Contrat à durée déterminée d’usage : 21 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00097

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Contrat à durée déterminée d’usage : 21 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00097
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 21 JUIN 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 23/00097 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NB4I

Madame [F] [J]

c/

S.A.S. DMF ASLES & MARKETING

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 05 janvier 2023 (R.G. n°R 22/00045) par le Conseil de Prud’hommes – Formation Référé de PERIGUEUX,, suivant déclaration d’appel du 05 janvier 2023,

APPELANTE :

Madame [F] [J]

née le 22 Octobre 1950 à [Localité 3] (62) de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Patrick HOEPFFNER de la SELARL HOEPFFNER, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

S.A.S. DMF ASLES & MARKETING prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 489 .25 2.4 38.

Représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Hélène OBALDIA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [F] [J], née en 1950, a été engagée en qualité d’agent de promotion aux termes d’un contrat à durée indéterminée en date du 3 mai 2004 par la société DMF Sales and Marketing (DMF SAM), dont l’activité de prestation de services dans le domaine commercial, telle que l’animation et la promotion des ventes, est régie par la convention nationale collective des prestataires de services du secteur tertiaire.

Ayant pris sa retraite le 31 octobre 2010, Mme [J] a toutefois poursuivi son activité pour le compte de la société DMF SAM dans le cadre d’un nouveau contrat à durée indéterminée présentant un caractère intermittent en date du 1er novembre 2010, au titre d’un cumul emploi-retraite.

Demandant la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein et la condamnation de l’employeur à lui verser des rappels de salaire et des remboursements de frais kilométriques, Mme [J] a saisi le 3 août 2015 le conseil de prud’hommes de Périgueux qui, par jugement rendu en sa formation de départage le 7 septembre 2017, a :

– condamné la société DMF SAM à verser à Mme [J] la somme de 60,32 euros au titre du remboursement des indemnités journalières ainsi que celle de 436,41 euros en remboursement de indemnités kilométriques,

– débouté Mme [J] du surplus de ses demandes.

Ensuite de l’appel interjeté le 28 septembre 2017 par Mme [J], la cour d’appel de Bordeaux par arrêt rendu le 31 mars 2021 , a :

-infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société DMF SAM à verser à Mme [J] des indemnités kilomètriques et l’a déboutée de sa demande en annulation de la sanction disciplinaire,

– requalifié les contrats de travail à temps partiel de Mme [J] des 3 mai 2004 et 1er novembre 2010 en contrat de travail à temps plein,

– condamné la société DMF SAM à verser à Mme [J], à titre de rappel les sommes suivantes :

pour 2011: 5 398,72 euros outre 539,87 au titre des congés payés afférents,

pour 2012: 10 943,86 euros outre 1 094,38 euros au titre des congés payés afférents,

pour 2013 :12 004,97euros outre 1 200,45 euros au titre des congés payés afférents,

pour 2014: 13 890,97 euros outre 1 389,09 euros au titre des congés payés afférents,

pour 2015: 13 134,19 euros outre 1 313,41 euros au titre des congés payés afférents,

pour 2016 : 13 892,25 euros outre 1 389,22 euros au titre des congés payés afférents,

pour 2017: 7 435,27 euros outre 743,52 euros au titre des congés payés afférents,

– débouté Mme [J] de sa demande tendant à l’actualisation de ses demandes de rappel de salaire au jour du jugement ,

– ordonné la remise de bulletins de salaire rectifiés,

– rejeté la demande d’astreinte,

– dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

– dit que ces intérêts seront capitalisés,

– condamné la société DMF SAM à verser à Mme [J] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Sollicitant le paiement de la somme de 35 141,85 euros à titre de provision sur rappel de salaire pour la période comprise entre décembre 2019 et juillet 2022 outre les congés payés afférents ainsi que la somme de 467,58 euros à titre de provision sur rappel d’indemnités kilométriques et la délivrance des bulletins de salaire rectifiés, le tout assorti d’une astreinte de 500 euros par jour de retard, Mme [J] a assigné, le 22 novembre 2022, la société DMF SAM devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de Périgueux, qui par ordonnance rendue 5 janvier 2023 a dit n’y avoir lieu à référé eu égard à l’existence de contestations sérieuses avant de se déclarer incompétente.

Par déclaration du 5 janvier 2023, Mme [J], a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 mars 2023, Mme [J] demande à la cour de :

Réformer l’ordonnance déférée,

statuant à nouveau,

ordonner à la société DMF SAM, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, de :

payer la somme de 36 178, 55 euros à titre de provision sur rappel de salaire pour la période comprise entre décembre 2019 et juillet 2022 outre celle de 3 617,85 euros au titre des congés payés afférents,

payer la somme de 479,16 euros à titre de provision sur rappel d’indemnités kilométriques,

de lui remettre des bulletins de salaire rectifiés pour la période indiquée,

débouter la société DMF SAM de ses prétentions,

de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile outre à supporter les dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 février 2023, la société DMF SAM demande à la cour de :

*confirmer l’ordonnance dont appel,

*constater l’absence d’urgence et de dommage imminent ou trouble illicite,

*constater l’existence de contestations sérieuses,

en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de rappel de salaire et d’indemnités kilométriques antérieures à novembre 2019,

en tout état de cause,

*débouter Mme [J] de l’ensemble de ses demandes,

*condamner Mme [J] au versement d’une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’à supporter la charge des dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de provision au titre des rappels de salaire et des indemnités kilométriques

Mme [J] sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 36 178, 55 euros à titre de provision sur rappels de salaire pour la période non prescrite de décembre 2019 à juin 2022 en prenant pour salaire de référence, celui retenu par la cour d’appel de céans dans son arrêt du 31 mars 2021, ayant statué pour la période comprise entre 2011 et 2017, après avoir requalifié les contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet. Elle affirme que l’employeur, malgré cette condamnation qui s’impose à lui, persiste à lui régler son salaire sur la base d’un temps partiel.

Elle réfute les arguments de l’employeur selon lequel elle serait soumise depuis avril 2018 à un régime de CIDDU ou de CDII et non à un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet consécutivement à l’accord de rupture conventionnelle collective passé entre la société et la CFTC le 29 mars 2018 et qui aurait été validé par la DIRRECTE, selon les affirmations de l’employeur. Elle considère qu’en tout état de cause, la société ne peut se prévaloir de cet accord dans la mesure où il a été conclu antérieurement à l’arrêt de la cour de céans ayant requalifié son contrat de travail en contrat à temps plein et soutient que les contrats de travail sur lesquels se fonde la société pour justifier du paiement partiel de ses salaires ne porte ni sa signature ni la mention manuscrite témoignant de son accord.

Elle sollicite également le paiement de la somme de 479,16 euros à titre de provision sur rappel d’indemnités kilométriques en produisant un tableau détaillé des kilomètres parcourus, de ceux réglés par l’employeur et de ceux restant à régler.

En réplique, l’employeur conclut qu’ensuite de la procédure contentieuse, la salariée a poursuivi la relation de travail dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée d’usage à temps partiel signés entre 2019 et 2022. Il considère qu’aucune urgence ne caractérise l’action de Mme [J] en ce que cette dernière s’est abstenue de solliciter avant la procédure en cause, le versement de salaires sur la base d’un temps complet pour la période comprise entre 2018 et 2021 et a tardé pour réclamer les mêmes salaires pour la période comprise entre 2019 et 2022 alors qu’elle a été destinataire du règlement des condamnations et du récapitulatif des salaires dès le mois de mai 2021. Il argue de l’existence de contestations sérieuses en raison en premier lieu, de la prescription des demandes relatives aux salaires et indemnités kilométriques antérieures à novembre 2019. En deuxième lieu, il fait état du caractère erroné des décomptes produits par la salariée qui réclame le paiement de salaires à temps complet alors que d’une part, elle a travaillé dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée à temps partie, tel que cela ressort de ses bulletins de salaire sur lesquels apparaissent des indemnités de fin de contrat et des indemnités compensatrices de congés payés, et d’autre part, elle a pu être en arrêt maladie pendant certaines périodes. Il avance en troisième lieu qu’il existe une contestation sérieuse quant à la nature du contrat de travail de Mme [J] qui, ayant refusé de rompre sa relation contractuelle avec la société comme elle en avait la possibilité aux termes de l’accord de rupture conventionnelle collective signé en 2018 et homologué par la DIRRECTE, a accepté la novation de son contrat de travail en contrat de travail à durée déterminée d’usage, raison pour laquelle son ancienneté à été conservée.

* * *

Il résulte des articles R.1455-5 et suivants du code du travail que dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend et qu’en présence d’une contestation sérieuse , elle peut toujours prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Elle peut également accorder une provision lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

En l’espèce, la salariée fonde sa demande sur le contrat de travail en date du 1er novembre 2010, requalifié à temps plein par la cour de céans le 31 mars 2021.

De son côté, l’employeur fait valoir que la relation contractuelle s’est poursuivie entre 2019 et 2022 dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage à temps partiel.

Il ressort en effet des bulletins de salaire produit par Mme [J], qu’à compter du mois d’avril 2020 une indemnité de fin de contrat ainsi qu’une indemnité de congés payés « CDD » de 10 % lui ont été versées chaque mois de sorte que la cour constate à l’instar des premiers juges que manifestement il existe une contestation sérieuse quant à la nature du contrat de travail liant les parties à partir de cette date.

Par conséquent, la formation de référé du conseil des prud’hommes n’était pas compétente pour statuer sur la demande de Mme [J] au titre des rappels de salaire et sa décision sera confirmée.

S’agissant des indemnités kilométriques, Mme [J] fournit un tableau détaillé des kilomètres parcourus, de ceux réglés par l’employeur et de ceux restant à régler ainsi que ses bulletins de salaire auxquels sont annexés les décomptes précis des distances parcourues pour accomplir ses missions de sorte qu’en l’absence de contestation sérieuse sur ce point, l’employeur évoquant un décompte erroné sans autre précision, il convient de faire droit à la demande de la salariée qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse. En conséquence, il convient d’ordonner à la société de verser cette provision à l’appelante sans qu’il soit besoin de l’assortir d’une astreinte.

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de ce qui précède, Mme [J] sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui remettre, sous astreinte, les bulletins de salaire rectifiés.

La décision de première instance sera confirmée de ce chef.

La société, partie perdante, supportera les dépens et sera condamnée à verser à Mme [J] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La décision dont appel sera infirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l’ordonnance déférée en ce que le conseil des prud’hommes s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de provision relative aux rappels de salaire considérant qu’il existait manifestement une contestation sérieuse s’agissant de la nature du contrat de travail et a renvoyé les parties à se pouvoir au fond,

Infirme l’ordonnance déférée en ce que le conseil des prud’hommes s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de provision relative au rappel d’indemnités kilométriques et a débouté Mme [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Ordonne à la société DMF SAM de verser à Mme [J] la somme de 479,16 euros à titre de provision sur rappel d’indemnités kilométriques,

Déboute Mme [J] de sa demande tendant à obtenir de l’employeur, sous astreinte, la remise des bulletins de salaire rectifiés,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société DMF SAM de verser à Mme [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et en cause d’appel,

Condamne la société DMF SAM aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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