Contrat à durée déterminée d’usage : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00553

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Contrat à durée déterminée d’usage : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00553
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/00553 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NVL4

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 AVRIL 2018

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE – N° RG F 00068

APPELANTE :

Madame [L] [Y]

née le 29 Avril 1969 à [Localité 10] (ANGLETERRE)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Valérie RENEAUD, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMEES :

SARL LES THERMES DE [Localité 4]

Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Régine BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Me [T] [H] [D], ès qualité de mandataire judiciaire de Société LES THERMES DE [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Régine BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Françoise MATHE, avocat au barreau de [Localité 11]

Me [C] [E], ès qualités d’administrateur judiciaire de Société LES THERMES DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Défaillant

PARTIE INTERVENANTE :

UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 11]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Défaillant

Ordonnance de clôture du 30 Octobre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– réputé contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [L] [Y] a été engagée, suivant un contrat de travail à durée déterminée saisonnier à compter du 11 avril 2011, en qualité d’agent thermal, par la Sarl Les Thermes de [Localité 4], qui exploite un établissement thermal et relève de la convention collective du thermalisme.

Elle a par la suite conclu une succession de contrats à durée déterminée saisonniers avec la société jusqu’au 29 octobre 2016, terme du dernier contrat à durée déterminée.

Le 5 mai 2017, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Carcassonne, aux fins d’entendre prononcer la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la rupture comme étant denuée de cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 17 avril 2018, le conseil a :

Débouté Mme [Y] de l’ensemble de ses demande au titre de la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

Condamner la Sarl Les Thermes de [Localité 4] à lui verser la somme de 353,57 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour le mois d’octobre 2016, outre 35,35 euros au titre des congés payés afférents,

Ordonner la remise des documents sociaux de fin de contrat modifiés,

Ordonner l’exécution provisoire,

Condamner la Sarl Les Thermes de [Localité 4] aux entiers dépens.

Le 18 mai 2018, Mme [L] [Y] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Le 1er juin 2022, la société a été placée en redressement judiciaire, la SELARL [T] [H] [D] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL AJILINK, représentée par Maître [E] en qualité d’administrateur judiciaire.

Par ordonnance rendue le 30 octobre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 novembre 2023.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 6 janvier 2023, Mme [L] [Y] demande à la cour de :

Confirmer le jugement uniquement sur la demande de rappel de salaire du mois d’octobre 2016,

le réformer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

Fixer à l’état des créances du redressement judiciaire de la Sarl Les Thermes de [Localité 4] les sommes suivantes :

– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– 3 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 300 euros au titre des congés payés sur préavis,

– 1 650 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 000 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

– 1 500 euros d’indemnité de requalification,

– 811,60 euros à titre de rappel sur salaire outre 81,16 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

Ordonner la remise des bulletins de salaires rectifiés et attestation Pôle emploi rectifiée,

Déclarer le jugement opposable au CGEA AGS,

Débouter la Sarl Les Thermes de [Localité 4], la Selarl Ajilink, la Selarl [D] et le CGEA AGS de leurs demandes,

Condamner la Sarl Les Thermes de [Localité 4], la Selarl Ajilink, la Selarl [D] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

‘ Aux termes de leurs dernières conclusions, remises au greffe le 6 avril 2023, la société Les Thermes de [Localité 4] et la SELARL [T]-[H] [D], ès qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [Y] de toutes ses demandes à l’exception des rappels de salaire pour le mois d’octobre 2016 outre les congés payés et en conséquence :

Juger que les demandes de requalification des contrats antérieurs au 5 mai 2015 sont prescrites,

A titre principal, débouter Mme [Y] de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

Subsidiairement, ramener à de plus justes proportions ses demandes indemnitaires,

En toute hypothèse, la débouter de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour les mois de septembre et d’octobre 2016,

La condamner à verser à la Selarl [T] [H] [D], ès qualités, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

‘ L’ Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 11] et la SELARL AJILINK représentée par Maître [E], en qualité d’administrateur judiciaire de la société, à qui l’appelante a régulièrement fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions par acte d’huissier en date du 27 mars 2023, n’ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS :

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée :

La société Les Thermes de [Localité 4] a engagé Mme [Y] en qualité d’agent thermal selon un premier contrat saisonnier, daté du 11 avril 2011, portant sur la période du 11 avril au 06 novembre 2011, suivi d’un avenant reportant le terme du contrat au 18 novembre 2011, puis par les contrats de travail à durée déterminée saisonniers suivants :

– du 21 mars au 4 novembre 2012, suivi de deux avenants de prolongation pour surcroît de travail du 5 au 11 novembre puis du 12 au 30 novembre 2012,

– du 25 février au 09 novembre 2013, suivi de 2 avenants de prolongation en vue d’un surcroît de travail du 10 au 16 novembre 2013 puis du 17 au 22 novembre,

– du 24 février au 15 novembre 2014, suivi d’un avenant de prolongation en vue d’un surcroît de travail du 16 au 30 novembre 2014,

– du 16 février au 21 novembre 2015,

– du 11 mars au 29 octobre 2016.

La salariée fait valoir, à l’appui de sa demande en requalification, d’une part, que sous couvert de contrats saisonniers, l’employeur l’a engagé pour toute la période de fonctionnement de la société et pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, et, d’autre part, qu’il ne pouvait leur faire succéder des avenants pour surcroît d’activité dont l’entreprise ne justifie pas au demeurant.

Sur la prescription :

Le point de départ de la prescription varie selon le motif de requalification invoqué par le salarié.

Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail, lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat, et, lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat.

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En vertu de l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Au soutien de son action, Mme [Y] fait valoir que la société Les Thermes de [Localité 4] ne pouvait avoir recours aux contrats à durée déterminée saisonniers dans la mesure où il est insoutenable de considérer qu’une saison puisse durer 9 mois, qu’il est illégal d’embaucher un salarié pendant toute la durée d’ouverture de l’établissement puisqu’il s’agirait alors de répondre aux besoins constants prévisibles et permanents de l’entreprise. Elle ajoute que l’activité thermale n’est pas, par essence, une activité saisonnière, puisque l’employeur peut parfaitement ouvrir toute l’année comme cela se fait dans d’autres établissements. Enfin, elle fait valoir que la société Les Thermes de [Localité 4] ne peut justifier qu’un contrat saisonnier puisse être prolongé par un avenant pour accroissement temporaire d’activité.

La requalification porte de ce chef sur l’impossibilité pour l’employeur de recourir aux CDD saisonniers, c’est à dire sur le motif du recours, de sorte que le point de départ de la prescription court à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat.

En l’espèce, la salariée qui a saisi le conseil de prud’hommes le 5 mai 2017, ayant agi dans le délai de deux ans ayant suivi le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée saisonnier, n’encourt pas la prescription. Son action est recevable.

Sur le fond :

Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Selon l’article L. 1242-2-3° du code du travail, les entreprises peuvent conclure des contrats à durée déterminée pour pouvoir des emplois à caractère saisonnier.

Le contrat saisonnier se distingue du contrat à durée déterminée d’usage en ce qu’il porte sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

S’il n’existait pas, antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, de définition légale du travail saisonnier, le règlement CEE n 1408/71 du 14 juin 1971 disposait que le travail saisonnier est un travail qui dépend du rythme des saisons et qui se répète automatiquement chaque année. De son côté, le ministère du travail estimait que les travaux saisonniers sont des ‘travaux normalement appelés à se répéter chaque année, à date à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs, et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations’ (circ. DRT n 90-18, 30 octobre 1990, BO trav. 1990, n 24). Une circulaire antérieure du 27 juin 1978 (JO 1er juillet 1978), considérait que la durée totale de la saison ne devait pas dépasser 8 mois. La chambre sociale de la Cour de cassation jugeait que pour être considérée comme saisonnière, l’activité devait varier en fonction du rythme des saisons et non en fonction de la seule volonté de l’employeur (Cass. soc., 4 mai 1993, pourvoi n 89-43.379).

La saisonnalité correspond à une activité prévisible régulière et cyclique, alors que l’accroissement temporaire d’activité a un caractère momentané et ponctuel. Dans ce dernier cas, l’employeur ne pourra par recourir à un contrat saisonnier mais à un contrat à durée déterminé conclu en application de l’article L. 1242-2-2° du code du travail pour ‘accroissement temporaire d’activité’.

Il incombe à l’employeur de démontrer le caractère saisonnier de l’emploi qu’il qualifie de tel.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les thermes n’étaient ouvertes au public que durant la période d’emploi de la salariée à compter de l’année 2011, la ‘saison’ coïncidant avec l’ouverture de l’établissement thermal. La salariée communique une capture d’écran du site internet de la société annonçant au public l’ouverture de l’établissement du 13 mars au 18 novembre 2017.

Certes, la convention collective nationale du thermalisme du 10 septembre 1999 (étendue par arrêté du 2 mars 2000, JORF, 11 mars 2000) précise, dans son préambule, que « compte tenu du caractère temporaire et cyclique de l’activité des établissements thermaux, à de rares exceptions près, les organisations patronales et syndicales s’accordent à reconnaître la spécificité saisonnière de l’activité thermale ». L’article III définit comme suit le contrat saisonnier : « les contrats saisonniers correspondent à l’exécution de travaux normalement appelés à se répéter à dates à peu près fixes, en fonction de cycles saisonniers et des contraintes inhérentes à l’activité thermale ; l’activité saisonnière pouvant fluctuer d’une année sur l’autre et ne recouvrant pas forcément la durée d’ouverture de l’établissement ».

Toutefois, le fait que la société qui exploite les thermes de [Localité 4], ait une activité de station thermale ne suffit pas à démontrer le caractère saisonnier de son activité, lequel ne saurait être établi par cette seule référence conventionnelle.

L’employeur à qui il incombe de justifier du motif du recours aux CDD ne critique pas utilement l’argumentation de la salariée selon laquelle la période d’ouverture des thermes, qui ne pouvait être considérée comme soumise à un mode de vie particulier de la clientèle, ne résultait que de la volonté de la société, alors même que l’activité thermale peut être pratiquée toute l’année.

Mme [Y], engagée en qualité d’agent thermale, était employée selon les années jusqu’à 8 (2012, 2016), voire 9 mois consécutifs (2013, 2014, 2015).

La salariée n’est pas contredite en ce qu’elle indique que les dates d’ouverture de l’établissement relevaient de la seule décision de l’employeur. Durant 6 ans, la salariée a donc été employée pendant toute la durée ou quasiment toute la durée de fonctionnement du centre thermal.

Il n’est pas justifié par l’employeur une variation d’activité liée à la saison et non en fonction des seules décisions prises par lui pour déterminer l’ouverture des thermes.

Par suite, faute pour l’employeur d’établir que l’emploi occupé par la salariée sur la période litigieuse était saisonnier, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de requalification de la relation de travail à compter du 11 avril 2011 en un contrat de travail à durée indéterminée.

Il sera alloué à ce titre à Mme [Y], compte tenu de son ancienneté et des circonstances de l’espèce telles qu’elles résultent des pièces produites et des débats, une indemnité de requalification de 1 500 euros.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

L’employeur a cessé de fournir du travail et de verser un salaire à Mme [Y] à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée, qui a été requalifié. Il a ainsi mis fin aux relations de travail le 30 octobre 2016, au seul motif de l’arrivée du terme d’un contrat improprement qualifié par lui de contrat de travail à durée déterminée et ce sans qu’un courrier de licenciement faisant état d’une cause réelle et sérieuse de rupture ne soit notifié à la salariée.

En effet, s’il ressort des pièces communiquées que les parties ont échangé sur une nouvelle embauche pour l’ouverture de l’établissement prévue en mars 2017, force est de constater que suite au refus opposé par la salariée de satisfaire la proposition formulée par l’employeur qu’elle suive une formation délivrée par le GRETA, la société ne lui a pas adressé de lettre de rupture motivée et ne lui a pas proposé de contrat de travail à durée déterminée à la réouverture de l’établissement pour l’année 2017, mais seulement le 14 avril 2017, proposition que la salariée a décliné en indiquant que ‘ses engagements’ ne lui permettait pas d’y donner suite.

Cette rupture est donc advenue à l’initiative de l’employeur et s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit de Mme [Y] au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Au jour de la rupture, Mme [Y], âgée de 47 ans bénéficiait, depuis le 1er contrat irrégulier requalifié, d’une ancienneté de 6 ans et 6 mois au sein de la société Les Thermes de [Localité 4] qui employait plus de dix salariés. Elle percevait un salaire mensuel brut de 1 500,02 euros bruts.

La salariée peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé. Compte tenu de son ancienneté et de son salaire, Mme [Y] est bien fondée à solliciter le paiement de la somme de 3 000 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 300 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Calculée sur la base d’une ancienneté au terme du préavis auquel elle avait droit, de 6 ans et 8 mois, du salaire de référence et conformément aux dispositions de l’article R 1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l’indemnité de licenciement sera fixée, dans les limites de la réclamation à la somme de 1 650 euros.

La salariée est également fondée en sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte injustifiée de son licenciement. Mme [Y] justifie s’être inscrite à Pôle-emploi en janvier 2017et d’avoir été indemnisée par pôle emploi jusqu’en août de cette même année et bénéficier de l’allocation de solidarité spécifique depuis octobre 2018, son père témoignant l’avoir aidé financièrement à plusieurs reprises.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l’âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 10 000 euros.

La salariée se voyant allouer une indemnité pour licenciement injustifié, compte tenu de son ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise employant plus de dix salariés, elle n’est pas fondée par application des dispositions de l’article L. 1235-2 du code du travail à solliciter le paiement d’une indemnité pour licenciement irrégulier. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires :

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, L. 3171-3 et L. 3171-4 du même code, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments, rappel fait que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [Y] verse aux débats le décompte détaillé des heures de travail qu’elle prétend avoir accompli quotidiennement au cours des mois de septembre et octobre 2016 (pièce n°12) et les bulletins de salaire correspondant desquels il ressort qu’aucune heure supplémentaire ne lui a été payée.

Alors que ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre de répondre, l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, se borne à affirmer que la salariée ne rapporte pas la preuve de l’accomplissement de ses heures supplémentaires en s’abstenant de produire ses propres éléments.

Le jugement sera, de ce chef, confirmé sur le principe mais réformé sur le montant et il sera alloué à la salariée 811,60 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 81,16 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il sera ordonné au représentant de la société liquidée de délivrer au salarié les documents de fin de contrat.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande de paiement d’une indemnité pour licenciement irrégulier et en ce qu’il a condamné la société Les Thermes de [Localité 4] à lui verser un rappel d’heures supplémentaires,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare Mme [Y] recevable en sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus.

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée saisonniers, conclus du 11 avril 2011 au 29 octobre 2016, en un contrat de travail à durée indéterminée,

Dit que la rupture de la relation contractuelle advenue au 29 octobre 2016 s’analyse et produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixe ainsi que suit la créance de Mme [Y] au passif de la société Les Thermes de [Localité 4] :

– 1 500 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 3 000 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 300 euros bruts au titre des congés payés afférents.

– 10 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 811,60 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 81,16 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

Déclare la présente décision opposable à l’ Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 11],

Ordonne à Maître [D], ès qualités, de délivrer à Mme [Y] un bulletin de paie de régularisation et l’attestation Pôle-emploi rectifiée conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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