Contrat à durée déterminée d’usage : 20 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04857

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Contrat à durée déterminée d’usage : 20 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04857

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°370

N° RG 20/04857 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-Q7LY

Mme [W] [S]

C/

– Me [X] [K] (Liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION)

– Association UNEDIC – DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Mikaël BONTE

Me Marie-Noëlle COLLEU

Copie certifiée conforme à :

Maître [X] [K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Septembre 2023

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [P] [R] et de Monsieur [T] [L], Médiateurs judiciaires

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

Madame [W] [S]

née le 08 Juin 1970 à [Localité 6] (35)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

Ayant Me Mikaël BONTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me Bruno NOINSKI, Avocat au Barreau de LORIENT, pour conseil

INTIMÉES :

Maître [X] [K] ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL VITAL FORMATION (ayant eu son siège social : [Adresse 1])

[Adresse 4]

[Localité 5]

PARTIE NON CONSTITUÉE bien que régulièrement assignée

…/…

L’Association UNEDIC – DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Ayant Me Marie-Noëlle COLLEU, Avocat au Barreau de RENNES, pour Avocat constitué

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme [W] [S] a été employée par la SARL VITAL FORMATION en contrat à durée déterminée d’usage à terme précis, à temps partiel de 8 heures par semaine, en qualité de formatrice pour la période du 29 septembre 2016 au 31 mars 2017, lequel a été renouvelé pour une durée de neuf mois jusqu’au 31 décembre 2017 inclus, par avenant du 31 mars 2017.

Par avenant du 21 décembre 2017, le contrat a été renouvelé une seconde fois jusqu’au 31 décembre 2018 avec une augmentation de la durée du travail à 16 heures par semaine.

La relation contractuelle était régie par la Convention collective nationale des organismes de formation.

Le 31 août 2018, la relation de travail a pris fin, l’employeur ne pouvant plus verser de salaire à Mme [S].

La SARL VITAL FORMATION a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Lorient du 5 octobre 2018, converti en liquidation judiciaire le 30 novembre 2018.

Le 14 août 2019, Mme [S] a saisi le Conseil de prud’hommes de Lorient aux fins essentiellement de :

‘ Requalifier la relation de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

‘ Dire et juger que :

– le contrat à durée déterminée de formatrice conclu entre Mme [S] et la SARL VITAL FORMATION n’est, en réalité qu’un seul et unique contrat à durée indéterminée,

– la rupture du contrat de travail qui s’en est suivie est irrégulière et sans cause réelle et sérieuse,

‘ Inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION au bénéfice de Mme [S], les sommes suivantes :

– 4.464,90 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.464,90 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

– 446,49 € bruts de congés payés afférents,

– 414,60 € nets d’indemnité de licenciement,

– 322,80 € nets, subsidiairement, à titre d’indemnité de licenciement,

– 2.235 € nets d’indemnité de requalification,

‘ Dire et juger que l’employeur a manqué à plusieurs obligations découlant du contrat de travail, dont le paiement tardif des salaires, le non-remboursement de l’ensemble des frais, la non communication de tous les bulletins de salaire, l’obligation pour la salariée de poursuivre son activité,

‘ Inscrire en conséquence au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION au bénéfice de Mme [S], la somme de 8.000 € nets de dommages et intérêts,

Au surplus,

‘ Inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION au bénéfice de Mme [S], les sommes suivantes :

– 2.288,31 € nets au titre du remboursement des frais professionnels,

– 91,24 € nets de rappel de salaire d’une somme indûment versée aux impôts,

– 415,98 € bruts de congés sans solde indûment décomptés,

– 10.441,17 € nets d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

‘ Ordonner la remise des bulletins de salaire des mois suivants : mai, juin, juillet et août 2017 en tant que formatrice / juin 2018 en tant que chargée des relations entreprises, sous astreinte de 50 € par jour de retard dans les 20 jours de la décision à intervenir.

La cour est saisie de l’appel interjeté par Mme [S] le 11 octobre 2020 contre le jugement du 3 septembre 2020, par lequel le Conseil de prud’hommes de Lorient a :

‘ Débouté Mme [S] de sa demande de requalification de la relation de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et des demandes indemnitaires découlant d’une rupture abusive de contrat de travail,

‘ Fixé le montant de la créance de Mme [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION aux sommes suivantes :

– 2.232,45 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à plusieurs obligations lui incombant,

– 2.288,31 € nets au titre de remboursement de frais professionnels,

– 415,98 € au titre de congés sans solde indûment décomptés,

– 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Ordonné la remise à Mme [S] des bulletins de salaire des mois de mai 2017 à août 2017 en tant que formatrice, et juin 2018 en tant que chargée des relations entreprises, ainsi que l’attestation Pôle Emploi rectifiée avec prise en compte des condamnations visées dans le présent jugement, outre la délivrance du solde de tout compte, avec bulletin de salaire et certificat de travail rectifiés,

‘ Ordonné l’exécution provisoire de droit du jugement en application de l’article R.1454-28 du code du travail,

‘ Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [S] à 2.232,45 €,

‘ Débouté Mme [S] de sa demande de rappel de salaire sur les sommes dues aux impôts,

‘ Débouté Mme [S] de sa demande d’ indemnité pour travail dissimulé,

‘ Déclaré le jugement opposable au CGEA de [Localité 6] en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus à l’article L. 3253-17 du code du travail,

‘ Débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

‘ Laissé les entiers dépens à la charge de Me [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL VITAL FORMATION.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 juillet 2021 suivant lesquelles Mme [S] demande à la cour de :

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– débouté Mme [S] de sa demande :

– de requalification de son contrat de travail,

– au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’indemnisation des préjudices afférents,

– au titre du rappel de salaire et congés payés afférents,

– au titre du travail dissimulé,

– débouté Mme [S] au titre des frais et dépens de la procédure,

– fixé le montant de la créance de Mme [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION à la somme de 2.232,45 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à plusieurs obligations lui incombant,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a fixé le montant de la créance de Mme [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION aux sommes suivantes :

– 2.288,31 € nets au titre de remboursement de frais professionnels,

– 415, 98 € au titre de congés sans solde indûment décomptés,

Statuant à nouveau,

‘ Débouter l’association UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 6] de l’ensemble de ses demandes,

‘ Requalifier la relation de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

‘ Juger que :

– le contrat à durée déterminée de formatrice conclu entre Mme [S] et la SARL VITAL FORMATION n’est, en réalité qu’un seul et unique contrat à durée indéterminée,

– la rupture du contrat de travail qui s’en est suivie est irrégulière et sans cause réelle et sérieuse,

– l’employeur a manqué à plusieurs obligations découlant du contrat de travail, dont le paiement tardif des salaires, le non-remboursement de l’ensemble des frais, la non communication de tous les bulletins de salaire, l’obligation pour la salariée de poursuivre son activité,

‘ Inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION au bénéfice de Mme [S], les sommes suivantes :

– 4.464,90 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.464,90 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

– 446,49 € bruts de congés payés afférents,

– 414,60 € nets d’indemnité de licenciement,

– 322,88 € nets, subsidiairement, à titre d’indemnité de licenciement,

– 2.235 € nets d’indemnité de requalification,

– 8.000 € nets de dommages et intérêts pour manquement à plusieurs obligations découlant du contrat de travail, dont le paiement tardif des salaires, le non-remboursement de l’ensemble des frais, la non communication de tous les bulletins de salaire, l’obligation pour la salariée de poursuivre son activité,

– 2.288,31 € nets au titre du remboursement des frais professionnels,

– 91,24 € nets de rappel de salaire d’une somme indûment versée aux impôts,

– 329,55 € bruts en paiement de congés sans solde indûment décomptés,

– 10.441,17 € nets d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance ainsi qu’à ceux qui résulteraient de l’exécution forcée de la décision à intervenir,

‘ Ordonner la délivrance à Mme [S] des bulletins de salaire des mois suivants : mai ‘ juin ‘ juillet et août 2017 sous astreinte de 50 € par jour de retard dans les 20 jours de la décision à intervenir,

‘ Ordonner la délivrance à Mme [S] de l’attestation Pôle Emploi rectifiée suite à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec prise en compte des condamnations visées dans le jugement à intervenir, outre la délivrance du solde de tout compte avec bulletin de salaire et du certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 50 € par jour de retard dans les 20 jours de la décision à intervenir,

‘ Dire que la cour se réserve le droit de liquider cette astreinte,

‘ Juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du dépôt de la présente requête dans la limite de ce qui est garanti par les AGS,

‘ Fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaire à la somme de 2.232,45 € bruts,

‘ Juger la décision à intervenir opposable au CGEA de [Localité 6].

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 7 avril 2021, suivant lesquelles l’association UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :

‘ Déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA de [Localité 6] en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites de sa garantie légale prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus à l’article L. 3253-17 du code travail, laquelle exclut l’indemnité de procédure et dire que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant la créance garantie que sur présentation d’un relevé par le mandataire liquidateur et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

‘ Débouter Mme [S] de sa procédure d’appel,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [S] un mois de rémunération pour manquement de l’employeur à plusieurs obligations lui incombant,

‘ Dire cependant que la moyenne des rémunérations ne saurait inclure l’indemnité de précarité,

‘ Confirmer le jugement pour ce qui concerne le remboursement des frais professionnels,

‘ Réformer le jugement pour ce qui concerne les congés sans solde indûment décomptés,

Et pour le surplus,

‘ Confirmer le jugement,

‘ Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Me [X] [K], Mandataire Judiciaire ès qualités de mandataire liquidateur de SARL VITAL FORMATION n’a pas constitué avocat devant la cour. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire à son égard.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières écritures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Pour infirmation à ce titre, Mme [S] relève que l’emploi qu’elle a occupé n’était pas temporaire par nature. Elle estime avoir un poste permanent qui correspond à l’activité principale de l’entreprise en ce qu’elle occupait un poste de formatrice dans une entreprise de formation et qu’elle effectuait d’autres tâches, notamment le recrutement de candidats, la participation à des salons de recrutement, ou des prises de contact avec Pôle emploi et des missions locales. Elle ajoute avoir travaillé 32 heures par semaine en novembre et décembre 2017, soit au delà de la durée de travail prévue. Elle précise également avoir travaillé au delà de l’échéance du terme du contrat (septembre 2018) jusqu’en début 2019, du fait de la défection du gérant et de sa collègue afin de permettre la validation d’un titre de formation et la fourniture des diplômes aux élèves.

Pour confirmation, l’AGS-CGEA de [Localité 6] rétorque que le secteur de la formation présente un caractère temporaire, conformément à l’article L.1242-2 3° du code du travail en ce qu’il dépend de la fréquence et de la durée des formations demandées par les clients. L’AGS-CGEA ajoute que la salariée ne démontre rien, si ce n’est des correspondances initiées de son propre chef avec le directeur du CAFA de Bordeaux.

L’article L. 1242-2 du code du travail dispose que : ‘sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (…)

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur (…)’.

L’article D. 1242-1 désigne les secteurs dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, parmi lesquels le secteur de l’enseignement.

En cas de contestation sur le motif du recours au CDD d’usage, il incombe à l’employeur de démontrer que les conditions en étaient remplies.

En l’espèce, l’AGS-CGEA ne produit aucun élément à ce sujet dès lors que les seules pièces produites, suivant le bordereau des conclusions, sont le jugement de redressement judiciaire du 5 octobre 2018 (pièce n° 1) et le jugement de liquidation judiciaire du 30 novembre 2018 (pièce n°2).

En tout état de cause, ces éléments ne permettent pas de démontrer que l’activité de Mme [S] au sein de l’entreprise était temporaire, compte tenu de l’activité principale de formation qui était exercée.

Il s’ensuit, à défaut d’autres éléments, que la relation de travail doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, depuis le premier CDD d’usage irrégulier, soit le 29 septembre 2016. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande d’indemnité de requalification

Mme [S] sollicite à ce titre l’allocation de la somme de 2.235 €.

L’article L. 1245-2 du code du travail dispose qu’en cas de requalification du contrat initial en contrat à durée indéterminée, il doit être accordé une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. La jurisprudence précise à cet égard qu’elle ne saurait être inférieure au dernier salaire mensuel perçu.

Sans discussion par l’AGS-CGEA de [Localité 6] du principe de créance par l’appelante, Mme [S] est fondée à obtenir la somme de 1.247,94 € bruts au titre de l’indemnité sollicitée. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

La fin des relations contractuelles s’analyse en un licenciement qui, faute d’avoir respecté les conditions de fond et de forme, est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Mme [S] est fondée à demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La durée de préavis étant de deux mois, la créance de Mme [S] à ce titre doit être fixée à la somme de 2.495,88 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 249,58 € bruts au titre des congés payés afférents.

L’article R. 1234-1 du code du travail dispose que : ‘L’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets’.

L’article R. 1234-2 du code précité indique que ‘L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.’

Le salaire de référence à prendre en compte est la moyenne la plus favorables des trois derniers mois ou des douze derniers mois perçus.

Si l’AGS-CGEA de [Localité 6] soutient que la convention collective applicable ne prévoit une indemnité de licenciement qu’à partir de deux années d’ancienneté révolues, il sera rappelé que l’indemnité conventionnelle ne saurait être inférieure au montant légal.

Mme [S] fait justement valoir que la moyenne des trois derniers mois est la plus favorable, l’indemnité de licenciement est fixée à la somme de 180,84 €.

L’article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d’emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l’ancienneté du salarié.

Suivant, l’article L.1235-3 alinéa 3 précité, en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont moins importants.

En l’espèce, Mme [S] disposait d’une ancienneté, au service du même employeur, d’un an et onze mois et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s’agissant d’une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 0,5 mois et deux mois de salaire.

Au regard de l’ancienneté de Mme [S], de son âge lors de la rupture (48 ans), de sa situation personnelle postérieure à la rupture et du montant mensuel de son salaire brut, il y a lieu de lui accorder la somme nette de 2.400 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres sommes à caractère salarial et les sommes à caractère indemnitaire

Sur le manquement de l’employeur à ses obligations essentielles

Mme [S] fait valoir, au visa de l’article 1231-1 du code civil, que l’employeur a manqué a des obligations essentielles au cours de la relation de travail à savoir des paiements tardifs de salaires ayant occasionné des frais bancaires, la non transmission de certains bulletins de salaire (mai-juin-juillet et août 2017), le non remboursement de frais professionnels et de l’avoir laissé se substituer à l’employeur et poursuivre son travail pour permettre aux élèves d’obtenir leur diplôme.

L’AGS-CGEA de [Localité 6] réplique qu’elle ne conteste pas le principe de ces manquements mais uniquement le quantum allouée à la salariée.

En l’espèce, il résulte des diverses pièces produites par Mme [S] que le préjudice de la salariée lié aux manquements, non contestés, relatifs à des paiements tardifs de salaires, à la non transmission de certains bulletins de salaire (mai-juin-juillet et août 2017), au non remboursement de frais professionnels et à la poursuite de la relation de travail pour permettre aux élèves d’obtenir leur diplôme doit être évalué à la somme de 3.500 €.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur le remboursement des frais professionnels

Mme [S] sollicite le règlement des frais professionnels (2.288,31€ nets) qu’elle a été amenée à exposer pour les besoins de son travail.

En l’occurrence, Mme [S] ne fait pas état d’un quelconque préjudice distinct de celui réparé par l’attribution d’une indemnité pour manquement aux obligations essentielles, lesquelles incluaient les frais professionnels. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Pour infirmation à ce titre, Mme [S] fait valoir que l’employeur a tardé à lui transmettre ses bulletins de salaire et qu’avant la liquidation judiciaire, l’ensemble des heures accomplies n’apparaissait pas sur les bulletins de salaire.

Pour confirmation à ce titre, l’AGS-CGEA de [Localité 6] rétorque que l’intention de l’employeur n’est pas prouvée.

Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

La dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Il résulte des dispositions ci-dessus rappelées que la charge de la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi incombe au salarié qui l’invoque.

Or, le seul fait que la salariée ait reçu tardivement ses bulletins de salaire ne peut à lui seul, permettre de retenir le caractère intentionnel exigé par les dispositions précitées.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur le paiement de congés sans solde indûment décomptés

Mme [S] reproche à son employeur d’avoir, en août 2018, décompté comme congés sans solde des heures de récupération posées en raison des nombreuses heures qu’elle avait réalisées jusqu’alors.

L’AGS-CGEA réplique que Mme [S] n’en justifie pas et qu’elle ne ‘s’appuie sur aucune lettre adressée à son employeur pour contester ce prélèvement’.

Il appartient à l’employeur de prouver qu’il s’est libéré du paiement, l’AGS CGEA ne bénéficiant d’aucune dérogation lui permettant d’inverser la charge de la preuve et de solliciter la preuve négative du ‘non paiement’.

En l’espèce, l’employeur ne justifie pas du paiement des congés sans solde indûment décomptés en raison d’heures de récupération accomplies par Mme [S] pendant cette période, les relevés de comptes de la salariée attestant de l’absence de rémunération sur cette période.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur le prélèvement à la source effectué à tort

Mme [S] demande l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société SARL VITAL FORMATION, de la somme de 91,24 € net à titre de rappels de salaire en raison d’un prélèvement à la source effectué à tort alors même que son taux d’imposition est égal à 0.

En l’occurrence, le prélèvement à la source étant entré en vigueur le 1er janvier 2019, il appartient à Mme [S] de régulariser sa situation auprès de l’administration fiscale et non auprès de son employeur. Le jugement sera donc confirmé à ce titre.

Sur les intérêts :

En vertu de l’article L. 622-28 du code de commerce, l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire emporte arrêt du cours des intérêts.

La société ayant été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 5 octobre 2018, et le conseil de prud’hommes ayant été saisi postérieurement à cette date, les créances allouées à Mme [S] ne produiront pas d’intérêts.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Sur la garantie du CGEA-AGS de [Localité 6]

Le présent arrêt est opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 6] en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus à l’article L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ; l’AGS ne devra donc procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail.

L’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire.

Sur les frais irrépétibles

L’équité commande de faire droit à la demande formée par Mme [S] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les limites de ce qui sera précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée signé le 29 septembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée ;

FIXE la créance de Mme [W] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VITAL FORMATION aux montants suivants :

* 1.247,94 € bruts au titre de l’indemnité de requalification,

* 2.400 € nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.495,88 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 249,58 € bruts au titre des congés payés afférents,

* 180,04 € nets au titre de l’indemnité de licenciement,

* 3.500 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de la SARL VITAL FORMATION à plusieurs obligations essentielles,

DEBOUTE Mme [W] [S] de sa demande au titre de remboursement de frais professionnels ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

DÉCLARE le CGEA-AGS de [Localité 6] tenu à garantir la créance correspondant aux congés payés qu’il a acquis ainsi fixée, en l’absence de fonds disponibles et dans les limites et plafonds prévus par les articles L 3253-8, L 3253-17, D 3253-2 et D 3253-5 du code du travail ;

CONDAMNE la SARL VITAL FORMATION prise en la personne de son liquidateur judiciaire à remettre à Mme [W] [S] les documents sociaux conformes à la présente décision sans astreinte ;

CONDAMNE la SARL VITAL FORMATION prise en la personne de son liquidateur judiciaire à payer à Mme [W] [S] la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL VITAL FORMATION prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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