Contrat à durée déterminée d’usage : 20 novembre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-15.696

·

·

Contrat à durée déterminée d’usage : 20 novembre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-15.696
Ce point juridique est utile ?

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 novembre 2019

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1584 F-D

Pourvoi n° G 18-15.696

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Inférence opérations, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 2 mars 2018 par la cour d’appel de Toulouse (4e chambre – section 1, chambre sociale), dans le litige l’opposant à M. P… R…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 16 octobre 2019, où étaient présents : M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Inférence opérations, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. R…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 2 mars 2018), que M. R… a été engagé, à compter du 1er janvier 2010, en qualité de télé-enquêteur puis de superviseur par la société Inférence opérations (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d’usage soumis à la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils, dite Syntec, du 15 décembre 1987 ; que par lettre du 13 octobre 2014, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que le 28 octobre 2014, il a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et le paiement de rappels de salaire et d’indemnités de rupture ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et de le condamner à une indemnité de requalification, alors, selon le moyen, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois qui relèvent de ce secteur peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée successifs lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, sous réserve qu’il soit justifié de raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ; que de telles raisons objectives peuvent résulter du caractère fluctuant de l’activité de l’employeur et, notamment, d’une variation importante de la quantité de travail et du nombre de salariés affectés simultanément à l’emploi concerné ; que la société, en l’espèce, offrait d’établir le caractère fluctuant de son activité en fournissant des éléments très précis sur la variabilité considérable, mois par mois et jour par jour, du nombre d’heures de travail et du nombre de salariés effectuant simultanément des tâches d’enquêteurs ; qu’en jugeant que la variabilité de l’activité d’institut de sondages était un élément insusceptible d’établir le caractère par nature temporaire de l’emploi, sans mieux rechercher si la société n’établissait pas le caractère particulièrement fluctuant de son activité et l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi d’enquêteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail, ensemble l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999 ;

Mais attendu qu’ayant, d’abord, énoncé à bon droit que si, dans le secteur d’activité de l’employeur, il existe un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, il incombe néanmoins à la société, dont l’activité d’enquêtes et de sondages correspond à l’activité permanente et qui a recruté le salarié pour effectuer les tâches inhérentes à cette activité, d’établir que les contrats à durée déterminée successifs conclus avec l’intéressé pendant une période de près de quatre années consécutives n’avaient pas pour fonction de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale, ensuite, relevé que le salarié, embauché en qualité d’enquêteur ou de chef d’équipe, avait toujours travaillé, sur une période de cinquante-huit mois quasi-consécutifs, pour effectuer des prestations identiques au service « terrain transport », selon un volume d’heures témoignant d’une certaine constance, enfin, constaté que la société employait un nombre très important d’enquêteurs vacataires sans démontrer que l’engagement du salarié répondait à des circonstances précises et concrètes telles que des pics d’activité auxquels des enquêteurs permanents n’auraient pas pu faire face, la cour d’appel, qui a pu retenir que ni les études générales réalisées sur l’évolution du métier d’enquêteur ou la définition des différents profils d’enquêteur, ni les données statistiques concernant la spécificité, la variabilité et l’imprévisibilité de l’activité d’instituts de sondage, ni le nombre d’heures d’enquêtes sur le site ou le terrain « transport », ni les délais de réalisation des enquêtes ne caractérisaient l’existence de raisons objectives justifiant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par le salarié et déduire de ses constatations que cet emploi était en réalité durablement en lien avec l’activité normale et permanente de la société, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef de l’arrêt ayant requalifié les relations contractuelles de la société Inférence et de M. R… en un contrat de travail à durée indéterminée devra s’étendre, conformément à l’article 624 du code de procédure civile, à la condamnation de la société Inférence à payer à M. R… un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles entre deux contrats au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige ;

2°/ que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu’en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs, à temps partiel ou à temps complet, en contrat à durée indéterminée, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaire pour les périodes interstitielles qu’à la condition de prouver qu’il est resté à la disposition de l’employeur ; que la société Inférence faisait valoir que M. R… la tenait informée chaque vendredi de sa disponibilité ou non durant la semaine suivante, de telle sorte qu’il n’avait pas à se tenir à sa disposition durant les périodes non couvertes par un contrat de travail à durée déterminée ; que la cour d’appel, pour allouer un rappel de salaire à M. R… au titre des périodes interstitielles entre deux contrats à durée déterminée, s’est bornée à relever que durant les périodes travaillées, les horaires de travail étaient fixés le vendredi pour la semaine suivante de telle sorte que le salarié devait « se tenir à la disposition » de la société Inférence en permanence ; qu’en se fondant sur de tels motifs impuissants à justifier l’octroi d’un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 3123-14 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x