Contrat à durée déterminée d’usage : 22 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/10112

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Contrat à durée déterminée d’usage : 22 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/10112
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 22 DECEMBRE 2023

N° 2023/375

Rôle N° RG 20/10112 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGNM5

[G] [T]

C/

S.N.C. AVENIR

Copie exécutoire délivrée

le :

22 DECEMBRE 2023

à :

Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Marseille en date du 02 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/02360.

APPELANT

Monsieur [G] [T]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000864 du 23/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3] – [Localité 1]

représenté par Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.N.C. AVENIR, demeurant [Adresse 2] – [Localité 1]

représentée par Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2023

Signé par Madame Véronique SOULIER, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société SNC AVENIR exploitant un bar-tabac à [Localité 4], employant 5 salariés dont un responsable d’établissement : Madame [S] [F], est soumise à la convention collective nationale des Hôtels-Cafés-Restaurants.

La société SNC AVENIR a embauché Monsieur [G] [T] en qualité de serveur niveau I, échelon 2 suivant contrat à durée déterminée à temps partiel (104 heures/mois) en date du 1er février 2016, au motif d’un surcroît temporaire d’activité, le terme étant fixé au 31 juillet 2016.

Le contrat à durée déterminée a été renouvelé pour une durée de 5 mois suivant avenant du 1er août 2016, se terminant le 31 décembre 2016.

Le 1er janvier 2017, la Société SNC AVENIR a embauché [G] [T] par contrat de travail à durée indéterminée aux mêmes conditions que les contrats précédents.

Les parties ont signé un document intitulé ‘indemnité transactionnelle’ le 17 juillet 2019 selon lequel’ les parties conviennent que la SNC AVENIR versera à Monsieur [T] une indemnité forfaitaire définitive de 250 euros brute, en réparation des préjudices dont le salarié a fait état’

Une lettre de démission datée du 31 juillet 2019 a été signée par Monsieur [T].

Le 23 août 2019, Monsieur [T] a écrit à son employeur pour contester la lettre de démission qu’il dit avoir signée le 19 août 2019, alors qu’il se trouvait en état de faiblesse.

Le 27 août 2019, la SNC AVENIR lui a répondu qu’aucun document n’avait été signé le 19 août 2019 mais qu’une rupture conventionnelle a été signée en juillet 2019 à la demande du salarié, l’informant qu’il était en congés jusqu’au 31 août 2019.

Un document de rupture conventionnelle daté du 17 juillet 2019 portant la signature de la SNC AVENIR et de Monsieur [T], avec un délai de rétractation fixé au 1er août 2019 et une rupture de contrat de travail fixé au 30 août 2019 est produit par l’employeur, pour lequel le salarié dénie sa signature et affirme en avoir découvert l’existence le 2 septembre 2019 lors de la remise des documents de fin de contrat.

Par requête en date du 5 novembre 2019, Monsieur [G] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille de demandes de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, paiement d’une indemnité de requalification, nullité de la rupture conventionnelle s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’en paiement de dommages et intérêts et indemnités de rupture.

Par jugement rendu le 2 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté [G] [T] de l’ensemble de ses demandes.

Monsieur [T] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 21 octobre 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2020, le salarié demande à la cour de :

REFORMER le jugement attaqué en ce qu’il l’ a débouté de l’ensemble de ses demandes,

Et statuant à nouveau, de :

DIRE que l’employeur ne rapporte pas la preuve du surcroit temporaire d’activité ni ne justifie que le recours au CDD n’avait pas pour but de palier un déficit structurel de main d’oeuvre,

En conséquence,

REQUALIFIER le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail a durée indéterminée

CONDAMNER la Société AVENIR à la somme de 1.118,03 euros à titre d’indemnité de requalification,

DIRE nulle la rupture conventionnelle,

DIRE que la rupture du contrat de travail doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

CONDAMNER la société AVENIR au paiement des sommes suivantes :

-1. 118,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (soit l’équivalent d’un mois de salaire conformément à la convention collective applicable)

– 111,80 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 461,38 euros à titre de rappel de salaire du 19 août au 31 août 2019, outre 46,13 euros de congés payés afférents,

– 1.001,56 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 4. 472 euros nets à titre de dommages et intéréts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIRE que l’employeur s’est rendu coupable d’exécution fautive et déloyale du contrat de travail

En conséquence,

CONDAMNER la Société AVENIR à lui payer la somme de 10.000 euros nets de dommages et intérêts à ce titre,

CONDAMNER la Société AVENIR à lui payer la somme de 504 euros au titre des prélévements pour cotisations mutuelles injustifiés,

CONDAMNER la Société AVENIR à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

ORDONNER en application des dispositions de l’article L1235-4 du Code du travail le remboursement à Pole Emploi par la Société AVENIR des allocations au salarié dans la limite de 6 mois.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 janvier 2021, la SNC AVENIR demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille rendu le 2 octobre 2020,

DEBOUTER Monsieur [G] [T] de toutes ses demandes indemnitaires,

-Si la cour prononçait la nullité de la convention de rupture conventionnelle, de constater que le contrat a été rompu par la démission du salarié,

En tout état de cause, si la cour prononçait la nullité de la convention de rupture conventionnelle :

ORDONNER le remboursement des sommes versées au titre de la convention de rupture conventionnelle soit la somme de 1.250 euros,

Au cas où la cour prononcerait la nullité de la convention de rupture conventionnelle sans tirer les conséquences de la démission :

DIRE que seuls seraient aux débats, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu’en application du barème, cette indemnité ne saurait dépasser la somme de 3.312 euros (3 mois de salaire soit 1104 euros x 3 mois)

CONDAMNER Monsieur [G] [T] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 26 octobre 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la requalification du CDD en CDI et la demande d’indemnité de requalification

Monsieur [T] sollicite la requalification du contrat de travail à durée déterminée signé le 1er février 2016, renouvelé le 1er août 2016 en contrat à durée indéterminée faisant valoir que la société SNC AVENIR n’a pas justifié de l’accroissement temporaire d’activité et qu’elle a en réalité entendu combler un déficit structurel de main d’oeuvre en l’affectant à un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il sollicite à ce titre une indemnité de requalification égale à un mois de salaire sur le fondement de l’article L1245-2 alinéa2 du contrat de travail.

La SNC AVENIR estime l’action en requalification prescrite sur le fondement de l’article L1471-1 du code du travail, pour avoir été engagée le 5 novembre 2019, soit plus de deux ans après le terme du dernier contrat à durée déterminée fixé au 31 août 2016.

Elle ajoute que l’action est également infondée en ce que le recours au contrat à durée déterminée d’usage est autorisé en vue de pourvoir des emplois dans l’hôtellerie et la restauration.

***

Sur la prescription de l’action en requalification

L’article L1471-1 du code du travail, en sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 applicable au litige, dispose que : ‘toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit’.

Le point de départ du délai de prescription applicable à une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours énoncé au contrat, est le terme du contrat à durée déterminée, ou en cas de contrats successifs, le terme du dernier contrat à durée déterminée.

En l’espèce, le contrat à durée déterminée signé initialement le 1er février 2016 a été renouvelé le 1er août 2016 et a pris fin le 31 décembre 2016.

Dès lors, l’action engagée par Monsieur [T] par la saisine du conseil de prud’hommes le 5 novembre 2019, soit plus de deux ans après le terme du contrat à durée déterminée, se trouve prescrite en application de l’article L1471-1 du code du travail.

La décision du conseil de prud’hommes ayant débouté M. [T] de son action en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée sera confirmée de ce chef.

Sur l’exécution fautive du contrat de travail

Monsieur [T] fait valoir qu’alors qu’il avait donné pleine satisfaction dans l’accomplissement de ses fonctions, l’employeur a formulé à son encontre des griefs injustifiés lors de son retour de congés le 19 août 2019 et a tout mis en oeuvre pour se séparer de lui en dehors de tout cadre légal. Il rappelle qu’alors qu’il était en état de faiblesse, l’employeur lui a fait signer des documents pré-remplis, soit une lettre de démission, un ‘bon de congé’ le plaçant en congé sans solde du 19 août au 31 août 2019 et un document intitulé ‘indemnité transactionnelle’ par lequel il renonçait à toute action contre lui moyennant une indemnité de 250 euros. Monsieur [T] reproche également à la SNC AVENIR de lui avoir injustement prélevé une somme mensuelle au titre de la mutuelle Prévoyance, à laquelle il n’était en réalité plus affilié et ce pour un montant total de 504 euros.

Il sollicite la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que le paiement d’une somme de 461,38 euros à titre de rappel de salaire du 19 août au 31 août 2019, outre 46,13 euros de congés payés y afférents et le paiement d’une somme de 504 euros au titre des prélèvements pour cotisations mutuelles injustifiés.

La SNC AVENIR réplique que les reproches qui lui sont faits ne sont que la conséquence de la fantaisie et de la désinvolture de Monsieur [G] [T]. Elle indique que si la contrepartie de 250 euros lui semblait dérisoire, il lui appartenait de ne pas signer le protocole transactionnel et que si sa responsable lui a proposé de se mettre en congés en août 2019, c’est à sa demande, car il ne voulait plus travailler. Enfin, elle expose que le salarié est bien affilié à l’organisme de mutuelle prévoyance KLESIA depuis l’origine du contrat à durée déterminée en février 2016, mais qu’il n’a pas adressé ses arrêts de travail à la GPS/HCR, organisme de sécurité sociale des serveurs, lesquels ont résilié son contrat suite à sa démission. Elle ajoute qu’il n’a pas subi de préjudice car l’organisme de mutuelle Prévoyance lui a indiqué par courrier du 12 septembre 2019, que son contrat avait été remis à jour et qu’il pouvait solliciter des remboursements de frais de santé de manière rétroactive.

***

Aux termes des dispositions de l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l’espèce, alors qu’elle ne conteste pas l’état de faiblesse dans lequel se trouvait le salarié en raison de la dégradation subite de l’état de santé de son épouse (cf courrier de l’employeur du 27 août 2019) la société SNC reconnait avoir fait signer à Monsieur [T] plusieurs documents pré-remplis portant à la fois rupture conventionnelle du contrat de travail et ‘indemnité transactionnelle’ par laquelle il renonce, moyennant une somme minime de 250 euros, à toute contestation à l’encontre de son employeur, ainsi qu’à son droit d’agir en justice contre lui, ce qui caractérise une attitude manifestement fautive.

De même, alors que l’employeur soutient tour à tour que le contrat était rompu le 31 août 2019, suite à l’homologation par l’inspection du travail de la rupture conventionnelle puis subsidiairement qu’il a été rompu le 31 juillet 2019, suite de la démission du salarié qu’il a acceptée, la cour constate que l’employeur n’a pas ‘sorti le salarié de ses effectifs’ comme il l’affirme mais l’a placé en congés non rémunéré du 19 au 31 août 2019, en violation des règles du droit du travail applicables en l’espèce.

La société SNC AVENIR sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 461,38 euros à titre de rappel de salaire du 19 août au 31 août 2019, outre 46,13 euros de congés payés y afférents.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de ce chef.

S’agissant de la mutuelle Prévoyance, la cour constate que si la SNC AVENIR justifie effectivement d’une affiliation de Monsieur [T] à l’assurance maladie de la profession GPS/HCR, ainsi qu’à l’organisme de Prévoyance KLESIA à compter du mois de février 2016, le salarié verse aux débats un courriel émanant de GPS/HCR Santé en date du 12 septembre 2019 qui lui précise que son contrat a été résilié au 31 juillet 2016 suite à une information de fin de contrat et n’avoir reçu l’information émanant de l’employeur précisant qu’il n’avait pas quitté la société que le 28 août 2019. Toutefois, l’organisme d’assurance maladie lui précise qu’il a la possibilité de demander des remboursements de frais de santé sur deux ans. Dès lors, le salarié ne démontre pas le caractère injustifié des prélèvements.

Sa demande en paiement de la somme de 504 euros au titre de prélèvements injustifiés sera en conséquence rejetée et la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée de ce chef.

S’il résulte des éléments précédement examinés que la SNC AVENIR s’est montré en partie fautive dans l’exécution du contrat de travail, la cour observe cependant qu’il ne caractérise pas le préjudice qui en serait résulté, distinct de celui déjà indemnisé au titre de la rupture et du paiement es rappels de salaires.

En conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

La décision du conseil de prud’hommes sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle

Monsieur [T] sollicite la nullité de la rupture conventionnelle datée du 17 juillet 2019 en application de l’article L1237-11 du code du travail. Il soutient qu’il n’a appris que son contrat avait été rompu par la voie d’une rupture conventionnelle que lors de la remise de ses documents de fin de contrat le 2 septembre 2019. Il fait valoir que l’employeur ne démontre pas qu’il a été convoqué à un entretien préalable qui se serait tenu le 17 juillet 2019 et expose n’avoir jamais été destinataire du formulaire de rupture conventionnelle évoqué par la société SNC AVENIR qui a manifestement été adressé à l’inspection du travail pour homologation; qu’il a réclamé ce formulaire à son employeur dès le 12 septembre 2019 sans succès; que le formulaire CERFA versé aux débats par l’employeur a été pré-rempli et que la signature qui figure sous son nom ne correspond pas à sa signature. Monsieur [T] estime que le défaut de remise du formulaire de rupture conventionnelle, l’a privé de son droit à exercer une éventuelle rétractation; que la nullité est d’autant plus encourue au regard du contexte entourant la rupture du contrat de travail, dans la mesure où la SNC AVENIR, profitant de sa fragilité, a tenté de le contraindre à démissionner et lui a fait signer un document intitué ‘indemnité transactionnelle’ au terme duquel il renoncerait à toute action moyennant la somme de ‘250 euros’.

La SNC AVENIR rétorque qu’un entretien informel s’est bien tenu le 17 juillet 2019, qu’aucun formalisme n’est exigé à ce titre et que la preuve de son existence résulte de la mention de la tenue de cet entretien sur le formulaire de rupture conventionnelle qu’elle a versé aux débats. Elle indique que les parties ont bien signé une rupture conventionnelle du contrat de travail, qu’un exemplaire CERFA de la rupture conventionnelle a été remis à Monsieur [T] à cette occasion, ce dont témoigne Mme [F], responsable administrative de la société, dont le témoignage peut tout à fait être pris en considération par la cour, la preuve étant libre en matière sociale. Elle ajoute que le salarié, qui a l’habitude de perdre ses documents administratifs (cf bulletins de salaire, affiliation mutuelle) a dû perdre son exemplaire du formulaire de rupture conventionnelle et qu’il ne rapporte pas la preuve que son consentement a été vicié en application de l’article L1237-11 du code du travail.

***

Aux termes des dispositions de l’article L1237-11 du code du travail, l ’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

L’article L 1237-12 du code du travail prévoit que les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :

Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;

Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

(…)

L’article L 1237-13 du code du travail dispose que la convention de rupture (…) fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation. A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

Enfin, l’article L1237-14 du code du travail prévoit qu”A l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande (…).

La rupture conventionnelle doit garantir la liberté de consentement des parties.

Elle est nulle lorsque le non-respect d’une formalité requise est de nature à compromettre l’intégrité du consentement du salarié. Elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

L’employeur doit remettre au salarié un exemplaire signé des deux parties de la convention de rupture. A défaut celle-ci est nulle. La remise ne se présumant pas, il appartient au juge de constater qu’un exemplaire a bien été remis.

Alors que Monsieur [T] conteste avoir signé une rupture conventionnelle le 17 juillet 2019 indiquant que la SNC AVENIR ne lui avait pas remis l’exemplaire lui revenant, l’employeur verse aux débats l’attestation de Madame [S] [F], responsable administratif de la société, établissant cette remise.

Cependant, aux termes de ce témoignage, Mme [F] indique ‘Le 17 juillet 2019, j’ai reçu le cerfa de rupture conventionnel rempli par l’expert comptable dont j’ai faits deux copies. [G] [T] a signé les deux, j’ai signé les deux, je lui ai remis son exemplaire, nous sommes parti déjeuner et nous sommes allez ensemble au bureau de poste de notre quartier pour l’envoyer en AR à la direct pour homologation. J’ai fait la bétise d’envoyer mon exemplaire’

Il résulte de ce témoignage que la représentante de l’employeur déclare avoir adressé son formulaire de rupture conventionnelle à la DIRECCTE pour homologation, dès le jour de la signature, sans respecter le délai de rétractation du salarié qui doit être de 15 jours calendaires.

Or le non-respect du délai de rétractation du salarié est de nature à compromettre l’intégrité de son consentement.

Cela est d’autant plus vrai en l’espèce, que l’employeur reconnait lui avoir fait signer le même jour, 17 juillet 2019, une ‘indemnité transactionnelle’ par laquelle il ‘renonce à toute réclamation ou action contre la société SNC AVENIR ou ses dirigeants au sujet de son contrat ou de son licenciement’ moyennant une indemnité transactionnelle définitive de 250 euros brute, en réparation des préjudices dont Monsieur [T] a fait état, ce qui témoigne d’une réelle volonté de pression de l’employeur sur son salarié, ce dernier ayant en outre connaissance de son état de faiblesse en raison de l’hospitalisation récente de son épouse pour maladie grave.

Monsieur [T] a d’ailleurs expressément remis en cause la teneur de ses engagements par courrier du 23 août 2019, courrier par lequel il conteste également la date à laquelle le document aurait été signé.

La cour observe en outre, qu’au regard des circonstances incertaines entourant la signature du document de rupture conventionnelle produit par l’employeur, il ne peut être tiré aucun argument de la mention de la tenue d’un entretien préalable, ayant permis aux parties de discuter avant de s’engager mutuellement et au salarié, de se faire assister le cas échéant, par un conseiller.

Ainsi, alors que la SNC AVENIR n’établit pas la tenue d’un entretien préalable et alors qu’elle a envoyé son exemplaire de rupture conventionnelle à l’inspection du travail pour homologation, sans respecter le délai de rétractation du salarié qu’elle savait fragile, la rupture conventionnelle doit être déclarée nulle, en ce que le consentement du salarié a été vicié.

La SNC AVENIR demande subsidiairement à la cour de constater que le contrat de travail a été rompu par la démission du salarié remise en main propre le 31 juillet 2019.

Cependant, cette démission est manifestement équivoque au regard du contexte précédemment évoqué, Monsieur [T] l’ayant dénoncé dès le 23 août 2019, de sorte qu’elle ne peut produire effet.

De même, il convient de relever que l’employeur a, antérieurement à sa remise qui serait intervenue selon ses dires le 31 juillet 2019, sollicité l’homologation d’une rupture conventionnelle, de sorte qu’il ne justifierait pas, en tout état de cause avoir accepté cette démission, étant précisé que le contrat de travail s’est poursuivi au delà du 31 juillet 2019, puisque la SNC AVENIR a placé Monsieur [T] en congés payés du 2 au 18 août 2019.

Dès lors, la cour constate que le contrat de travail n’a pas été rompu par la démission de Monsieur [T].

La rupture conventionnelle déclarée nulle doit en l’espèce produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail

Sur les indemnités de rupture

La rupture du contrat de travail s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [T] disposant d’une ancienneté supérieure à 3 ans dans l’entreprise lors de la rupture, est en droit de percevoir la somme de 1.118,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, correspondant à un mois de salaire, ainsi qu’à la somme de 11,80 euros à titre de congés sur préavis.

Il est également en droit de percevoir la somme de 1.001,56 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, au regard du calcul effectué par le salarié, non contesté par l’employeur, dans son montant.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de ces chefs.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L 1235-3 du code du travail modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et en l’absence de réintégration de celui-ci dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème.

Il résulte de ce barème que, lorsque le licenciement est opéré par une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés et que le salarié a 3 années complètes d’ancienneté dans la société comme en l’espèce, l’indemnité doit être comprise entre 1 mois et 4 mois de salaire brut.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (42 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (3 ans et 5 mois), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (1.104 euros bruts), des circonstances de la rupture, mais également de l’absence de justification de sa situation professionnelle postérieure, il y a lieu de lui octroyer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard de la nullité de la convention de rupture conventionnelle prononcée par la cour, il y a lieu d’ordonner le remboursement par Monsieur [T] à la SNC AVENIR de la somme de 1.250 euros versée dans le cadre de cette convention.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée de l’ensemble de ces chefs.

En revanche, elle sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de M. [T] fondée sur l’article L1235-4 du Code du travail de remboursement à Pole Emploi par la Société AVENIR des allocations versées au salarié dans la limite de 6 mois, le texte n’étant pas applicable aux entreprises employant moins de 11 salariés.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande d’infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de condamner la SNC AVENIR à payer à Monsieur [G] [T] une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

L’employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [G] [T] de sa demande de requalification du contrat à durée indéterminée en contrat à durée indéterminée, de sa demande d’indemnité de requalification, de sa demande en remboursement des cotisations mutuelle, de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat et de sa demande de condamnation de l’employeur au remboursement des indemnités à l’organisme Pôle Emploi.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la rupture conventionnelle signée entre les parties est nulle,

Dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [G] [T] s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société AVENIR à payer à Monsieur [G] [T] les sommes suivantes :

-1.118,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 111,80 euros à titre de congés payés sur préavis,

-1.001,56 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

-3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-461,38 euros à titre de rappel de salaire du 19 août au 31 août 2019, outre 46,13 euros de

congés payés afférents.

Condamne Monsieur [T] à rembourser à la société AVENIR la somme de 1.250 euros versée au titre de la rupture conventionnelle,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la SNC AVENIR à payer à Monsieur [G] [T] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SNC AVENIR aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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