs demandes reconventionnelles
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La décision a été notifiée aux parties et Mme [X] en a interjeté appel principal.
Par conclusions du 22 octobre 202, Mme [X] demande à la cour de :
Juger son appel principal et provoqué recevable et bien fondé et, en conséquence,
Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a :
dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats de Mme [X] avec l’association HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS en contrat à durée indéterminée et ce qu’il a jugé, dans le corps du jugement, que le CENTRE SOCIAL RURAL “[8]” n’était pas concerné par ce point de litige alors qu’il était sollicité la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée avec le CENTRE SOCIAL RURAL “[8]”
débouté Mme [X] de sa demande d’indemnité au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats en contrat à temps plein, tant à l’égard de l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS qu’à l’égard de l’ASSOCIATION CENTRE SOCIAL RURAL “[8]”
débouté Mme [X] de sa demande de rappels de salaire et de ses demandes sur la rupture ou la poursuite du contrat de travail, tant à l’égard de l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS qu’à l’égard de l’ASSOCIATION CENTRE SOCIAL RURAL “[8]”
Limité la condamnation au titre de l’exécution déloyale du contrat travail à la somme de 6000 € à la seule charge de l’association HAUTE ALPES EMPLOI RELAIS.
La confirmer sur le surplus et après infirmation du jugement déféré sur les points figurant ci-dessus, il est sollicité de la Cour, statuant à nouveau :
Sur la requalification en contrat à durée indéterminée :
A titre principal,
Juger que la relation de travail entre elle et le CENTRE SOCIAL RURAL [8] sur la période juin 2016 au 4 juillet 2019 doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée
Condamner le CENTRE SOCIAL RURAL [8] à lui régler la somme de la somme de 1701,70 € à titre d’indemnité de requalification de CDD en CONTRAT A DUREE INDETERMINEE
A titre subsidiaire,
Dire et juger que la relation contractuelle entre l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS Mme [X] sur la période du mois de juin 2016 au 4 juillet 2019 doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée
Condamner l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS à lui régler la somme de la somme de 1701,70 € à titre d’indemnité de requalification de CDD en CONTRAT A DUREE INDETERMINEE
Sur la requalification en contrat à temps plein :
A titre principal,
Juger que le contrat de travail à durée indéterminée entre elle et le CENTRE SOCIAL RURAL [8] ou à titre subsidiaire avec l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS doit être requalifié en contrat de travail à temps plein
Condamner le CENTRE SOCIAL RURAL [8] à lui régler la somme de 38 245 € bruts à titre de rappel de salaire, outre 3 824,50 € bruts à titre de congés payés correspondants
Condamner le CENTRE SOCIAL RURAL [8] à lui remettre ses bulletins de paie rectifiés sur les 3 dernières années, correspondants aux rappels de salaire.
A titre subsidiaire,
Dire et juger que le contrat de travail à durée indéterminée entre l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS et Mme [X] sur la période du mois de juin 2016 au 4 juillet 2019 doit être requalifiée en contrat à temps plein.
Condamner l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS à lui régler la somme de la somme de 38 245 € à titre de rappel de salaire, outre 3 824,50 € bruts à titre de congés payés correspondants
Condamner HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS à lui remettre ses bulletins de paie rectifiés sur les 3 dernières années, correspondants aux rappels de salaire
Sur la poursuite du contrat travail ou de la rupture de celui-ci :
Dans l’hypothèse où la Cour estimerait qu’il n’y a pas eu de rupture du contrat travail, condamner le CENTRE SOCIAL RURAL [8], ou à titre subsidiaire l’association intermédiaire HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS :
À poursuivre l’exécution du contrat de travail de Mme [X] , à compter de la saisine du conseil de prud’hommes avec exécution provisoire, dans le cadre d’un CDI à temps complet en qualité d’éducatrice de jeunes enfants moyennant un salaire mensuel de 1701,70 € bruts.
À lui régler à un salaire brut de 1701, 70 € à compter du 4 juillet 2019, jusqu’à ce que cette dernière retrouve son emploi en CDI, soit au sein de la crèche gérée par le centre social, soit au sein de l’association intermédiaire.
Dans l’hypothèse où la Cour jugerait qu’il y a eu rupture du contrat de travail dire et juger que cette rupture du contrat de travail se trouverait dénuée de cause réelle et sérieuse et par conséquent condamner le CENTRE SOCIAL RURAL [8], ou à titre subsidiaire l’association intermédiaire HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS au paiement au paiement au profit Mme [X] des sommes suivantes :
3403,40 € à titre d’indemnité de préavis, outre 340,34 € à titre de congés payés sur préavis
1275,9 € à titre d’indemnité de licenciement
6 800 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamner in solidum le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS à payer à Madame [X] une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, à moins que la Cour ne préfère condamner l’une ou l’autre de ces entités au paiement de la somme susdite, eu égard aux fautes retenues à leur égard.
Sur les frais irrépétibles et les dépens en appel :
Confirmer la décision entreprise concernant l’article 700 de première instance et, en cause d’appel condamner in solidum le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS à payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner in solidum le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS aux entiers dépens.
Par conclusions du 7 octobre 2022, le CENTRE SOCIAL [8] demande à la cour d’appel de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Juger que Mme [X] a été embauchés par l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS pour être mis à disposition du CENTRE SOCIAL [8] dans le cadre d’une tâche précise et temporaire,
Juger que les emplois occupés par elle ne relève pas de l’activité normale et permanente du CENTRE SOCIAL [8]
En conséquence,
Juger n’y avoir lieu à requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
débouter Mme [X] de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
À titre subsidiaire
Dire n’y avoir lieu à réintégration
Limiter le montant de l’indemnité de requalification à la somme de 995,60 €
Limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes :
661,98 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis, contre 66,19 € bruts au titre des congés payés afférents
248,24 € nets au titre de l’indemnité de licenciement
992,97 € nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Juger qu’il ne peut y avoir de requalification du temps partiel en temps plein à l’égard du CENTRE SOCIAL [8] en l’absence de contrat de travail le liant à Mme [X]
En conséquence,
La débouter de ses demandes
À titre subsidiaire
Juger que Mme [X] connaissaient sa durée du travail et sa répartition et qu’elle n’était pas dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail,
Juger n’y avoir lieu à requalification de ses contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
En conséquence,
La débouter de ses demandes
À titre infiniment subsidiaire
Limiter le montant du rappel de salaire à la somme de 187,28 € bruts
En tout état de cause,
Juger qu’en tant qu’utilisateur, le CENTRE SOCIAL [8] ne peut être tenu d’une prétendue exécution déloyale du contrat de travail
À titre subsidiaire,
Juger qu’aucune exécution déloyale des contrats de travail de Mme [X] n’est caractérisée et en conséquence, la débouter de sa demande
condamner Mme [X] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
Par conclusions d’intimé avec appel incident N°2 du 2 décembre 2021, l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS (ASSOCIATION HAER) demande à la cour d’appel de :
Juger que l’ASSOCIATION HAER recevable et bien fondée en son appel incident
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Gap en ce qu’il a :
Dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats de Mme [X] avec l’association HAUTES ALPES EMPLOI RELAIS en contrats à durée déterminée
Débouté Mme [X] de sa demande d’indemnité au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats à temps plein
Débouté Mme [X] de sa demande de rappel de salaire et de ses demandes sur la rupture ou la poursuite du contrat de travail
Débouté le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS de leurs demandes reconventionnelles
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Réformer le jugement du conseil des prud’hommes de Gap en ce qu’il a :
Dit qu’il y a eu exécution déloyale du contrat de travail de la part de l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS
Condamné l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS à verser à Mme [X] la somme de 6000 € à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail
Condamné l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS à lui verser la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau,
Débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Mettre hors de cause l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS
Dire n’y avoir lieu à relever et garantir le CENTRE SOCIAL RURAL [8] des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre
Dans l’hypothèse des condamnations serait prononcée à son encontre,
Juger qu’elle sera relevée et garantie de toute condamnation éventuelle qui pourrait être mise à sa charge par le CENTRE SOCIAL RURAL [8]
Dans tous les cas, condamner Mme [X] au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
Moyens des parties :
Mme [X] sollicite la requalification de sa relation de travail avec le CENTRE SOCIAL RURAL [8] pour la période de juin 2016 au 4 juillet 2019 en contrat à durée indéterminée et à titre subsidiaire la même requalification à l’égard de l’Association HAER.
Elle soutient qu’elle a travaillé dans le cadre d’un emploi pérenne non temporaire du centre social et que l’existence de contrats de mise à disposition avec une association intermédiaire n’est pas un obstacle à la reconnaissance d’un contrat à durée indéterminée avec l’utilisateur si l’emploi ne concerne pas une tâche précise et temporaire. Or, en l’état de l’invalidité de Mme [Y], personne remplacée, et de la signature d’un avenant à son contrat de travail, il ne s’agissait pas d’un remplacement mais d’un poste permanent qui aurait dû faire l’objet d’un contrat à durée indéterminée. De plus, rien ne s’opposait à son intégration, la crèche ayant recruté au moins deux personnes en contrat à durée indéterminée et une directrice. Ces emplois disponibles ne lui ayant pas été proposés. De plus l’attribution des heures aux personnes embauchées par l’intermédiaire de l’Association HAER se faisait de manière arbitraire et aléatoire et elles devaient se tenir disponible « pour boucher les trous ».
Elle fait valoir à titre subsidiaire, que l’Association HAER n’a pas rempli son obligation de lui assurer une insertion professionnelle durable en contradiction avec la mission qui lui est dévolue par la loi alors qu’elle l’a employée pendant au minimum 5 ans, la maintenant dans une très grande précarité de multiples contrats à durée déterminée de durées variables.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] estime pour sa part qu’il n’y a pas lieu de déterminer si les emplois occupés par Mme [X] relevaient de l’activité normale et permanente du CENTRE SOCIAL RURAL [8] puisqu’elle a été embauchée pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et n’est pas intervenue de façon continue (elle n’a pas travaillé au sein du centre sur les périodes de fermeture annuelle de la crèche). Il soutient également que Mme [X] n’a pas souhaité travailler à certaines périodes pour des raisons personnelles. Elle a été embauchée pour remplacer différents salariés absents et donc pour des tâches temporaires conformément aux disposition légales (L. 1242-2 du code du travail ) dans des secteurs d’activité dans lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Mme [X] appréciait la souplesse que lui offraient ses conditions d’emploi et n’a jamais exprimé la moindre velléité d’être embauchée en contrat à durée indéterminée, pourtant informée de l’existence d’emplois vacants. Elle a ainsi demandé à pouvoir regrouper sur 3 jours les horaires qu’elle effectuait sur 5 jours. La présente procédure est en réalité la conséquence du refus opposé par le CENTRE SOCIAL RURAL [8] de faire droit à cette demande d’aménagement d’horaires.
L’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS fait quant à elle valoir que Mme [X] a été embauchée conformément aux dispositions des articles L. 5132-1 et suivants du code du travail dans le cadre d’un contrat unique d’insertion faisant partie de la famille des contrats aidés régis par les dispositions de l’article L. 5134-19-1 du code du travail. Les dispositions des articles L. 5132-7 et suivants ne sont pas applicables aux contrats à durée déterminée d’insertion mais aux seuls contrats à durée déterminée d’usage. Au sein des associations intermédiaires, il est d’usage constant de compléter avec les salariés des contrats de travail à durée déterminée dit contrats d’usage en vue de faciliter leur insertion sociale (insertion par l’activité économique) conformément aux dispositions des articles L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail et qu’au regard de ces dispositions particulières, les dispositions légales relatives au contrat de travail à durée déterminée ne sont pas applicables aux contrats de travail conclus par des associations intermédiaires quelque soit l’utilisateur (personnes morales/ personnes physiques). Il n’est pas exclu que ce recrutement puisse éventuellement s’inscrire dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’employeur utilisateur.
L’Association HAER soutient que la salariée a été mise à la disposition du CENTRE SOCIAL RURAL [8] aux fins d’occuper une tâche précise d’intervenante technique au sein de la crèche de [Localité 11] et pour une durée temporaire précisée dans chacun de ses contrats de travail. Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] a une activité non marchande sous statut associatif à but non lucratif qui porte non seulement les valeurs de l’économie sociale et solidaire prend également en charge des dispositifs sociaux.
Elle soutient par ailleurs que pendant la durée de la mise à disposition, l’entreprise utilisatrice est seule responsable des conditions d’exécution du contrat de travail, rappelées au dos de chaque contrat de mise à disposition, et que donc la demande de requalification ne peut s’opérer qu’à l’encontre de l’entreprise utilisatrice .
A titre subsidiaire, l’Association HAER fait valoir que la salariée qui, subissant des difficultés d’ordre financières suite à son divorce et d’éloignement de son métier, avait besoin de reprendre confiance en elle grâce à un accompagnement, le cadre de l’association intermédiaire lui permettait de travailler dans ce cadre sécurisant. Son embauche relevait des dispositions de l’article L. 5132- 9 du code du travail. S’agissant de son obligation de lui assurer une insertion professionnelle durable, les attestations, dont l’une émane de la fille de la salariée, semblent avoir été rédigées pour les seuls besoins de la cause, ces salariées ne s’étant jamais plaintes d’un quelconque manquement de la part de l’Association HAER à leur égard et n’en justifient pas. Elle soutient enfin qu’elle a tout mis en ‘uvre pour favoriser son insertion sociale et professionnelle et que la salariée a toujours bénéficié du soutien d’un accompagnateur appartenant à l’association en la personne de M. [M], qui cependant a rencontré des difficultés avec elle puisqu’elle refusait constamment son aide et surtout toutes les propositions d’emploi qu’il lui proposait aux fins de faire évoluer sa carrière professionnelle, en dépit de son engagement lors de la signature de ces contrats de travail. M. [G] qui a ensuite assuré le suivi et l’accompagnement de Mme [X], a également rencontré des difficultés lorsqu’il souhaitait lui faire des propositions évolutives de sa situation professionnelle. Non seulement l’Association HAER a permis à Mme [X] de se réinsérer socialement en occupant un emploi de non technique au sein de la crèche, mais elle a accompagné dans sa démarche de réinsertion professionnelle durable en lui permettant d’occuper un emploi qui lui a redonné confiance en elle et l’accompagnant dans une démarche visant à évoluer professionnellement et petit à petit se rediriger vers son métier d’origine d’infirmière afin qu’elle puisse occuper un emploi pérenne.
Sur ce,
L’article L1242-1 du Code du travail précise que le CDD ne doit jamais avoir pour but ou pour conséquence de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, si tel est le cas, le CDD pourra être requalifié de CDI selon les termes de l’article L1245-1 du Code du travail.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1242 ‘ 2 du même code que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié en cas :
a) D’absence ;
b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;
c) De suspension de son contrat de travail ;
d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe ;
e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur ;
4° Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnel et habituel ou d’un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ;
5° Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l’article L. 722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise ;
6° Recrutement d’ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d’un objet défini lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit et qu’il définit :
a) Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée ;
b) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;
c) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d’accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l’entreprise.
En l’espèce, il est constant qu’ont été conclus entre le mois de juin 2016 et le 4 juillet 2019, les contrats de travail de mise à disposition de Mme [X] auprès du CENTRE SOCIAL RURAL de [Localité 11] (lieu d’exécution de la prestation de travail à la crèche/halte-garderie de [Localité 11]) par le biais de l’association intermédiaire Association HAER en qualité d’intervenante technique suivants :
le 31 mai 2016 pour la période du 31 mai 2016 au 24 juin 2016
le 30 juin 2016, pour la période du 27 juin 2016 au 4 juillet 2016
le 8 juillet 2016, pour la période du 11 juillet 2016 au 9 juillet 2016
le 18 août 2016, pour la période du 22 août 2016 au 2 décembre 2016
le 22 novembre 2016, pour la période du 5 décembre 2016 au 23 décembre 2016
le 6 février 2017 pour la période du 6 février 2017 au 31 mars 2017
le 3 avril 2017, pour la période du 3 avril 2017 au 28 avril 2017
le 27 avril 2017, pour la période du 2 mai 2017 au 31 mai 2017
le 1er juin 2017, pour la période du 1er juin 2017 au 30 juin 2017
le 27 juin 2017, pour la période du 3 juillet 2017 au 28 juillet 2017
le 11 août 2017, pour la période du 21 août 2017 au 31 août 2017
le 28 août 2017, pour la période 1er septembre 2017 aux 30 septembre 2017
le 26 septembre 2007, pour la période du 2 octobre au 31 octobre 2017
le 26 octobre 2017, pour la période du 2 novembre 2017 au 30 novembre 2017
le 24 novembre 2017, pour la période du 1er décembre 2017 au 22 décembre 2017
le 22 décembre 2017, pour la période du 2 janvier 2018 au 31 janvier 2018
le 5 février 2018 pour la période du 1er février 2018 au 28 février 2018
le 26 février 2018, pour la période du 1er mars 2018 au 30 mars 2010
le 26 mars 2018, pour la période du 3 avril 2018 au 30 avril 2018
le 3 mai 2018, pour la période du 14 mai 2018 au 31 mai 2018
le 3 juillet 2018, pour la période du 2 juillet 2018 au 27 juillet 2018
le 20 juillet 2018, pour la période du 20 août 2018 au 31 août 2018
le 14 août 2018, pour la période du 3 septembre 2018 au 28 septembre 2018
le 1er octobre 2018, pour la période du 1er octobre 2018 au 2018
le 3 décembre 2018, pour la période du 4 décembre 2018 au 5 décembre 2018
le 10 janvier 2019, pour la période du 15 janvier 2019 au 16 janvier 2019
le 8 février 2019, pour la période du 12 février 2019 au 13 février 2019
le 8 mars 2019, pour la période du 11 mars 2019 au 15 mars 2019
le 25 mars 2019, pour la période du 25 mars 2019 au 28 mars 2019
le 12 avril 2019, pour la journée du 10 avril 2019
le 29 avril 2019 pour la journée du 23 avril 2019
le 29 avril 2019 pour la période du 2 mai 2019 au 9 mai 2019
le 29 avril 2019, pour la période du 20 mai 2019 au 29 mai 2019.
Ces contrats ont tous été conclus au visa des articles L. 5132-1 du code du travail qui dispose que l’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Il est mis en ‘uvre des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement. L’insertion par l’activité économique, notamment par la création d’activités économiques, contribue également au développement des territoires et R. 5132-1 et suivants du code du travail qui prévoit que le parcours d’insertion par l’activité économique permet aux personnes sans emploi qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles particulières de bénéficier de contrats de travail.
Il résulte également des dispositions de l’article L. 5132-9 du code du travail que Les associations intermédiaires peuvent effectuer des mises à disposition auprès des employeurs mentionnés à l’article L. 2211-1 du code du travail (aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics à caractère administratif) lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé, dans les conditions suivantes :
1° La mise à disposition n’est autorisée que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire ;
2° La durée totale des mises à disposition d’un même salarié ne peut excéder une durée déterminée par décret, pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la première mise à disposition. Dans des conditions définies par décret, le représentant de l’Etat dans le département peut autoriser une association intermédiaire à déroger à ce plafond, pour une durée maximale de trois ans renouvelable, en tenant compte des activités exercées par les entreprises de travail temporaire d’insertion installées dans le département et à condition que la qualité des parcours d’insertion soit garantie.
Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de mise à disposition auprès de personnes physiques pour des activités ne ressortissant pas à leurs exercices professionnels et de personnes morales de droit privé à but non lucratif.
Les contrats susvisés de Mme [X] précisent à compter du 27 juin 2017 qu’ils constituent des contrats de travail d’une durée déterminée « d’usage » et l’Association HAER admet dans ses conclusions que ces contrats étaient des contrats à durée déterminée d’usage.
Il est donc de principe que même dans ce cadre législatif visant à faciliter l’insertion professionnelle, la mise à disposition du salarié ne peut intervenir que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et non pour l’occupation d’un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice, la salariée mise à disposition pouvant, dans ce cas, faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice, les droits tirés d’un contrat à durée indéterminée.
Il ressort des données objectives du dossier, que Mme [X] a pourvu, durant les trois années de relation contractuelle au sein de la même société utilisatrice (CENTRE SOCIAL RURAL [8]) au remplacement principal de Mme [Y], en qualité d’intervenante technique.
Or, Mme [Y] a vu son contrat de travail modifié par avenant le 29 février 2016 en temps partiel compte tenu de sa décision de placement en invalidité par la CPAM à compter de février 2016.
Il ne peut par conséquent être soutenu par le CENTRE SOCIAL RURAL [8] que la tâche de Mme [X] qui remplaçait Mme [Y] dans le cadre de contrats renouvelés et successifs pendant trois ans, était temporaire, celle-ci occupant de manière durable les fonctions de Mme [Y], laissées vacantes à la suite de la modification de son contrat de travail; le fait que Mme [Y] puisse un jour repasser à temps complet suite à une évolution positive de sa pathologie étant inopérant s’agissant du caractère temporaire de l’activité de Mme [X]. Mme [X] étant employée pour pallier au besoin structurel de main d”uvre suite à la réduction du temps de travail de Mme [Y], outre les remplacements ponctuels d’autres salariés en plus.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] qui allègue que des postes étaient disponibles en contrat à durée indéterminée et que Mme [X] qui appréciait la souplesse de ses contrats à durée déterminée, n’ y a pas postulé, n’en justifie pas. Aucun refus de la part de Mme [X] d’occuper un poste dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée n’est démontré. Le seul fait qu’elle ait demandé un regroupement de ses horaires sur trois jours est inopérant. Les courtes périodes d’interruption invoquées pouvant valablement correspondre comme conclu par la salariée à des périodes de fermeture de la crèche, d’arrêts maladie faute pour l’employeur de démontrer le contraire et la salariée étant en droit de bénéficier de périodes de congés comme elle en aurait bénéficié dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
Il convient par voie d’infirmation du jugement déféré, de dire que faute pour la salariée d’avoir occupé en contrat à durée déterminée une tâche précise et temporaire, les conditions pour conclure des contrats à durée déterminée dans le cadre des dispositions légale susvisées n’étant pas remplies, il y a lieu de requalifier ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée à l’encontre du CENTRE SOCIAL RURAL [8].
En application des dispositions de l’article L.1245-2 en cas de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité de requalification qui est égale au moins à un moins de salaire et elle ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] doit être condamné à verser à Mme [X] la somme de 995,60 € à ce titre au vu de ses bulletins de salaires.
Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps plein :
Moyens des parties :
Mme [X] sollicite la requalification des contrats à temps partiel en contrats à temps plein à l’encontre de CENTRE SOCIAL RURAL [8] et à titre subsidiaire de l’Association HAER.
Elle soutient que la quasi-totalité des contrats de travail ne comportent aucune durée du travail, pas plus que la répartition des horaires sur les jours de la semaine et qu’elle est donc fondée à obtenir la requalification de son temps partiel en à temps plein. Elle fait valoir que l’employeur est dans l’incapacité de rapporter la preuve de la durée exacte de travail convenue dans la mesure où les pièces produites montrent qu’il n’y a pas une semaine avec un horaire identique, démontrant au contraire une très grande variation de la durée du travail. Elle affirme ne jamais avoir été informée de ses horaires au moment de la conclusion des contrats de travail et que l’employeur échoue à démontrer la durée exacte de travail convenue et qu’elle ne connaissait pas cette durée. L’employeur ne démontrant pas que les plannings lui étaient remis ni qu’ils étaient affichés.
Elle soutient enfin que si les multiples contrats à durée déterminée d’usage sont requalifiés en contrat à durée indéterminée, ce contrat à durée indéterminée obéit aux règles de droit commun des contrats à durée indéterminée et non aux dispositions spécifiques des contrats de mise à disposition des associations intermédiaires.
Elle fait enfin valoir qu’à la lecture des pièces versées aux débats par l’employeur, on constate qu’elle a travaillé à temps plein sur les semaines du 14 au 18 novembre 2016 et du 12 au 17 septembre 2016.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] conteste cette demande, faute d’existence d’un lien contractuel avec Mme [X]. Elle affirme que Mme [X] a été mise à disposition de le CENTRE SOCIAL RURAL [8] par l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS et qu’il a été démontré qu’il n’y a pas lieu requalification en contrat à durée indéterminée à son encontre. De plus le salarié d’une association intermédiaire peut être rémunéré soit sur la base d’un nombre d’heures effectivement travaillées chez l’utilisateur, soit sur la base d’un nombre d’heures forfaitaires déterminées dans le contrat. Il en résulte que les associations intermédiaires ont la possibilité de ne pas prévoir contractuellement de durée hebdomadaire de travail.
Elle affirme par ailleurs pouvoir apporter la preuve de la réalité du travail à temps partiel puisque la salariée travaillait suivant un planning établi par le CENTRE SOCIAL RURAL [8] pouvait donc prévoir sa durée ainsi que les horaires de travail.
L’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS fait valoir, pour sa part que Mme [X] a été rémunérée sur la base du nombre d’heures effectuées au sein de le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et qu’elle n’a jamais formulé d’observation dans la mesure où elle était remplie de ses droits. Elle s’est toujours vue remettre un planning de travail qui lui permettait d’avoir connaissance de ses horaires de travail hebdomadaires exacts. Elle n’a donc jamais été à la constante disposition du CENTRE SOCIAL RURAL [8].
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l’article L. 5132-11 du code du travail que le salarié d’une association intermédiaire peut être rémunéré soit sur la base du nombre d’heures effectivement travaillées chez l’utilisateur, soit sur la base d’un nombre d’heures forfaitaire déterminé dans le contrat pour les activités autres que celles mentionnées à l’article L. 5132-9.
Faute de mention de la durée hebdomadaire de travail dans le contrat de travail à durée déterminée, l’entreprise utilisatrice doit donc justifier que la salariée a valablement été payée sur la base du nombre d’heures effectivement travaillées et donc que la salariée ne demeurait pas à disposition constante de l’entreprise utilisatrice et connaissait son planning de travail en respectant un délai de prévenance suffisant de manière à ce qu’elle puisse prévoir son rythme de travail.
Il n’est pas contesté que les contrats à durée déterminée conclus par Mme [X] ne mentionnent pas de durée hebdomadaire de travail ni de répartition de ses heures de travail.
Il ressort des documents versés aux débats par l’entreprise utilisatrice que Mme [X] n’accomplissait pas le même nombre d’heures de travail chaque semaine.
Mme [W], ancienne salariée, qui atteste que « tous mes jours de travail et horaires m’étaient communiqués par M [Z] qui distribuait les remplacements aux unes et aux autres disponibles ne fonction de je ne sais quelles règles, j’acceptais tout ce qui était proposé à droite et à gauche pour « boucher les trous » occasionnés par le maladies, absences ou récupération du personnel et souvent au dernier moment avec des modifications de dernière minute » échoue à le démontrer, ce témoignage tendant au contraire à démontrer que les salariés temporaires ne connaissaient leurs horaires de travail qu’à la dernière minutes et qu’ils pouvaient être modifiés.
De même, Mme [N], ancienne salariée, confirme qu’elle devait rester à la disposition de M. [Z] afin qu’il puisse la joindre pour lui rajouter des heures ou des demi-journées parfois la veille pour le lendemain, pour combler les absences ou besoins ponctuels qu’elle remplissait selon ses critères.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] produit pour sa part les attestations de de la directrice de la crèche (Mme [L]) et de l’infirmière et directrice adjointe (Mme [B]) qui attestent que les horaires de travail des personnels mis à disposition étaient préparés plusieurs jours voire semaines à l’avance par le directeur du centre social après échange avec elle et en concertation avec les salariés afin de leur permettre de concilier leurs horaires de travail à la crèche avec une autre activité ou leurs contraintes personnelles .
Madame [D] et Mme [V], salariées mises à disposition par l’Association HAER , confirment que leurs horaires de travail à la crèche/ halte garderie étaient établis plusieurs jours à l’avance et parfois plusieurs semaines à l’avance en concertation avec le directeur du centre social pour permettre de concilier le travail à la crèche avec les contraintes personnelles et familiales.
Toutefois ces dernières attestations, produites par le CENTRE SOCIAL RURAL [8] émanent des personnels de Direction de la crèche et de salariées encore dans un lien de subordination et rédigées dans des termes très proches, sont donc sujettes à caution.
Faute pour le CENTRE SOCIAL RURAL [8] de verser de planning écrit transmis ou affiché ou tout autre élément confirmant la connaissance par Mme [X] du nombre et de la répartition de ses horaires de manière suffisamment à l’avance, il doit être jugé qu’elle n’était donc pas en mesure de prévoir à quel rythme elle travaillait et se trouvait par conséquent en permanence à la disposition de l’employeur.
Il convient par conséquent de requalifier le contrat de travail de Mme [X] en temps complet, par voie d’infirmation du jugement déféré, et de condamner le CENTRE SOCIAL RURAL [8] à lui verser à titre de rappel de salaire la somme de 38 245 euros outre 3 824,50 euros de congés payés afférents à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail :
Moyens des parties :
Mme [X] soutient que faute de fourniture de travail depuis la saisine du Conseil des prud’hommes en juin 2019 et de paiement de salaire, et faute de manifestation non équivoque de volonté de rompre le contrat de travail, le CENTRE SOCIAL RURAL [8] ou de manière subsidiaire l’Association HAER, doit être condamné à lui verser le paiement des salaires sur la période où elle n’en a pas reçus. Si la cour estimait qu’il y a eu rupture du contrat de travail, faute de lettre de licenciement, celui-ci doit être qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les indemnités afférentes.
Sur ce,
En vertu des dispositions des articles L. 1245-1 du code du travail, l’employeur, qui, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture sans que le salarié puisse exiger, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de d’une liberté fondamentale, sa réintégration dans l’entreprise.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] doit donc être condamné à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
3 403,40 € au titre de l’indemnité de préavis outre 340,34 euros de congés payés afférents,
1 275,90 € au titre de l’indemnité de licenciement,
5 100 € (quatre mois de salaire) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des disposition de l’article L. 1235-3 du code du travail.
Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail :
Moyens des parties :
Mme [X] fait valoir que l’Association HAER et le CENTRE SOCIAL RURAL [8] ont commis des fautes à son égard dans le cadre de l’exécution des contrats de travail (grande précarité avec une rémunération pouvant varier de 100 à 1 500 euros/ mois sans rémunération sur les mois de congés la maintenant disponible pour répondre aux besoins de dernière minute alors que la crèche embauchait au moins trois emplois permanents). Elle soutient également que l’Association HAER a manqué à son obligation d’accompagnement vers un emploi durable privilégiant son intérêt financier et au détriment de la recherche avec le centre social d’une situation pérenne et à son obligation de la former.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8] soutient pour sa part qu’en l’absence d’un contrat de travail la liant à Mme [X], aucune demande ne peut être dirigée sur son fondement à son encontre et qu’elle ne justifie pas de l’existence d’un préjudice. Les missions procurées lui fournissant des ressources non négligeables de façon régulière et elle pouvait combiner cette activité à d’autres occupations comme elle le souhaitait et refuser comme elle le faisait régulièrement. La procédure prud’homale est en réalité la conséquence d’un différend entre les parties sur l’organisation du temps de travail le refus d’aménagement du CENTRE SOCIAL RURAL [8].
L’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS conteste avoir manqué à ses obligations envers la salariée et soutient avoir parfaitement rempli son obligation de suivi d’accompagnement professionnel à son égard. Elle fait remarquer qu’il est surprenant que la salariée demande à être embauchée pour une durée indéterminée au sein d’une association qui se serait abstenue de remplir ses obligations à son égard.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s’abstenir de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l’égard de l’entreprise. Il lui est notamment interdit d’abuser de ses fonctions pour s’octroyer un avantage particulier.
Les contrats litigieux ont été tous conclus au visa des articles L. 5132-1 du code du travail qui dispose que l’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en ‘uvre des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement.
Mme [X] produit les attestations de Mme [N], Mme [A] (fille de Mme [X] ) et Mme [V] qui indiquent de manière générale qu’elles n’ont pas eu de contact avec l’Association HAER pour un suivi quelconque.
L’Association HAER produit toutefois le témoignage de M. [M], salarié de l’association en charge du secteur concerné par Mme [X] et du suivi professionnel, qui atteste qu’il a contacté Mme [X], qui lui a expliqué qu’elle travaillait par leur intermédiaire pour compléter son planning professionnel et qu’elle ne cherchait pas spécialement d’autres missions complémentaires. Il explique qu’il lui a néanmoins proposé de temps en temps des missions en rapport avec ses compétences professionnelles et conditions désirées par celle-ci, mais que pour chacune d’entre elles, elle a répondu négativement prétextant que celles-ci ne lui convenaient pas pour telle ou telle raison ; il indique qu’après maintes refus de sa part, il a décidé de se concentrer sur d’autres personnes ayant plus de besoins de ses services, mais que cela ne l’empêchait pas de la rencontrer lors de rencontres programmées pour le suivi administratif de ses missions. À chacune de ces rencontres, il faisait le point sur sa situation professionnelle et individuelle afin de voir si ses attentes avaient changé. Elle n’a jamais exprimé ressentir des besoins des démarches d’accompagnement plus spécifiques que ce soit par lui-même ou le conseiller d’insertion professionnelle.’ Elle n’a jamais voulu rentrer dans un processus de parcours afin de voir évoluer sa situation professionnelle.
Il précise dans le cadre d’une seconde attestation, avoir proposé différentes offres d’emploi en rapport avec ses compétences, savoir-faire et diplôme à Mme [X] notamment pour l’association VIVRE DANS SON PAYS, au sein de leur EHPAD, des postes d’infirmières, d’aide-soignante de maîtresse de maison et pour l’association ADSEA, des postes de monitrice éducatrice, aide-soignante, AMP sur différents sites ([Localité 5], [Localité 9]’).
Il résulte également du compte rendu de rencontre de Mme [X] du 27 mai 2019 de M. [U] [G] à [Localité 11] qu’il lui a été proposé, postérieurement au conflit existant avec le CENTRE SOCIAL RURAL [8], de se remettre en selle sur des postes d’AS ou pour évoluer vers le métier d’infirmière, mais que celle-ci a indiqué à plusieurs reprises qu’elle était bien dans sa mission au centre social, qu’elle avait des problèmes financiers et qu’elle ne pouvait se déplacer plus loin faute de voiture fiable, et qu’elle aimait ce qu’elle faisait depuis 10 ans. M. [G] lui ayant tout de même proposé de dépoussiérer son curriculum vitae et ses compétences et un nouveau rendez-vous étant fixé. Il lui a également communiqué les coordonnées de Mme [K], directrice de VIVRE DANS SON PAYS, avec qui il a pris contact et mis en place une immersion. Il indique également avoir démarché la crèche de [Adresse 10] à qui il a remis la candidature de Mme [X].
Par conséquent, l’Association HAER justifie avoir rempli ses obligations de suivi et d’accompagnement à l’égard de Mme [X].
De plus, Mme [X] ne justifie pas d’un préjudice distinct, de ceux déjà indemnisés ensuite de la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de contrat de travail à temps partiel en temps complet et du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse par CENTRE SOCIAL RURAL [8]. Il y a lieu par conséquent de débouter Mme [X] de sa demande au titre de l’exécution déloyale de ses contrats de travail par voie d’infirmation du jugement déféré.
Sur la remise d’une attestation POLE EMPLOI et d’un bulletin de salaire rectifiés :
Il convient d’ordonner au CENTRE SOCIAL RURAL [8] de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d’exercer son droit aux prestations sociales et conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l’éventuel acquiescement à la présente décision.
Sur les demandes accessoires :
Il convient d’infirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Le CENTRE SOCIAL RURAL [8], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à Mme [X] la somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE Mme [X] recevable en son appel,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
Débouté le CENTRE SOCIAL RURAL [8] et l’ASSOCIATION HAUTES-ALPES EMPLOI RELAIS de leurs demandes reconventionnelles,
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
L’INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
Y ajoutant,
DIT qu’il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée conclus en contrat à durée indéterminée à l’égard du CENTRE SOCIAL RURAL [8] en sa qualité d’entreprise utilisatrice,
DIT qu’il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée conclus en temps complet à l’égard du CENTRE SOCIAL RURAL [8],
CONDAMNE le CENTRE SOCIAL RURAL [8] à payer à Mme [X] les sommes suivantes :
3 403,40 € au titre de l’indemnité de préavis outre 340,34 € de congés payés afférents,
1 275,90 € au titre de l’indemnité de licenciement,
5 100 € (quatre mois de salaire) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail,
38 245 € outre 3 824,50 € de congés payés afférents à ce titre de rappel de salaires du fait de la requalification de son temps partiel en temps complet,
995,60 € d’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
DEBOUTE Mme [X] de ses demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail à l’encontre de l’Association HAER et de CENTRE SOCIAL RURAL [8],
ORDONNE au CENTRE SOCIAL RURAL [8] de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d’exercer son droit aux prestations sociales et conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l’éventuel acquiescement à la présente décision,
CONDAMNE le CENTRE SOCIAL RURAL [8] aux dépens de l’instance,
CONDAMNE le CENTRE SOCIAL RURAL [8] à payer à Mme [X] la somme de 3 000 € à sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,