Contrat à durée déterminée d’usage : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Limoges RG n° 23/00002

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Contrat à durée déterminée d’usage : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Limoges RG n° 23/00002

ARRET N° .

N° RG 23/00002 – N° Portalis DBV6-V-B7H-BIM4J

AFFAIRE :

M. [E] [Z]

C/

Association INTERMEDIAIRE COUP D’MAIN

GV/MS

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée à Me Anthony ZBORALA, Me Jean VALIERE-VIALEIX, le 18-01-24

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

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Le dix huit Janvier deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [E] [Z]

né le 09 Mai 1963 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean VALIERE-VIALEIX de la SELARL SELARL ELIGE LIMOGES – CABINET VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000080 du 18/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Limoges)

APPELANT d’une décision rendue le 13 DECEMBRE 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

Association INTERMEDIAIRE COUP D’MAIN, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anthony ZBORALA de la SELARL AZ AVOCAT, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 27 Novembre 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 18 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller, et d’elle même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

M. [E] [Z] a été engagé par l’association INTERMEDIAIRE COUP D’MAIN dans le cadre de différents contrats à durée déterminée à compter du 2 juin 2014 et jusqu’au 30 avril 2021.

==0==

Considérant que les tâches confiées n’étaient pas de nature temporaire si bien que ses contrats à durée déterminée devaient être requalifiés en un contrat à durée indéterminée, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de LIMOGES le 4 janvier 2022.

Par jugement du 13 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de LIMOGES a :

– dit et jugé que les demandes formulées par M. [Z] sont irrecevables et mal-fondées ;

– en conséquence, débouté M. [Z] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté l’association INTERMEDIAIRE COUP D’MAIN de sa demande reconventionnelle de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [Z] aux dépens.

M. [Z] a interjeté appel de ce jugement le 2 janvier 2023.

==0==

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 mars 2023, M. [E] [Z] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel ;

Statuant de nouveau,

– juger ses demandes recevables et bien fondées ;

– requalifier l’intégralité de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 2 juin 2014 ;

En conséquence,

– condamner l’association INTERMEDIAIRE COUP D’MAIN à lui verser les sommes de :

* 5 000 € d’indemnité de requalification ;

* 2 311 € brut d’indemnité de licenciement ;

* 2 706 € à titre de préavis ;

* 270, 60 € au titre de congés payés sur préavis ;

* 10 824 € net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (8 mois) ;

* 10 000 € net de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamner l’association INTERMEDIAIRE COUP D’MAIN à la somme de 1 500€ au titre des frais engagés en première instance, ainsi que 1 500 € pour la procédure d’appel en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

– ordonner la remise sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 10ème jour suivant le jugement à intervenir d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail rectifié, d’une attestation rectifiée destinée à Pôle emploi, d’un solde de tout compte conforme à la décision de la cour d’appel.

M. [Z] soutient que ses demandes, même dirigées contre l’association intermédiaire COUP D’MAIN, sont recevables, s’agissant de faire reconnaître l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée à l’égard d’une société utilisatrice.

Il fait valoir que l’association employeur n’a pas la qualité d’association intermédiaire. Dès lors, elle s’est rendu coupable de prêt de main d’oeuvre illicite et de marchandage.

L’association n’a pas assuré son suivi en vue de faciliter son insertion, exploitant au contraire sa précarité en multipliant les contrats sans aucun accompagnement spécifique, si bien qu’elle doit lui payer des dommages et intérêts.

Ses différents contrats doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée au regard des tâches effectuées qui n’étaient pas par nature temporaires, mais relevaient de l’activité normale et permanente de l’association employeur.

L’issue de la relation contractuelle doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le16 juin 2023, l’association INTERMÉDIAIRE COUP D’MAIN demande à la cour de :

– déclarer les prétentions nouvelles formulées par M. [Z] irrecevables ;

– déclarer les pièces visées selon le bordereau récapitulatif par M. [Z] irrecevables ;

– confirmer la décision dont appel ;

– condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.

L’association intermédiaire COUP D’MAIN soutient que les prétentions de M. [Z], nouvelles et non formulées au sein du dispositif de ses conclusions, sont irrecevables.

La demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est irrecevable en ce qu’elle aurait dû être présentée contre le ou les entreprises utilisatrices et non contre elle.

En tout état de cause, cette demande n’est pas fondée, un régime juridique spécifique étant appliqué aux associations intermédiaires leur permettant de recourir à des contrats à durée déterminée d’usage dans le cadre de l’insertion, comme c’est le cas en l’espèce, les missions étant par essence temporaires au regard de l’objectif de réinsertion poursuivi.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2023.

SUR CE,

– Sur la qualité d’association intermédiaire de l’association intermédiaire COUP D’MAIN

L’article L 5132-7 du code du travail dispose que ‘Les associations intermédiaires sont des associations conventionnées par l’Etat ayant pour objet l’embauche des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, en vue de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant à titre onéreux à disposition de personnes physiques ou de personnes morales.

Une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée minimale mentionnée à l’article L. 3123-6 peut être proposée aux salariés lorsque le parcours d’insertion le justifie.

L’association intermédiaire assure l’accueil des personnes ainsi que le suivi et l’accompagnement de ses salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d’une insertion professionnelle durable.

Une association intermédiaire ne peut mettre une personne à disposition d’employeurs ayant procédé à un licenciement économique sur un emploi équivalent ou de même qualification dans les six mois précédant cette mise à disposition’.

M. [Z] remet en cause la qualité d’association intermédiaire de l’association intermédiaire COUP D’MAIN pour ne pas avoir conclu de convention avec le préfet et de convention de coordination avec Pôle Emploi.

Pour autant, dans le dispositif de ses écritures, il ne tire pas les conséquences de ce défaut de qualité invoqué, c’est à dire la demande de constat de prêt de main d »uvre illicite et de marchandage au sens de l’article L 8211’1 du code du travail et l’application des sanctions prévues aux articles L 8231’1 et L 824 ‘1 du code du travail.

Ces demandes sont donc irrecevables en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

Au demeurant, l’association intermédiaire COUP D’MAIN produit les conventions tripartites triennales qui l’unissent à l’État représenté par le préfet de la région Limousin, préfet de la Haute-Vienne, et à Pôle Emploi.

Ce moyen n’est donc pas fondé.

– Sur la demande de requalification des contrats successifs en un contrat à durée indéterminée

– En premier lieu, M. [Z] ne démontre pas que l’association intermédiaire COUP D’MAIN n’aurait pas respecté son obligation de suivi et d’accompagnement à son égard, tel que cela est prévu à l’article L 5132’7 code du travail. À ce titre, il doit donc être débouté de toute demande de requalification des contrats en contrat de travail à durée indéterminée et de sa demande dommages et intérêts.

– En second lieu, concernant le recours à des contrats à durée déterminée dits d’usage,

l’article L 1242-1 du code du travail dispose que : ‘Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise’ ;

l’article L1242-2 du même code prévoit que : ‘Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° …

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur ;’

L’article D 1242-1 du même code que : ‘En application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :

1°…

12° Les activités d’insertion par l’activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l’article L. 5132-7 ;…’.

En conséquence, dans le secteur des activités d’insertion exercées par les associations intermédiaires, comme c’est le cas en l’espèce, il est d’usage de recourir à des contrats de travail à durée déterminée en raison de la nature de cette activité d’insertion et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Néanmoins, si les dispositions de l’article L. 5132-7 du code du travail permettent à des associations intermédiaires agréées d’engager des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières afin de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant à titre onéreux à la disposition d’un employeur ayant conclu avec l’Etat une convention, cette mise à disposition ne peut intervenir que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et non pour l’occupation d’un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice, le salarié pouvant, dans ce dernier cas, faire valoir auprès de cette entreprise les droits tirés d’un contrat à durée indéterminée (Cour de cassation Chambre sociale 2 mars 2011 n° 09-43.290)

Il s’évince de cette décision de la Cour de cassation que le salarié, mis à disposition par une association intermédiaire, qui estime avoir occupé un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice, peut faire valoir les droits tirés d’un contrat à durée indéterminée, mais seulement auprès de l’entreprise utilisatrice, ce que n’est pas l’association intermédiaire COUP D’MAIN.

En conséquence, M. [Z] est irrecevable à agir contre l’association intermédiaire COUP D’MAIN.

En tout état de cause, les contrats de travail l’unissant à l’association intermédiaire COUP D’MAIN que M. [Z] produit sont relatifs :

– d’une part, à l’année 2014 pendant laquelle les utilisateurs ont été extrêmement variés ainsi que les emplois (jardinage, man’uvre, manutentionnaire, homme toutes mains, maçon, déménageur, agent d’entretien…),

– d’autre part, au mois d’avril 2021, avec deux employeurs différents (Midi Immobilier et Nexity), comme agent d’entretien.

Au vu de ces contrats, M. [Z] n’a donc pas occupé des emplois relevant de l’activité normale et permanente des entreprises utilisatrices.

Si M. [Z] produit également des fiches de paye de janvier 2020 à avril 2021 en qualité d’agent d’entretien visant l’association intermédiaire COUP D’MAIN comme employeur, l’identité de l’entreprise utilisatrice n’est pas indiquée, si bien qu’il est impossible de dire si son activité relevait de l’activité normale et permanente de ou des entreprises utilisatrices.

Il en est de même concernant l’attestation de l’association intermédiaire COUP D’MAIN en date du 3 septembre 2021 indiquant qu’elle a mis à disposition M. [Z] en qualité d’agent d’entretien du 2 juin 2014 au 30 avril 2021.

En conséquence, il n’est pas établi que M. [Z] a occupé un emploi lié à l’activité normale et permanente d’une entreprise utilisatrice.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [Z] succombant à l’instance, il doit être condamné aux dépens.

Il est équitable de débouter l’association intermédiaire COUP D’MAIN de sa demande en paiement fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2022 par le conseil de prud’hommes de LIMOGES ;

DEBOUTE l’association intermédiaire COUP D’MAIN sa demande en paiement fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [E] [Z] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.

 


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