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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 21 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/
NL/FP-D
Rôle N° RG 20/02555 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFT64
[G] [K]
C/
CASINO MUNICIPAL DE[Localité 3]
Copie exécutoire délivrée
le :
21 SEPTEMBRE 2023
à :
Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE
Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Cannes en date du 30 Janvier 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00185.
APPELANT
Monsieur [G] [K], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Société FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] – CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et par Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Audric FROSIO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Entre le 10 mai 1997 et le 6 octobre 2016, la société Fermière du Casino Municipal de [Localité 3]-Casino Municipal de [Localité 3] (la société) a engagé M. [K] (le salarié) selon 977 contrats à durée déterminée d’usage dits ‘d’extra’ à temps partiel discontinus en qualité soit de chef de rang soit de maître d’hôtel.
Le 29 mars 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Cannes pour obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet outre le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 30 janvier 2020, le conseil de prud’hommes:
‘Dit et juge :
-Que toutes les demandes de Monsieur [K] portant sur des contrats de travail conclus avant le 29 mars 2016 sont prescrites ;
-Que toutes les demandes de rappel de salaire de Monsieur [K] antérieures au 29 mars 2015 sont prescrites ;
-Que les contrats de travail à durée déterminée à temps complet, dits d’extras, sont réguliers et conformes au code du travail et à la CCN des Casinos et Etablissements de Jeux ;
-Que la relation contractuelle a pris fin le 6 octobre 2016 avec l’arrivée du terme du contrat dit d’extra du même jour ;
-Que Monsieur [K] n’a jamais été contraint de se tenir à la disposition de la société
FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3]
En conséquence, déboute Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes ;
Dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de l’une ou l’autre partie ;
Condamne Monsieur [K] aux dépens.’
°°°°°°°°°°°°°°°°°
La cour est saisie de l’appel formé le 18 février 2020 par le salarié.
Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 31 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:
JUGER Monsieur [G] [K] recevable et bien fondé en son appel.
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement prud’homal du 30 janvier 2020 ET STATUANT A NOUVEAU :
-REQUALFIER la relation contractuelle à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée en temps complet.
-JUGER le licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif.
-CONDAMNER la S.A FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] au paiement des sommes suivantes :
-Rappel de salaire : 59 220,36 €
-Congés payés sur rappel de salaire : 5 922,04 €
-Indemnité de requalification : 1 986,88 €
-Indemnité compensatrice de préavis : 3 973,76 €
-Congés payés sur préavis : 397,38 €
-Indemnité légale de licenciement : 11 190,09 €
-Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1 986,88 €
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 000,00 €
-CONDAMNER la S.A FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] à délivrer sous astreinte de 100 € par jour de retard la délivrance des documents suivants rectifiés :
-Certificat de travail,
-Attestation pour le POLE EMPLOI, – Bulletins de paye.
-CONDAMNER la S.A FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] au paiement des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, avec capitalisation.
-CONDAMNER la S.A FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] au paiement de la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du C.P.C. et aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 25 septembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Cannes en date du 30 janvier 2020 en ce qu’il a dit et jugé :
-Que toutes les demandes de Monsieur [K] portant sur des contrats de travail conclus avant le 29 mars 2016 sont prescrites ;
-Que toutes les demandes de rappel de salaire de Monsieur [K] antérieures au 29 mars 2015 sont prescrites ;
-Que les contrats de travail à durée déterminée, dits d’extras, sont réguliers et conformes au Code du travail et à la Convention collective nationale des Casinos et Etablissements de Jeux;
-Que la relation contractuelle a pris fin le 6 octobre 2016 avec l’arrivée du terme du contrat dit d’extra du même jour ;
-Que Monsieur [K] n’a jamais été contraint de se tenir à la disposition de la société FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] ;
-Et a en conséquence débouté Monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
-INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Cannes en date du 30 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la société FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dès lors :
A TITRE LIMINAIRE, SUR LA PRESCRIPTION DES DEMANDES DE MONSIEUR [K],
1. SUR LA PRESCRIPTION DE LA DEMANDE DE REQUALIFICATION EN CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE INDETERMINEE
-CONSTATER que Monsieur [K] a saisi le Conseil de prud’hommes de Cannes en date du 29 mars 2018 ;
Dès lors,
-DIRE ET JUGER que toutes les demandes de Monsieur [K] portant sur des contrats de travail conclus avant le 29 mars 2016 sont prescrites ;
-DIRE ET JUGER que les relations de travail antérieures au 29 mars 2016 sont nécessairement des relations de travail selon des contrats de travail à durée déterminée.
En conséquence,
-DEBOUTER Monsieur [K] de ses demandes à ce titre.
2. SUR LA PRESCRIPTION DE LA DEMANDE DE RAPPEL DE SALAIRES
-CONSTATER que Monsieur [K] a saisi le Conseil de prud’hommes de Cannes en date du 29 mars 2018 ;
Dès lors,
-DIRE ET JUGER que toutes les demandes de Monsieur [K] antérieures au 29 mars 2015 sont prescrites.
En conséquence,
-DEBOUTER Monsieur [K] de ses demandes à ce titre.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
-DIRE ET JUGER que la société FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] a parfaitement respecté ses obligations en ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée dits d’extras conclus avec Monsieur [K] ;
-DIRE ET JUGER que la relation contractuelle entre Monsieur [K] et la société FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] a pris fin le 6 octobre 2016 avec l’arrivée du terme du contrat dit d’extra du même jour ;
-DIRE ET JUGER que Monsieur [K] n’a jamais été contraint de se tenir à la disposition de la société FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3].
En conséquence,
-DEBOUTER Monsieur [K] de sa demande de requalification de sa relation contractuelle à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;
-DEBOUTER Monsieur [K] de l’ensemble de ses prétentions ;
Y AJOUTANT :
-CONDAMNER Monsieur [K] à verser à la société FERMIERE DU CASINO MUNICIPAL DE [Localité 3] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
-CONDAMNER Monsieur [K] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 mai 2023.
MOTIFS
1 – Sur la prescription de l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
L’article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, dispose s’agissant de l’exécution du contrat de travail:
‘Toute action portant sur l’exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
(…)’.
La loi du 14 juin 2013, qui a ainsi réduit de cinq à deux ans le délai de la prescription, prévoit en outre que les dispositions du nouvel article L.1471-1 du code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder cinq ans.
Le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée se détermine selon le fondement de l’action.
En l’espèce, la société oppose à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Pour statuer sur la fin de non-recevoir, il revient à la cour d’examiner chacun des trois fondements différents que le salarié invoque à l’appui de sa demande.
1.1. Sur les motifs de recours aux contrats à durée déterminée
Si l’action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription se situe au jour du terme du dernier contrat en cas de succession de contrats à durée déterminée.
En l’espèce, le salarié invoque un moyen reposant sur l’absence de motif à l’occasion de la conclusion des contrats à durée déterminée.
La cour dit en conséquence que le point de départ de l’action du salarié fondé sur le motif de recours aux contrats à durée déterminée se situe au 6 octobre 2016, ce dont il résulte que le salarié disposait d’un délai expirant le 6 octobre 2018.
En retenant que le salarié a introduit l’instance devant le conseil de prud’hommes le 29 mars 2018, il y a lieu de dire, en infirmant le jugement déféré, que l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’est pas prescrite en ce qu’elle est fondée sur le motif de recours aux contrats à durée déterminée.
Il s’ensuit que le moyen tiré du motif de recours aux contrats à durée déterminée sera examiné au fond.
1.2. Sur le formalisme des contrats à durée déterminée
L’article L. 1242-12 du code du travail prévoit que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit.
La signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée.
Le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la conclusion du contrat à durée déterminée lorsque l’action en requalification est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification.
En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de son moyen tiré du non-respect du formalisme que des centaines de contrats à durée déterminée ne comportent pas sa signature, ces contrats ayant été conclus au cours des années 2005, 2007, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013.
Compte tenu des dispositions transitoires rappelées ci-dessus, la cour dit que le salarié était prescrit lorsqu’il a saisi le conseil de prud’hommes le 29 mars 2018 sur le fondement du formalisme des contrats à durée déterminée conclus au cours des années 2005, 2007, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013.
En conséquence, le moyen tiré du formalisme ne sera pas examiné au fond.
1.3 Sur les dispositions conventionnelles
Le salarié fait valoir un ultime moyen reposant sur l’article 26 de la convention collective nationale des casinos qui dispose:
‘Les contrats de travail sont conclus pour une durée indéterminée. En application des dispositions légales et dans le cadre qu’elles définissent, ils peuvent cependant être conclus pour une durée déterminée de temps.
Lorsqu’ils sont conclus pour une durée déterminée, les contrats de travail doivent comprendre les mentions obligatoires prévues par la législation en vigueur.
En raison de la nature de l’activité des casinos, la présente convention reconnaît l’existence d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée. Les casinos peuvent donc, dans les conditions prévues par l’article L. 122-1-1, 3e alinéa, du code du travail avoir recours au contrat à durée déterminée pour des tâches précisées dans le contrat de travail individuel.
Sans préjudice du délai de contestation du salarié en application de l’article L. 122-3-13 du code du travail, les conditions particulières d’emploi des extra et des saisonniers sont précisées ci-dessous (1).
a) Les extra
L’emploi d’extra qui, par nature, est temporaire, est régi par les dispositions de l’article L.122-1-1, 3e alinéa, du code du travail. Le contrat d’extra n’a pas vocation à pourvoir au remplacement de salariés absents.
Un extra est engagé pour la durée nécessaire à la réalisation de la mission qui lui est confiée. Il peut être occupé dans un établissement quelques heures, une journée entière ou plusieurs journées consécutives.
L’amplitude maximale journalière de l’emploi d’un extra ne peut excéder 12 heures consécutives.
En outre, l’extra ne peut être employé plus de 6 jours consécutifs.
Un salarié extra qui se verrait confier par la même entreprise des missions, dans le cadre de contrats de travail distincts, pendant plus de 20 jours dans un même mois civil (2) peut demander la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée ou saisonnier, tenant compte de son activité antérieure et de la variabilité et/ou de la saisonnalité de l’emploi auquel il a été affecté.
Le salaire de l’extra ne pourra en aucun cas être inférieur au salaire horaire pratiqué dans l’entreprise pour le poste correspondant.
b) Contrat de travail saisonnier
Le contrat de travail saisonnier concerne les salariés embauchés pour plus de 1 mois à temps complet ou partiel, pour tout ou partie de la saison. Il est dénommé salarié saisonnier.
Le contrat saisonnier ne peut excéder 8 mois : il doit définir la durée minimale pour laquelle il est conclu, sauf s’il est conclu de date à date.
Le salarié qui souhaite effectuer une nouvelle saison doit en faire la demande écrite par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard 3 mois avant la date prévue pour le début de la saison. L’employeur doit lui répondre par lettre recommandée avec avis de réception, au plus tard 2 mois après réception de ce courrier.
À défaut de réponse, un nouveau contrat est conclu dans le même emploi ou un emploi équivalent pour la durée de la saison correspondant à celle des autres salariés saisonniers.
Les conditions particulières pour les logements des saisonniers, s’il y a lieu, sont mentionnées sur le contrat de travail.’
Force est toutefois de constater que le salarié ne présente aucune observation sur le fait qu’a été exclu de ces dispositions, comme étant contraire aux dispositions de l’article L. 122-3-13 du code du travail, l’alinéa relatif aux conditions particulières d’emploi des extra et des saisonniers, et notamment la requalification en contrat à durée indéterminée lorsqu’un salarié extra se voit confier par la même entreprise des missions, dans le cadre de contrats de travail distincts, pendant plus de 20 jours dans un même mois civil.
Dans ces conditions, la cour dit que les dispositions conventionnelles invoquées ne constituent pas un moyen de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription se trouve donc sans objet et le moyen tiré de ce chef ne sera donc pas examiné au fond.
2 – Sur le bien-fondé de l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Selon l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié (1°), l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).
Il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles de l’article D. 1242-1 que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.
Pour autant, le recours à l’utilisation de contrats successifs doit être justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, de sorte que l’article L.1242-1 précité est applicable aux contrats d’usage nonobstant les accord spécifiques régissant ces contrats dans des secteurs déterminés.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve tant de l’existence d’un usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée pour l’emploi concerné que du caractère par nature temporaire de cet emploi.
A défaut, le contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée en vertu de l’article L.1245-1 du code du travail.
En l’espèce, et à l’appui du seul moyen qui ne rend pas la demande prescrite comme il a été précédemment dit, le salarié soutient que les conditions de recours aux contrats à durée déterminée d’usage dits ‘d’extra’ n’ont pas été remplies en ce que son emploi n’était pas temporaire et qu’il a occupé un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise; qu’il a toujours travaillé sur le même poste pendant chaque mois de 1997 à 2005 en qualité de chef de rang et d’avril 2005 jusqu’au 6 octobre 2016 en qualité de maître d’hôtel; que ces fonctions doivent être réalisées durant toute la période d’activité de la société qui consiste pendant l’année à organiser des événements et qui ne présente donc aucun caractère aléatoire; que le salarié s’est toujours tenu à la disposition de la société et qu’il n’a jamais travaillé pour le compte d’un autre employeur.
La société s’oppose à la requalification en soutenant que les contrats à durée déterminée ont été conclus pour des motifs réguliers.
La cour constate d’abord qu’il n’est pas contesté que:
– le salarié a été engagé par la société dans le cadre de son activité dédiée à l’organisation de banquets et de congrès dans le cadre d’événements au sein du Palais des Festivals de [Localité 3], laquelle ne présente pas un caractère permanent pour ne pas se confondre avec les activités de restauration développées au sein de l’établissement ‘Le Café Croisette’ et de la cafétéria mise à la disposition des salariés;
– la société relève d’un secteur d’activité dans lequel il est possible de recourir à des contrats à durée déterminée d’usage par application de l’article D.1242-1 du code du travail et de la convention collective nationale des casinos de sorte que les contrats à durée déterminée d’usage dits ‘d’extra’ ont pu être conclus.
Ensuite, il convient de relever après analyse des écritures des parties et des pièces du dossier que le salarié a été engagé selon 977 contrats à durée déterminée de manière discontinue entre le 10 mai 1997 et le 6 octobre 2016 pour des durées mensuelles de travail parfois inexistantes (par exemple aucune heure en août- septembre-octobre 2004, en juillet-août-septembre 2006, en mars-avril-juin-juillet-août-septembre-novembre-décembre 2015).
Enfin, la société justifie que les engagements du salarié correspondent à des événements particuliers et ponctuels pour lesquelles elle devait assurer la restauration, et notamment la soirée de gala de la convention [J] qui a conduit à conclure avec le salarié des contrats à durée déterminée pour les 20 et 21 septembre 2016.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société rapporte la preuve tant de l’existence d’un usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée pour les emplois occupés par le salarié que du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Il s’ensuit que nonobstant le nombre très élevé de contrats à durée déterminée conclus entre les parties, le salarié n’a pas occupé un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société dans le cadre des contrats à durée déterminée en litige.
En conséquence, la cour dit que la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée et en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes.
La cour, en infirmant le jugement déféré, dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à la demande de rappel de salaire.
3 – Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge du salarié les dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le salarié est condamné aux dépens d’appel.
L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a jugé que les demandes portant sur les contrats de travail conclus avant le 29 mars 2016 sont prescrites,
STATUANT sur le chef infirmé,
DIT que l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée exercée sur le fondement du formalisme des contrats à durée déterminée conclus au cours des années 2005, 2007, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 est prescrite,
DIT que l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée exercée sur le fondement du motif de recours aux contrats à durée déterminée n’est pas prescrite,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il jugé que les demandes de rappels de salaire antérieures au 29 mars 2015 sont prescrites,
STATUANT sur le chef infirmé,
DIT qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à la demande de rappel de salaire,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Y AJOUTANT,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel,
CONDAMNE M. [K] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT