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PS/SB
Numéro 22/2009
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 19/05/2022
Dossier : N° RG 19/03382 – N° Portalis DBVV-V-B7D-HMW2
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[H] [I]
C/
SASU SEAOWL ENERGY SERVICES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 16 Février 2022, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, Greffière.
Monsieur LAJOURNADE, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Madame SORONDO, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [H] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître LHOMY de la SELARL KARINE LHOMY, avocat au barreau de PAU et Maître FOULHOUX, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SASU SEAOWL ENERGY SERVICES agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU, et Maître MAMOUNI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 30 SEPTEMBRE 2019
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 18/00351
EXPOSE DU LITIGE
M. [H] [I] a été embauché le 2 janvier 2012 par la société Well Staff France, suivant contrat à durée indéterminée de chantier régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, «’aux fins d’assurer, dans le cadre de Well Staff et pour le compte de la société Addax, la fonction performance ingénieur’» «’au Cameroun’».
Il a travaillé auprès de la société Addax au Cameroun.
Courant 2016, la société Seaowl Energy Services a racheté la société Well Staff.
La société Seaowl Energy Services a des documents de fin de contrat en date du 31 octobre 2016 et versé au salarié une indemnité de licenciement.
Suivant acte en date du 30 octobre 2016, M. [I] et la société Seaowl Energy Services ont conclu un contrat à durée déterminée d’usage à effet du 1er novembre 2016 comme «’ingénieur performance dans le cadre des activités de forage sur le site de notre client Addax’» «’au Cameroun’».
Un avenant en date du 9 janvier 2018 avec effet au 1er janvier 2018 portant modification de la rémunération est signé par le seul employeur.
Par mail du 29 mars 2018, la société Seaowl Energy Services a informé M. [I] de la fin de sa mission le 27 avril 2018.
Le 24 décembre 2018, M. [I] a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Pau a notamment’:
– dit que la demande de M. [H] [I] en contestation de la fin de son CDI de chantier est prescrite,
– débouté M. [H] [I] de sa demande de requalification de son CDD d’usage en CDI,
– dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [H] [I] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné le même à verser à la société Seaowl Energy Services la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le même aux entiers dépens.
Le 25 octobre 2019, M. [I] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 2 décembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [H] [I] demande à la cour de :
– dire que le CDI de chantier du 02/01/2012 s’est poursuivi au-delà du 31/10/2016, jusqu’à sa rupture au 27/04/2018 par la Seaowl Energy Services,
– dire que le CDD d’usage à effet du 01/11/2016 ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise,
– dire qu’un CDI, fût-il de chantier, ne peut se nover implicitement en CDD d’usage,
– constater que l’action engagée à l’encontre de la société Seaowl Energy Services le 24/12/2018 n’est pas prescrite puisqu’il n’a eu connaissance qu’en mars 2017 du CDD à effet du 01/11/2016,
– requalifier le contrat de travail à durée déterminée ayant existé entre la société Seaowl Energy Services et lui en contrat à durée indéterminée ;
– en conséquence :
– 1/ condamner société Seaowl Energy Services à lui régler :
. 17.784,91 € au titre de la requalification du CDD en CDI ;
. 52.754,73 € au titre du préavis de licenciement (3 mois) ;
. 5.275,47 € au titre des congés payés sur préavis ;
. 187.545,01 € au titre de l’indemnité de congés payés (10’% de la rémunération totale brute perçue pendant la durée du contrat) ;
. 36.928,31 € au titre de l’indemnité de licenciement (1/3 de mois par année d’ancienneté) ;
. 105 509,46 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois) ;
. 105 509,46 € à titre de réparation de ses préjudices subis du fait de la rupture brutale et sans motif de son contrat de travail (6 mois) ;
. 17 060,43 € au titre du remboursement des frais engagés pour son rapatriement en France ;
. 6 000 € au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile ;
– aux entiers dépens de l’instance’;
– 2/ assortir l’ensemble des condamnations pécuniaires du taux d’intérêt légal à compter de la date de saisine du conseil le 24/12/2018.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 21 avril 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Seaowl Energy Services demande à la cour de’:
– à titre principal :
– confirmer intégralement la décision attaquée et par conséquent,
. dire que le CDI de chantier conclu avec la société Well staff (aux droits de laquelle elle vient) a pris fin le 31 octobre 3016,
. dire que la demande de M. [H] [I] en contestation de l’effectivité et des conditions de la rupture de son CDI de chantier est prescrite,
. débouter M. [H] [I] de sa demande de requalification de son CDD d’usage en un contrat à durée indéterminée et de sa demande au titre de l’indemnité de requalification,
. débouter M. [H] [I] de sa demande tenant à la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. débouter M. [H] [I] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. débouter M. [H] [I] de sa demande au titre de l’indemnité de congés payés,
. débouter M. [H] [I] de ses demandes au titre des préjudices prétendument subis, du remboursement des frais de rapatriement et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. débouter M. [H] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– à titre subsidiaire :
. ramener le montant de l’indemnité de congés payés à la somme de 30.344,91’€ bruts,
. ramener le montant de l’indemnité de licenciement à 5.124,12 €,
– ramener la demande au titre de l’article L.1235-3 du code du travail à 0,5 mois de salaire brut, soit la somme de 8.892,46 €,
– à titre reconventionnel :
– condamner M. [H] [I] à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [H] [I] aux éventuels dépens et autres frais non inclus dans les dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’exception de prescription de la demande tendant à dire que le CDI de chantier s’est poursuivi au-delà du 31 octobre 2016 jusqu’à sa rupture le 27 avril 2018
Dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article L.1471-1 du code du travail disposait que toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Depuis lors, il dispose en son alinéa premier que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, et en son alinéa deux, que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. Suivant l’article 40 II de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces nouvelles dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, soit le 23 septembre 2017, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, sauf introduction d’une instance avant la publication de cette ordonnance.
La société Seaowl Energy Services, qui admet que le contrat de travail à durée indéterminée de chantier lui a été transféré suite au rachat de la société Well Staff France, invoque un licenciement de M. [I] le 31 octobre 2016, et les parties produisent :
– un reçu pour solde de tout compte en date du 31 octobre 2016, non signé, une attestation d’employeur établie destinée à Pôle Emploi en date du 31 octobre 2016, qui mentionne comme motif de rupture «’licenciement pour fin de chantier’»,
– le bulletin de paie d’octobre 2016, mentionnant le règlement d’une indemnité de licenciement de 40.518,79 euros,
– un mail du 3 novembre 2016 adressé par la société Seaowl Energy Services à M. [I] «” Je vous prie de trouver ci-joint les éléments relatifs à votre solde de tout compte, à savoir le bulletin de salaire, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte… Nous avons bien noté que vous reviendrez vers [R] demain dans la journée pour lui confirmer la simulation à utiliser pour la rédaction du contrat de travail’»
– un mail du 7 novembre 2016 adressé par la société Seaowl Energy Services à M. [I] lui indiquant : «’Nous allons refaire le certificat de travail et vous en adresserons un nouvel exemplaire dans les prochains jours. Pour ce qui concerne le calcul de l’indemnité de l’indemnité de licenciement, je vous précise qu’il est fait selon les modalités de la convention Syntec’… Je vous précise également que les documents que nous vous avons envoyé ne contiennent pas de lettre de licenciement mais ont été établis pour mettre fin au contrat en cours avec Well Staff et mettre en place le nouveau avec Seaowl Energy Services, contrat qui sera établi, avec effet au 1er novembre 2016, dès que nous aurons votre réponse sur les simul qui vous ont été adressés par [R]», » auquel M. [I] a répondu le même jour «’Merci pour la clarification’»
– des mails échangés entre les parties le 3 novembre 2016, les 1er, 15 et 16 décembre 2016 relativement à la négociation d’un contrat de travail,
– un mail adressé par M. [I] le 14 novembre 2016 à la société Seaowl Energy Services, dans lequel il écrit «’Vous licenciez les gens sans leur envoyer de préavis, et maintenant vous demandez des justificatifs bancaires alors que vous m’avez payé le 31 octobre un solde de tout compte… Par ailleurs ayant à ce jour été abusivement licencié puisqu’ayant reçu un solde de tout comptes sans ne jamais avoir été au préalable averti de mon licenciement… De plus notre contrat stipule qu’un préavis est à effectuer, et même si la présence de l’employé n’est pas une obligation, car elle peut alors être considérée comme faute grave, il n’en est pas de même de la rémunération du temps de préavis qui n’apparaît pas dans le montant total du solde de tous comptes’»,
– des mails échangés entre les parties les 2 et 6 mars 2017 relativement à l’affiliation à une complémentaire santé et à la signature du contrat de travail, alors manifestement non effective ; dans son mail du 6 mars 2017, M. [I] écrit «’En ce qui concerne le contrat et le licenciement, cela ne me gêne nullement de régler ça d’une façon élégante pour vous et courtoise pour ma part… Je ne souhaite bien sûr pas en arriver là et je te rappelle que je perds mes 4 mois de salaire, puisque pas de préavis plus d’autres détails se rapportant à la législation française du travail’» ;
– un mail adressé par la société Seaowl Energy Services à M. [I] le 15 mai 2017 suivant lequel le contrat de travail reçu par elle après signature par M. [I] n’est pas la bonne version, auquel ce dernier a répondu le 16 mai 2017 ;
– des mails échangés les 14 et 29 décembre 2017 relativement à une renégociation des conditions de rémunération à compter de janvier 2018 ;
– une note manuscrite en date du 18 mai 2018 accompagnant un courrier adressé par la société Seaowl Energy Services à M. [I] «’Pour faire suite à nos échanges, les attestations ont été refaites à l’identique et en précisant le motif dans le cadre 9 comme demandé’» ;
– une note manuscrite non datée accompagnant un courrier adressé par la société Seaowl Energy Services à M. [I] «’vous trouverez sous ce pli vos documents de portabilité préremplis. Nous vous remercions de bien vouloir nous retourner chaque document signé avec la mention «’Lu et approuvé». N’oubliez pas chaque mois de fournir à la CFE et à Previnter votre justificatif de Pôle Emploi. Vous trouverez également une copie certifiée conforme de vos documents de solde de tout compte d’octobre 2016’»
Il ressort de ces éléments qu’à tout le moins le 14 novembre 2016, date à laquelle M. [I] s’est plaint de son licenciement qu’il a qualifié d’abusif et de l’absence de règlement d’une indemnité compensatrice de préavis, il avait été destinataire des documents de fin de contrat et s’était donc vu notifier son licenciement. Il disposait alors, en application des dispositions ci-dessus rappelées, d’un délai de deux ans pour agir en contestation de ce licenciement, délai qui a ensuite été réduit à un an à compter du 23 septembre 2017 et devait donc agir au plus tard le 22 septembre 2018. Or, il a agi le 24 décembre 2018. Faute d’avoir contesté ce licenciement, M. [I] n’est pas fondé à voir dire que le contrat à durée déterminée de chantier s’est poursuivi. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la requalification du contrat à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée de chantier
En application de l’article L1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L.1243-11, alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4.
Aux termes de l’article L.1242-2 3° du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire «’dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois’». L’article D.1242-1 du code du travail, qui détermine les secteurs d’activité concernés, vise notamment les activités de coopération, d’assistance technique, d’ingénierie et de recherche à l’étranger (11°).
Le fait que les relations de travail se soient nouées dans le cadre d’une activité figurant dans la liste énumérée à l’article D.1242-1 du code du travail ne suffit pas à lui seul pour autoriser la conclusion de contrats à durée déterminée. Encore faut-il, aux termes de la loi, qu’il existe un usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et que le recours au contrat à durée déterminée s’impose en raison de la nature de l’activité exercée ou du caractère temporaire de l’emploi.
La société Seaowl Energy Services, à qui il appartient de rapporter la preuve d’un tel usage s’agissant de l’emploi de M. [I], que ce dernier conteste, ne fournit aucun élément et :
– M. [I] a précédemment occupé de 2012 au 31 octobre 2016 en contrat à durée indéterminée le même emploi d’ingénieur performance dans le cadre des activités de forage sur le site du client Addax au Cameroun de la société Seaowl Energy Services,
– l’avenant n° 11 du 8 juillet 1993 relatif aux fins de chantier dans l’ingénierie de la convention collective Syntec, qui ne prévoit pas le recours au contrat à durée déterminée d’usage pour quelque emploi que ce soit :
. indique dans son préambule «’Constatant que le recours aux contrats de chantier, tant pour les missions en France qu’à l’étranger, constitue un usage reconnu et établi dans le secteur professionnel de l’ingénierie (entreprises référencées sous le code NAF 74 C2) ; Rappelant que la conclusion de tels contrats de travail à durée indéterminée, avec un objet précis et pour une durée liée à la réalisation du chantier confié à la société d’ingénierie, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de notre profession, de telle sorte que, à l’achèvement du chantier ou de la mission du bureau d’étude sur le chantier, événement inévitable, les salariés exclusivement engagés pour ce chantier voient leurs contrats de travail cesser à l’issue d’une procédure de licenciement dite “Pour fin de chantier” qui, en application des dispositions de l’article L. 321-12 du code du travail, ne relève pas de la procédure pour licenciements économiques. En conséquence, entre les organisations signataires, il est convenu dans le cadre législatif actuel d’assurer aux salariés licenciés, pour fin de chantier, des garanties sociales complémentaires’»,
. prévoit en son article 1er «’Le contrat dit “de chantier” représente l’obligation faite à l’employeur de recruter les salariés nécessaires à la réalisation d’un travail commandé par un client, celui-ci étant juridiquement distinct de l’entreprise et ses filiales avec qui le salarié a conclu le contrat de travail dit “de chantier”. Le contrat de travail dit “de chantier” est nécessairement un contrat de travail à durée indéterminée ayant pour objet l’accompagnement d’un chantier.’»
– l’emploi occupé par M. [I] d’ingénieur performance dans le cadre du chantier confié par Addax à la société Seaowl Energy Services entre dans les prévisions d’un contrat à durée indéterminée de chantier.
Ainsi, M. [I] est fondé en sa demande de requalification du contrat à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée de chantier. Le jugement sera infirmé sur ce point.
En application de l’article L1245-2 al 2 du code du travail, la société Seaowl Energy Services sera condamnée à payer à M. [I] une indemnité de requalification égale à un mois de salaire, soit 17.584,91 €.
Sur le licenciement et ses conséquences
Dès lors que le contrat est requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture s’analyse en un licenciement, et il ne peut être argué qu’il a une cause réelle et sérieuse. En effet, suivant la pièce 6 de la société la société Seaowl Energy Services, la société Addax lui a notifié par courrier en date du 27 mars 2018 son intention de mettre fin à la mise à disposition d’un ingénieur de performance à effet du 27 avril 2018. Pour autant, aux termes de l’article 2 de l’avenant n° 11 du 8 juillet 1993 relatif aux fins de chantier dans l’ingénierie de la convention collective Syntec le licenciement pour fin de chantier est applicable dans les cas suivants :
– licenciements de personnes dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement des tâches qui leur étaient confiées, lorsque ces personnes ont été employées sur un ou plusieurs chantiers,
– licenciements de personnes engagées sur un chantier de longue durée dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement sur ce chantier des tâches qui leur étaient confiées,
– licenciements de personnes qui, quelle que soit leur ancienneté, ont refusé, à l’achèvement d’un chantier, l’offre faite par écrit d’être occupées sur un autre chantier, y compris en grand déplacement, dans les conditions conventionnelles applicables à l’entreprise.
Or, il est caractérisé que M. [X] [L] a été embauché par la société Seaowl Energy Services par contrat à durée déterminée d’usage du 11 avril 2018 sur un emploi de directional drilling specialist aux fins d’assurer le suivi et l’ingénierie des opérations de directionnal drillling (forage directionnel) dans le cadre des activités de forage sur le site du client Addax, et outre qu’il résulte des pièces produites par M. [I] (listes du personnel Addax d’avril, mai et septembre 2018, organigramme des services de forage Addax après avril 2018, attestation de M. [K] [Z], ancien salarié de la société Seaowl Energy Services suivant laquelle «’M. [I] a été relevé de son poste bien que les projets et les chantiers ne soient pas terminés’») que lui comme M. [X] [L] étaient qualifiés par la société Addax de «’performance engineer’», rien n’établit que M. [I] n’aurait pas été à même de pourvoir l’emploi pourvu par le contrat passé avec M. [L]. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.
M. [I] est donc fondé à prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, et, suivant l’article 15 de la convention collective Syntec et l’article 2 de l’avenant n° 11 du 8 juillet 1993 relatif aux fins de chantier dans l’ingenierie, la durée du préavis est de trois mois. La société Seaowl Energy Services sera donc condamnée à payer de ce chef à M. [I] une somme de 52.754,73 euros outre 5.275,47 euros au titre des congés payés sur préavis.
Concernant l’indemnité de licenciement, M. [I] invoque les dispositions de la convention collective Syntec relatives au montant de l’indemnité de licenciement après deux ans d’ancienneté alors qu’il avait, depuis le 1er novembre 2016, 1 an et 5 mois d’ancienneté. Il a droit, en application des articles L.1234-9, R.1234-1 et R.1234-2 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, à une indemnité égale à un cinquième de mois de salaire par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines, soit 4.965,39 € [17.584,91 /5 + (17.584,91 /5 / 12 X 5)].
Compte tenu de son ancienneté, M. [I] a droit, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant compris entre un et deux mois de salaire. La société Seaowl Energy Services sera condamnée à lui payer de ce chef une somme de 35.169,82 euros, représentant deux mois de salaire.
M. [I] invoque les dispositions de l’article 1240 du code civil pour obtenir la réparation des conséquences de la brutalité de son licenciement et demande à ce titre les sommes de 105.509,46 €, ce, sans produire aucun justificatif, et de 17.060,43 € correspondant, à ses frais de déménagement en France (13.645,85 € suivant justificatif) à des frais de taxi (photocopie illisible) et à des frais d’hôtel du 24 au 26 avril 2018 à Douala. Il est certain qu’ayant été avisé par mail du 29 mars 2018 de la fin de son contrat à échéance du 27 avril 2018, il s’est trouvé contraint de quitter le Cameroun dans des conditions précipitées, préjudice qui sera raisonnablement réparé à hauteur de la somme de 15.000 €.
En application de l’article L. 1235-4, il doit être ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités. Eu égard aux circonstances de l’espèce, il est justifié d’ordonner le remboursement à hauteur de six mois.
Sur la demande de rappel d’indemnité de congés payés
Suivant le contrat de travail, la rémunération brute mensuelle était calculée sur la base de 16 jours de travail par mois en moyenne’» et incluait tous droits à congés et récupérations (y compris congés légaux), de sorte que M. [I] n’est pas fondé en sa demande d’indemnité de congés payés. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
La société Seaowl Energy Services sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au paiement à M. [I] d’une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Pau du 30 septembre 2019 sauf en ce qu’il a dit que la demande de M. [H] [I] en contestation de la fin du contrat à durée indéterminée de chantier le 31 octobre 2016 est prescrite et l’a débouté de sa demande de rappel d’indemnité de congés payés,
Statuant de nouveau sur les points infirmés,
Requalifie le contrat à durée déterminée d’usage à effet du 1er novembre 2016 en contrat à durée indéterminée de chantier à effet du 1er novembre 2016 et la rupture de ce contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Seaowl Energy Services à payer à M. [H] [I] les sommes de :
– 17.584,91 € à titre d’indemnité de requalification,
– 52.754,73 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 5.275,47 euros au titre des congés payés sur préavis,
– 4.965,39 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 35.169,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 15.000 € en réparation de la brutalité du licenciement,
– 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Seaowl Energy Services à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [H] [I] à compter du 27 avril 2018 dans la limite de 6 mois d’indemnité,
Condamne la société Seaowl Energy Services aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,