Contrat à durée déterminée d’usage : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 20/00533

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Contrat à durée déterminée d’usage : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 20/00533
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RUL/CH

[L] [H]

C/

S.A.S. MICHEL VOYAGES prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00533 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FST6

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 29 Octobre 2020, enregistrée sous le n° 20/00017

APPELANTE :

[L] [H]

Lieu-dit [Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Sophia BEKHEDDA, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S. MICHEL VOYAGES prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

ZONE INDUSTRIELLE

[Localité 2]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Harmonie TROESTER, avocat au barreau de DIJON, et Me Marc TURQUAND D’AUZAY, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société MICHEL VOYAGES exerce une activité d’agence de voyages et emploie environ 50 salariés.

Depuis le mois de mars 2020, elle n’a plus d’activité.

Mme [L] [H] a été régulièrement embauchée par la société MICHEL VOYAGES en qualité de guide accompagnateur de 2ème catégorie dans le cadre de contrats à durée déterminée dits d’usage, emploi régi par les dispositions de l’accord collectif professionnel du 29 avril 2016 étendu.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective des guides accompagnateurs des agences de voyage.

Par requête du 30 janvier 2020, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Mâcon aux fins de repositionnement au poste de guide accompagnateur de 1ère catégorie, requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, paiement de diverses sommes au titre de cette requalification et de la rupture du code du travail, outre une demande salariale.

Par jugement du 29 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a rejeté la totalité des demandes de la salariée et l’a condamnée à payer à la société MICHEL VOYAGES la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration formée le 11 décembre 2020, Mme [H] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 2 septembre 2021, l’appelante demande de :

– infirmer le jugement déféré,

Sur la requalification des CDD et la rupture du contrat de travail :

– juger que la relation contractuelle par contrat à durée déterminée depuis le 10 mars 2006 s’est déroulée de manière continue,

– requalifier la relation de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée à effet au 10 mars 2006,

– condamner la société MICHEL VOYAGES à lui payer la somme nette de 2 152,44 euros à titre d’indemnité de requalification, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir,

– juger que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée intervenue le 24 juillet 2019 en l’absence d’énonciation de motifs et sans respect de la procédure de licenciement s’analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société MICHEL VOYAGES à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter de la demande :

* 2 152,44 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 215,24 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 3 946,14 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

Sur l’indemnisation :

A titre principal,

– écarter l’application des barèmes de l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de leur inconventionnalité,

– condamner la société MICHEL VOYAGES à lui payer la somme de 19 371,96 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 18 mois de salaire, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

– condamner la société MICHEL VOYAGES à lui payer la somme de 12 376,53 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 11, 5 mois de salaire, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir,

En toutes hypothèses,

– débouter la société MICHEL VOYAGES de ses entières demandes, fins et prétentions,

– la condamner à lui payer la somme de 6 995,43 euros nets à titre de dommages-intérêts en raison de la violation du droit à l’emploi,

– la condamner à lui remettre un certificat de travail pour l’année 2019,

Sur l’exécution du contrat de travail :

– juger que Mme [H] n’était pas correctement positionnée par la société MICHEL VOYAGES au vu de ses missions et des responsabilités assumées à son poste de guide accompagnateur de seconde catégorie,

– fixer sa classification à la première catégorie de la classification conventionnelle des agents de voyage,

– condamner la société MICHEL VOYAGES à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts de droit à compter de la demande :

* 2 828 euros bruts à titre de rappel de salaire afférent à ce repositionnement à effet au 19 mai 2009, outre 282,80 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– la condamner en tout état de cause à lui payer la somme de 7 500 euros nets à titre de dommages-intérêts en raison de l’exécution déloyale et fautive du contrat de travail et de la violation de l’obligation de sécurité,

– la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance y compris les frais d’exécution.

Aux termes de ses dernières écritures du 2 juin 2021, la société MICHEL VOYAGES demande de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

à titre principal sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée :

– juger que les contrats de travail à durée déterminée d’usage de Mme [H] ne doivent pas être requalifiés en un contrat à durée indéterminée et rejeter les demandes de la salariée à titre de :

– indemnité de requalification,

– indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

– indemnité légale de licenciement,

– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

– limiter les sommes qui pourraient être dues à Mme [H] aux montants suivants :

– indemnité de requalification : 1 076,22 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 2 152,44 euros outre 215,24 euros au titre des congés payés afférents,

– indemnité légale de licenciement : 3 699,50 euros,

– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3 mois de salaire soit 4 423,26 euros,

à titre principal sur la demande de rappel de salaire :

– juger que Mme [H] ne justifie pas avoir occupé des fonctions de guide-accompagnateur de 1ère catégorie et rejeter la demande afférente tant en principal qu’en indemnité compensatrice de congés payés,

à titre principal sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

– juger que la demande de rappel de salaire n’engendre pas de réparation au-delà du rappel de salaire et des intérêts de retard,

– juger que Mme [H] ne démontre pas de préjudice lié à une quelconque violation de l’obligation de sécurité de l’employeur et rejeter la demande afférente,

à titre subsidiaire sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

– ramener la demande à de plus juste mesure qui ne saurait excéder la somme de 500 euros,

– rejeter la demande de Mme [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer la somme de 300 euros au titre de la procédure devant le conseil de prud’hommes et la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de la procédure d’appel.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I -Sur le repositionnement en qualité de guide accompagnateur de 1ère catégorie :

Mme [H] soutient que son contrat de travail et ses bulletins de salaires indiquent qu’elle occupait le poste de guide accompagnateur de 2ème catégorie et ce durant toute la relation contractuelle bien que ne correspondant pas à sa situation ni aux fonctions et responsabilités réellement exercées, à savoir :

– la préparation et l’accompagnement de circuits de voyages des voyageurs à l’étranger, proposés par la société MICHEL VOYAGES à ses clients sur des circuits déterminés,

– dans certains cas un “passage de relais” avec les guides étrangers qui, dans le pays de destination, effectuaient eux-mêmes le guidage culturel sur place, la salariée ayant alors pour rôle d’assister les clients sur le plan logistique et de faire le lien entre les différents prestataires,

– pour d’autres types de voyages une mission d’accompagnatrice et un rôle de guide durant le circuit,

ce qui, selon elle, relève de la qualification de guide-accompagnateur de 1ère catégorie, à savoir l’organisation quotidienne des détails pratiques sur place et l’assistance pratique aux voyageurs, les commentaires culturels à bord de l’autocar et sur certains sites.

Elle ajoute que les commentaires nécessitaient en amont un travail de préparation important non rémunéré par l’employeur impliquant des recherches, des achats à ses propres frais de matériels, livres et documentations diverses et d’être en capacité de répondre à toutes les demandes des clients, notamment sur les spécificités du pays visité.

Enfin, en cas de problèmes de passages de frontières ou de formalités diverses, il lui appartenait d’intervenir et de régler tout problème en langue étrangère.

L’employeur oppose qu’en application de la convention collective, la qualification applicable à Mme [H] est celle de guide-accompagnateur de 2ème catégorie dans la mesure où ce qui distingue la première et la deuxième catégorie tient à la responsabilité du guide et à son autonomie, le guide de 1ère catégorie faisant profession de conduire des voyages pour le compte d’une organisation qu’il représente avec la responsabilité de toutes initiatives ou décisions utiles en vue de la bonne marche du circuit et des intérêts qui lui sont confiés alors que le guide de 2ème catégorie est seulement chargé de conduire les voyageurs au terme d’un circuit et de veiller à la bonne exécution du programme établi par l’agence, conformément aux instructions qui sont données.

Il ajoute préparer lui-même à l’avance et de manière très précise les voyages qu’il organise et lorsqu’il ne les organise pas, c’est une agence locale qui le fait et c’est un guide local qui assure la prestation, de sorte que Mme [H] ne dispose de presque aucune autonomie si ce n’est vérifier que le voyage se passe bien mais sans pouvoir décisionnel significatif quant à son déroulement.

Il précise que :

– cette absence d’autonomie résulte de son contrat de travail, lequel stipule en son article VII que « aucune modification de programme n’est autorisée sans accord préalable des responsables de production (responsables de la mise en place des itinéraires et du choix des prestataires) »,

– même si un itinéraire d’autocar devait subir un changement notable, le conducteur en informerait son responsable ou le chef d’entreprise et, s’agissant des trajets, les éventuelles décisions sont prises, in fine, par le conducteur, responsable de la sécurité du véhicule et des passagers.

La convention collective des Agents de tourisme définit les fonctions de «Guide accompagnateur» en deux catégories comme suit :

“Guide accompagnateur 1ère catégorie : Technicien du tourisme ayant des connaissances éprouvées de l’hôtellerie, des formalités de frontières, de la vie publique, des traditions, des richesses touristiques du pays et des régions visitées et qui fait profession de conduire des voyages touristiques et d’études collectifs ou privés, en France ou à l’étranger, pour le compte ou au nom d’une organisation qu’il a charge de représenter avec responsabilités de toutes initiatives ou décisions utiles en vue de la bonne marche du circuit et des intérêts qui lui sont confiés. Doit connaître au moins une langue étrangère.

Guide accompagnateur 2ème catégorie : Est chargé de conduire les voyageurs de bout en bout d’un circuit et de veiller à la bonne exécution du programme établi par l’agence, conformément aux instructions qui sont données. Il parle couramment au moins une langue étrangère et doit posséder sur chacun des pays traversés des connaissances suffisantes pour répondre aux questions d’ordre général qui peuvent lui être posées par les clients”.

Avec la société MICHEL VOYAGES, la cour relève que ce qui distingue les deux catégories tient au fait que le guide accompagnateur de 1ère catégorie “fait profession de conduire des voyages touristiques et d’études collectifs ou privés, en France ou à l’étranger, pour le compte ou au nom d’une organisation qu’il a charge de représenter avec responsabilités de toutes initiatives ou décisions utiles en vue de la bonne marche du circuit et des intérêts qui lui sont confiés”, ce qui implique effectivement un niveau de responsabilité, d’initiative et d’autonomie supérieur au guide-accompagnateur de 2ème catégorie dont la fonction se limite à conduire les voyageurs au terme d’un circuit et de veiller à la bonne exécution du programme établi par un autre, en l’occurrence l’agence, et ce conformément aux instructions qui lui sont données.

A cet égard, Mme [H] indique elle-même dans ses écritures qu’elle avait la charge d’accompagner les circuits de voyages proposés, et donc organisés, par la société MICHEL VOYAGES à ses clients sur des circuits déterminés, de sorte qu’elle n’avait aucune responsabilité dans leur définition.

Par ailleurs, les “passages de relais” avec les guides locaux étrangers, l’assistance aux clients sur le plan logistique, le lien entre les différents prestataires, l’organisation quotidienne des détails pratiques sur place et l’assistance pratique aux voyageurs ainsi que les commentaires culturels à bord de l’autocar et sur certains sites relèvent en réalité du coeur de métier d’un guide-accompagnateur et ne caractérisent nullement un pouvoir d’initiative et une autonomie de nature à justifier un reclassement en 1ère catégorie.

Il en est de même du travail de préparation allégué, et incidemment de la capacité d’un guide-accompagnateur de répondre à toutes les demandes des clients, notamment sur les spécificités du pays visité et sa capacité à intervenir en cas de problème aux frontières ou de formalités diverses.

En conséquence, Mme [H] ne justifiant pas qu’elle fait profession de conduire des voyages touristiques et d’études collectifs ou privés, en France ou à l’étranger, pour le compte ou au nom d’une organisation qu’il a charge de représenter avec responsabilités de toutes initiatives ou décisions utiles en vue de la bonne marche du circuit et des intérêts qui lui sont confiés au sens de la convention collective applicable, elle ne peut donc prétendre à la qualification de guide-accompagnateur de 1ère catégorie.

Ses demandes à ce titre et à titre de rappel de salaires et congés payés afférents seront en conséquence rejetées, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

II – Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée :

– Sur la qualification de la relation de travail :

Mme [H] sollicite la requalification de l’ensemble de ses contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 mars 2006, début de la relation contractuelle continue, aux motifs :

– d’une part qu’elle a été embauchée par la société MICHEL VOYAGES de manière quasi continue depuis cette date (pièces 1.1 à 1.15) sur la base de multiples contrats de travail temporaires, contrats à durée déterminée classiques puis contrats à durée déterminée d’usage irréguliers en leur forme car ceux-ci :

* ne respectent pas l’article 4.3 de l’accord collectif de 2016, c’est-à-dire « les raisons objectives du recours au CDD d’usage », le « numéro d’objet », ni « la précision sur le caractère par nature temporaire de l’emploi considéré »,

* qu’ils avaient tous pour objet l’exécution de la mission de guide accompagnateur auprès des clients,

* ne mentionnent pas le statut du salarié (cadre ou non cadre), la « pâme de contrat du CDDU », l’obligation de présentation de l’attestation d’aptitude au travail délivrée par le médecin du travail ni du lieu de dépôt de la déclaration préalable à l’embauche dont copie doit être remise au salarié qui en fait la demande,

– d’autre part qu’elle occupait en réalité un emploi permanent et durable au sein de l’entreprise. (pièces 1 à 1.15, 2.1 à 2.15)

L’employeur oppose que d’octobre 2005 à juillet 2019, Mme [H] a été régulièrement embauchée en qualité de guide-accompagnateurs de 2ème catégorie par différents contrats à durée déterminée d’usage, à savoir des contrats de travail pouvant être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois conformément à l’article L 1242-2 du code du travail, et ce sous réserve que l’entreprise relève d’un des secteurs d’activité concernés, de l’existence d’un usage constant et du caractère temporaire de l’emploi pouvant donner lieu à un contrat à durée déterminée.

S’agissant des guides-accompagnateurs touristiques, il précise que les particularités importantes du métier ont conduit les partenaires sociaux à conclure une convention collective particulière, distincte de celle des agences de voyage et de tourisme, laquelle autorise le recours au contrat à durée déterminée d’usage dans le secteur du guidage et accompagnement pour les emplois notamment de guide accompagnateur (pièces n° 3 et 4) dans la mesure où il y est reconnu que l’emploi de guide-accompagnateur est, par nature, un emploi temporaire ne relevant pas de l’activité normale et permanente de l’entreprise, l’accord ne demandant pas que des précisions supplémentaires soient apportées par l’employeur.

Son activité étant de proposer des voyages pour lesquels l’accompagnement par un guide n’est pas systématique et lorsqu’il est prévu, les modalités de date, de lieu, de prestations peuvent être très différentes, le recours à un guide accompagnateur ne relève donc pas, selon lui, de son activité normale et permanente.

S’agissant plus spécifiquement de Mme [H], il produit :

– un tableau de ses jours de travail démontrant selon lui que certains mois ne sont pas ou peu travaillés (19 % des mois d’octobre 2005 à juillet 2019), d’autres ne comportent qu’un seul voyage d’un week-end à deux semaines (19 %), 97 mois comportent deux ou trois voyages (58 %) et 5 mois à 4 voyages (3 %), que les prestations durent de 1 jour à 2 semaines suivant la nature et la destination du voyage, la dispersion des dates s’expliquant par les destinations, et conclut que de 2006 à 2018, les années 2005 et 2019 étant incomplètes, il a été confié à la salariée de 4,10 à 8,83% des jours, la moyenne de situant à 5,71 % (pièces n° 5 et 6),

– plusieurs échanges de courriers électroniques mettant en évidence les choix et préférences de Mme [H] en termes de nature ou de date de missions (pièces n° 7.1 à 7.10).

Selon les dispositions de l’article L. 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa premier, L.1243-11 alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du code du travail.

L’article L.1245-2 du même code prévoit que lorsque la juridiction fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, cette disposition s’appliquant sans préjudice des dispositions relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

En application de l’article L. 1242-1 du même code, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En l’espèce, l’article D. 1242-1 du code du travail qui énumère les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ne mentionne pas le secteur d’activité du tourisme.

La convention collective nationale de travail des guides accompagnateurs et accompagnateurs au service des agences de voyages et de tourisme du 10 mars 1966 n’est pas non plus étendue et la société MICHEL VOYAGES ne démontre pas qu’elle était effectivement adhérente du syndicat national des agents de voyages (SNAV) durant l’ensemble de la période litigieuse.

Néanmoins, l’accord collectif du 29 avril 2016 relatif aux salariés employés sous contrat à durée déterminée d’usage dans le secteur des agences de voyage et de tourisme, lequel s’applique aux guides-accompagnateurs de 1ère et 2ème catégorie, a été étendu par arrêté ministériel du 4 mai 2017 publié au Journal Officiel du 6 mai suivant.

Il résulte toutefois de son article 1er que “le recours au contrat à durée déterminée d’usage est admis par le droit communautaire qui prévoit que les contrats à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations ou activités qui peuvent à la fois convenir aux employeurs et aux salariés. Le droit national prévoit la faculté de compléter la liste de l’article D. 1242-1 du code du travail par l’ajout de nouveaux secteurs d’activités par la voie soit du décret soit de la convention collective ou accord collectif de branche étendu. Tel sera le cas en l’espèce”, le tout sous réserve de “tenir compte de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le recours légitime au CDD d’usage”.

Il en résulte que le recours au contrat à durée déterminée d’usage dans le secteur des agences de voyage et du tourisme à l’égard des guides-accompagnateurs est légitime, sous réserve de respecter les conditions prévues par l’article L1242-2 du code du travail auquel il est expressément renvoyé.

Par ailleurs, “le contrat à durée déterminée d’usage ne peut être utilisé que pour pourvoir un emploi présentant un caractère par nature temporaire et non un emploi présentant un caractère permanent. Le recours au CDD d’usage est justifié en matière de guidage et accompagnement sur des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, tel que rappelé dans le préambule” (article 1.2 dernier alinéa de l’accord collectif du 29 avril 2016).

Or en l’espèce, Mme [H] a exercé des fonctions de même nature, à savoir celles de guide-accompagnateur de 2ème catégorie, dans le cadre de 140 contrats de travail à durée déterminée conclus successivement sur une période comprise entre novembre 2015 et juillet 2019 à raison de 8 à 12 contrat annuels, la succession de ces différents contrats ainsi que leur durée globale malgré la présence de périodes interstitielles permettant de déterminer que ceux-ci ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les irrégularités formelles alléguées, il convient, par infirmation du jugement, de requalifier les contrats de travail à durée déterminée conclus à compter du 10 mars 2006 avec la société MICHEL VOYAGES en contrat de travail à durée indéterminée.

– Sur le temps de travail :

Il est établi que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Néanmoins en l’espèce, Mme [H] ne formule aucune demande à titre de rappel de salaire du fait de la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, seulement au titre de son reclassement en guide-accompagnateur de 1ère catégorie par ailleurs rejetée.

– Sur la prescription :

La société MICHEL VOYAGES soutient que du fait de l’extension de l’accord collectif du 29 avril 2016 par arrêté ministériel du 4 mai 2017, soit depuis plus de deux ans avant la saisine du conseil de prud’hommes par Mme [H], les contrats de travail conclus sous l’empire de la réglementation antérieure au 1er juin 2017 ne sont plus critiquables en application de l’article L1471-1 du code du travail.

Néanmoins, il convient de rappeler que le point de départ du délai de prescription lorsque la demande de requalification est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée est le terme du contrat ou, comme en l’espèce en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.

III – Sur la rupture de la relation de travail :

Il résulte des développements qui précèdent que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ainsi requalifié sans respecter la procédure légale de licenciement s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre duquel le salarié est fondé à solliciter le bénéfice de dommages et intérêts résultant tant du non-respect de la procédure de licenciement que de l’absence de cause réelle et sérieuse, outre les indemnités de rupture afférentes.

Mme [H] sollicite les sommes suivantes :

– à titre d’indemnité de requalification :

L’article L1245-2 du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Mme [H] réclame à ce titre la somme de 2 152,44 euros nets.

La société MICHEL VOYAGES conclut à titre principal au rejet de la demande, et à titre subsidiaire de la limiter à 1 076,22 euros.

Compte tenu des circonstances de la rupture et des pièces produites, il sera alloué à Mme [H] la somme de 1 076,22 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

– à titre d’indemnité de licenciement :

En application des dispositions des articles L1234-9 et R 1234-2 du code du travail, et sur la base d’une ancienneté de 14 ans, Mme [H] réclame la somme de 3 946,14 euros.

La société MICHEL VOYAGES conclut à titre principal au rejet de la demande et à titre subsidiaire de la limiter à 3 699,50 euros.

Compte tenu des pièces produites, il sera alloué à Mme [H] la somme de 3 766,77 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

– à titre d’indemnité compensatrice de préavis :

Au visa de l’article L.1234-1 du code du travail et sur la base d’un revenu brut mensuel de 1 076,22 euros, Mme [H] sollicite la somme de 2 152,44 euros correspondant à deux mois de salaire, outre 215,24 euros bruts au titre des congés payés afférents.

La société MICHEL VOYAGES conclut à titre principal au rejet de la demande et à titre subsidiaire de “la limiter à 2 152,44 euros outre 215,24 euros au titre des congés payés afférents”.

Compte tenu des pièces produites, il sera alloué à Mme [H] la somme de 2 152,44 euros à ce titre, outre 215,24 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

– à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Mme [H] sollicite l’entière indemnisation du préjudice subi du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et donc que soient écartées les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail au motif de l’inconventionnalité du barème d’indemnisation par rapport à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT ou l’article 24 de la Charte Sociale européenne, et subsidiairement d’indemniser intégralement les préjudices subis en lui allouant, outre les indemnités de rupture et en sus des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité réparant les préjudices subis du fait de la violation du droit à l’emploi, constitutionnellement garanti.

En conséquence, elle demande la somme de 19 371,96 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à 18 mois de salaire.

La société MICHEL VOYAGES conclut à titre principal au rejet de la demande et à titre subsidiaire de la limiter à 3 mois de salaire, soit 4 423,26 euros.

Aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

Selon l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées à l’alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L. 1134-4 et L. 1132-4 ou consécutif à une action en justice, en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie, ainsi qu’aux protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

Dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l’exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.

Selon l’article 24 de cette même Charte, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »

L’annexe de la Charte sociale européenne précise qu’il « est entendu que l’indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »

L’article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu’elle contient.

Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s’engage :

a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;

b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;

c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d’articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu’elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés. »

Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l’approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d’être liée par l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne.

L’article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :

a) la législation ou la réglementation ;

b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs ;

c) une combinaison de ces deux méthodes ;

d) d’autres moyens appropriés. »

Enfin, l’annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l’application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.

Il résulte des dispositions précitées que les dispositions de la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne pouvant pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Par ailleurs, aux termes de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (l’OIT), si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l’encontre d’autres particuliers et qui, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale de la convention, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire, sont d’effet direct en droit interne. En effet, la Convention n° 158 de l’OIT précise dans son article 1er : « Pour autant que l’application de la présente convention n’est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l’être par voie de législation nationale. »

Selon la décision du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l’inexécution par le Venezuela de la Convention n° 158, le terme « adéquat » visé à l’article 10 de la Convention signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

A cet égard, il convient de relever qu’aux termes de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 de ce code n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d’une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

La qualification de liberté fondamentale est reconnue à la liberté syndicale, au droit de grève, au droit à la protection de la santé, au principe d’égalité des droits entre l’homme et la femme et au droit à un recours juridictionnel, à la liberté d’expression.

En application de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une discrimination en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Les protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13 du code du travail concernent la protection de la grossesse et de la maternité, la prise d’un congé d’adoption, d’un congé de paternité, d’un congé parental, d’un congé pour maladie d’un enfant et la protection des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Par ailleurs, selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l’article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il en résulte, d’une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Il en résulte, d’autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

Par ailleurs, il résulte des développements qui précèdent que le barème légal d’indemnisation est d’application stricte, et de ce fait exclusif de toute modulation.

Dans ces conditions, compte tenu des circonstances de la rupture et des pièces produites par les parties, il sera alloué à Mme [H] la somme de 7 533,54 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IV – Sur la réparation du préjudice subi pour violation du droit à l’emploi :

Au visa :

– d’une part de l’article 1240 du code civil (ancien article 1382) prévoyant le principe de réparation intégrale du préjudice y compris en matière prud’homale,

– d’autre part du cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances »,

– enfin de l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’Homme dispose que : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts »,

Mme [H] sollicite, en plus des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse déterminés en application de l’article L 1235-3 du code du travail, la somme de 6 995,43 euros nets à titre d’indemnité réparant les préjudices subis du fait de la violation du droit à l’emploi constitutionnellement garanti et bafoués du fait de licenciement illégitime, la privant abusivement de son droit de travailler mais également de la rémunération lui permettant jusqu’alors de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

Néanmoins, le droit à l’emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au terme de la mission de travail temporaire en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée.

Il doit en outre être concilié avec d’autres droits ou principes constitutionnels, tels que la liberté d’entreprendre qui fonde, pour l’employeur, le droit de recruter librement ou de licencier un salarié. Un salarié ne peut donc se prévaloir directement, dans le cadre d’un litige, d’une violation du droit à l’emploi sauf à vider de leur substance les autres droits constitutionnels avec lesquels ce droit doit être concilié.

Dans ces conditions, la demande à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

V – Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Au visa des articles 1104 du code civil, L.1222-1 et L.4121-1 et 2 du code du travail, Mme [H] soutient que la société MICHEL VOYAGES a fait preuve d’une particulière mauvaise foi en refusant de la positionner aux fonctions de guide accompagnateur de première catégorie, en résistant abusivement au paiement de ses repos compensateurs et en n’assurant pas sa sécurité sur son lieu de travail.

Elle sollicite la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l’exécution déloyale et fautive du contrat de travail et de la violation de l’obligation de sécurité.

La société MICHEL VOYAGES oppose qu’un différend salarial entre un salarié et son employeur ne caractérise pas une mauvaise foi de la part de ce dernier et donc une atteinte à sa sécurité.

Néanmoins, il résulte des développements qui précèdent que la demande de reclassement de Mme [H] en qualité de guide-accompagnateur de 1ère catégorie n’est pas fondée, de sorte qu’elle ne saurait se prévaloir d’un quelconque préjudice, notamment salarial, à ce titre.

Enfin, Mme [H] ne démontre nullement en quoi le retard dans le paiement de ses repos compensateurs a généré une atteinte à sa santé de nature à caractériser un manquement de son employeur à son obligation de sécurité.

En effet, s’il ressort des pièces produites que Mme [H] n’a obtenu le paiement des repos compensateurs qui lui étaient dûs à hauteur de 1 624 euros pour les années 2014 à 2018 que consécutivement à une ordonnance de référé du 24 juillet 2019 (pièces n° 4 et 5), ce qui caractérise un manquement imputable à l’employeur, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, Mme [H] n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice distinct né du paiement avec retard de cette somme.

En conséquence, la demande à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

VI – Sur les demandes accessoires :

– Sur les documents de fin de contrat :

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

La société MICHEL VOYAGES sera condamnée à remettre à Mme [H] un certificat de travail pour l’année 2019 tel que demandé.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.

La société MICHEL VOYAGES sera condamnée à payer à Mme [H] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de la société MICHEL VOYAGES au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

La société MICHEL VOYAGES succombant pour l’essentiel, elle supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 29 octobre 2020 par le conseil de prud’hommes de Mâcon sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [H] à titre de :

– repositionnement en qualité de guide accompagnateur de 1ère catégorie et rappel de salaire afférent,

– de dommages-intérêts pour violation du droit à l’emploi,

– de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

REQUALIFIE la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 mars 2006,

CONDAMNE la société MICHEL VOYAGES à verser à Mme [L] [H] les somme suivantes :

– 1 076,22 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 3 766,77 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 2 152,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 215,24 euros au titre des congés payés afférents,

– 7 533,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 500 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société MICHEL VOYAGES à remettre à Mme [L] [H] un certificat de travail pour l’année 2019,

REJETTE la demande de la société MICHEL VOYAGES au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société MICHEL VOYAGES aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffierLe président

Kheira BOURAGBAOlivier MANSION

 


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