Contrat à durée déterminée d’usage : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00554

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Contrat à durée déterminée d’usage : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00554
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à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/00554 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NVL7

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 AVRIL 2018

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE – N° RG F 17/00067

APPELANTE :

Madame [X] [U]

née le 16 Juin 1993 à [Localité 9] (11)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie RENEAUD, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMEES :

S.A.R.L. LES THERMES DE [Localité 3]

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Régine BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Me [T] [M] [K], ès qualité de mandataire judiciaire de S.A.R.L. LES THERMES DE [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Régine BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Françoise MATHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Me [F] [L], ès qualités d’administrateur judiciaire de S.A.R.L. LES THERMES DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillant

PARTIE INTERVENANTE :

UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Défaillant

Ordonnance de clôture du 13 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– réputé contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE :

Du 14 juin 2014 au 5 décembre 2014, Mme [X] [U] a été engagée, suivant divers contrats de travail à durée déterminée, en qualité d’agent thermal, par la société Les Thermes de [Localité 3], qui exploite un établissement thermal et relève de la convention collective du thermalisme.

En 2015 et 2016, elle a été engagée suivant deux contrats à durée déterminée saisonniers, et ce jusqu’au 29 octobre 2016, terme du dernier contrat conclu.

Le 5 mai 2017, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Carcassonne aux fins d’entendre prononcer la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, juger abusive la rupture de la relation contractuelle et condamner la société au paiement des indemnités de rupture et d’un rappel d’heures supplémentaires.

Après avoir considéré, d’une part, que les CDD successifs étaient conformes aux dispositions légales et à la convention collective, et d’autre part, inintelligible le décompte horaire communiqué au soutien de la demande de rappel de salaire, le conseil de prud’hommes a, par jugement du 17 avril 2018, dit n’y avoir lieu à requalification en contrat à durée indéterminée, rejeté la demande pour licenciement abusif et irrégulier et débouté la requérante de sa demande de rappel de salaire.

Le 18 mai 2018, Mme [U] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Le 1er juin 2022, la société a été placée en redressement judiciaire, la SELARL [T] [M] [K] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL AJILINK, représentée par Maître [L] en qualité d’administrateur judiciaire.

Par ordonnance rendue le 30 octobre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 novembre 2023.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 6 janvier 2023, Mme [U] demande à la cour de réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de requalification de CDD en CDI, de sa demande de dire et juger que la rupture du contrat est sans cause réelle ni sérieuse et des indemnités consécutives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de rappel de salaire, et, statuant à nouveau, de :

Requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

Dire et juger que la rupture du contrat s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixer au passif de la société Les Thermes de [Localité 3] les sommes suivantes :

– 1 500 euros au titre de la requalification des CDD en CDI,

– 793,54 euros à titre de rappel sur salaire outre 79,35 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 932 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 293,20 euros au titre de congés payés sur préavis,

– 659,70 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 000 euros à titre du non-respect de la procédure de licenciement,

Ordonner la remise des bulletins de salaires rectifiés et attestation Pôle emploi rectifiée,

Déclarer le jugement opposable au CGEA AGS,

Débouter la société Les Thermes de [Localité 3], la Selarl Ajilink, la Selarl [K] et le CGEA AGS de leurs demandes.

Condamner la société Les Thermes de [Localité 3], la Selarl Ajilink, la Selarl [K] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

‘ Aux termes de leurs dernières conclusions, remises au greffe le 6 avril 2023, la société Les Thermes de [Localité 3] et la SELARL [T]-[M] [K], ès qualités de mandataire judiciaire, demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

Juger que les demandes de requalification des contrats antérieurs au 5 mai 2015 sont prescrites,

Dire que Mme [U] a été employée dans le cadre de contrats saisonniers régis par le paragraphe III de la convention collective du thermalisme,

Débouter Mme [U] de sa demande de requalification de la relation de travail,

Subsidiairement, ramener à de plus justes proportions ses demandes indemnitaires,

En toute hypothèse, la débouter de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

Condamner Mme [U] à verser à la Selarl [T] [M] [K], ès qualités de mandataire de la société Les Thermes de [Localité 3] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

‘ L’ Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 5] et la SELARL AJILINK représentée par Maître [L], en qualité d’administrateur judiciaire de la société, à qui l’appelante a régulièrement fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions par acte d’huissier en date du 27 mars 2023, n’ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS :

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée :

Mme [U] expose avoir été engagée en 2014 par la société Les Thermes de [Localité 3] :

– du 14 au 16 juin, puis du 20 au 29 juin suivant sans formalisation d’un contrat écrit,

– du 5 au 7 juillet 2024 pour un accroissement temporaire d’activité,

– du 18 au 27 juillet pour le remplacement d’un salarié absent,

– et enfin du 1er septembre au 5 décembre 2014 pour un surcroît temporaire d’activité.

Elle a ensuite conclu en 2015 et 2016 des contrats de travail à durée déterminée saisonniers à savoir :

– du 4 mars au 21 novembre 2015, suivi d’un avenant pour surcroît d’activité du 22 au 27 novembre 2015,

– du 11 mars au 29 octobre 2016.

La salariée fait valoir, à l’appui de sa demande en requalification, d’une part, que le formalisme n’a pas été respecté s’agissant du premier contrat de travail à durée déterminée, en l’absence de contrat écrit précisant notamment le motif du recours au CDD, de justification de mention de la qualification du salarié remplacé en juillet 2014, en raison du recours abusif pour un surcroît temporaire d’activité se poursuivant après la fermeture de l’établissement advenu le 30 novembre 2014, d’autre part, que sous couvert de contrats saisonniers, l’employeur l’a engagée pour toute la période de fonctionnement de la société afin de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Sur la prescription :

Le point de départ de la prescription varie selon le motif de requalification invoqué par le salarié.

Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail, lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat, et, lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au CDD énoncé au contrat ou pour la violation de l’interdiction d’y recourir pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat.

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En vertu de l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

‘ Quant aux contrats de travail à durée déterminée conclus en 2014 :

Mme [U] reproche aux contrats de juin de ne pas avoir été formalisés par écrit, à celui du 18 juillet de ne pas préciser la qualification du salarié remplacé et enfin du recours abusif du dernier contrat qui s’est prolongé après la fermeture annuelle de l’établissement.

Le mandataire liquidateur soulève la prescription des contrats conclus avant le 5 mai 2015.

Mme [U] s’y oppose en faisant valoir que son action est fondée sur deux éléments dont elle ne pouvait avoir connaissance au moment de la signature du contrat, à savoir l’absence de validité du motif de recours ‘accroissement d’activité’, que l’employeur est dans l’incapacité de justifier, et la succession irrégulière de contrats saisonniers dont elle n’a pu avoir connaissance qu’à la fin de la relation contractuelle.

Les points de départ de la prescription concernant ces premiers contrats sont respectivement fixés au mois de juin 2014, s’agissant de l’absence de formalisation des deux premiers contrats, du 18 juillet 2014, en ce qui concerne l’absence de qualification du salarié remplacé et du 4 décembre 2014, s’agissant du recours abusif de l’accroissement temporaire d’activité. En ayant saisi la juridiction prud’homale après le 17 juin 2015, date d’entrée en vigueur de la réforme de la prescription et le délai réduit de prescription de deux ans étant expiré au jour de la saisine de la juridiction le 5 mai 2017, l’action est prescrite de ce chef.

‘ Quant à la succession de contrats de travail à durée déterminée saisonnier et l’interdiction de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise :

La requalification porte de ces chefs sur le motif du recours, de sorte que le point de départ de la prescription court à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée comme en l’espèce, du terme du dernier contrat.

En l’espèce, la salariée qui a saisi le conseil de prud’hommes le 5 mai 2017, ayant agi dans le délai de deux ans ayant suivi le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée saisonnier, n’encourt pas la prescription. Son action est recevable de ce chef.

Sur le fond :

Au soutien de son action, Mme [U] fait valoir que la société Les Thermes de [Localité 3] ne pouvait avoir recours aux contrats à durée déterminée saisonniers dans la mesure où il est insoutenable de considérer qu’une saison puisse durer 9 mois, qu’il est illégal d’embaucher un salarié pendant toute la durée d’ouverture de l’établissement puisqu’il s’agirait alors de répondre aux besoins constants prévisibles et permanents de l’entreprise. Elle ajoute que l’activité thermale n’est pas, par essence, une activité saisonnière, puisque l’employeur peut parfaitement ouvrir toute l’année comme cela se fait dans d’autres établissements. Enfin, elle fait valoir que la société Les Thermes de [Localité 3] ne peut justifier qu’un contrat saisonnier puisse être prolongé par un avenant pour accroissement temporaire d’activité.

Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Selon l’article L. 1242-2-3° du code du travail, les entreprises peuvent conclure des contrats à durée déterminée pour pouvoir des emplois à caractère saisonnier.

En premier lieu, au regard des contrats non successifs conclus durant l’année 2014 pour des motifs distincts, accroissement temporaire d’activité et remplacement de salarié, il ne résulte pas des éléments de la cause que la salarié ait été employée dès l’année 2014 pour occuper durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En deuxième lieu et s’agissant des contrats saisonniers, ceux-ci se distinguent des contrats à durée déterminée d’usage en ce qu’ils portent sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

S’il n’existait pas, antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, de définition légale du travail saisonnier, le règlement CEE n 1408/71 du 14 juin 1971 disposait que le travail saisonnier est un travail qui dépend du rythme des saisons et qui se répète automatiquement chaque année. De son côté, le ministère du travail estimait que les travaux saisonniers sont des ‘travaux normalement appelés à se répéter chaque année, à date à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs, et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations’ (circ. DRT n 90-18, 30 octobre 1990, BO trav. 1990, n 24). Une circulaire antérieure du 27 juin 1978 (JO 1er juillet 1978), considérait que la durée totale de la saison ne devait pas dépasser 8 mois. La chambre sociale de la Cour de cassation jugeait que pour être considérée comme saisonnière, l’activité devait varier en fonction du rythme des saisons et non en fonction de la seule volonté de l’employeur (Cass. soc., 4 mai 1993, pourvoi n 89-43.379).

La saisonnalité correspond à une activité prévisible régulière et cyclique, alors que l’accroissement temporaire d’activité a un caractère momentané et ponctuel. Dans ce dernier cas, l’employeur ne pourra par recourir à un contrat saisonnier mais à un contrat à durée déterminé conclu en application de l’article L. 1242-2-2° du code du travail pour ‘accroissement temporaire d’activité’.

Il incombe à l’employeur de démontrer le caractère saisonnier de l’emploi qu’il qualifie de tel.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les thermes n’étaient ouvertes au public que durant la période d’emploi de la salariée à compter de l’année 2015, la ‘saison’ coïncidant avec l’ouverture de l’établissement thermal. La salariée communique une capture d’écran du site internet de la société annonçant au public l’ouverture de l’établissement du 13 mars au 18 novembre 2017.

Certes, la convention collective nationale du thermalisme du 10 septembre 1999 (étendue par arrêté du 2 mars 2000, JORF, 11 mars 2000) précise, dans son préambule, que « compte tenu du caractère temporaire et cyclique de l’activité des établissements thermaux, à de rares exceptions près, les organisations patronales et syndicales s’accordent à reconnaître la spécificité saisonnière de l’activité thermale ». L’article III définit comme suit le contrat saisonnier : « les contrats saisonniers correspondent à l’exécution de travaux normalement appelés à se répéter à dates à peu près fixes, en fonction de cycles saisonniers et des contraintes inhérentes à l’activité thermale ; l’activité saisonnière pouvant fluctuer d’une année sur l’autre et ne recouvrant pas forcément la durée d’ouverture de l’établissement ».

Toutefois, le fait que la société qui exploite les thermes de [Localité 3], ait une activité de station thermale ne suffit pas à démontrer le caractère saisonnier de son activité, lequel ne saurait être établi par cette seule référence conventionnelle.

L’employeur à qui il incombe de justifier du motif du recours aux CDD ne critique pas utilement l’argumentation de la salariée selon laquelle la période d’ouverture des thermes, qui ne pouvait être considérée comme soumise à un mode de vie particulier de la clientèle, ne résultait que de la volonté de la société, alors même que l’activité thermale peut être pratiquée toute l’année.

En outre, durant ces deux années, la salariée a donc été employée pendant toute la durée ou quasiment toute la durée de fonctionnement du centre thermal. Mme [U], engagée en qualité d’agent thermal, a été employée en 2015 près de 9 mois consécutifs.

Il n’est pas justifié par l’employeur une variation d’activité liée à la saison et non en fonction des seules décisions prises par lui pour déterminer l’ouverture des thermes.

Par suite, faute pour l’employeur d’établir que l’emploi occupé par la salariée sur la période litigieuse caractérisait bien un emploi saisonnier, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de requalification de la relation de travail à compter du 4 mars 2015 en un contrat de travail à durée indéterminée.

Il sera alloué à ce titre à Mme [U], compte tenu de son ancienneté et des circonstances de l’espèce telles qu’elles résultent des pièces produites et des débats, une indemnité de requalification de 1 500 euros.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

L’employeur a cessé de fournir du travail et de verser un salaire à Mme [U] à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée, c’est à dire au 30 octobre 2016, qui a été requalifié. Il a ainsi mis fin aux relations de travail au seul motif de l’arrivée du terme d’un contrat improprement qualifié par lui de contrat de travail à durée déterminée et ce sans qu’un courrier de licenciement faisant état d’une cause réelle et sérieuse de rupture ne soit notifié à l’intéressée.

En effet, s’il ressort des pièces communiquées que les parties ont échangé sur la conclusion d’un nouveau CDD dans la perspective de l’ouverture de l’établissement prévue en mars 2017, force est de constater que suite au refus opposé par la salariée de donner suite à la proposition formulée par l’employeur pour qu’elle suive une formation délivrée par le GRETA, la société ne lui a finalement pas proposé de contrat de travail à durée déterminée pour l’année 2017, ni adressé une lettre de rupture motivée.

Cette rupture est donc advenue à l’initiative de l’employeur et s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit de Mme [U] au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Au jour de la rupture, Mme [U] âgée de 23 ans bénéficiait, depuis le 1er contrat irrégulier requalifié, d’une ancienneté d’un peu plus de 18 mois (4 mars 2015 au 29 octobre 2016) au sein de la société Les Thermes de [Localité 3] qui employait plus de dix salariés. Elle percevait un salaire mensuel brut de 1 466,65 euros bruts.

La salariée peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé. Compte tenu de son ancienneté et de son salaire, Mme [U] est bien fondée à solliciter le paiement de la somme de 1 466,65 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 146,66 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Calculée sur la base d’une ancienneté au terme du préavis auquel elle avait droit, de 19 mois, du salaire de référence et conformément aux dispositions de l’article R 1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l’indemnité de licenciement à laquelle l’appelante a droit sera fixée à la somme de 530 euros.

La salariée est également fondée en sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte injustifiée de son licenciement. Mme [U] justifie s’être inscrite à Pôle-emploi et d’avoir été indemnisée par pôle emploi de décembre 2016 à août 2017.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l’âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 3 000 euros.

Compte tenu de son ancienneté inférieure à deux ans dans une entreprise employant plus de dix salariés, la salariée est fondée par application des dispositions de l’article L. 1235-2 du code du travail à solliciter le paiement d’une indemnité pour licenciement irrégulier. Il lui sera alloué 500 euros de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, L. 3171-3 et L. 3171-4 du même code, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments, rappel fait que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [U] verse aux débats le décompte détaillé des heures de travail qu’elle prétend avoir accompli quotidiennement au cours des mois de septembre et d’octobre 2016 (pièce n°5) .

Alors que ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre de répondre, l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, se borne à affirmer que la salariée ne rapporte pas la preuve de l’accomplissement de ses heures supplémentaires en s’abstenant de produire ses propres éléments.

Le jugement sera infirmé de ce chef et il sera alloué à la salariée 793,54 euros à titre de rappel sur salaire outre 79,35 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire.

Il sera ordonné au représentant de la société liquidée de délivrer à la salariée les documents de fin de contrat.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare Mme [U] irrecevable en sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus en 2014.

Déclare Mme [U] recevable en sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée saisonniers conclus en 2015 et 2016,

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée saisonniers, conclus du 4 mars 2015 au 29 octobre 2016, en un contrat de travail à durée indéterminée,

Dit que la rupture de la relation contractuelle advenue au 29 octobre 2016 s’analyse et produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixe ainsi que suit la créance de Mme [U] au passif de la société Les Thermes de [Localité 3] :

– 1 500 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 1 466,65 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 146,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 530 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 3 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 500 euros d’indemnité pour licenciement irrégulier,

– 793,54 euros bruts à titre de rappel sur salaire outre 79,35 euros bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

Déclare la présente décision opposable à l’ Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 5],

Ordonne à Maître [K], ès qualités, de délivrer à Mme [U] un bulletin de paie de régularisation et l’attestation Pôle-emploi rectifiée conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par, Madame Marie-Lydia VIGNIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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